Depuis l'arrivée de la dépouille du roi en septembre, des messes ont été célébrées à Saint-Denis
Le corps du Roi fut placé dans un immense Catafalque garni de cierges ardents, pourvu aux angles de figures allégoriques, et à sa base de statues colossales symbolisant les vertus du Prince décédé.
Une draperie noire, semée de fleurs de lys, de larmes et de cartouches d'argent brodé, garnissait l'ensemble.
La famille royale et toute la Cour étaient présentes, les Gardes Suisses disposés dans le Chœur et les Gardes du Corps du Roi entourant le catafalque.
La Musique de la Chapelle Royale et celle de la Chambre du Roi étaient elles aussi présentes au grand complet, sous la direction de leur Maître Michel-Richard Delalande, en service auprès de Louis XIV depuis 32 ans.
Apres cette cérémonie fastueuse, deux autres eurent lieu "en représentation" (sans le corps réel donc) à la Sainte Chapelle puis à Notre Dame de Paris, réutilisant les mêmes décors de Berain, là encore avec une assistance considérable et un grand déploiement musical.
Raphaël Pichon a choisi de restituer les parties musicales de l'ensemble de ce cycle funéraire, en jouant tout d'abord la Musique de la Chapelle Ardente de Louis XIV, puis en évoquant celle de son Convoi Funèbre; ensuite vient l'Office des Morts tel qu'il fut donné par la Musique du Roi, avec le grandiose
De Profundis de Delalande, suivi de l'Absoute et de la Mise au Caveau pour lesquelles résonnent
Plain Chant et
Faux Bourdon; enfin l'orchestre entonne "
Le Roi est Mort; Vive le Roi!".
Le Service Funèbre et Bout de l'An terminent en splendeur le concert par le
Dies Irae de Delalande.
Mobilisant des effectifs considérables pour interpréter ces musiques oubliées, Raphaël Pichon emporte son Ensemble Pygmalion vers l'un des sommets du répertoire sacré, en ménageant des effets spatiaux dans la Chapelle Royale de Versailles, lieu à la force plus que jamais symbolique.
PROGRAMMEA la chapelle ardenteJean Colin –
Miserere, faux-bourdon à 6 voix
Convoi funèbreAndré Danican Philidor -
Tambour & Marche funèbre pour le Convoi du RoyOffice des mortsMichel-Richard de Lalande -
De Profundis, Grand Motet
Absoute & Mise au caveauPlain Chant et Faux Bourdon
Jean Colin -
Pie Jesu, faux-bourdon à 6 voix
Fanfare "Le Roy est mort ! Vive le Roy !"Service funèbre & Bout de l'anMichel-Richard de Lalande -
Dies Irae, Grand Motet
De Paris, la Gazette du 26 octobre écrit...
"Le service solennel pour le repos de l'âme du feu Roy, fut célébré dans l'église de l'Abbaye de Saint-Denis.
Le Corps qui estoit demeuré en depost depuis le jour du transport, estoit sur un magnifique catafalque (sic), sous un grand pavillon, au milieu d'une Chapelle ardente, esclairée d'un grand nombre de cierges
Le tour du Chœur estoit orné de cartouches, qui representoient les principales actions et les vertus du Prince défunt
Le Cardinal de Rohan , Armond gaston Maximilien de Rohan Soubise, Grand Ausmonier de France, s'y estant rendu le soir du jour precedent, avoit assisté aux Vespres des morts chantées par la Musique du Roy et par les Aides, la Cour des Monoyes, le Chastelet, l'Election, le Corps de Ville et l'Université s'y estoient rendus, suivant l'invitation qui leur avoit esté faite
Monsieur le Duc d'Orléans, premier prince du deuil, ayant pris sa place, ensuite le Duc de Bourbon (Louis Henri de Bourbon) et le Comte de Charolois (Charles de Bourbon), la Messe fut célébrée par le Cardinal de Rohan
A l'Offertoire, Monsieur le Duc d'Orléans conduit par le Marquis de Dreux (Thomas de Dreux de Brézé), Grand Maistre des Ceremonies, alla à l'offrande, après les saluts ordinaires de l'Autel, du Corps du feu Roy, des princes, du Clergé, des ministres Estrangers et des Compagnies
