Le Boudoir de Marie-Antoinette

Prenons une tasse de thé dans les jardins du Petit Trianon
 
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 Madame Clotilde

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pimprenelle
Chou d'amour
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMer 16 Fév - 21:24

Quel courage et quelle constance, cher Dominique !!! Vos posts sont toujours aussi passionnants ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeJeu 17 Fév - 8:17

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Nous apprenons en effet beaucoup sur cette princesse méconnue Madame Clotilde - Page 14 79143 Merci !! Madame Clotilde - Page 14 454943
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeJeu 17 Fév - 12:40

C'est vraiment passionnant. Merci beaucoup et bravo Madame Clotilde - Page 14 914132
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Chou d'amour
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeVen 18 Fév - 20:25

Ah j'ai de la lecture merci Dominique Madame Clotilde - Page 14 454943

_________________
Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeLun 7 Mar - 17:50

je continue de diffuser la suite du chapitre IV, mais je sais déjà que je n'aurai pas fini avec mon chapitre aujourd'hui... Shocked. Mais j'avance, j'avance... Very Happy


Suite du Chapitre IV


Quand la France devient l'ennemie 1789-1796


C'est à cette époque que parvint à Turin le comte de Provence, gendre de Victor-Amédée III. L'accueil de la Maison de Savoie fut correct, mais sans chaleur marquée, le roi de Piémont-Sardaigne ayant préféré éviter l'hospitalité à un prince aussi politiquement gênant que l'était Monsieur. Sans doute le roi ne désirait-il pas le retour dans sa capitale d'une coterie d'émigrés comme celle du comte d'Artois quelques années plus tôt. Mais en 1793, la situation des princes émigrés était diamétralement opposée à celle de 1789 : le comte de Provence n'avait plus d'argent, comptait ses soutiens politiques sur les doigts d'une main et ne parvenait pas à imposer son titre fictif de "Régent de France" auprès des souverains de l'Europe. Même son beau-père refusait de le reconnaitre ! On aurait apprécié connaître l'attitude de la princesse Clotilde à l'égard de son frère car elle avait chaleureusement accueilli le comte d'Artois quatre ans plus tôt, mais pour le comte de Provence la documentation française est muette. Nonobstant cette lacune, on peut légitimement penser que Madame Clotilde reçut son frère avec les égards filiaux que les liens de famille imposaient à un moment aussi troublé. A travers le comte de Provence aux manières cauteleuses et aux sentiments évanescents, sa sœur Clotilde apparaissait diamétralement différente. Dénuée d'affectation et de tempérament émotif, alors que Monsieur était réputé vaniteux et de nature flegmatique, la princesse de Piémont semblait manquer de jugement et peut-être de finesse d'esprit. Elle n'avait pu totalement méconnaître la cabale feutrée du comte de Provence pendant le règne de Louis XVI et de plus la voie politique adoptée par Monsieur en 1791-1792 n'avait qu'exacerber davantage les tensions autour de la monarchie française. Pensait-elle son frère capable d'un égoïsme sans mesure ? Ce n'est pas certain car elle l'appelait "Mon bon, cher et adorable frère" lorsque celui-ci devint en 1795, "Roi de France" en exil sous le nom de Louis XVIII. A Turin, son embonpoint colossal le fit paraitre "gros comme un ballon" et accablé par les crises de goutte, il rendait visite à sa belle-famille en chaise à porteurs. Monsieur ne devait rester que quelques mois à Turin, car dès le mois de mai 1794 il s'installait à Vérone.
Par contre, la femme de Monsieur avait rejoint les siens dès 1792 et la famille royale de Savoie constata rapidement les profonds changements dont la princesse était affectée. Il est probable que la Maison de Savoie connaissait depuis longtemps son goût pour l'ivresse mais la proximité désormais immédiate de la comtesse de Provence lui révéla l'ampleur de ses troubles. Ses colères, ses caprices, ses exigences et ses malaises divers devinrent la fable de la Cour de Turin. Un jour elle est "fort ivre", un autre, elle est "d'humeur noire"... A d'autre moments, elle ignore ostensiblement certaines parentes comme la duchesse d'Aoste ou la princesse Félicité. En somme, de cette famille royale sans talent, mais apparemment unie, elle attire la discorde et la division. Mais davantage que sa santé "absolument détruite" selon sa sœur la comtesse d'Artois, la présence et l'influence de sa lectrice, Madame de Gourbillon, suscite commentaires oiseux et critiques malveillantes. Il est difficile de déterminer la nature de la relation des deux femmes sans pour autant édulcorer le goût de Marie-Joséphine de Savoie pour son sexe. Cependant, rien ne permet d'affirmer qu'elle eut des liens charnels avec sa lectrice et certaines de ses lettres tendraient à appuyer cette thèse. Car au-delà de la question de mœurs, Marguerite de Gourbillon, femme de tête envahissante, apparaissait comme un mauvais génie, une sorte de Léonora Galigaï, une "maudite saurcière" selon l'expression du duc de Genevois ! La famille royale la rendait responsable à tort des dérèglements de la comtesse de Provence et Clotilde faisait partie des détracteurs de l'amie de sa belle-sœur. Pourtant, il est probable que ni Clotilde, ni aucun proche, ne comprenait grand-chose à la "maladie" de Marie-Joséphine, les troubles psychiques comme tels ne faisaient pas partie de la science médicale. On reconnaissait bien les symptômes de son malaise à travers son "humeur noire" puis de ses crises d'abattement, mais on était bien incapable de faire un diagnostic.
De fait, bien que séparée de Monsieur, Madame n'en était pas moins liée par le mariage. C'est pourquoi, Victor-Amédée III et le couple héritier se concertèrent au milieu des années 1790, pour prévenir le comte de Provence des alarmes que leur occasionnaient le comportement étrange de Marie-Joséphine et sa relation équivoque avec Madame de Gourbillon. La comtesse de Provence à la fin de sa vie disposait d'assez d'éléments à charge pour faire savoir à sa chère amie que sa famille avait joué un rôle dans sa défaveur. La princesse associait sa belle-sœur Clotilde comme responsable de ses malheurs : "... Je vais vous dire le sujet de votre disgrâce. C'est mes parents qui ont fait un crime au Roi (Louis XVIII ex-comte de Provence) de trop de complaisance maritale. J'ai les preuves de ce que je vous dis : j'ai vu les lettres de mon père, de ma sœur la princesse de Piémont et de mon frère aîné." Toutefois, faute d'autres documents directs sur le jugement de Clotilde envers "le couple" de sa belle-sœur, il serait aléatoire d'avancer d'autres arguments.

