Fabre d'Eglantine

« C’était un mal de famille , les Fabre mouraient d’ambition. De père en fils, ils tenaient négoce dans la vieille cité de Carcassonne.
Philippe François Nazaire Fabre naquit en juillet 1750.
En 1757, le père de Philippe quitta Carcassonne pour aller chercher fortune ailleurs et il posa ses valises à Limoux , charmante petite ville où l’Aude , à peine sortie des Pyrénées , fait un léger coude pour éviter le massif des Corbières.

Sans acquérir la richesse, la famille semble alors connaître une certaine aisance : l’enfant peut entreprendre des études. Il est confié aux prêtres de la doctrine chrétienne appelés aussi les doctrinaires. Cet ordre fondé en 1592 par César du Bus , chanoine théologal de Cavaillon, catéchisait le peuple et intruisait la jeunesse.
Philippe était doué . Il avait une intelligence vive , une mémoire excellente. Bref, c’était un élève studieux et remarquable. Rien d’ailleurs ne fut négligé pour lui donner une solide instruction. A côté des humanités, Philippe aborda les arts d’agréement. On lui apprit à tourner les vers, on lui enseigna la peinture, la gravure, la musique. »

Philippe y développe surtout la haine pour les siens . Il ira jusqu’à s’inventer de nouvelles origines sociales et quant à sa mère, il déclarera plus tard qu’elle ne l’aimait pas. Mais il ne laisse rien transparaître.
« Se fiant uniquement à ses succès écoliers, les doctrinaires l’attirèrent à eux , ses études classiques terminées. Les Fabre, heureux et fiers, acceptèrent de grand cœur le départ de leur fils au collège de Toulouse pour y enseigner les rudiments du latin et les premières règles du français. Philippe revêtit donc l’habit écclésiastique , sans toutefois entrer dans les ordres , tout comme Billaud-Varenne avait été oratorien.

Le nouveau professeur s’acquitta bien de son métier. Il satisfit supérieurs , collègues et élèves. Le séjour à Toulouse fut une période de formation. En intruisant , il se perfectionnait, il méditait. Qu’aurait-il pu faire d’autre en la cité de Clémence Isaure , sinon évoquer les muses ? . C’est à cette époque si l’on en croit la plupart des historiens , à la suite de M. Aulard, qu’il cueillit l’églantine d’or ; selon les uns avec un sonnet à la Vierge, selon les autres avec une ode à la lyre. Il mit aussitôt cette haute distinction à profit et signa désormais Fabre d’Eglantine. Pure légende , comme toutes, d’ailleurs difficile à déraciner.

On oublie que l’églantine d’or a toujours été , comme elle l’est restée , un prix d’éloquence réservé à un morceau de prose sur un sujet désigné par l’Académie de Toulouse. D’autre part, , la liste des lauréats de 1760 à 1783 , ne contient pas son nom. Par contre, on y croise en 1782 le nom d’un autre conventionnel, celui de Barère de Vieuzac.
Cependant , il y a quelques années , une descendante du conventionnel fit savoir qu’elle possédait un sonnet à la Vierge tout écrit de la main de Fabre et signé par lui. Des recherches faites dans les archives de l’Académie de Toulouse amenèrent la découverte d’une pièce anonyme, restée en oubli dans le recueil des ouvrages de poésie et d’éloquence présentés au concours des années 1771, 1772 et 1773. C’était le sonnet de Fabre. Il avait obtenu un lis d’argent pour récompense . Ce n’est pas sans une certaine stupéfaction que l’on voit le futur destructeur des noms de saints vouer sa plume aux louanges de la Vierge.

Le lys d’argent fut donc transformé par Fabre en églantine d’or et voici trouvé son nom de guerre et de théâtre. A l’avenir, il signera Fabre d’Eglantine . Il a aussi voulu imaginer qu’il était de souche noble. «

Source : Fabre d’Eglantine , chef des fripons de Louis Jacob
Hachette, 1946

Ce fut chez ses parents une véritable stupéfaction, un véritable bouleversement à l'énoncé des projets de leur fils. Rien n'y fit . " Ni les pleurs , gémissements et menaces n'entamèrent la résolution de Philippe. Il se sentait happé par le théâtre , là seulement , il pourrait déployer les talents dont il se croyait rempli. Il brûlait d'impatience de s'adresser au public, de voir son nom de guerre sur les affiches de théâtre des villes de France. Sans doute ses débuts seraient rudes . Mais il saurait forcer la fortune , les scrupules ne le gênaient guère et déjà sa maxime favorite était " qu'on n'a de remords que quand on ne réussit pas , qu'on encense l'idole lorsqu'elle est sur le piédestal."
Rien donc n'était capable de le faire reculer. Ce fut donc la rupture avec ses parents .