Ensuite le Duc de bourbon, puis le Comte de Charolois, y furent conduits
Après l'Offertoire, l'Esveques de Castres, Honoré de Quiqueran de Beaujeu prononça l'Oraison funèbre
(Oraison funèbre de Très Haut, Très puissant et Très Excellent Prince Louis XIV, Roy de France et de Navarre (...)Lorsque la Messe fut finie, le Cardinal de Rohan et ensuite les Esveques d'Auxerre (Charles Daniel Gabriel de Tubières de Grimoard de Pestels de Lévis de Caylus), de Seez (Dominique Barnabé Turgot de Saint- Clair)), d'Angers (Michel Poncet de La Rivière) et de Beauvais (François Honoré Antoine de Beauvilliers de Saint-Aignan), firent les encensements autour du Corps, après lesquels les Gardes du Corps habillez de deuil, le chaperon en forme, le transportèrent au caveau, après qu'on eust osté de dessus le cercueil les honneurs qui furent presentez aux Ducs qui devoient les porter
(Les honneurs est un nom qu'on donne aux principales pièces qui servent aux grandes cérémonies, aux sacres des rois et des prélats, aux baptêmes, etc, comme le cresmeau, les cierges, le pain, le vin, etc (...) Dans les obsèques, on présentoit autrefois les honneurs, c'est-à-dire l'escu, le timbre, l'espée, les gantelets, les esperons dorez, le pennon, la bannière, le cheval, etc)Les quatre coins du Poële estoient tenus par le sieur Jean Antoine de Mesmes Premier Président du Parlement, par le sieur de Novion, André Potier, le sieur de Menars, Jean Jacques Charron et le sieur Étienne d'Aligre, Présidents à Mortier
Le Roy d'Armes approcha du caveau, où après que le Corps eust esté descendu, il jeta sa Cotte d'armes et son Chaperon, puis il appela ceux qui devoient porter les pièces d'honneur
Le Marquis de Courtenvau (Michel François Le Tellier de Louvois) apporta l'Enseigne des Cent-Suisses de la Garde, dont il est capitaine
Le Duc de Charost (Armand de Béthune), le Duc de Villeroy (François de Neufville), le sieur de Ballivière (François Le Cornu), Lieutenant de la Compagnie du Mareschal Henri de Harcourt de Beuvron en son absence, apportèrent les Enseignes de leurs Compagnies et le Duc Adrien Maurice de Noailles, Capitaine de la Compagnie des Gardes Ecossoises, apporta celle de la sienne
Quatre Escuyers du Roy portèrent les Esperons, les Gantelets, l'Escu et la Cotte d'armes
Le sieur du Saussoy, Isaac Courtin, en l'absence du Marquis Jacques Louis Ier de Beringhen d'Armainvilliers, Premier Escuyer, apporta le Heaume timbré à la Royale
Le sieur de la Chesnaye (Jean Baptiste Nicolas Desmé), Premier Trenchant, apporta le pannon (sic) du Roy
(Le pennon est un estandart à longue queue)Le Grand Escuyer de France, Charles de Lorraine, comte d'Armagnac, apporta l'Espée Royale
Le Duc d'Albret (ou de Bouillon, Emmanuel Théodose de La Tour), Grand Chambellan, apporta la Bannière de France
Le Duc de Brissac (Charles Timoléon Louis de Cossé) apporta la main de Justice
Le Duc de Luynes (Charles Philippe d'Albert) apporta le Sceptre et le Duc d'Uzès (Jean Charles de Crussol) la Couronne Royale
Toutes les pièces d'honneur furent postées (sic) sur le cercueil
puis le Duc Charles Louis Bretagne de la Trémoille faisant la fonction de Grand Maistre de France, mit son baston dans le caveau et les Maistres d'Hostel rompirent les leurs
Ensuite le Duc de la Tremoille cria le Roy est mort et le Roy d'arme répéta par trois fois
"le Roy est mort, prions tous Dieu pour le repos de son âme"on fit ensuite une prière
Enfin le Roy d'Armes cria trois fois
"Vive le Roy Louis XV", ce qui fut suivi des acclamations de toute l'Assemblée et les trompettes sonnèrent dans la Nef
Les Princes, le Clergé, les Ducs, les Officiers, les Compagnies, les Ministres Estrangers, furent ensuite traitez magnifiquement en diverses salle de l'Abbaye