Pendant ce temps, de l'autre versant des Alpes, la marche de l'histoire poursuivait inexorablement son cours. La Révolution Française resserrait son étau sur les derniers vestiges de la monarchie et la princesse de Piémont assistait impuissante à la déchéance de son frère Louis XVI avec la prise des Tuileries le 10 août 1792, l'incarcération de la famille royale et la proclamation de la République le 22 septembre 1792. A ce moment, la Maison de Savoie comme toutes les autres dynasties européennes était pendue aux nouvelles d'une part sur la progression des armées austro-prussiennes sur la frontière nord-est de la France et d'autre part sur le sort réservé à Louis XVI et à sa famille.
Sur le premier point, le roi de Piémont-Sardaigne comptait ses maigres chances de succès, surtout pour la défense de ses possessions immédiates avec la France car le monarque s'attendait à un moment ou à un autre à une attaque d'envergure. Le souverain déclarait à l'ambassadeur de Russie :
"Vous voyez que pour le présent, je suis isolé...je ne suis pas assez fort... l'étendue de mes frontières de Genêve à Nice est énorme, la Savoie et le comté de Nice sont des pays ouverts... Au surplus, chez nous il y a beaucoup de têtes gagnées par les idées insensées des français. Quant à mes troupes, elles sont dans un état satisfaisant. Je les ai disposées aussi bien que j'ai pu, pour l'avantage des armées Allemandes. Le corps autrichien qu'on m'a envoyé est très faible. Si je lui donne à présent l'ordre de marcher, Montesquiou en l'apprenant ne tarderait pas à faire irruption en Savoie avec sa bande de brigands. J'attends toujours des nouvelles de quelque victoire importante du duc de Brunswick, et provisoirement je reste suspendu comme l'araignée au fil de sa toile."
En second lieu, la position de la famille de Clotilde demeurait tout autant préoccupante et malgré l'absence de témoignage direct pour l'année 1792, on peut être persuadé de l'extrême affliction de la princesse de Piémont face à tant d'évènements dramatiques. Mais contrairement aux alarmes, ce ne fut ni Louis XVI, ni Marie-Antoinette, ni les enfants royaux, ni Madame Élisabeth qui furent d'abord touchés dans leurs vies, mais une parente éloignée, la princesse de Lamballe.
Marie-Thérèse de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, appartenait par sa naissance à une branche cadette de la Maison de Savoie, les princes de Carignan, et par son mariage en 1767, à la Maison princière de Bourbon-Penthièvre issue de Louis XIV et de Mme de Montespan. Prématurément veuve, elle était devenue l'amie intime de Marie-Antoinette avant d'être éclipsée par Mme de Polignac. Sous la Révolution, malgré l'éclatement de la Cour de Versailles et la fièvre anti-aristocratique qui sévissait, elle refusa de quitter Marie-Antoinette. C'est ce qui provoqua sa perte lors de la chute de la monarchie ; elle fut massacrée de façon ignominieuse, la tête fichée au bout d'une pique le 3 septembre 1792. Il est vrai que la princesse de Lamballe dans ce moment crucial cumulait de lourds handicaps : elle était par son mariage, princesse rattachée à la maison de Bourbon, ce qui n'était pas de bon augure. Elle avait surtout été l'amie et la surintendante de la maison d'honneur de Marie-Antoinette ce qui constituait une faute innommable pour certains sans-culottes qui n'avaient pas froid aux yeux pour la tuer. Pour eux, elle devait mourir.

La fin du mois de septembre 1792 sonna le glas des possessions ancestrales de la Maison de Savoie. En peu de jours, et avec une facilité déconcertante, la France républicaine arracha le duché de Savoie et le comté de Nice.
Le 24 septembre 1792, le général piémontais Lazary quittait la place de Chambéry et renonçait au contrôle de la Savoie face aux troupes du général de Montesquiou. En quelques jours, toute la province céda devant l'avance des "Soldats de La Liberté". La retraite et la débandade de Lazary sous la pluie et dans la boue ulcéra Victor-Amédée III au point de mettre le général aux arrêts et de le présenter devant un tribunal militaire. Nice céda aussi rapidement. Le général Anselme franchi le Var dans la seconde moitié de septembre tandis que la flottille de Truguet jettait l'ancre devant le port. La ville ouvrit ses portes le 29 septembre et les forts de Mont-Alban et de Villefranche capitulaient devant la cavalerie française.
Pour une bonne part, ces conquêtes-éclairs du grand voisin français étaient déshonorantes pour la royauté sardo-piémontaise, elles accréditaient la vulnérabilité de l'État et affaiblissaient son prestige auprès du peuple et des autres royautés européennes. Mais à travers cette conjecture, le fruit était mûr depuis longtemps : savoyards et niçois directement limitrophes avec la France s'inspiraient des idéaux de ce pays et la révolution n'avait fait qu'éxacerber leurs sentiments avec dans leurs contrées avec le maintien des derniers vestiges de la féodalité comme les dimes. Dès l'été 1789, des troubles avaient éclaté et beaucoup désiraient se mettre "sur le pied de France". De surcroit, la rivalité qui les opposait depuis des décennies avec la tutelle de l'administration piémontaise sur leur sol, source de conflits et de rancœurs tenaces, les rejetait dans l'orbite de la France. D'ailleurs, pour bien manifester leur désaffection à Victor-Amédée III, les Chambériens s'étaient empresses d'arborer des cocardes blanches sur la queue de leurs chiens ! A Turin, l'amertume était évidente. Victor-Amédée qui s'était tant félicité de la réforme de son armée réalisait dans la douleur "qu'il avait besoin e troupes, non pas sur le papier, mais en effectif". Sur cette question,un diplomate présentait ce constat : "... on voyait beaucoup d'états-majors, beaucoup d'officiers, beaucoup de régiments, de bataillons, mais très peu de véritables soldats ; plus d'officiers de la noblesse et de la cour, que de guerriers."