De fait , depuis son départ de Toulouse , Philippe végétait . Il suivit une troupe de comédiens, se contentant de rôles modestes. 6 mois après sa fugue , il se trouvait à Grenoble complètement dépourvu de ressources. "
Alors , pour s'en sortir , il conta fleurette à une jeune fille de bonne famille mais il ne put mener le jeu jusqu'au bout. Il dût quitter Grenoble.

Madame de Chimay a écrit:

Mon âme qui a toujours été élevée et pleine de volonté , me faisait envisager mes alentours de manière peu conforme à la vérité , et très propre à me garantir d'une dépravation des moeurs que mes passions eussent infailliblement amenée...
Mon humeur douce et solitaire , une imagination riche et brillante qui ne veut point être distraite par les entraves de la société, un goût déterminé pour un si bel art , un amour effréné pour l'étude des arts et des sciences

.... etc, etc .....

Voilà ce qui s'appelle être content de soi !

Il était vaniteux , prétentieux ( changer son nom pour une particule , il faut le faire ! ). De plus , il avait en lui une certaine méchanceté. C'est laid de faire pleurer ses parents qui se sont sacrifiés aux quatre veines pour lui, qui lui ont fait faire de bonnes études dans le but de lui faire embrasser un état convenable.
Il avait le don de la dissimulation. Bref, il avait le vice dans le sang !

Ainsi, va-t-il de par monts et par vaux à travers toute la France et même à l’étranger. » Tantôt , il se fait applaudir mais le plus souvent , il se fait siffler. Il accumule scandale sur scandale., quant ce ne sont pas les dettes. C’est Figaro dans toute sa splendeur. Il passe tantôt d’une malpropreté à une mise très élégante , selon son humeur et son objectif. Il cumulait l’amour des femmes et surtout celui du vice. Les rouées comme les ingénues s’y laissaient prendre. Toutes les actrices qui se produisaient avec lui sur la scène devenaient ses maîtresses . «

Quel portrait , hein ! En tout point conforme à l'avenir !
Quel triste personnage !

Madame de Chimay a écrit:

De fait , depuis son départ de Toulouse , Philippe végétait . Il suivit une troupe de comédiens, se contentant de rôles modestes. 6 mois après sa fugue , il se trouvait à Grenoble complètement dépourvu de ressources. "[/i]
Alors , pour s'en sortir , il conta fleurette à une jeune fille de bonne famille mais il ne put mener le jeu jusqu'au bout. Il dût quitter Grenoble.

Bien fait !!!

Madame de Chimay a écrit:

Il était vaniteux , prétentieux ( changer son nom pour une particule , il faut le faire ! ).

Eh ! ça se fait toujours , même en République !

Ne passe t-il pas pour être l'auteur de Il pleut, il pleut, bergère ... ?

Rentre donc tes blancs moutons en quatrième vitesse !!!

Je ne sais pas et j'en saurais plus au fur et à mesure que j'avancerais dans le livre. Pour l'heure, je n'en suis qu'au chapitre 2.

Roussel D’Epinal qui a bien connu Fabre a publié  certaines lettres des maîtresse de Fabre
Dans La Correspondance amoureuse de Fabre d’Eglantine. Elles font de ce dernier un bien piètre personnage. L’une d’elles  ( une certaine  Melle Marie ) dit ceci : «  Vous possédez  la fourberie et la scélératesse à un degré qu’il est  difficile d’imaginer. Comment dans un tel moment que celui où je vous ai vu la dernière fois et pour la dernière fois , dans l’état de peine et de sensibilité où votre âme me paraissait  être , vous n’étiez qu’un fourbe, qu’un scélérat hypocrite, vous reteniez le tiers de ce que la probité exigeait que vous me rendissiez en entier . Allez, je vous hais et vous méprise comme un malhonnête homme , comme le plus lâche coquin que la terre ait produit…Vous me faîtes horreur , comme l’insecte pour lequel j’ai le plus d’antipathie , comme l’insecte malfaisant que je redoute le plus. Juge , scélérat , de l’effet que peut produire  et produira sur moi ton aspect . Mais je ne me plains pas , les sentiments  que j’eus jadis pour toi méritent que je subisse ce supplice : puissé-je l’expier par ce châtiment affreux !



Et bien , j'étais encore en dessous du portrait. Qu'a-t-il fait à cette malheureuse jeune femme pour qu'elle en ait fait un tel portrait ?
On ne le saura sans doute jamais . En tout cas, c'est le portrait d'un monstre !

En tout cas, la voici bien guérie de lui !!!

Il partira, ce vaurien, dans la même charretée que Danton, Hérault de Séchelles, Desmoulins .....
Toi qui aimes tant les vers, tu vas en faire par milliers, lui dira Danton avec ce tact qui lui était coutumier .

