Le Boudoir de Marie-Antoinette

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 La Révolution française et les Pays Tchèques

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Sido Scorpion
Chou d'amour
madame antoine
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madame antoine

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MessageSujet: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeJeu 15 Oct - 6:39

Voici une interview de l’historienne Daniela Tinková, spécialiste de la Révolution française, sur les antennes de Radio-Prague.

http://m.radio.cz/fr/rubrique/histoire/revolution-francaise-et-pays-tcheques-i?set_default_version=1

Dans l'idée que l'écoute ne restera peut-être pas longtemps disponible, je me permets de reprendre pour le Boudoir la version écrite.

Comment est perçu en pays tchèques le mouvement des Lumières européen et en particulier celui qui se développe en France autour de personnalités comme Voltaire, Diderot, Montesquieu, etc… ?

« Je veux justement dire d’abord que les Lumières, ce n’est pas seulement la France. Il me semble que, ici, ce qui était beaucoup lu, ce qui était beaucoup plus apprécié, c’était des courants venus d’Angleterre et notamment d’Allemagne : le courant kantien, qui était plus religieux et qui était plus proche de la mentalité et de la façon de penser de ces pays austro-tchèques, et le courant incarné par Christian Wolff ou Christian Thomasius qui était plutôt dans la ligne de la pensée du droit naturel. C’est une autre manière de penser les Lumières. Les Lumières françaises étaient un peu vues comme un extrême. Je crois que l’auteur qui était le plus apprécié, c’était Montesquieu. Voltaire et Rousseau, cela faisait plutôt partie d’un côté assez snob de la haute aristocratie mais qui était plutôt à la marge de l’acceptation des idées venues de la France. Quelqu’un qui était aussi beaucoup lu, c’était l’abbé Raynal, qui maintenant est plus ou moins oublié. »


Comment ces écrivains français parvenaient jusqu’en Bohême, jusqu’en Autriche ? Quels étaient les canaux de diffusion des idées à cette époque ?

« C’est très vaste. Premièrement il y avait une censure qui interdisait plus ou moins la pénétration des idées françaises. Ensuite bien sûr, la censure ne fonctionne jamais très bien, ce n’était pas un Etat totalitaire. Donc il y avait toujours des canaux, notamment via les aristocrates. Les aristocrates n’étaient jamais contrôlés aux frontières. La pénétration des livres en français était possible. Il y avait aussi des traductions. On connaissait aussi des critiques, il y avait des revues de critiques, des comptes-rendus. Au moins, on connaissait des réactions critiques, on pouvait avoir des contacts avec la pensée française à partir de ces critiques. »


Quels sont alors les intellectuels tchèques dans les pays tchèques ? Quelles idées développent-ils ?

« Le premier milieu qui accepte les Lumières françaises, c’est la haute aristocratie. Nous n’avons que des aperçus, il n’y a pas encore suffisamment de recherches faites sur le sujet. Il y a des correspondances qui témoignent du fait qu’il y a des aristocrates éclairés de Bohême et de Moravie qui lisent les Français. Il y a un groupe en Moravie qui lisait Helvétius (un philosophe français, ndlr), qui lisait ce courant « matérialiste », ce qui est très intéressant, qui lisait les idéologues, qu’on peut tout de même considérer comme des extrêmes. Je dirais que les auteurs les plus lus étaient les physiocrates (un mouvement précurseur de l’économie né en France et qui insiste sur l’importance de l’agriculture, ndlr).

La Révolution française et les Pays Tchèques Helvet10
Claude-Adrien Helvétius

L’autre milieu qui lisait, qui connaissait les auteurs français, mais aussi les autres auteurs des Lumières, c’était des fonctionnaires d’Etat. Il est très important de dire qu’ici les Lumières sont étroitement liées à l’Etat. Les pays autrichiens étaient des pays de réforme à partir des années 1740. Les Lumières s’y confondent avec l’appareil d’Etat. »


Quelle est l’atmosphère dans les années 1780, à la fin du XVIIIe siècle, en Autriche, et en particulier en Bohême ?

