Une mystérieuse gravure illustrant la mort de Fersen

madame antoine a écrit:

Sans vouloir verser dans aucune théorie du complot, je remarquerai simplement que cela fait beaucoup de morts en peu de temps.

Bien à vous

madame antoine

Quand cela sera opportun, je vous donnerai la liste précise avec dates des morts subites, suspectes, ou des prétendus suicides qui jalonnent l'Affaire Louis XVII, et dont le nombre, les circonstances et l'identité des victimes justifient pour le moins qu'on s'interroge, pour savoir si c'est le fait ou non d'un méchant HASARD !...

Mais pour l'instant restons calés sur la vie et la mort de Fersen jusqu'à ce que nous puissions conclure au moins provisoirement sur les circonstances et les causes de son assassinat ! ...

Voici les pages citées hier soir que nous n'avions pas eu le temps de recopier ; elles sont extraites du Journal de Lyon et du département du Rhône

===
Journal de Lyon du 17 juillet 1810

Stockholm le 22 juin

Avant hier lorsque le convoi funèbre de feu le prince Royal entrait dans cette capitale en venant de Lillicholm la voiture de gala de S Exc le comte de Fersen qui en sa qualité de chef de la maison du roi précédait le convoi fut attaquée à coups de pierres dans la rue Neuve. Pendant le tumulte qui allait toujours en croissant le comte parvint à se retirer dans une maison voisine de l'Hôtel de ville ; la multitude attroupée l'y suivit il parvint encore une fois à s'échapper. On essaya de l'emmener à l'Hotel de ville sous l'escorte dû général amiral baron de Silversparre mais chemin faisant il fut de nouveau assailli à coups de bâton et de pierres il y succomba à la fin et mourut victime de la fureur du peuple qui depuis longtemps nourrissait une haine profonde contre la famille Fersen ; haine que des bruits nouvellement répandus avaient réveillée. Le tumulte dura depuis midi jusqu'à 11 heures du soir. Le convoi funèbre du Prince Royal continua tranquillement sa marche. La multitude attaqua encore la maison du comte d'Ugglas et y cassa toutes les vitres mais le comte lui même fut sauvé. Une garde de 500 hommes entoura la maison également menacée de la comtesse Piper sœur du comte Fersen. La comtesse s'était enfuie On a fait entrer dans la ville plusieurs régiments la tranquillité est rétablie ; pourtant on n est pas sans inquiétude.

===
Stockholm le 3 juillet 1810

Le 2o juin après l assassinat commis sur la personne du comte de Fersen M d'Engelström notre Ministre des Affaires étrangères adressa une circulaire aux membres du corps diplomatique pour les prévenir des mesures prises par le gouvernement pour leur sûreté personnelle. Les ministres étrangers répondirent à tous cette circulaire par des notes obligeantes.
Le scellé a été mis sur les papiers de feu M le comte de Fersen Sur la demande du comte Fabian de Fersen qui refuse de recueillir la succession de feu son frère le comte Axel de Fersen jusqu'à ce que l'innocence de cette victime de la fureur populaire fût prouvée le gouvernement fit mettre le scellé sur les papiers et effets du défunt comte Le chancelier de justice et le vice gouverneur de la capitale seront présents à l ouverture des scellés et à l'examen des papiers.
Le chancelier de justice a fait un nouveau rapport sur les recherches relatives aux bruits publics au sujet de la mort du prince royal il propose au roi sur la demande du comte Fabian de Fersen de charger l avocat fiscal de faire une enquête légale sur cette affaire devant le tribunal de la cour de Suède.
La comtesse Piper et le comte Fabian de Fersen seront interrogés. Le docteur Rossi n ayant pas répondu aux interrogations du chancelier d'une manière suffisante, un procureur royal a été chargé de former une enquête particulière contre lui.
====
A la date du Journal de Lyon du 18 août 1810

Stockholm le 17 juillet

Le roi doit partir pour Öcrebro. Il ne voyagera qu'à petites journées Il parait un récit du gouvernement qui contient tout ce qui s est passé le 20 juin et on a joint le rapport du général baron Adlerkreutz. On en a fait la lecture dans toutes les églises de la capitale et on l'a envoyé dans les provinces et la campagne.
L église de Riddareholm a été éclairée aujourd'hui comme le jour de l'enterrement du prince royal et tout le inonde a pu y entrer. Le collége de médecine ayant terminé son rapport sur la mort du prince royal et l'ayant présenté au roi a obtenu la permission de le faire imprimer.