"Cette autre jeune femme porte le nom de Sophie Poudhon. Cette jeune femme se montra très empressée et bien aimante. Alors qu’il avait quitté Châlon pour Beauvais , la mère de Sophie le remerciait de l’envoi d’une cassette remplie de « choses toutte plus joly les une que les autre ». Dans son langage simple et fruste mais empreint de la plus grande sincérité , elle dit sa joie, l’allégresse de sa fille…Elle sollicite pour Sophie des lettres fréquentes , car « elle est malade lorsque vous ne luy donné point de vos nouvelles. Par conséquent, je vous prie avec un vif intérêt de nous en donner le plus souvent que vous le pourré ». Elle signe veuve Poudhon.

Quelques mois plus tard, la même veuve lui écrivait encore dans l’espoir de garder à sa fille un parti inespéré. Elle le tenait au courant de sa situation financière dont Fabre , et pour cause, ne s’était jamais soucié , se contentant de cueillir les jours en épicurien : « Vous aspiré à l’instans de l’épouser . Vous auré un enfant d’un jolly caractère et beaucoup de conduite ; cès là tous sons bien pour le présent. Oseai-je vous dire qu'elle ne pourras jouir que de 1000 livres que sa grandmer lui a donné. Je pense que l’oncle lui donnera un petit troussel ; j’ignore du surplus qu’il feras pour elle/ A l’avenir, elle aura 5 ou 6000 livres pour elle ous les siens. »

L’oncle de Sophie , son tuteur probablement , s’appelait Danton. Jamais Fabre ne nous donna à son sujet la moindre appréciation. "


C'est curieux qu'une fois encore , il retrouve Danton sur son chemin...

Aye, aye, aye ! ...... la fureur des mères de caser leurs filles !

Oui surtout que Fabre d'Eglantine avait la manie de paraître le contraire de ce qu'il était réellement. Quand il voulait une femme, il n'avait de cesse d'arriver à ses fins . Il soignait sa mise, il inspirait confiance , bref, il faisait tout ce qu'il fallait pour faire craquer la femme . A peine avai-il " consommé" que déjà, il passait à la suivante. Un vrai don Juan !

Sauf que dans le cas Sophie Poudhon , pour le moment , il a surtout des relations épistolaires qui se poursuivent jusqu'en 1777. Les relations amoureuses en même temps avec plusieurs femmes, il faut savoir gérer. Apparemment , il savait gérer. Sauf que cela s'est mal passé pour lui à Namur.

Madame de Chimay a écrit:

Quand il voulait une femme, il n'avait de cesse d'arriver à ses fins .

..... tous pareils !!!

Un vrai Don Juan ! Avec une volonté de fer, clair et ferme de mettre une femme dans son lit. D'ailleurs, il ne s'en cachait pas. C'était un véritable besoin physique ! L'amour n'avait rien à voir dans l'histoire. Il se servait de mots d'amour pour conter fleurette et faire craquer la femme mais pour lui, ces mots d'amour ne voulaient rien dire.
Seul comptait la satisfaction du besoin et du désir. Et son tableau de chasse s'agrandissait au fil du temps !

Vil séducteur , va !

Qu'il y vienne !!!

Oui, et il sera bien reçu et surtout bien rossé !

Rooooh, les dragueurs, on les sent à dix mètres !

Elles n'avaient qu'à l'envoyer là-haut siffler sur la colline, les attendre avec un petit bouquet d'églantines .....
.... aucune imagination !

Oui mais bon au XVIIIe siècle , les femmes à part certaines exceptions , étaient plutôt ingénues et innocentes. Je trouve qu'au XXIe siècle, les femmes sont plus clairvoyantes.
Ce Fabre d'Eglantine , c'était un obsédé du sexe ! Un malade quoi !

Madame de Chimay a écrit:

Oui mais bon au XVIIIe siècle , les femmes à part certaines exceptions , étaient plutôt ingénues et innocentes.

Vous voulez dire les jeunes filles, parce que les dames étaient plutôt ... disons, accueillantes !

Oui, vous avez compris ce que je disais.
Disons que pour aggraver le cas de Fabre d'Eglantine , il n'hésita pas à avoir des relations sexuelles avec de très jeunes adolescentes , ce qui était plutôt un scandale à cette époque.

..... mais pas non plus une rareté !

Eh bien charmant personnage!
C'est fou ce que tous ces révolutionnaires étaient pourris avant même la Révolution. Ce qui explique aussi que cette Révolution -nécessaire- ait été aussi bien menée!

Enfin, je me suis bien amusée, avec la Princesse et lui, tout l'après-midi !!!