« Il est important de souligner le fait que c’est un pays de réforme. Beaucoup de réformes réalisées en France par la Révolution avaient déjà été faites ici : la réforme de l’administration, des finances, du commerce, l’unification du marché, l’alphabétisation de la population avec la scolarité obligatoire à partir de 1774. Cela a été fait à la Révolution en France. Il y a eu des réformes ecclésiastiques assez importantes, assez profondes, assez radicales sous Joseph II. Il y a eu aussi des réformes au niveau de la paysannerie avec l’abolition du servage. Joseph II préparait aussi une grande réforme qui prévoyait plus ou moins l’abolition du système féodal, seigneurial. On a donc anticipé beaucoup des problèmes rencontrés en France à la fin des années 1780. Il n’y avait pas vraiment d’inquiétude sociale. Ces réformes ont plus ou moins apaisé le pays, les manifestations de mécontentement des paysans. Dans les années 1780, durant le règne de Joseph II, c’était une époque d’ouverture du marché de l’information. Il y a eu l’abolition de la censure. Il y avait une pénétration d’idées, de livres, de journaux, un phénomène impensable avant ce moment. La Révolution arrive donc à un moment où ce pays était relativement bien géré, où il n’y avait pas de mécontentement, qui regardait la France tout au contraire comme un pays qui est mal géré.

Il est également important de le souligner et les Français ne le savent pas. La France était pourtant à l’époque alliée de l’Autriche. Ce n’était pas normal au regard de l’histoire. C’est une exception avant la Révolution. Il s’agissait de deux alliés. Le mariage de Louis XVI et Marie-Antoinette est un résultat de cette alliance. Mais la France était vraiment regardée comme un pays très mal géré, un pays des extrêmes, avec une extrême pauvreté et un luxe extrême. Voltaire et les autres étaient regardés en partie comme des produits du mécontentement qu’un tel pays produit inévitablement. L’éclat de la Révolution française a pu être perçu comme une réponse attendue aux problèmes qui attendaient la France. C’est un pays qui a échoué à faire des réformes qui avaient été réalisées en Autriche.

La Révolution française et les Pays Tchèques Josef_10
Joseph II

Donc, quand éclate la Révolution, la convocation des Etats généraux a été ici « saluée », en quelques sortes. Le serment du Jeu de Paume a été très bien vu par la haute aristocratie et par les nobles éclairés de Bohême, mais pas comme un idéal pour eux, mais comme une solution pour la France. »


Dans cette première phase révolutionnaire, il y a l’abolition des privilèges le 4 août 1789, puis la confiscation des biens du clergé... Ces choses-là n’inquiètent pas en Autriche ?

« Non, parce que la confiscation des biens du clergé, nous l’avons aussi eue ici. Cela a été plus ou moins accepté. L’abolition des privilèges, la réaction est différente en fonction des milieux. Il y avait aussi des aristocrates perdus, des jeunes frères de famille, qui acceptaient bien ce qui se passait en France alors que pour la haute aristocratie, cela constituait une menace. Mais pourtant, cela aussi, c’était un événement attendu. Même Joseph II voulait plus ou moins écarter l’aristocratie et la haute aristocratie et limiter les privilèges. Il y avait cette volonté venue de l’Etat de faire une chose assez similaire. »


En avril 1792, il y a la déclaration de guerre de la France au roi de Bohême et de Hongrie. Comment réagit-on en Autriche et plus particulièrement en Bohême ?

« Cela dépend de qui on parle, c’est très difficile à dire. Il faut dire aussi qu’après 1789, on commence à censurer les informations, c’est la première phase. Et après 1793, il y a vraiment une grande propagande d’Etat qui commence. Ce sont deux phases de la réaction de l’Etat face à la Révolution française et qui permettent un tri des informations qui viennent de la France. On imagine que les gens se font une idée à partir des informations dont ils disposent.