Voila ! je reviendrai pour la suite de mon chapitre ! J'espère en voir le bout... du tunnel ! Madame Clotilde - Page 14 79143 Very Happy
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMar 12 Avr - 18:48

Suite du chapitre IV


Quand la France devient l'ennemie 1789-1796



Les années 1793 et 1794 représentèrent pour Clotilde une période d'indicible douleur et l'imprimèrent à jamais dans une souffrance et une résignation morbide. Elle ne put surmonter vraiment tous les chocs répétés dont son corps et son psychisme furent victimes. Au travers de la perte de sa famille française et de la lente désintégration de la monarchie sardo-piémontaise, seul le secours de la religion lui donna la force de continuer à vivre et de se tenir debout. Elle apprit le 4 février 1793 l'exécution de son frère Louis XVI et "faisait pitié et montrait une grande vertu" selon son beau-frère Charles-Felix, puis celle de Marie-Antoinette, enfin celle de Madame Elisabeth en mai 1794. Sa soeur cadette incarnait la mémoire de son enfance à Versailles, sa confidente et sa compagne de jeux autant que le miroir de son adoration mutuelle envers Dieu. De fait, déjà profondèment éprouvée par la mort du roi et de la reine, la disparition de sa soeur cadette ne pouvait que la dévaster davantage. La famille royale de Savoie savait combien la princesse de Piémont était attachée par un lien indestructible avec sa soeur. Qui lui apprendrait cette traumatisante nouvelle ? Le chef de famille, Victor-Amédée III ? Non. Ce fut finalement l'époux de Clotilde qui se chargea de cette ingrâte mission. Le prince héritier Charles-Emmanuel entra dans les appartements de sa femme, un crucifix à la main, puis contemplant Clotilde dans le fond des yeux, il eut le courage de lui dire :" Il faut faire à Dieu un grand sacrifice." La princesse comprit, mais rompue par l'émotion, elle s'évanouit. De tous les menbres de la famille royale de Savoie, c'est sans aucun Clotilde qui porta le poids de la tragédie lors de ces années noires.
La Cour de Piémont-Sardaigne, déja recroquivillée sur elle-même depuis bien longtemps, croûlait sous la vieillesse attristée de son souverain Victor-Améde III et la neurasthénie du couple héritier. Quelques timides rayons de lumière percèrent parfois cette atmosphère plombée. La duchesse d'Aoste donne des enfants au monde. A la fin de 1792, une fille, Marie-Béatrice, voit le jour. Un peu plus tard, un héritier, un petit Charles-Emmanuel, donnera l'illusion de la relève des générations, mais il ne passera pas la petite enfance. Ainsi, sur le plan dynastique, c'est la duchesse d'Aoste qui portait les espoirs. La princesse de Piémont n'avait pas ou pu devenir mère, et bien qu'âgée de 33-34 ans, sa santé brisée avait définitivement fermé cette promesse. C'est vers cette époque que le duc et la duchesse d'Aoste commencèrent timidement à prendre une importance accrue auprès des courtisans. L'avenir et la résistance de la monarchie piémontaise face aux périls intérieurs et extérieurs semblait reposer sur eux un jour face à un roi dépassé par la situation et par le prince et la princesse de Piémont murés dans leur isolement religieux et mystique.
Non pas que le mari de Clotilde n'ait abdiqué ses droits ! Il participait aux conseils et avait finalement à contre-coeur opté pour la carte de l'Autriche pour sauver son pays menacé d'une invasion française après l'occupation de la Savoie et de Nice. En 1793-1794, le danger paraissait si grand que seul l'Autriche paraissait suffisamment puissante pour protéger le trône de la dynastie, mais d'une part, la chancellerie de Vienne n'avait envoyé qu'à peine plus de 10 0000 hommes, effectif insuffisant pour dissuader les français, et de l'autre Victor-Amédée III avait dû accepter que son armée soit commandée par des généraux autrichiens ! Cette ingérence étrangère ne remporta pas les suffrages : "Les Allemands amis font plus de mal que les Français ennemis" disait-on. Pour conclure cette étroite collaboration, le roi avait signé avec l'Autriche le traité de Valenciennes le 29 mai 1794.
Après la perte de Nice et de la Savoie en 1792, s'ensuivit les années suivantes, un épisode peu connu, "La Guerre des Alpes" qui préfigure la Campagne d'Italie de 1796. La Maison de Savoie ne s'estimait pas vaincue dans la perte de ses provinces périphériques et elle engagea au cours de l'été 1793 une contre-offensive afin de reconquérir les territoires perdus. Mais bien qu'ayant réinvesti les régions de Tarentaise et de Maurienne, les troupes Piémontaises durent refluer dès septembre devant l'avance du général Kellerman. Il était clair qu'à moyen ou long terme, la France engagerait le moment voulu une vaste campagne contre la Maion de Savoie en Piémont et contre les autres trônes italiens. De plus, la déclaration officielle de guerre du Piémont-Sardaigne à la France au printemps 1793 qui entrait ainsi dans la coalition anti- française aux cotés de l'Autriche et de l'Angleterre justifiait ce calcul. Il ne restait plus à Victor-Amédée III qu'à fortifier ses forteresses militaires pour préserver ce qui lui restait de ses Etats.
Par ailleurs, à l'exception du prince héritier Charles-Emmanuel, peu porté sur les armes et à la santé vacillante, les princes de Savoie ne restaient pas inactifs. Les ducs d'Aoste et de Montferrat commandèrent des unités dans les Alpes, tandis que le duc de Chablais stationnait sur les hauteurs de Nice. Pour l'époux de Clotilde, ce retrait de la scène militaire dans un contexte de crise, ne pouvait que le désservir, ce que les autres princes, en particulier son frère cadet, le duc d'Aoste ne manquerait pas d'exploiter en cas d'opportunité politique. Nous y reviendrons.
Face au péril extérieur des armées françaises, la monarchie sardo-piémontaise était confrontée au péril intérieur révolutionnaire de l'agitation jacobine. Ce mouvement alors peu étendu jusqu'en 1792, avait pris de l'importance surtout à Turin et dans des villes secondaires comme Alba ou Alexandrie. Mais de fait, l'émergence de ces clubs et sociétés secrètes aux tendances diverses, ne disposaient pas de ligne politique cohérente, en raison de leur clandestinité et de leur éclatement. Ces faiblesses profitèrent au gouverment central, en étendant la surveillance et la délation à la moindre susceptibilité d'activité jacobine... L'armée et la police répriment durement les promoteurs de la Révolution Française quand le trône de la dynastie de Savoie est en jeu. Plusieurs conspirations contre la monarchie échouent, des dirigeants révolutionnaires comme Francesco Junot et Giovanni Chantel sont pendus en 1794 et la répression disperse les clubs patriotiques découverts.
Les rumeurs de conjurations contre la Maison de Savoie parviennent rapidement à Naples ou la reine Marie-Caroline confiait au marquis de Gallo, attaché à Vienne : "Les lettres surprises à Turin ont fait découvrir une trahison infâme contre la vie et la sécurité du roi et de la famille royale. On a emprisonné un assez grand nombre de gens ; d'autres ont pu s'enfuir. On a trouvé deux pistolets chargés sur un garde du corps en faction à la porte du roi."
Mais comme dans toute l'Italie, de Turin à Milan, de Parme à Rome, de Florence à Naples, les lieux de réunion renaissent, s'organisent, commentent les évènements de France. La Révolution Française étend la toile de ses idées sur une grande partie de l'Europe et les monarques viscéralement attachés à l'Ancien Régime comme Victor-Amédée III, Charles IV en Espagne ou Ferdinand IV à Naples qui ne comprennent pas cette nouvelle donne le paieront au prix d'humiliants traités et certains d'entre eux y perdront leurs couronnes ou leurs possessions continentales.

