madame antoine
Nombre de messages : 6902 Date d'inscription : 30/03/2014
| Sujet: Diderot et la mode Mer 17 Déc - 9:31 | |
| Bonjour, Je ne sais trop où poster cet article amusant sur Diderot et sa robe de chambre. Comme le Boudoir n'a pas encore ouvert de sujet sur ce philosophe, je trouverais un peu dommage d'en inaugurer un avec une information anecdotique et me cantonne donc ici, quitte à déplacer mon message quand le sujet sur Diderot sera créé. J'espère qu'il n'y aura pas de dérangement. Voici cet article qui fait sourire. La barbe ne fait pas le philosophe… la robe de chambre, si !Au XVIIIe siècle, Diderot fut tellement désespéré par la perte de sa vieille tenue d’intérieur qu’il consacra un hymne à cette compagne de labeur."Portrait de Denis Diderot" (1767), par Louis-Michel Van Loo. Quand, en 1769, la célèbre « teneuse de salon » Mme Geoffrin renouvelle, en douce et pour prix d’un service rendu par le philosophe, l’ensemble du mobilier et de la garde-robe de Denis Diderot, ce dernier regrette plus particulièrement une de ses affaires envolées : « Pourquoi ne l’avoir pas gardée ? Elle était faite à moi ; j’étais fait à elle » (« Regrets sur ma vieille robe de chambre »). Plume pour écrire ? Meuble de famille ? Bibelot à haute valeur sentimentale ? Liasse de brouillons de L’Encyclopédie ? Non, ce que Diderot, inconsolable, déplore alors, c’est la perte de sa « vieille robe de chambre » ! Cette robe de chambre (bleue et moirée) qui lui fait verser tant de larmes, il ne l’avait pourtant pas épargnée lorsqu’il s’en était vu revêtu sur le portrait que le peintre Louis Michel Van Loo avait réalisé de lui en 1767. Il se trouvait « l’air d’une vieille coquette », « la position d’un secrétaire d’État et non d’un philosophe » : « Que diront mes petits-enfants, lorsqu’ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce riant, mignon, efféminé, vieux coquet-là ? »
« J’étais pittoresque et beau » Mais il faut croire que la nouvelle robe de chambre offerte par Mme Geoffrin était encore plus clinquante – de fait, elle était écarlate, tout aussi satinée et avait surtout le défaut des objets trop précieux : être source de tracas, par peur de les abîmer... « le dragon qui surveillait la toison d’or ne fut pas plus inquiet que moi. le souci m’enveloppe. (...) maudit soit celui qui inventa l’art de donner du prix à l’étoffe commune en la teignant en écarlate ! »"Portrait de Denis Diderot" (1773), par Dmitri Grigorievitch Levitsky. L’ancienne avait au moins l’avantage du confort et donnait du naturel à la pose : « Elle moulait tous les plis de mon corps sans le gêner ; j’étais pittoresque et beau. L’autre, raide, empesée, me mannequine. » Et puis, ce « commode lambeau de calemande » servait à tout, accompagnant l’écrivain dans la progression de sa pensée, buvard à son service quand il fallait raturer et biffer : « Un livre était-il couvert de poussière, un de ses pans s’offrait à l’essuyer. L’encre épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu’elle m’avait rendus. Ces longues raies annonçaient le littérateur, l’écrivain, l’homme qui travaille. »
Valeur d’une muse L’historienne Nicole Pellegrin suggère dans son livre Les Vêtements de la liberté (Editions Alinéa, 1989) que la robe de chambre, parce qu’elle ne contraint pas le corps, libère l’esprit – précieux auxiliaire et irremplaçable stimulant pour la venue de l’inspiration et la bonne marche de la spéculation : « Déshabillé élégant lorsqu’il est porté avec perruque et souliers pour recevoir chez soi, c’est déjà la tenue favorite des intellectuels attelés à leur table de travail : la libre expression des idées veut un vêtement lâche, le froid des chambres mal chauffées exige une tenue confortable pour écrire ou méditer. » C’est pourquoi sa vieille robe de chambre – flottante, détendue, relâchée – avait la valeur inestimable d’une muse aux yeux de l’auteur du Neveu de Rameau ! Morale de l’histoire par Diderot lui-même : « Mes amis, gardez vos vieux amis. Mes amis, craignez l’atteinte de la richesse. Que mon exemple vous instruise. La pauvreté a ses franchises ; l’opulence a sa gêne. »http://www.lemonde.fr/m-styles/article/2014/12/15/la-barbe-ne-fait-pas-le-philosophe-la-robe-de-chambre-si_4540872_4497319.html#roiiygFy6xYyHm04.99 Je trouve cet article savoureux. madame antoine _________________ Plus rien ne peut plus me faire de mal à présent (Marie-Antoinette)
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