Il faut dire également qu’à partir de 1789, ce qui fait très peur ici, c’est la violence qui est présente dans la Révolution française et qui dégoûte beaucoup d’hommes éclairés. Ils se disent que la Révolution est une trahison des Lumières. Cette impression de trahison se poursuit durant toute la Révolution française. J’ai l’impression que la plupart des gens des Lumières ici sont plus ou moins déçus par ce qui se passe en France, pas parce qu’ils sont contre les Lumières ou qu’ils ne seraient pas progressistes mais parce que cela va trop loin. Les gens ne seraient pas prêts pour les grands principes. On voit ce que les gens en font. La Révolution aurait un peu discrédité les Lumières. Ici il y avait une grande réaction parce que Joseph II est mort, Léopold II est mort. Les grands réformateurs sont morts et il y a maintenant François II, un grand conservateur, qui veut arrêter les réformes faites par son oncle et par son père. Cela aussi, ça fait une mauvaise impression de la Révolution. C’est à cause d’elle que les réformes salutaires ont cessé. Il y a la censure, l’interdiction de se rassembler, la vie sociale est perturbée. L’Autriche devient vraiment un Etat policier, on le reproche à la France et en plus il y a la guerre. »


madame antoine

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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeJeu 15 Oct - 9:14

Merci madame antoine de nous partager cette interview! Very Happy

Elle est très instructive car la Révolution française vue par l'étranger et qui plus est un pays ennemi nous est moins connue Very Happy
Je peux donc comprendre les réticences autrichiennes devant les évolutions de cette Révolution La Révolution française et les Pays Tchèques 244157

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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeVen 23 Oct - 7:57

Voici le deuxième volet de cette intéressante interview.

Révolution française et pays tchèques (II)

Dans la première partie de l’entretien que l’historienne Daniela Tinková a accordé à Radio Prague, il a largement été question de la diffusion des idées des Lumières européennes et française en pays tchèques, alors dominés par les Habsbourg. Avec la Révolution française, l’Autriche, où un mouvement de réformes avait été amorcé, connaît une réaction conservatrice sous la houlette de François II. Quels pouvaient être les sentiments des populations tchèques à l’égard des révolutionnaires français ? C’est l’un des enjeux développés dans la suite de cette discussion.

« Il y avait une surveillance constante de la population. On dispose des registres de police qui suivent plus ou moins la population. On y voit qu’il y avait des manifestations de résistance et qu’il y avait des sympathies envers la France et même envers les troupes françaises qui approchent de la frontière. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Quand il y a une enquête policière, on peut présumer que la police veut donner aux gens certaines intentions qu’ils n’ont pas. Et bien sûr les gens râlent tout le temps. Mais il y a évidemment ces manifestations de sympathie mais cela reste très vague, par exemple dans une auberge, dans une « hospoda » où on peut imaginer entendre : « que les Français viennent ! ». Vous imaginez comment cela pouvait être.

Ensuite, il y avait ce mouvement des jacobins viennois et hongrois. C’était plus ou moins des léopoldistes, des gens autour de l’empereur Léopold II (qui règne de 1790 à 1792). Cela aussi est très typique pour nos pays : la plupart des sympathisants de la Révolution et des Lumières étaient attachés à Joseph II ou à Léopold II. Après leur mort, ils espéraient de la part même des troupes françaises qu’elles aident à réinstaller un réformiste sur le trône et qu’elles aident à écarter François II qui était généralement détesté. C’était plutôt des sympathies enracinées dans ce joséphisme perdu. »


Cela s’est passé plutôt à Vienne. Pourquoi pas également à Prague ou en Bohême ?

« Ce n’était pas la métropole. Cela concernait vraiment les cercles autour de l’ancien empereur décédé. C’était des gens directement attachés à ce processus de réformes qu’il voulait rénover. Mais de toute façon, le procès des jacobins est un peu inventé par la police. Donc, Prague est un peu à l’écart. Il y a plutôt des correspondances privées qui manifestent certaines sympathies vis-à-vis de la Révolution mais qui ne sont pas publiques. On peut présumer qu’il y en avait beaucoup plus mais ce sont des correspondances qui sont aujourd’hui perdues. »

La Révolution française et les Pays Tchèques Viden110
Vienne en 1779

Dans cette année 1792, il y a la proclamation de la République française et plus tard la condamnation à mort de Louis XVI. On imagine que ce ne sont pas des nouvelles qui font plaisir à sa belle-famille autrichienne…