En France, avec la chute de Robespierre le 9 Thermidor et la fin de la Terreur, une page de l'histoire plitique de la Révolution s'achevait. La Convention Nationale, épurée de ses organes les plus extrémistes décida de traiter avec certains Etats monarchiques dans le but de les séparer de leurs alliances avec l'Autriche et l'Angleterre qui représentaient alors les ennemis les plus puissants de la République Française. "La diplomatie à coups de canon" selon l'expression du ministre Merlin de Douai n'était plus la règle priviligiée.
Après la Toscane en février 1795 puis la Prusse en avril, l'Espagne signa la Paix de Bâle le 22 juillet. L'article XV du traité de Bâle stipulait que la République acceptait la médiation du roi d'Espagne en faveur du roi de Sardaigne et des souverains et Etats italiens pour le rétablissement de la paix entre la France et chacun de ces princes et Etats. Dans cette optique, il est possible que le roi Charles IV d'Espagne ait ouvert des pourparlers avec Victor-Amédée III, les deux monarques étaient d'ailleurs beaux-frères. Pourtant en 1795, la partie était loin d'être gagnée pour que le royaume sardo-piémontais cesse sa position hostile envers la France ! Le roi de Sardaigne n'avait pas de mots assez durs pour tous ceux qui de près ou de loin avaient pactisé avec le régime révolutionnaire, les égratignant au passage de "scélérats" et de "brigands"...
En outre, au même moment, l'animosité du souverain ne fit que se renforcer avec au nom de la France, la spoliation d'une partie de ses biens. En effet, en raison du coût de la guerre, les finances de la monarchie sardo-piémontaise étaient sérieusement obérées, et la perte de la Savoie, de Nice et la multiplication des désordres intérieurs au Piémont et en Sardaigne avaient diminué d'autant les recettes fiscales de l'Etat. Afin de parer cette plaie financière, Victor-Amédée III se décida à emprunter en Hollande en juin 1794 auprès de la maison Renouard. Les agents du roi de Sardaigne obtinrent 760 000 florins tandis que le monarque remettait en garantie pour plus d'un million de joyaux qui furent déposés à la banque centrale d'Amsterdam. Ces bijoux étaient répartis dans six boites dans un amoncellement de diamants, de perles, de saphirs, de rubis et d'émeraudes, montés en colliers, aigrettes, boucles d'oreilles, bracelets, chaines, agrafes, croix, boucles de ceinture... Victor-Amédée III et ses descendants ne reveront jamais ces trésors qui constituaient vraisemblablement une part de leur fortune patrimoiniale.
Moins d'un an plus tard, la France envahissait la Hollande et ne tarda pas à découvrir l'existence de cette manne. La République Française manquait elle aussi cruellement d'argent et ne s'embarrassait aps de scrupules pour s'en procurer ! Le 11 mai 1795, les représentants du peuple proclamèrent que "tous les objets appartenant aux gouvernements ennemis de la France se trouvant dans les Provinces-Unies étaient acquis à la République...". Acheminés et expertisés à Paris, les trésors de la Maison de Savoie furent alors vendus à Constantinople qui représentait une grande plaque tournante sur le marché des gemmes.

