septembre 1793: Carcassonne

Histoire de Carcassonne: un emprunt forcé payable par les riches !

L'essentiel Septembre 1793, la France est en guerre avec la plupart des pays européens, dont l’Espagne. Dans la bastide à Carcassonne, on s’affaire à fabriquer des armes, à fournir des combattants et à lever un emprunt forcé pour les financer...

En ce mois de septembre 1793, an II de la République, Carcassonne connaît une grande agitation, liée à la situation militaire. Tandis que des forges destinées à produire des armes sont installées dans l’église Saint-Vincent et dans l’actuel Auditorium, les autorités révolutionnaires réquisitionnent chaussures, vêtements, métaux et salpêtre. Le tout est destiné aux troupes qui, dans les Pyrénées-Orientales, combattent l’armée espagnole, laquelle a envahi notre pays à la suite de la déclaration de guerre faite par la France en mars de la même année.

Le Montolivain Dominique-Vincent Ramel Nogaret, 1760-1819. (Wikipedia)

 
En réalité, le gouvernement devait faire face à un problème national, la France, en guerre avec la plupart des pays européens, étant envahie ou menacée d’invasion sur toutes ses frontières. Malgré le départ pour le front de volontaires, une centaine habitant la Cité, ou la famille du jeune Pierre Bayle de Tourreilles, la Convention avait proclamé le 23 août la levée en masse de tous les jeunes gens de 18 à 25 ans, célibataires ou veufs sans enfant. Encore fallait-il armer, habiller et nourrir cette masse d’un million de combattants dans une conjoncture financière difficile.

Monument élevé à Toureilles en l’honneur de Pierre Bayle 1783-1794. (C.Marquié)  

 
Dans ce but, la Convention avait précédemment voté le principe d’un emprunt forcé d’un milliard de francs, payable par les riches, qui porterait sur leurs revenus et non sur le capital. Or, ce fut un Audois, Dominique-Vincent Ramel-Nogaret (1760-1819) qui, le 3 septembre, mit en place la levée de ce prélèvement. Ce Montolivain, avocat puis juge avant la Révolution, avait été élu par le Tiers-Etat aux Etats généraux de 1789, puis à la Convention et avait voté la mort du roi. Membre du Comité de Salut Public, il évita bientôt les grands débats politiques pour se consacrer aux questions financières, si bien qu’il fut par la suite ministre des finances (1796-1799).

Avis d’imposition de la citoyenne Dorsane du 27 nivose, an II, 16 janvier 1794 (G. Roquefort-Marquet, op.cit.)  

Une procédure très complexe

Le système qu’il organisa, fort bien étudié par M. Roquefort- Marquet, frappait les revenus à partir de 1 000 livres pour un célibataire, et de 10 000 pour un ménage. Il était progressif à raison d’un dixième pour le premier millier, d’un cinquième pour le second, et ainsi de suite, avec des franchises selon le statut familial. La procédure, bien étudiée par M. Roquefort-Marquet, est la suivante : les déclarations étaient transmises au percepteur, qui les remettait pour Carcassonne à une commission de vérificateurs nommés par la municipalité et présidée par le juge Jean-Baptiste Astoin. Ces vérificateurs validaient ou non la taxe prévue avant de la faire parvenir au percepteur, lequel informait les citoyens de la taxe qu’il devraient payer au receveur du district, qui délivrait un récépissé à présenter au directoire du district et, enfin, une fois visé, au percepteur, lequel notait que le paiement avait été effectué par tiers, Cette procédure très complexe, ajoutée au fait que les maires connaissaient la situation de leurs administrés et qu’une déclaration minorée était taxée d’une somme égale au double à celle omise, sont gages d’une certaine sincérité des déclarations, ce qui présente pour l’historien l’avantage de lui fournir une photographie des principaux revenus à ce moment.

Claude Marquié