« C’est intéressant : la proclamation de la République ne fait pas trop d’impressions. On pense que ce n’est rien, que la France est de toute façon déjà une anarchie et que la République ne fait qu’accentuer le mouvement. On n’en discute pas, cela n’est pas une question. Mais la condamnation à mort de Louis XVI et encore plus celle de Marie-Antoinette, une princesse autrichienne, la sœur de Joseph II, cela a fait une grande impression. Les gens, privilégiés ou non, étaient tout de même attachés à la famille impériale. Je crois qu’à la fin des années 1790, quand les troupes françaises se sont mises à approcher de la frontière, l’opinion publique a changé. Les Français deviennent les ennemis. Nous sommes un pays où il n’y avait pas de guerres depuis trente ans et la guerre de Sept Ans n’avait pas trop touché le territoire. Donc, dans la mémoire des gens, la guerre n’existe plus et les Français redeviennent ce qu’ils avaient été lors des générations précédentes : des ennemis classiques.

La coupure définitive intervient après Austerlitz, après 1805. Il y avait l’occupation totale du pays et notamment de la Moravie. C’était un changement brusque même chez les francophiles les plus fervents. Il y a des occupants qui sont arrogants, qui se comportent comme n’importe quel mercenaire. C’était la fin d’une certaine francophilie et on le voit même dans certaines familles éclairées nobles. On cesse d’y enseigner le français aux enfants. La première mesure a été de chasser les gouvernantes françaises. A partir d’un certain moment, on voulait se débarrasser de tous les Français qui sont présents sur le territoire. Même s’ils sont bien attachés à une famille noble ou s’ils se proclament monarchistes. François II était vraiment un francophobe. A partir des guerres napoléoniennes, on devient francophobe en général. »


Même à l’égard justement des monarchistes, des nobles qui ont fui la France à l’étranger et qui travaillent à une possible restauration de la monarchie ? En accueille-t-on en Bohême ? Comment sont-ils vus ?

« Ils sont surveillés, comme tous les Français présents. On parlait de la peste de la liberté, qui est contagieuse. Ils étaient plus ou moins secourus. Il y avait pas mal de membres du clergé. Il y avait des ecclésiastiques qui étaient cachés dans des monastères et qui étaient surveillés. On voulait éviter tout contact avec le public. C’est la solution autrichienne, le silence. Pas une répression trop visible mais plutôt le silence et la discrétion. C’est la même chose pour les nobles. »

Il y a ce mythe selon lequel les guerres révolutionnaires ont permis de diffuser les idées de la Révolution. D’après vous, cela serait donc plutôt le contraire…


« J’en ai de plus en plus l’impression… Il y a une correspondance assez intéressante qui a été travaillée par l’une de mes collègues, une correspondance entre Condorcet et le prince de Windischgrätz (une famille noble originaire de Bohême). Il s’agissait de deux hommes des Lumières qui correspondaient dans les années 1780, sur l’arithmétique, la politique, les questions de mathématiques, des Lumières, de la religion... Et à partir de 1790, le prince de Windischgrätz cesse cette correspondance. Il n’y a pas d’influence de la propagande, il prend cette décision tout seul et il reproche à Condorcet d’avoir trahi les Lumières. Il se demande comment un homme aussi cultivé, aussi sage, a pu s’attacher à la Révolution qui aurait trahi tous les idéaux des Lumières. Donc c’est aussi la vision qu’on a de la Révolution. »

En France, il y a ce débat sur la Révolution qui aurait une première phase bourgeoise et une autre plus démocratique. Est-ce un débat qu’on retrouve en Autriche avec une bourgeoisie qui accepte les idées des Lumières mais ne souhaite pas étendre ces droits au peuple ?