Mais malgré la grande prévention du roi de Piémont-Sardaigne envers le régime républicain, de secrètes et tortueuses négociations furent nouées entre les deux bélligérants. Toutefois, les intérets particuliers de chacun étaient tout différents et la base d'une entente réciproque digne d'un Machiavel ! D'une part la France avait pour objectif d'abaisser la Maison d'Autriche en Italie par la prise du Milanais, puis dans un second temps, par la destruction du Saint-Siège à Rome. Dans l'optique du premier but, elle ne désepérait pas de gagner Turin à sa cause afin de s'allier avec elle dans un front offensif commun. En retour, en cas de victoire, Paris proposait à Victor-Amédée III, l'offre de la Lombardie, territoire enlevé aux Autrichiens, ou bien la Ligurie qui donnerait au Piémont un débouché sur la mer. Ce point, il est vrai, correspondait à l'ambition angulaire de la Maison de Savoie qui souhaitait depuis longtemps s'emparer de l'Etat milano-lombard afin de s'implanter plus avant en Italie.
De part et d'autre, les négociations se déroulèrent en terrain neutre. L'une d'elle fut traitée entre Barthélemey, ambassadeur de France en Suisse et le marquis de San Fermo, ambassadeur de Sardaigne à Venise. La proposition de la légation française de Bâle à San Fermo reposait à première vue sur des sables mouvants !! : "Le gouvernement sarde devrait s'allier secrètement à la France et tout en paraissant l'allié de l'Autriche, agir en dessous-main et travailler traitreutesement à livrer à la France les places occupées par les Autrichiens. Les places une fois reprises, le roi se rangerat ouvertement du coté des Français, ferait avec eux la guerre et recevrait uen récompense."
Afin de se rendre crédible, la diplomatie française lissait ses arguments dans le but inavoué de falatter le cabinet piémontais : "Il faut chasser pour toujours les Autrichiens de l'Italie. Votre sureté à enir en dépend. La France veut vous délivrer pour toujours du joug autrichien. Notre dessein invariable est de faire votre souverain roi de Lombardie."
Turin n'accepta pas le marché. Entre les deux parties, la méfiance, la duplicité et le manque de clarté politique achoppèrent devant trop de difficultés. Pour la Maison de Savoie, un retournement complet des alliances s'avérait extrêmemement risqué si les choses tournaient mal. En cas de trahison avérée, Vienne n'aurait pas hésité à causer le plus grand tort à Victor-Amédée III en démenbrant ce qui restait de ses Etats. De surcroit, d'un point de vue moral, un rapprochement politique avec la France républicaine présentait des anomalies irréconciliables : comment Victor-Amédee III aurait-il pu s'allier avec Paris alors que trois de ses enfants étaient mariés avec des Bourbons ? de quels fondements le souverain pouvait-il user avec sa belle-fille devant une question ou les qualités de coeur et l'honnêteté n'avaient rien à faire ? Clotilde, princesse de Piémont et épouse de de l'héritier du trône ne pouvait fondamentalement pas en 1795 souscrire à une telle orientation de sa famille d'adoption, alors que ses proches avaient subis tant d'avanies avant d'être exécutés. Certes, il ne semble pas qu'elle n'ait jamais eue uen tête politique solide, mais son amour propre et sa dignité à travers une telle éventualité, auraient été éclaboussés et meurtris au point qu'elle aurait été en droit de quitter la Cour de Turin. Mais le roi et le prince héritier Charles-Emmanuel l'aimaient et la respectaient trop pour lui infliger un tel affront sachant d'ailleurs tant elle souffrait à cette époque. Si Victor-Amédée III consentit à ouvrir des discussions avec les "brigands" il ne le fit que du bout des lèvres et il apparait à tout point de vue que cette initiative relevait davantage de son cabinet. Les ministres du roi dépendaient de la seule politque, mais le chef de la famille royale avait le devoir sacré de maintenir la cohésion dans la famille, contre quoi d'inextricables problèmes seraient survenus avec deux gendres, chefs naturels de la Contre-Révolution en France. Quelques années plus tard, Joseph de Maistre, ambasadeur de Sardaigne à Saint-Petersbourg, confiat sur cette affaire : "Si nous aurions voulu nous allier avec les français, V.M serait dans ce moment roi d'Italie ; mais une alliance avec les hommes qui commandaient alors aurait été trop immorale, trop dangereuse...".

