21 février 1687: Versailles

Vendredi 21 février 1687: Versailles

Le roi alla dîner à Marly et y coucha; Monsieur et Madame y étoient; madame la princesse de Conty y vint; outre les dames qui y vont d'ordinaire, il y avoit madame de Mortemart, la marquise de Bellefonds, madame d'Urfé et madame de Saint-Géran*.

* Madame la Princesse à Marly sans dame d'honneur, sa belle-fille et madame la princesse de Conty, fille du roi, ayant les leurs, mais par grâce, non de droit, et grâce à elles seules, madame de Langeron, étant à M. de Guise, mangea à table et entra dans les carrosses, et la même perdit l'un et l'autre étant à madame la Princesse.

Madame de Lussan, dont le mari étoit chevalier de l'ordre, ne put avoir ces honneurs par la même raison, et les avoit eus d'elle-même.

Non-seulement M. le Prince et M. le prince de Conty, son gendre, n'ont jamais mené à Marly que leurs valets, comme tout autre courtisan; mais M. le Duc, gendre du roi, n'y en a pu mener d'autres, tandis que MM. du Maine et de Toulouse y ont toujours mené l'un Chambonnas, son capitaine des gardes, l'autre Hautefort, son écuyer, sans compter Monchevreuil et d'O, qui avoient été leurs gouverneurs, et dont on menoit les femmes.

Bien plus, Monseigneur revenant un jour de la chasse de fort loin , son carrosse rompit; il n'avoit avec lui que M. le prince de Conty et Sainte-Maure.

Le carrosse de M. le Duc se trouva à portée qui l'attendoit, dans lequel étoient Saintrailles, son premier écuyer, et Sillery, qui l'étoit de M. le prince de Conty, tous deux gens considérés et le dernier cousin-germain de M. de la Rochefoucauld et frère de Puisieux, mort chevalier de l'ordre. Ils mirent tous deux pied ù terre, et quoique le carrosse fût aisément pour six, Monseigneur y monta avec M. le prince de Conty, Sainte-Maure, et les laissa sans leur rien dire, sinon qu'il étoit fâché de les laisser sur le chemin, et ils l'achevèrent jusqu'à Versailles, sur les chevaux dételés du carrosse de Monseigneur. Le soir, Monseigneur, fâché pourtant de l'aventure, la conta au roi, qui, d'un ton sec et décidé : « Je le crois bien, dit-il, faire monter avec vous des domestiques de prince du sang, ce seroit une belle chose, ou que même sans vous ils montassent dans votre carrosse! »