L'hygiène et la propreté se sont améliorées au cours du XVIIIème, et au delà des moyens techniques, structurels, financiers ou culturels qui permettaient aux uns ou aux autres de vivre sainement, j'imagine que, comme aujourd'hui, cela dépendait un peu aussi de la
psychologie de chacun.
Je vous assure que, le matin, dans le métro, vous pouvez encore de nos jours
mesurer toutes ces différences.
:idea: En complément, je vous propose cet article copié/collé dans
L'ancienne France au quotidien, sous de la direction de Michel Figeac (éditions Armand Colin).Je ne mets pas l'ensemble du texte en italique pour vous faciliter la lecture :
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C’est au siècle des Lumières, qu’au refus de l’eau succède son apologie dans la littérature médicale.
Comme souvent, on peut mesurer ce retournement dans l’
Encyclopédie où l’on proclame ouvertement que l’erreur a été de croire que la médecine n’avait pour objet que de guérir les maladies là où les hygiénistes recommandent la prévention et la protection.
Pour conserver la santé il faut, selon eux, rechercher un air pur et tempéré loin des miasmes, ne pas abuser des remèdes, proportionner son alimentation à ses activités physiques.
La toilette devint, avec cette nouvelle importance accordée à l’hygiène, un geste du quotidien, dans certaines classes de la société aristocrate ou bourgeoise tout au moins.
Gravure d'après ChardinFemme à sa toilette. Augustin de Saint Aubin Les peintres du XVIIIème siècle comme Chardin, Watteau, Boucher, Fragonard, laissèrent de ces pratiques des souvenirs charmants, prétextes non voilés pour une sensualité et un érotisme qui étaient associés à ces moments d’intimité ou à un exotisme rêvé.
Mademoiselle de Clermont en sultane, par Nattier (…)
L’étude de l’urbanisme et de l’aménagement intérieur prouve que bains publics ou privés se multiplièrent.
Aux XVIè et XVIIè siècles, le bain demeura un privilège royal.
Signe de magnificence, il était souvent réduit à un simple cabinet, mais luxe et raffinement s’y côtoyaient et donnèrent naissance à certains des plus beaux décors du Grand Siècle : Anne d’Autriche au Louvre puis Louis XIV à Versailles suscitèrent la création d’ensemble d’une rare richesse.
A Versailles, le cabinet devint appartement et surpassa en splendeur tout ce qui était réalisé en ce domaine : 7 pièces sans doute précédées d’un vestibule, permettaient d’accéder à un cabinet qui recevait 3 cuves, dont une octogonale, de très grandes dimensions, véritable tour de force de marbrerie, et deux plus petites, permettant ainsi de varier les températures de l’eau.
(…)
Le luxe de tels appartements était cependant exclusivement royal.
A Clagny, la marquise de Montespan ne disposait que d’un simple cabinet, solution qui semble avoir été la règle dans l’ensemble des aménagements intérieurs.
Il fallut attendre la seconde moitié du XVIIIè pour voir les particuliers disposer d’une réservée à l’usage de la toilette, même si, encore à cette date, moins d’un grand hôtel sur dix possède un espace pour le bain.
Femme à sa toilette. Joseph Eisen Dans son ouvrage
De la distribution des maisons de plaisance (1737), Jacques François Blondel détaillait des
salles de bains, cabinets d’aisance ou lieux à soupape, précisant que
sous le nom d’appartements de bain complet on entend une salle à une ou plusieurs baignoires , alors que les cabinets de bains étaient devenus, d’après lui
fort en usage dans les maisons de conséquence et avaient reçu le nom de
lieux à l’anglaise.
Ces lieux de commodité, cabinets de toilette, de propreté, de lieux à l’anglaise ou à soupape, souvent revêtus de marbre ou à défaut, de faïence, restèrent cependant l’apanage des gens fortunés.
Pour le peuple, les bains publics offraient une solution avantageuse.
Ces derniers ainsi que le précise Thiery dans son
Voyageur fidèle, étaient situés sur les quais ou sur des bateaux.
Leur nombre et leur diversité commandèrent une clientèle particulière : les pauvres pour les bains gratuits du quai d’Orsay, la bonne société pour les bains chinois du quai Dauphin.
Puis, bientôt, des établissements spécialisés furent créés : Bains du sieur Albert, quai d’Orsay, qui comprenaient 80 pièces où se donner des bains d’une variété remarquable : russe, de vapeur ou de fumigation, dépilatoires et de propreté ; ou encore bains orientaux boulevard Choiseul, où s’administraient, entre autres, des
bains massés et des
bains à la manière des Chinois, des Turcs, et autres
bains orientaux chez lesquels on suit des méthodes inconnues en Europe .
Ce développement de la toilette favorisa la création d’objets et de meubles spécifiques.