Au début de 1796, la France et et le royaume de Piémont-Sardaigne activent leurs préparartifs de guerre ; elle est inévitable, Turin ayant finalement décliné toutes les propositions d'alliance de Paris. Le 2 mars, le Directoire nomme Bonaparte, Commandant en Chef de l'Armée d'Italie. Les principes de droiture et de loyauté de Victor-Amédée III ont eu raison de son cabinet, notamment du comte d'Hauteville, son ministre des Affaires Etrangères qui inclinait pour un rapprochement avec la France du Directoire. Le ministre déclarait au marquis Gherardini, ambassadeur d'Autriche à Turin que "Sa Majesté au comble de l'indignation m'a ordonné de répondre qu'elle s'enselévirait plutôt sous les ruines de son pays que d'écouter des propositions contraires à son honneur et à sa religion...". Devant l'annonce d'ine invasion prochaine, le roi restait cependant confiant en disant à l'ambassadeur d'Angleterre Trévor que les soldats Français qui se rassemblaient sur la Riviera étaient trop peu nombreux et mal équipés pour en avoir peur. Pourtant Trévor pensait que le Piémont était perdu sans une aide énergique de l'Autriche qui se dérobait dans les ordres du plan de campagne à venir. L'Autriche avait relativement peu foi envers la politique de Turin. L'alliance du 29 mai 1794 entre L'Empereur et le roi de Piémont-Sardaigne était sur le fond dénuée de confiance réciproque, la chancellerie de Vienne n'ayant pas hésité à envisager avec toute la morgue hautaine dont elle était capable "d'abandonner la Sardaigne à la générosité de la Cour de Vienne pour ses menus plaisirs et pour servir de leçon aux petits souverains qui tranchent du grand seigneur et veulent se méler de ce qui ne les regarde point" !!!.
Bref, alors que le général Bonaparte arrivait à Nice le 26 mars 1796 et s'apprétait à entrer en campagne, la situation paraissait bien contrastée pour le royaume sardo-piémontais et l'avenir de sa dynastie incertain. Mais néanmoins, rien ne prédestinait le génie tactique et stratégique du futur empereur ; Bonaparte surprit tout le monde comme une tornade, le Directoire, et l'Autriche, et tous les monarques qui régnaient sur la botte italienne. L'une des premières instructions du Directoire au général en Chef de l'armée d'Italie précisait de "séparer les Autrichiens des Piémontais, de déterminer le roi de Sardaigne à faire la paix avec la France et d'attaquer le Milanais avec vigueur. Le général en chef cherchera par tous les moyens en son pouvoir à animer les mécontents du Piémont et à les faire éclater contre la Cour de Turin d'une manière générale ou partielle." L'optimisme de façade de Victor-Amédée III paraissait bien compromis face à tant de facteurs destabilisants pour l'avenir de la monarchie.



Dernière édition par Dominique Poulin le Mer 13 Avr - 16:39, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMar 12 Avr - 18:58

Merci, cher Dominique, pour cette biographie qui nous tient tant à coeur !

Bien à vous.
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMar 12 Avr - 19:12

Merci du fond du coeur Majesté Very Happy Madame Clotilde - Page 14 580524 Madame Clotilde - Page 14 580524 ! Je tenais à préciser aussi que sous peu je vais faire un gros éclairage sur Clotilde car la documentation est rare sur des pans entiers de sa vie ; c'est pourquoi j'ai davantage parlé des derniers temps des tribulations de la Maison de Savoie lors de la décade des années 1790. A bientôt ! flower
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMer 13 Avr - 1:26

Un grand merci. Very Happy
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMer 13 Avr - 18:32

Suite et Fin du Chapitre IV



Quand la France devient l'ennemie 1789-1796



Au tournant de ce moment crucial pour la Maison de Savoie, que le lecteur me pardonne cette longue digression sachant que la princesse Clotilde de France n'est plus apparue depuis un certain temps.
Après la mort de sa soeur Madame Elisabeth en mai 1794, aucun témoignage aucune source quelconque, aucun détail ne transparaît de sa vie et cela pendant au moins une période de deux ans. Il est absolument certain que les deuils répétés de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de sa soeur bien-aimée l'ont dévastée et traumatisée au plus profond d'elle-même. Déja à l'annonce de l'exécution de son frère ainé en janvier 1793, le prince Charles-Félix de Savoie, duc de Genevois écrivait : "En allant chez le roi, nous avons su que la triste nouvelle de la mort du roi de France se confirmait de toute part. Après la messe du roi, nous sommes montés tous chez la princesse, laquelle était au lit. Ele pleurait beaucoup, mais elle était d'une force et dune vertu dont on ne se fait pas idée." Il est probable qu'elle se retira encore davantage de la vie publique pour vivre son deuil. Bien heureux en dehors de sa belle-famille et de ses serviteurs les plus immédiats, pouvait se targuer d'avoir entrevue celle qui se nommait "La Servante de Dieu".
Il existe un buste de Clotilde sicelé en 1794 par Felice Festa et il est terrible ! A trente-cinq ans, la princesse de Piémont présentait un visage fermé, sans expression, comme comprimée dans une douleur sourde et douloureuse. Toutefois sa réputation d'extrême maigreur attestée en 1789 par d'Espinchal et en 1791 par Mme Vigée-Lebrun ne semble pas totalement corroborer avec ce buste de 1794. Certes, le visage et le cou ont fondus de l'amas de graisse qui faisait la particularité de celle qu'on appelait autrefois "Le Gros Madame". Si les contours se distinguent, les traits semblent encore forts et le menton un peu lourd. Ses cheveux qui représentaient vingt ans plus tôt sa plus belle couronne ont été coupés courts, peut-être jusqu'à la nuque, et seul quelques mèches dissimulent les oreilles. Clotilde porte le bonnet sans prétention qu'avait décrit Mme Vigée-Lebrun et son fichu est rabattu très haut sur la poitrine. On ne s'étonnera pas à travers ses douleurs et son extrême pitié de ne voir dans ce buste aucune coquetterie, aucun rappel de sa naissance et de son avenir prôche de reine de Piémont-Sardaigne.
Car le poids des années pèse désormais sur les épaules de Victor-Amédée III. A près de soixante-dix ans en 1796, sa santé vacillante et la cristallisation des soucis politiques des dernières années ont assombris sa vieillesse. Un Français émigré remarquait qu"il avait l'air cassé et beaucoup plus vieux qu'il ne l'est en effet. Quan il est en uniforme et à cheval, il a un faux air du roi de Prusse." En avril 1794, la reine Marie-Caroline de Naples apprenait qu'il "avait été très mal" évoquant même la possiblilité de sa mort prochaine.
L'heure de coiffer la couronne multicentenaire de la Maison de Savoie se rapprochait inéluctablement pour le prince héritier Charles-Emmanuel et son épouse Clotilde. Les conditions de cette accession au trône s'annonçaient hérissées de difficultés avec le spectre d'une République Française belliqueuse pour la survie de la monarchie sardo-piémontaise et l'extension par contre-coup d'un courant révolutionnaire jacobin qui fomentait des complots contre la monarchie. Le futur roi Charles-Emmanuel IV n'était point sot, loin s'en fallait, et à quarante-cinq ans c'était un homme fait qui pouvait inspirer l'expérience des affaires et le respect. Avisé et prudent dans ses opinions et ses paroles, son intellect et son discernement paraissent assez surs. Le prince de Piémont avait désapprouvé quoique discrétement l'apparat dispendieux dont son père avait voulu s'entourer pour ne faire figure de souverain pauvre, et il n'avait pas cautionné davantage les dépenses disproportionnées que Victor-Amédée III octroyait dans son armée. Charles-Emmanuel possédait un naturel doux et bon, sans aucune pointe de bellicisme. Il ne semble pas d'ailleurs avoir participé à la tentative de reconquête de la Savoie en 1793 comme l'avait fait son frère cadet le duc d'Aoste. Il en sera de même lors de la Campagne d'Italie en 1796 ; il n'avait rien d'un militaire. En revanche, le revers de son caractère et de son tempérament, les aléas de son épquilibre psychique problématique, la nature même de sa vie privée monastique ne correspondaient pas à un prince appelé à régner à une période aussi troublée en Europe à l'extrême fin du XVIIIe siècle.

