Bonjour à tous les Amis du Boudoir de Marie-Antoinette,
Voici un extrait concernant les dépenses avancées par Mme de Korff pour le voyage de la Famille Royale à Varennes. Le Comte de Fersen vint solliciter Mme Royale à Vienne afin de rentrer dans les frais. Malheureusement, Mme Royale n'ayant pas les moyens, ne put donner suite à cette réclamation.
A cet égard, il convient d'en citer une dont le comte de Fersen, arrivé à Vienne au mois de juin 1796, se fait l'organe et qui a ses origines dans le voyage de Varennes. Au moment où le roi Louis XVI préparait sa fuite et, afin d'en assurer le succès, cherchait à se procurer des fonds que la prudence lui interdisait de prendre dans le trésor royal, la baronne de Korff, veuve d'un colonel étranger tué au siège de Bender, vivait à Paris avec sa mère Mme de Stegelmann. Présentée par Fersen à la reine Marie-Antoinette, elle s'attacha à elle et lui inspira une si grande confiance, qu'après avoir été pendant deux mois la dépositaire de ses diamants, elle fut chargée non seulement de tous les préparatifs du voyage, mais encore de procurer l'argent nécessaire, c'est-à-dire une somme de deux-cent-soixante-mille francs. Elle la possédait et l'apporta immédiatement à la famille royale sans même se demander si le remboursement en était assuré. Le Roi et la Reine, qui ne doutaient pas de pouvoir s'acquitter un jour, exigèrent que la baronne de Korff acceptât deux billets, signés de 'leurs deux noms, l'un de quatre-vingt-treize mille francs, souscrit à la mère, l'autre de cent soixante-neuf mille francs souscrit à la fille. Il était stipulé en outre que l'intérêt de cet emprunt serait payé au prêteur à raison de 6 0/0 l'an à dater du 1 juin 1791.
Pendant une année, cet intérêt fut payé, Marie-Antoinette veillant avec un soin particulier à ce que l'engagement qu'elle avait pris de concert avec son mari fût tenu. Mais, alors, il cessa de l'être, la captivité du Roi et de la Reine les ayant réduits à l'impuissance. Ce fut pour Mme de Korff et sa mère le commencement d'une gêne qui ne tarda pas à se transformer en une misère profonde. Ces dames étaient liées avec le comte de Fersen qui, lui aussi, était le créancier de la famille royale mais pour une somme beaucoup plus considérable: elle s'élevait à six cent mille francs. Renonçant pour le moment à réclamer ce qui lui était dû, Fersen, ayant eu l'occasion pendant un séjour qu'il fit à Bruxelles de voir l'Empereur d'Autriche, avait mis sous ses veux les billets souscrits par le Roi et la Reine de France. L'Empereur lui laissa espérer qu'il les paierait à son retour dans sa capitale. Mais cet espoir ne s'était pas réalisé. Depuis plusieurs années, les créancières, dont la situation était devenue affreuse, réclamaient en vain. En apprenant que Madame Royale était à Vienne, Fersen v était venu de Stockholm afin d'obtenir d'elle, d'abord qu'elle s'engageât à rembourser le capital dès qu'elle le pourrait, et ensuite qu'elle intervînt auprès de l'Empereur afin qu'il payât les intérêts aussi bien pour le passé que pour le présent et l'avenir.
Malheureusement, nous l'avons dit, Madame Royale ne pouvait rien. Il résulte de la correspondance qui est sous nos yeux que Fersen ne semble pas l'avoir compris. Ses lettres témoignent d'autant d'étonnement que d'impatience, et, pour y couper court, La Fare dut lui communiquer une lettre de Madame Royale où il était dit «qu'après avoir fait, quant à présent, tout ce qu'il était en son pouvoir de faire, elle ne voulait pour le moment rien entreprendre au delà.» «Je ne peux connaître, disait-elle, à raison de la guerre qui s'oppose aux communications avec la France, le nombre et la quotité des créances que le Roi et la Reine, mes augustes parents, peuvent avoir souscrites; je ne saurais, sans avoir acquis cette connaissance préalable, prendre une résolution positive à l'égard d'aucunes. Je ne peux que renouveler l'assurance de l'invariabilité de mes sentiments pour Mmes de Stegelmann et de Korff». Mais, en même temps, elle obtenait de l'Empereur pour ces malheureuses femmes un secours de mille ducats. Il n'était pas en son pouvoir de faire davantage.
Source :
Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche, Paris), 1912.
Bien à vous
madame antoine
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Plus rien ne peut plus me faire de mal à présent (Marie-Antoinette)