La grande attaque de Valenciennes sous le commandement du duc d'York
Dumouriez vient à peine de quitter la scène que les alliés réunis à Anvers, en avril 1793, projettent de conquérir, dans le courant de l'année, les points stratégiques du nord de la France
Afin de pouvoir entreprendre, dès 1794, la conquête de la capitale française, ils feront des places fortes de Condé, Valenciennes, Le Quesnoy et Maubeuge, leurs cibles privilégiées
Curieusement, Lille ne sera pas au nombre des places convoitées
La citadelle est solide, la ville bien pourvue de remparts, et l'héroïque résistance de la population lilloise, lors du siège d'octobre 1792, n'incite pas les alliés à renouveler l'expérience
Et pourtant, comme le déclare notre illustre inconnu de la relation allemande: "La base de notre opération future aurait été affermie et, suite à la chute de Lille, malgré l'étendue de la ligne autrichienne, la communication avec l'Angleterre n'était exposée à aucun danger moyennant le port d'Ostende"
Le Printemps de 1793 est effroyable pour les armées républicaines
Écrasés en Belgique, repoussés sur le Rhin, Dampierre, le remplaçant de Dumouriez et Houchard, laissent la France en grand péril d'invasion
Inférieures en nombre, démunies de tout, avec des fantassins en guenilles et des cavaliers partageant leur maigre pitance avec leurs chevaux, parfois commandées par des généraux médiocres comme Custine et de Beauharnais, les troupes françaises partent à la dérive
pour comble de malheur, à la même époque, éclate la fureur des paysans vendéens qui se battent comme des enragés
Le 28 juillet, après un siège de plus de quarante jours au cours duquel s'abattent sur Valenciennes plus de 100 000 boulets, la ville succombe avec les honneurs de la guerre
Condé, qui a subi le même sort quelques jours auparavant, a perdu la moitié de sa garnison dans la bataille
Au lieu de rester ensemble pour attaquer Lille, plutôt que de profiter de la chute de Valenciennes, qui leur ouvrait la porte de Paris, pour lancer une attaque conjointe sur la capitale qui aurait sans nul doute balayé les dernières forces françaises, le duc d'York et le prince de Saxe-Cobourg se séparent pour investir, l'un Dunkerque, l'autre Maubeuge
La bévue des alliés
LA relation allemande fait allusion, à plusieurs reprises, à ce qu'elle considère comme la monstrueuse erreur, génératrice des futurs revers militaires des alliés: "Il est facile de démontrer que l'expédition malheureuse contre Dunkerque en automne 93 fut le premier motif de la suite funeste de la campagne de 1794, et conséquemment, de la perte du Brabant et de la Flandre; car, suite à la prise de Valenciennes, Condé et Le Quesnoy, le bon sens exigeait qu'avec une armée aussi considérable on se rendit maître par les deux flancs tant à Lille que de Maubeuge pour y établir au moins un point d'appui"
On remarquera au passage que l'auteur allemand de cette relation se cantonne à critiquer sévèrement l'expédition militaire sur Dunkerque, omettant intentionnellement d'évoquer l'échec de l'offensive autrichienne sur Maubeuge
Il formule même, toujours dans le même chapitre, deux accusations directes à l'égard de l'Angleterre et, par voie de conséquence, à l'encontre de son représentant aux armées, le duc d'York: " Puisque l'Angleterre a été jalouse des conquêtes précaires faites par les Autrichiens", et d'ajouter un peu plus loin: " Bref, on entreprit la malheureuse expédition de Dunkerque malgré les protestions solides du duc de Cobourg"
Compte tenu des circonstances qui leur étaient particulièrement favorables, on se perd en conjonctures sur les mobiles qui ont déterminé ces deux rusés guerriers à commettre une faute de cette envergure
Ont-ils voulu, envers et contre tout, respecter une clause secrète du plan initialement arrêté ?
La jalousie ou des intérêts divergents avaient-ils jeté la discorde entre eux ?
Toujours est-il qu'une telle manœuvre, dont les répercussions se révèleront déterminantes sur la suite des évènements, ne pouvait s'accomplir sans avoir reçu l'aval de l'empereur d'Autriche et du roi d'Angleterre, piètres stratèges en l’occurrence
Mais l'empereur d'Autriche ne convoitait-il pas la Flandre et le roi d'Angleterre ne guignait-il pas Dunkerque?
Toujours est-il que Valenciennes prise, le duc d'York, emmenant avec lui 50 000 hommes, met le siège, le 20 août, devant Dunkerque