« Ici il n’y avait pas de bourgeoisie. Qu’est-ce que c’est qu’une bourgeoisie ? C’est le tiers état, ce sont les non-privilégiés cultivés… La bourgeoisie est un concept du XIXe siècle… »

La bourgeoisie, en tant que ces personnes qui se sont enrichies, qui ne sont pas membres de la noblesse, et qui aspirent, en plus des biens matériels qu’ils ont acquis, à avoir une part du gâteau du pouvoir…

« Il y en a très peu à l’époque ici. Il n’y avait pas cette bourgeoisie économique. Cela commence. Cette bourgeoisie économique, ce sont plutôt les capitalistes, les industriels qui viennent de l’Allemagne. Ce ne sont pas les natifs d’ici. Ici, ce qui peut remplacer la bourgeoisie économique, ce sont plutôt les fonctionnaires. Ce sont des non-privilégiés, qui ont une certaine culture, qui ont fait des études. Ils ne sont pas pauvres mais vivent plus ou moins à l’aide de l’Etat qui les paye assez bien. C’est ce qui remplace la bourgeoisie. »

La structure sociale de cet Etat n’est donc pas la même qu’en France…

« Pas du tout et ce sont eux qui représentent la menace la plus importante pour la haute aristocratie. Ils sont poussés par Joseph II vers les hautes fonctions. Ils sont importants pour l’Etat et ce sont eux qui acceptent les Lumières, des Lumières plutôt modérées. »

Quelle est la situation particulière des pays tchèques dans cet empire autrichien ? Socialement, économiquement, quelles sont les caractéristiques de cet espace ?


La Révolution française et les Pays Tchèques Starom10
Prague en 1780

« En général, les pays tchèques, la Bohême, la Moravie et une partie de la Silésie – parce que la Silésie faisait aussi partie du royaume de Bohême médiéval avant d’être plus ou moins perdue sous Marie-Thérèse (1717-1780), ce sont les pays les plus industriels de la monarchie. Le potentiel économique y était meilleur en comparaison avec l’Autriche, les parties hongroises et les parties balkaniques du royaume. Mais à partir de Marie-Thérèse et surtout avec Joseph II, c’est un pays qui perd plus ou moins son indépendance. La volonté des réformes inspirées des Lumières de Marie-Thérèse et de Joseph II visent à une plus grande centralisation, à une rationalisation de l’Etat. Toutes ces couronnes plus ou moins indépendantes voient leur autonomie limitée. On voulait faire de Vienne un vrai centre. C’est vraiment une époque où la Bohême et la Moravie perdent une indépendance politique. Il y a un gouvernement local, qui s’appelle gubernium, qui est plus ou moins indépendant des décisions qui viennent de Vienne. »

http://m.radio.cz/fr/rubrique/histoire/revolution-francaise-et-pays-tcheques-ii?set_default_version=1

madame antoine

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Sido Scorpion

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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeSam 27 Mai - 10:31

L'étude que je vais partager ne concerne pas directement la Révolution, mais bien les pays tchèques, et montre l'importance du gouvenement exercé par Joseph II au XVIIIe siècle : Very Happy

L'article se penche sur l'origine des noms tchèques. Very Happy J'ai surtout retenu ceci :

Plus tard, l’humanisme et la réforme religieuse qui l’accompagne favorisent l’apparition ou la réapparition de noms comme Ámos, Vojtěch, Jiří – Georges, Veronika ou Helena. L’usage de deux noms se répand également avec par exemple Jan Václav – Jean Venceslas, Daniel Adam ou encore Jan Ámos Komenský, nom du célèbre philosophe Comenius, membre du mouvement protestant des Frères tchèques. Plus un homme possédait de noms de saints, plus il était protégé, du moins selon les croyances de l’époque.

La croissance de la population, le nombre somme toute limité de noms de baptême et enfin la nécessité de mieux différencier les gens amènent à l’instauration de l’usage des noms de famille. Nous sommes alors dans la seconde moitié du XVIIIe siècle sous le règne de Joseph II, archiduc d’Autriche et roi de Hongrie et de Bohême. Officiellement, les Tchèques portent un nom patronymique comme « nom principal » depuis le 1er novembre 1780. Joseph II avait alors publié un édit réglementant l'emploi d'un deuxième nom qui devait s'ajouter au prénom ou nom de baptême.