Il existe sur l'époux de Clotilde, un document très intéressant conservé aux Archives Nationales de France. Il s'agit d'un rapport d'un agent de renseignement, le citoyen Desportes en 1795 :
"Le prince de Piémont, doué d'un jugement sain et profond, annonce toute la sagesse, toute la mesure qui manquent à Victor-Amédée. Juste et bienfaisant, il a blamé souvent en secret les opérations désastreuses de l'administration de son père. L'amour du peuple qu'il va commander l'appelle depuis longtemps au trone : objet de toutes les espérances, de tous les voeux de la nation. Un espoir si flatteur ne serait pas trompé peut-être si Charles-Emmanuel, moins paresseux et moins dévot, pouvait triompher de cette inactivité à laquelle ses préjugés religieux semblent le condamner, mais dont la véritable source est plutot dans la faiblesse extrême de sa vue, qui lui permet à peine de se livrer aux moindres travaux de cabinet." Enfin, Desportes termine son rapport en écrivant que "né populaire et bon, s'il n'était pas fils de roi, il aimerait la République" !.
La conclusion de cet émissaire n'est pas convaincante. Si le prince de Piémont ne validait ni les politiques trop louvoyantes de l'Autriche et de l'Angleterre envers son pays menacé par la France, il ne souscrivait pas davantage à celle de la France même après la chute du régime de Robespierre un an plus tôt. Il est vraisemblable que ce prince ne voulut pas entrer directement en conflit avec son père sur un certain nombre de décisions diplomatiques qu'il n'approuvait pas et qui furent prises par le cabinet piméontais entre 1792 et 1796, en particulier les traités signés avec l'Autriche et l'Angleterre. La placidité apparente de Charles-Emmanuel de Savoie a pu tromper certains diplomates qui pensaient que sa bonté et sa discrétion farouche pouvaient le rendre malléable et conciliant à volonté. Ce dont ils se trompaient ! Pour le reste, dans le privé, le prince héritier souffrait beaucoup avec de sévères accès de mélancolie qui le rendaient peu apte au gouvernement, et une maladie d'origine nerveuse qui lui donnait des convulsions pendant des heures. Certains pensaient à l'époque qu'il était atteint d'épilepsie.
Dans ces conditions, il n'est pas douteux qu'un prince aussi maladif ait cultivé beaucoup le moment ou il monterait un jour sur le trône. Le marquis Costa de Beauregard décrivait ainsi le triste état de sa situation pêrsonnelle : "]color=darkblue]Charles-Emmanuel IV n'eut pas jour d'illusion ou d'espérance. IL était d'ailleurs souffrant dès son enfance d'une maladie nerveuse qui avait imprimé à tout son être une mélancolie inguérissable. Sans cesse hanté par les visions les plus funestes, il se comparait à son beau-frère Louis XVI et se disait condamné à une fin aussi tragique que la sienne. Rien n'était plus douloureux comme l'abattement dans lequel se trainait ce malheureux prince. Sa femme seule avait assez d'empire sur lui pour lui rendre quelque energie." [/colo
Pour sa part, la future reine Clotilde possédait-elle assez de discernement politique pour influer sur les hommes et les événements à l'instar de la reine Marie-Caroline à Naples ? Cela parait peu plausible tant elle était détachée des réalités terrestres et immédiates du monde. La famille royale sous la plume de son beau-frère, le prince Charles-Felix de Savoie écrivait crûment qu'elle était "" ! sotte comme un pot, sans connaissance, sans expérience. De même sa belle-soeur, la duchesse d'Aoste confiait que "la pauvre reine avait fort peu de connaissances du monde, avait sans doute de bien bonnes intentions ; mais son ignorance lui faisait faire bien du mal pour elle et pour les autres, et je ne crois pas que le roi fera plus de fautes que de son vivant."
Il restait bien sur les hommes d'Etat piémontais qui gravitaient autour du trône, des administrateurs zélés et compétents, d'habiles diplomates qui donnaient toujours du fil à retordre à leurs homologues étrangers. Un comte d'Hauteville, un marquis de Priocca, un chevalier de Balbo, faisaient honneur à la monarchie sardo-piémontaise et le comte de Vaudreuil ne manquait pas d'avertir le comte d'Artois que "la Cour de Turin est très politique, les ministres en sont fins et habiles."
A l'épreuve de ce fatidique printemps 1796 qui allait plonger la Maison de Savoie dans l'engrenage du cyclone français, celle qui pensait "]i]avoir eu le [/i]bonheur de porter la croix" pour "passer un jour dans ce beau paradis", s'acheminait désormais vers la couronne. Mais cette couronne que la diplomatie de Versailles lui avait destinée un quart de siècle plus tôt s'avérait un fardeau dans un contexte entièrement bouleversé.

