La Convention cède la place au Directoire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Directoire
Le 26 octobre 1795, la Convention cède la place au Directoire. Par ce changement de régime, les conventionnels modérés, ou Thermidoriens, qui ont renversé Robespierre le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) veulent signifier la fin de la Terreur et de la Révolution.
Ils décrètent une amnistie générale, abolissent toutes les poursuites judiciaires « portant sur des faits purement relatifs à la Révolution » et élargissent les détenus politiques à l'exclusion de ceux qui ont participé à l'insurrection royaliste de Vendémiaire, trois semaines plus tôt.
Symboliquement, la place de la Révolution, ci-devant place Louis XV, change son nom pour celui de place de la Concorde.
C'est encore le nom que porte ce haut lieu de Paris où fut installée la guillotine sous la Terreur.
Gabriel Vital-Durand
Une nouvelle Constitution
Les députés votent la Constitution du 5 Fructidor de l'an III (22 août 1795) qui sépare très strictement les pouvoirs législatif (la confection des lois) et exécutif (l'exécution des lois et le gouvernement du pays)
– Le pouvoir législatif:
Il est confié à un Corps législatif constitué de deux assemblées: le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens, au nombre de 250, ainsi nommés parce qu'ils doivent avoir plus de 40 ans.
Les Cinq-Cents doivent se contenter de faire des propositions de lois.
Les Anciens votent sur ces propositions pour les transformer en lois.
Les deux assemblées sont destinées à se neutraliser l'une l'autre et à éviter le retour de la dictature comme à l'époque de la Convention montagnarde.
Elles sont renouvelables par tiers tous les ans.
– Le pouvoir exécutif:
Il est confié à un Directoire de cinq membres âgés d'au moins 40 ans.
Chaque année, l'un d'eux est changé par tirage au sort !
Les Directeurs sont désignés par les Anciens sur une liste de dix candidats proposés par les Cinq-Cents.
Ils n'ont aucun pouvoir sur les assemblées.
Les premiers Directeurs sont Paul Barras, Jean-François Reubell, Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux, Lazare Carnot et Étienne-François Le Tourneur (les trois premiers assument la réalité du pouvoir; Barras seul conservera sa fonction pendant toute la durée du régime)
Des électeurs sous contrôle
Le mode d'élection du Corps législatif ne relève que de très loin des règles démocratiques usuelles :
À la base, dans les cantons, les hommes de plus de 21 ans qui paient un impôt élisent un électeur pour 200 citoyens.
Ces électeurs doivent avoir 25 ans et justifier d'un revenu conséquent.
C'est à eux qu'il appartient de désigner:
- les futurs membres des assemblées ainsi que les juges des tribunaux civils.
- le Président du Tribunal criminel et les membres du Tribunal de Cassation.
- les membres des administrations départementales.
Pour se garantir contre les colères de la population parisienne, les Thermidoriens enlèvent à la capitale son maire unique et le remplacent par un conseil de cinq membres.
Ils divisent qui plus est le territoire parisien en huit municipalités, ancêtres des futurs arrondissements.
Enfin, les Thermidoriens, soucieux de préserver leurs acquis et de se prémunir contre l'émergence d'une majorité de députés royalistes, décident par un décret complémentaire que les 2/3 des futurs députés devront être choisis parmi les anciens conventionnels !
Ces dispositions très peu démocratiques sont destinées à établir le pouvoir sans partage des parvenus issus des troubles révolutionnaires.
Elles valent au futur régime l'opposition résolue des royalistes et des Jacobins.
Incroyables et Merveilleuses
La fin de la Terreur se traduit dans les moeurs par une réaction exubérante aux excès de la Révolution: la jeunesse bourgeoise se pavane dans des tenues excentriques et particulièrement déshabillées en ce qui concerne les femmes !
les boulevards parisiens, on voit ainsi se pavaner ceux qui se qualifient d'« incroyables » et de « merveilleuses »
Le café des Incroyables, 1797
(musée Carnavalet)Une œuvre colossaleDans les cinq années qui séparent la chute de Robespierre du coup d'État de Napoléon Bonaparte, les Thermidoriens de la Convention et du Directoire accomplissent une œuvre colossale à l'intérieur.