Le plus souvent, ces patronymes étaient inspirés de l’endroit où la personne en question vivait comme dans le cas par exemple de Horský – littéralement « de montagne », de sa profession comme pour Mlynář – Meunier ou Kovář – Forgeron, ou encore de ses caractéristiques physionomiques comme avec Malý – Petit. Autant de noms de famille que l’on trouve également en français…

Toujours au XVIIIe siècle, la troisième vague de christianisation a elle pour conséquence la diffusion de noms comme Terezie, Barbora – Barbe, Karel – Charles, František – François, ou Antonín, tandis que le culte marial aboutit à une surutilisation des prénoms Josef et Marie.

Les XVIIIe et XIXe siècles marquent toutefois un tournant dans l'histoire du peuple tchèque alors placé sous la domination des Habsbourg et de Vienne. C'est en effet à partir de ce moment-là que l'on voit apparaître un sursaut de conscience nationale, un processus que les historiens désignent comme « renouveau » ou « réveil national ». Concrètement, face à l'influence de la culture et de langue allemandes, il s'agissait alors d'élever le niveau de la langue tchèque et de créer une culture nationale. Une volonté d'émancipation qui prit peu à peu la forme de revendications politiques, mais aussi un fort sentiment national qui concourt à un autre renouveau, ou plutôt à un retour des noms d'origine slave qui sont alors même considérés comme des « noms nationaux ». Des prénoms qui se terminent le plus souvent en « -slav » comme pour Miroslav, Ladislav ou Stanislav, en « -mír » comme pour Vladimír, Jaromír ou Slavomír, et en « -mil » avec, par exemple, Bohumil, Vlastimil ou Čechomil. Mais d'autres prénoms sont également très appréciés comme Zdeněk, Zdeňka, Dalibor, Svatopluk, Vladivoj, Růžena, Božena, Věra, Vlasta ou encore Jarmila. Enfin, principalement parmi les personnes instruites, il était devenu plus ou moins d'usage de manifester son patriotisme en ajoutant un nom national au premier prénom chrétien. Des prénoms composés donc qui donnent alors, par exemple, František Ladislav.
http://www.radio.cz/fr/rubrique/tcheque/les-noms-tcheques-au-fil-des-siecles

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Avais-je atteint ici ce qu'on ne recommence point ?
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Airin

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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeJeu 20 Déc - 19:42

Je vous amène une suite à cette passionnante série. Wink

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET LA PREMIÈRE PHASE DE LA RENAISSANCE TCHÈQUE

Pierre Meignan 19-12-2018

La période de la Révolution française est marquée en pays tchèques, alors sous domination autrichienne, par une flambée d’écrits en langue tchèque. Dans le cadre d’un mémoire de recherche, Tomáš Dufka, qui travaille aujourd’hui aux archives de la Radio publique tchèque, a étudié en détails ces textes dans leur dimension contre-révolutionnaire. Ils témoignent de l’émergence, dans la décennie 1790, d’un mouvement patriotique attaché à la défense de la langue tchèque.

Le tchèque en position difficile

La Révolution française et les Pays Tchèques Zz10
'Prise de la Bastille', photo: Rama, CC BY-SA 2.0 FR

Car à la fin du XVIIIe siècle, la langue tchèque est menacée. Inspiré par les idées des Lumières, l’empereur Joseph II a l’ambition de mener des réformes radicales. Il abolit le servage, supprime la corvée en élaborant un nouveau système fiscal et s’attaque également au clergé régulier, jugé inutile. Joseph II est le partisan d’un Etat central fort, qui passe par l’imposition de l’allemand comme langue officielle dans toutes ses possessions. Autant dire que cela sent le roussi pour le tchèque, comme le décrit Tomáš Dufka :

  • « La situation est assez triste parce que la noblesse tchèque est assez cosmopolite et parle surtout allemand. La seule partie de la population qui parle encore tchèque, c’est le milieu rural, peu éduqué. Mais, ce qu’il se passe dans les années 1780, c’est que la petite bourgeoisie apparaît et veut que la langue tchèque ne meure pas. »


La figure de Kramérius

La Révolution française et les Pays Tchèques Zz11
Václav Matěj Kramérius

Dans cette petite bourgeoisie, d’ailleurs plutôt favorable menées par Joseph II puis par son successeur, son frère Leopold II, mais inquiète des progrès de l’allemand, on trouve Václav Matěj Kramérius, qui est aujourd’hui considéré comme l’un des pionniers du journalisme en pays tchèques. Il appartient à cette génération qui prend la plume pour diffuser des écrits en langue tchèque :