A Suivre le Chapitre V : "C'est une Couronne d'épines que le ciel m'envoie" 1796-1798.
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeVen 15 Avr - 19:13

Merci beaucoup Dominique Poulin pour ce travail Madame Clotilde - Page 14 516206

J'apprends, j'apprends en plus Very Happy

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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeSam 16 Avr - 23:29

Merci mon cher Dominique de nous faire partager votre travail. Je le lirais plus tard à tête reposée mais dîtes-moi , la parution de votre ouvrage est prévue pour quelle date ?
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMar 26 Avr - 16:37

Excellente question Princesse de Chimay ! La diffusion de cette biographie sur le Boudoir n'est pas destinée à l'édition, du moins pour le moment ! Vous direz peut-être que je suis dur, mais j'ai trouvé relativement peu de renseignements sur Madame Clotilde après son départ de Versailles en 1775 et je trouve que mon personnage manque d'épaisseur ; je me suis surtout interessé à sa vie de princesse et de femme au détriment de sa vie de "carmélite", c'est un parti pris, car les austérités religieuses m'ennuie. De toute manière, je continuerai à travailler sur le personnage, je n'ai pas exploré toute la documentation beaucoup plus riche en Italie. A partir de ces nouvelles recherches et d'une refonte de mon travail, oui pourquoi pas, le projet me séduit. Encore faut-il qu'un éditeur accepte mon ouvrage, ce qui n'est pas évident du fait que je ne suis pas bardé de titres universitaires. On verra, mais cela demeure possible.
Par contre, je travaille sur un autre personnage du XVIIIe siècle dont le manuscrit est destiné à l'édition, mais je n'en dit pas plus. C'est chasse gardée.
Enchanté Madame, d'avoir échangé ce petit mot. Madame Clotilde - Page 14 580524


Dernière édition par Dominique Poulin le Jeu 28 Avr - 16:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMar 26 Avr - 23:57

Je n'en dis pas plus pour l'instant mais d'ici quelque temps , je vous recontacterai pour une heureuse surprise .
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMer 27 Avr - 0:01

Mais encore? Shocked Shocked Shocked
Vous torturez ma curiosité, Princesse !!!

Bien à vous.
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMer 27 Avr - 0:03

J'en réserve la primeur à notre ami . Et après, je vous en parlerai. Pour le moment , chuuut ! Madame Clotilde - Page 14 49856
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMer 27 Avr - 0:12

Messieurs, je vous fais ma révérence . Sleep
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeMer 27 Avr - 9:34

Merci, cher Dominique, de partager ainsi avec nous l'histoire de la vie du Gros Madame !!! Very Happy

Comme Majesté, me voici toute émoustillée de curiosité depuis le message porteur de promesses de notre Princesse !!! Madame Clotilde - Page 14 454943
Je brûle d'impatience d'en savoir davantage ! Madame Clotilde - Page 14 709648
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeJeu 28 Avr - 16:31

Mais moi aussi je brûle de curiosité et d'impatience Madame Clotilde - Page 14 709648 ! Toutefois, je respecte le temps d'attente... On verra bien ! Ha j'aimerais bien savoir.... Madame Clotilde - Page 14 405462 C'est que je suis curieux de nature, moi... Allez je vais penser à autre chose. Very Happy
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeJeu 28 Avr - 17:32

Que nous mijotez-vous, Princesse ??? Madame Clotilde - Page 14 454943
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeJeu 28 Avr - 20:43

Je brûle de curiosité moi aussi ! Madame Clotilde - Page 14 454943
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeVen 29 Avr - 14:52

Patience ! Madame Clotilde - Page 14 405462
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeLun 9 Mai - 16:30

Je viens de recevoir l'objet en question. Honte et confusion pour moi...Il ne s'agissait point de la même Clotilde !
Je bats ma coulpe !
Madame Clotilde - Page 14 413814

Madame Clotilde - Page 14 405448
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeLun 9 Mai - 18:51

Ce sont les aléas de la vente par Internet.Madame Clotilde - Page 14 564218
J'apprécie nettement, surtout perdue dans mon trou lotois, mais rien ne vaut de tâter un objet ou de feuilleter un livre qu'on s'apprête à acheter. Very Happy
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitimeLun 9 Mai - 18:57

Vous avez tout à fait raison et tel que s'était présenté , j'étais vraiment persuadée d'avoir acheté la revue sur la soeur de Louis XVI. Mais non, il faut faire attention ! Parfois, un nom peut en cacher un autre !
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MessageSujet: Re: Madame Clotilde   Madame Clotilde - Page 14 Icon_minitime

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