Les fontaines à laver les mains, les cuvettes d’étain, faïence ou grès, et surtout les baignoires, de marbre, de cuivre ou de bois, se multiplièrent.
La femme au bain, d'après Boizot Mais c’est surtout à la chaise de commodité et ses collatéraux, la chaise percée, la chaise d’affaire et le bidet que menuisiers et ébénistes apportèrent leur concours.
Meuble de garde-robe, objet sanitaire, la chaise de commodité et ses multiples variantes apparurent au XVIIIème siècle.
Le
Dictionnaire critique, pittoresque et sentencieux de Caracioli décrivait en 1768 le bidet comme « une espèce de cuvette en usage chez toutes les femmes qui aiment la propreté et dont quelques provinciales n’ont pas encore idée ».
En réalité, le bidet apparaît comme l’aboutissement d’une longue recherche des artisans vers toujours plus de confort.
L’on passa ainsi de la baignoire puis de la demi-baignoire à la chaise percée et au bidet.
Bidet, XVIIIème Faisant preuve d’inventivité les ébénistes varièrent à l’infini les formes, adoptant notamment celle du violon ou du haricot qui épousaient le corps, et parvinrent, par de savants mécanismes, à dissimuler les bidets dans des sièges (tabourets, canapés, fauteuils) et des meubles, comme les encoignures.
La rose effeuillée, Boilly. (…)
Ainsi le développent de la toilette et de la commodité favorisa-t-il des aménagements intérieurs, des meubles et objets qui font, aujourd’hui encore, tout le charme de l’Ancien Régime.
Bidet Louis XVD'un nécessaire à toilettes, porcelaine de SèvresAthénienne (lavabo). Fin XVIIIèmeCuvette. Cabinet des bains de Louis XVI à Versailles. Porcelaine de Sèvres. A la campagne comme en ville, on fait ses besoins à l’extérieur principalement.
Louis Sébastien Mercier envie les paysans qui se soulagent à l’air libre.
(…)
Il est fréquent d’uriner contre un mur ou de déféquer dans un recoin :
les bourgeois sont alors, par la force même des choses, obligés de faire les aisements et souillures n’importe où, de lascher leurs eaux à l’intérieur des tours et des casemates de veilleurs, dans les ruelles les moins fréquentées sous les porches des particuliers.
Le parc de Versailles et le jardin des Tuileries à Paris ont la réputation d’être de vastes urinoirs et dépôts d’excréments.
De nombreux témoignages indiquent que l’on se soulage à l’intérieur des édifices, dans les cheminées, à l’auberge comme dans les châteaux.
Il existe cependant des locaux spécifiques désignés de façon variée : aisances, fosse d’aisance, retraits, lieu secret, funestes lunettes, lunettes de cabinet, privés etc.
L’expression
latrine remplace le vieux mot médiéval
langaigne qui signifie écarté.
A Aix en Provence, au début du XVIè siècle, les retraits sont fréquents dans les maisons, en dépit de leur coût élevé.
Ils communiquent parfois avec une chambre, placés au rez-de-chaussée ou à l’étage.
Ils sont fermés par une porte et équipés d’un siège, voire de plusieurs, jusqu’à quatre.
En Normandie (1519) comme à Bordeaux (1585), les autorités imposent d’établir des privés ou des fosses dans les maisons pour servir de latrines, afin d’éviter de se soulager dans la rue.
A partir du XVIè siècle on s’efforce d’isoler ces lieux.
Le réformateur social Jean-Louis Vivès les place au grenier de la maison, à cause de l’odeur dit-il.
Les traités d’architecture, pour les hôtels particuliers, conseillent de rejeter les privés dans un bâtiment annexe, par exemple de regrouper cinq lunettes près des écuries (
L’architecture pratique, 1691).
Le cabinet à l’anglaise, qui se distingue par un réservoir d’eau, est attribué à sir John Harington, en 1596 ; à Paris il est encore rarissime même à la fin du XVIIIème.
Les pots à pisser sont souvent mentionnés dans les inventaires de maisons.
A partir de la fin du XVIIè, des vases de forme ovale sont appelés des bourdaloues, qu’emportent à l’église les bigotes allant entendre des heures durant le prédicateur jésuite Louis Bourdaloue.
Les chaises percées, ou sièges
à effet d’eau apparaissent à la fin du XVIème siècle.
On dénombre 274
chaises d’affaires à Versailles sous Louis XIV, dont 208 simples avec le bassin en dessous, 66 à layette (bassin dans un tiroir fermé).
Cabinet des dépêches. Versailles L’usage des « aniterges » varie beaucoup selon les classes sociales.
Le cardinal de Richelieu utilise des tissus de chanvre, madame de Maintenon préfère la laine mérinos.
On ne dédaigne pas non plus les pages de papier, les paysans se contentent de larges feuilles végétales ou de leurs doigts.