  • « Václav Matěj Kramérius est un personnage assez intéressant. Je dirais que ce sont des personnes, comme Václav Matěj Kramérius qui est né en 1753, qui arrivent à Prague pour étudier le droit. Mais lui échoue ou en tout cas ne termine pas ses études. Il fait cependant la connaissance de gens importants dans le milieu tchèque. Ce sont des gens assez courageux, assez pratiques, dans le sens où ils sont capables de fonder une maison d’édition, et qui surtout sont très patriotes. »


Le travail de Kramérius et de ses congénères, parmi lesquels son collaborateur Jan Rulík, consiste bien souvent en la traduction de textes allemands vers le tchèque. Le patriotisme de ces hommes est en effet d’abord une volonté de défense et de propagation de la langue tchèque :

  • « La raison pour laquelle ils ont commencé à s’intéresser à la cause tchèque et surtout à la langue tchèque, c’est parce qu’ils voulaient influencer et éduquer la population rurale, qui souvent n’était pas lettrée et qui vivait dans des conditions médiocres à l’époque. Il faut dire que Kramérius était un fervent supporteur des réformes de Joseph II et il voulait donc dans un premier temps éduquer cette population pauvre. Et, dans le même temps, il voulait que la langue tchèque renaisse. »


Ces promoteurs de la langue tchèque rassemblent aussi des profils plus originaux, par exemple František Jan Vavák :

  • « František Jan Vavák est quelqu’un qui est intéressant. C’est un paysan qui vivait aux abords de l’Elbe, près de Poděbrady. Il n’était pas lettré mais c’était un grand patriote et il collaborait avec Kramérius pour diffuser ce patriotisme tchèque, mais dans le sens de la langue. »


La Révolution française et les Pays Tchèques Zz12

  • « František Jan Vavák est quelqu’un qui est intéressant. C’est un paysan qui vivait aux abords de l’Elbe, près de Poděbrady. Il n’était pas lettré mais c’était un grand patriote et il collaborait avec Kramérius pour diffuser ce patriotisme tchèque, mais dans le sens de la langue. »


Des écrits essentiellement hostiles aux idées révolutionnaires

Dans les publications de Kramérius et de ses acolytes, on trouve des écrits hostiles à la Révolution française. Ils sont relativement simples à lire pour toucher un public le plus large possible. Ce sont ces textes que Tomáš Dufka a choisi d’étudier :

  • « On s’est beaucoup intéressé, pendant l’époque du communisme, à l’influence de la Révolution dans les écrits. On cherchait des écrits qui étaient favorables à la Révolution. Mais en réalité, la production littéraire était différente à l’époque de la Révolution parce qu’il y avait la censure, une censure assez forte. Je me suis donc dit que j’allais concentrer mon attention sur les écrits contre-révolutionnaires, parce que c’étaient les seuls écrits à être imprimés. Bien sûr, on ne peut pas dire si les gens étaient ou non d’accord avec ces écrits, mais cela n’était pas mon but. Mon but était de voir la langue propagandiste et le discours de ces écrits. Comment la propagande est-elle construite ? Comment sont les techniques qui devaient influencer la population tchèque dans le sens que la Révolution est mauvaise ? »


De manière fortuite, l’émergence de ces défenseurs de la langue tchèque coïncide avec le début de la Révolution française. Kramérius crée ainsi son journal le 4 juillet 1789, le bien-nommé Krameriovy noviny (Le journal de Kramérius), édité à Prague à plusieurs centaines d’exemplaires. C’est dix jours seulement avant la prise de la Bastille. Le mois suivant cependant, les autorités autrichiennes interdisent les écrits se rapportant aux événements français, à propos desquels Kramérius n’était d’abord pas hostile. En 1790, le journaliste, qui fonde la maison d’éditions Česká expedice (L’Expédition tchèque), peut à nouveau écrire sur la Révolution :