===
Journal de Lyon du 25 septembre 1810

Stockholm le 10 septembre

Nous soussignés généraux du royaume de Suède comtes barons évêques représentant de la noblesse du clergé de la bourgeoisie et des paysans assemblés actuellement en diète extraordinaire dans la ville d'Öcrecbro savoir faisons que
SAR le prince Charles Auguste de Schleswig-Hollstein Sonderburg Augustenburg élu prince royal de Suède des Goths et des Vandales décédé sans héritiers mâles et que jugeant qu il est de notre devoir de prévenir et détourner le péril pour l indépendance et la tranquillité du royaume ainsi que pour les droits et privilèges de ses habitants statués par les lois fondamentales qui pourrait résulter d une vacance du trône et de l'élection qui s'ensuivrait exerçant en même temps le droit qui nous est réservé dans le 94 ème article de la Constitution du 5 juin i8o9 d'élire en pareil cas une nouvelle dynastie à ces causes et considérant que le haut et puissant prince et seigneur Jean Baptiste Jules Bernadotte prince de Ponte-Corvo est doué dès vertus et qualités qui nous donnent le juste espoir de jouir sous le règne de ce prince d une bonne administration et de la prospérité fruits d un gouvernement légal, énergique et bienfaisant  
Nous les États généraux de Suède sur la proposition de notre auguste roi actuellement régnant et sous condition que le susdit prince et seigneur, prince de Ponte-Corvo ait, avant son arrivée sur le territoire suédois embrassé la religion évangélique luthérienne et signé les reversales dressées par nous avons élu volontairement, par suffrages légaux et unanimes pour nous et nos descendants le haut et puissant seigneur Jean Baptiste-Jules Bernadotte prince de Ponte Corvo à la dignité de prince royal de Suède pour après le décès de notre auguste souverain actuel dont le Tout Puissant veuille prolonger les jours régner sur la Suède et les pays qui en dépendent être couronné roi de Suède et recevoir le serment de fidélité enfin gouverner le royaume suivant le sens littéral de la constitution du 6 juin 1809 ainsi que selon les lois en vigueur tant fondamentales que générales et spéciales le tout conformément aux reversales que SAR donnera présentement et dans la suite a son avènement au trône.
Nous conférons également aux descendants mâles légitimes de SAR le droit d'occuper le trône de Suède dans l'ordre et de la manière qui sont statués littéralement dans la loi de succession que nous avons établie.
Nous les Etats géuéraux de Suède ayant arrêté ce qui précède avons en conséquence confirmé le présent acte d élection par la signature de nos noms et l'approbation de nos sceaux.
Fait à Öcrebro le 21 ème jour du mois d'août 1810 après la naissance de Notre Seigneur.

Constantinople le 16 juillet .../...

====
Stockholm le 20 novembre

Le tribunal de la Cour a rendu le 5 son jugement concernant la mort subite du prince Charles Auguste.Il en résulte qu il n'existe aucune preuve qu'on ait attenté à la vie de SAR.  La conclusion du jugement est ainsi conçue
" Le tribunal royal de justice trouve qu'il n'y a aucune raison de conclure qu'on ait formé un complot contre les jours de S A R le Prince héréditaire et encore moins qu'on ait tenté de l'empoisonner mais que sa mort a été uniquement l'effet d'une maladie que la santé de SAR a fait promptement empirer. En conséquence le tribunal est convaincu que les bruits d'une mort violente qui se sont répondus dans le public sont entièrement dépourvus de fondement et ne méritent aucune croyance.
Comme pendant tout le cours de la procédure il n a été produit aucune preuve qui confirme le moins du monde les soupçons qu on avait formés à cet égard contre Son Excellence le maréchal comte de Fersen et sa sœur Mme la comtesse Piper le présent acte justifie suffisamment la mémoire du maréchal et la réputation de la comtesse contre toute accusation de ce genre sans que l'intervention ultérieure d aucun tribunal soit nécessaire pour constater leur innocence qu on n a pu mettre en doute par aucune voie juridique "

- L' enterrement solennel du maréchal comte Fersen aura lieu vers la fin de ce mois
- SA le prince royal se propose de faire incessamment un voyage à Gothembourg

Pour clore cette revue de sources documentaires sur la mort de Fersen, la seule question à résoudre est de savoir si les coupables ont été identifiés et punis ... et sinon pourquoi !...

voici un extrait ( à l'état brut ) du  Mercure de France ( juillet 1810 )


Stockholm en deuil du prince royal et assistant à ses funérailles vient d être le théâtre d une sanglante catastrophe Le grand maréchal de la cour comte de Fersen était à la tête de la pompe funèbre les regrets unanimes produits par la perte du prince avaient fait naître des soupçons populaires contre le comte et sa famille il en a été la victime tous les efforts faits pour le sauver ont été inutiles la fureur du peuple l a poursuivi jusqu 'à  l Hôtel de VilIe où on le conduisait pour le soustraire à la mort et il a été massacré sur les marches de ce palais Le roi accouru a Stockholm a pris toutes les mesures nécessaires pour que d autres délits ne compromettent pas la sûreté publique La reine est aussi revenue dans la capitale où le calme s est rétabli

.../...