Dominique-Vincent Ramel
dit « Ramel de Nogaret » ou « Ramel-Nogaret »
Ministre des Finances
14 janvier 1796 - 20 juillet 1799
L'argent ne rentrant plus dans les caisses de l'État et les assignats étant à bout de souffle, le ministre des Finances Ramel de Nogaret décrète la « banqueroute des deux tiers » le 30 septembre 1797 puis instaure un nouvel impôt qui a l'avantage d'être aisé à établir: l'impôt sur les portes et les fenêtres (il durera jusqu'en 1926)
Malgré les désordres civils (misère effroyable, inégalités abyssales, monnaie-papier sans valeur, administration démunie, regain de criminalité...) ainsi que les faiblesses inhérentes à sa Constitution et à l'extrême vénalité de ses représentants, le Directoire trouve moyen de:
– réformer la société : égalité devant la loi, suffrage universel, liberté de la presse, de croyance et de pensée, suppression des corporations, abolition de l'esclavage, droit au divorce,
– réformer le gouvernement : suppression des droits féodaux, séparation des pouvoirs, de l'Église et de l'État,
– réformer l'éducation : école publique, Écoles Normale Supérieure et Polytechnique,
– et même fonder un nouveau système d'unités de mesure.
Le Directoire envoie par ailleurs une délégation en Inde, auprès du sultan de Mysore, ennemi des Anglais, et des corps expéditionnaires en Irlande (Hoche, Humbert) et en Égypte !
Le régime va néanmoins très vite sombrer, victime de l'impopularité, d'une part en raison des désordres civils et d'une crise économique qui frappe l'ensemble de l'Europe et la France plus que tout, d'autre part en raison de son incapacité à faire face à une deuxième coalition militaire contre la France.
Les défis extérieurs du Directoire
Depuis la formation en 1793 d'une première coalition européenne, la France révolutionnaire avait dû lutter contre l'ensemble des monarchies alliées sous la bannière du Royaume-Uni, de l'Autriche et de la Russie.
D'une part l'idéologie véhiculée par les gouvernements républicains paraît dangereusement subversive aux souverains étrangers, d'autre part les ambitions territoriales de la France sont inacceptables pour les autres puissances d'Europe.
Sous le régime antérieur de la Convention, les ressources rassemblées par Lazare Carnot, l'« organisateur de la victoire », combinées à l'enthousiasme des volontaires de l'an II, avaient permis des succès militaires impressionnants.
La République française avait accédé ainsi à ses «frontières naturelles» sur les Alpes et le Rhin par absorption de la Savoie, les Pays-Bas espagnols (la Belgique) et la Rhénanie. Désireuse de conserver les gains territoriaux de la Révolution, la Convention avait voté l'annexion de la Belgique avant de se séparer. Cette mesure avait été aussitôt ressentie comme une provocation par les Anglais.
Le Directoire détache l'Autriche de son alliance avec l'Angleterre en lui imposant en octobre 1797 le traité de Campoformio. Il met fin à la première coalition et tente de consolider les conquêtes de la Révolution en établissant un glacis de républiques-soeurs dans tous les azimuts (Batave, Cispadane et Transpadane puis Cisalpine, Cisrhénane, bientôt Romaine, Parthénopéenne et Helvétique...).
Mais ces succès liguent à nouveau contre la France un nombre considérable d'ennemis intérieurs et extérieurs.
Plus grave encore, l'incroyable expédition d'Égypte entreprise au printemps 1798 éloigne des forces précieuses et les meilleurs généraux de la République, mais surtout, elle indispose deux nouvelles puissances majeures que la France n'avait jamais eu à combattre : la Sublime Porte (l'empire turc) et l'empire du nouveau tsar Paul Ier.
La diplomatie et les subsides britanniques (la «cavalerie de Saint-Georges») aboutissent début 1798 à une deuxième coalition. Celle-ci réunit l'Empire ottoman, ceux d'Autriche et de Russie, les royaumes de Bavière, des Deux Siciles, du Portugal, de Suède et les États Pontificaux, mais elle consacre la défection des royaumes d'Espagne, de Hanovre, de Saxe et de Prusse.
C'est ainsi que la première République Française se trouve confrontée à la guerre étrangère sur tous les fronts, à l'émigration des cadres aristocratiques, à la révolte intérieure (Bretagne, Vendée, Midi, Corse) et extérieure (rébellion à Saint-Domingue) et à la faillite économique.