  • « Dès lors, Kramérius commence à être beaucoup plus négatif, ou un peu déçu par la Révolution. La première chose décevante pour lui, c’est la Constitution civile du clergé. Il est croyant, il est catholique, et il n’aime pas ce que les Français font vis-à-vis de l’Eglise. »


Et les choses ne vont pas en s’arrangeant avec la déclaration de guerre de la France en avril 1792 au roi de Bohême et de Hongrie, puis avec l’exécution, le 21 janvier 1793, du roi Louis XVI. La guerre et le régicide entraînent toute une série d’écrits contre-révolutionnaires dans les territoires sous domination autrichienne et donc en Bohême. D’autant plus que François II, le nouvel empereur après la mort de son père Leopold II, adopte une politique conservatrice, résolument opposée à la politique française.

Un argumentaire bien particulier

Tomáš Dufka, dont l’étude se poursuit jusqu’à l’année 1796, quand les troupes françaises se rapprochent de la Bohême, remarque que la structure des textes et les procédés narratifs sont souvent les mêmes que ceux qui étaient employés lors de la décennie précédente, dans les années 1780. Ils poursuivaient une visée pédagogique avec une question posée et une réponse mettant en exergue un exemple à ne pas suivre. C’est alors la figure des révolutionnaires français qui devient le mauvais exemple :


La Révolution française et les Pays Tchèques Zz13
L'exécution de Louis XVI, source: Bibliothèque nationale de France

  • « L’incarnation du mal est le jacobin. Le jacobin, c’est quelqu’un qui aime le chaos, qui aime la violence et qui ne raisonne pas. Il est seulement dans le registre de l’émotion. »


Un autre argument mobilisé dans les textes contre-révolutionnaires tchèques consiste à attaquer les conceptions fausses de la liberté et de l’égalité que véhiculeraient les révolutionnaires français. A la place, les auteurs défendent une vision organique de la société, où chacun est bien à sa place et doit y rester, condition nécessaire pour que la liberté soit garantie, tout autant que l’égalité devant Dieu. Tomáš Dufka insiste aussi sur l’importance de la construction de l’intrigue : un même événement, par exemple l’exécution de Louis XVI, peut être raconté différemment. Dans les pamphlets tchèques, la figure du roi est ainsi présentée sous l’angle du martyr, dans une sorte de métaphore christique.

Difficile de dire quelle influence ces textes ont pu avoir sur leurs lecteurs. Ils illustrent en tout cas le renouveau des écrits en langue tchèque. C’est ainsi la phase initiale du mouvement de renouveau national, qui se développe dans les pays tchèques durant la première moitié du XIXe siècle.
https://www.radio.cz/fr/rubrique/histoire/la-revolution-francaise-et-la-premiere-phase-de-la-renaissance-tcheque
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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeJeu 20 Déc - 20:15

Merci pour cette information intéressante. La Révolution française et les Pays Tchèques 27992 La Révolution française et les Pays Tchèques 27992
Oui, les réformes nécessaires ont eu lieu derrière l'empereur Joseph II. L'empereur Joseph II est toujours l'un des dirigeants les plus populaires.
Il y a une belle image de la place de la vieille ville de 1780. Voici une vue du même endroit de 2018. C'est presque la même chose.
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Sublime&Silence

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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeJeu 20 Déc - 20:16

Merci pour ces vues avant/après. La Révolution française et les Pays Tchèques 580524

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Le vide aurait suffi
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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeJeu 20 Déc - 20:23

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The Collector

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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeLun 24 Déc - 12:33

Merci à tous. Le Boudoir de Marie-Antoinette est international. La Révolution française et les Pays Tchèques 914132

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J'fréquente que des baronnes aux noms comme des trombones.
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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitimeLun 24 Déc - 12:46

The Collector a écrit:
Merci à tous. Le Boudoir de Marie-Antoinette est international. La Révolution française et les Pays Tchèques 914132

Oui Marie Antoinette et la France ont des amis dans le monde entier. La Révolution française et les Pays Tchèques 580524
J'ai hâte de revoir la France en 2019. Very Happy
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MessageSujet: Re: La Révolution française et les Pays Tchèques   La Révolution française et les Pays Tchèques Icon_minitime

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