A la scène sanglante qui a effrayé Stockholm et qui a nécessité dans cette capitale l emploi de mesures de rigueur ont succédé des scènes anarchiques et la tentative f évidemment préméditée d un crime dont on n a pu encore saisir les auteurs Ce crime était l ineendie de la ville à laquelle par quatre côtés differents on a essayé de mettre le feu la surveillance de la police a déjoué ce complot le gouverneur de Stockholm le général major Skioldeferand a publié une proclamation très sévère et intimé les ordres les plus1 précis pour le maintien de la sûreté et de la tranquillité publique En même  temps on a appris la retraite du comte d Ugglas ci-devant gouverneur de Storkholm il a cherché dans sa terre un asyle contre les ell els de l exaspération du peuple Celle haine du peuple contra les personnes qu il enveloppe dans set soupçons aur le causes de la mort du prince royal s est portée jusque sur le médecin appelé lors de la chute du prince pour roi porter les premiers secours et qui le trouva sans vie ï lejdocteur Rossi c est le nom de co médecin a failli périr le même jour que le comte de Fersen il a été assailli ses habits ont été déchirés mais au moment où il allait être frappé profitant des avantages que lui donne sa force naturelle il a terrassé un de ses assaillant et par une fuite rapide se dérobant aux autres il a trouvé asyle au palais royal On parle des derniers niomens du comte de Fersen d une manière qui ferait présumer son innocence on assure qu entre les mains du peuple il le conjurait de l épargner et protestait de la manière la plus touchante qu il était étranger à tout complot formé contre le prince royal On remarque que ce seigneur était superstitieux que doué d ailleurs de beaucoup d esprit il croyait ou feignait de croire à l art divinatoire En voyage partout ah il passait il faisait dit on appeler le sorcier de l endroit et c est d un de ces jongleurs qu il avait appris qu il périrait dans une émeute populaire On sait ce qu il faut croire de cea romans faits après coup sur tout homme dont l histoire présente un caractère tragique mais on rapproche cette opinion sur le comte du Fersen de celle qui donne au ci devant roi de Suéde un mêin degré de crédûlité et qui parmi les officiers attachés à sa personne met au premier rang celui qui est chargé par le prince de lire pour lui dans le livre de l avertir Un écrit satirique intitulé le Renard embrasse l ensemble de tous les derniers événemens y il fait à Stockholm une vive impression Jusqu à présent rien n établit légalement l existence du complot et rien ne justifie les soupçons auxquels la populace de Stockholm a donné des suites si cruelles la chancellerie de justice a fait un rapporjr sur l événement et présenté à SM le résultat de l enquête décrétée pour constater la cause du bruit que le prince royal aurait succombé d une mort violenteél par l effet du poison Rien encore n a été découvert rien n annonce Inexistence du crimç le pro eès vorbal d js médecins atteste même que ce crime n existo pas Cependant la commission a proposé ù SM d inviter chacun de ses fidèles sujets à dénoncer tous les faits qui pourraient établir l esislcnce d un complot contre lesjours du prince royal et à en faire connaître les auteurs cm complices SM a daigné permettre de porter à la connaissance du public l approbation qu elle a accordée à la proposition précédente faite par lo chancellerie et nfie publication Solennelle a été faite en conséquence Puisse 1 dit eil terminant e ett proclamation le gouverneur Strol dsbrancfc puisse le dieu scrutateur du coeur humain per mettre que le crime soit découvert et puni s il y en a eu ou da ns lie cas contraire qu une nation noble et respec table soit purgée de la tache déshonorante d un soupçon ai affofux L enterrement du prince royal a été différé Quant 3 la diète elle devait se réunir le i5 juillet à Stockholm mais o ne présume pas que cette réunion ait lieu dans cette capitale encore agitée du souvenir des dernier événemens et au sein de laquelle règne un appareil militaire peu convenable à la ternie de étals On désigne à cet effet une ville assez voisine de Stockholm où déjà plusieurs diètes ont été tenues

Je place ici cette autre illustration de la mort de Fersen, extrêmement touchante:


Emil Osterman in Allers Familj-Journal 27 June 1910 page 215

On y voit la violence des agresseurs qui assiègent le comte. Et lui, acculé au mur... mais ne manifestant aucune crainte, rien. Comme indifférent à la mort. A la souffrance même.



Son visage n'exprime rien de ce que l'on pourrait attendre en un moment aussi atroce. Ses vêtements sont déchirés, ses boucles d'oreilles arrachées, mais il est encore revêtu des insignes de ses hautes fonctions. Bien visibles sur le dessin. Et pourtant tellement dérisoires à cet instant où tout va s'arrêter dans les pires douleurs.

Quelques détails encore frappent le regard: les longs cheveux blancs. Jamais lu nulle part qu'Axel de Fersen avait blanchi. Une perruque, peut-être? Pour stigmatiser les usages désuets de la noblesse? Ses sourcils aussi attirent l'attention. Très épais, en accord avec la description que donne Simone Bertière. Héritage de ses ancêtres gascons.

Cette image me touche très fort. J'ai vu plusieurs représentations du supplice de Fersen, mais celle-ci rend vraiment le sentiment que j'ai. Aucune manifestation de crainte. Ce serait indigne d'un soldat. Et de sa classe, aussi. Mais il y a plus, dans cette image. Quelque chose de poignant. Cet homme d'un autre âge, d'un autre temps, qui fait face à sa mort avec indifférence, comme s'il était déjà parti.

Meilleures couleurs  


Je trouve qu'on reconnaît bien le comte de Fersen, ses traits, je veux dire.