Il y a 200 ans. « Personne ne voulait être élu »
11 mars 2014 / Erwan Morice /
Selon l'historien B. Baron, la municipalité de Brest a mis du temps à s'imposer face aux autorités maritimes qui, au XVIIIe siècle, « prenaient les plus grandes décisions pour la ville »..
Bruno Baron, docteur en Histoire, s'intéresse aux élites et à la vie municipale de Brest au XVIIIe siècle. Auteur du livre « Élites, pouvoirs et vie municipale à Brest, 1750-1820 », il analyse les élections d'aujourd'hui, à la lumière du passé.
Vous retracez l'histoire de la vie municipale à Brest, de 1750 à 1820. Quels changements fondamentaux avez-vous constaté en la comparant à celle d'aujourd'hui ?
Il y a 200 ans, personne ne voulait la place du maire. Pendant les périodes électorales, au XVIIIe siècle, les élites se battaient pour ne pas êtres élues à la municipalité. Aujourd'hui, c'est plutôt le contraire, il y a même de la concurrence. Il faut dire que, pendant longtemps, le maire avait très peu d'autorité et devait avancer lui-même tous les frais municipaux. Certains élus n'assistaient pas aux réunions. D'autres allaient même jusqu'à déménager, pour échapper à leurs responsabilités. Conséquence : cela entraînait un vrai problème de représentativité. Ce n'est tout de même plus le cas en 2014.
À quoi ressemblait une campagne électorale au XVIIIe siècle ?
La première campagne municipale brestoise dont j'ai retrouvée la trace remonte à 1789. Elle consistait surtout à dénigrer les candidats adverses. Avant cette élection, il est peu probable que de vraies campagnes électorales aient eu lieu, puisque personne ne voulait être élu ! Aujourd'hui, les programmes des candidats sont quasi-systématiques, même si les différentes listes ne les mettent pas toujours au centre de leur projet. Certains candidats, en 2014, n'ont d'ailleurs pas encore présenté leur programme.
Pourquoi la municipalité de Brest a-t-elle longtemps été relayée au second plan, derrière les ordonnateurs des décisions royales ?
Brest est une ville portuaire, où l'aspect maritime a dominé les décisions politiques. Le Commandant de la ville, l'intendant qui représentait le pouvoir central dans les provinces, les officiers de Marine et le préfet maritime ont, à tour de rôle, été des personnages d'influence, détenteurs des postes clés. Face à cela, la municipalité n'avait plus beaucoup de responsabilités
. Elle était la dernière institution à pouvoir prétendre à l'excercice du pouvoir dans la ville.
Au cours du XVIIIe siècle, la municipalité a été l'affaire de la noblesse, des notables et de la bourgeoisie. Qui sont ceux qui y exercent une fonction aujourd'hui ?
Si j'étais un démocrate convaincu, je dirais que le pouvoir municipal appartient aux électeurs... Même si ce n'est pas toujours vrai, on remarque, malgré tout, que le conseil municipal est plus représentatif aujourd'hui qu'au XVIIIe siècle. Les élus y sont beaucoup plus présents. Quand on observe les listes des candidats, on se rend compte que la notion de bourgeoisie a disparu. Selon moi, ni Cuillandre, ni Prunier ni Malgorn ne sont des notables. Ce sont plutôt des édiles. C'en est fini de l'époque où on ne trouvait que des médecins et des avocats sur les listes. Au contraire, la bourgeoisie brestoise d'aujourd'hui a plutôt tendance à se désintéresser de la politique.
Pratique
« Élites, pouvoirs et vie municipale à Brest, 1750-1820 », de Bruno Baron, aux Presses académiques francophones (PAF). Prix: 84,90 €.
http://www.letelegramme.fr/finistere/brest/il-y-a-200-ans-personne-ne-voulait-etre-elu-11-03-2014-10072538.php
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rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer