Le Boudoir de Marie-Antoinette

Prenons une tasse de thé dans les jardins du Petit Trianon
 
AccueilAccueil  PortailPortail  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Le Deal du moment :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot ...
Voir le deal

 

 Un jour je m'en irai sans avoir tout dit

Aller en bas 
3 participants
AuteurMessage
Chakton

Chakton


Nombre de messages : 1258
Date d'inscription : 22/10/2017

Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  Empty
MessageSujet: Un jour je m'en irai sans avoir tout dit    Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  Icon_minitimeVen 8 Déc - 7:50

Voilà. C'est fait. Jean d'Ormesson vient de partir et il n'avait certainement pas tout fini.

Normal de n'avoir trouvé aucun topic sur sa mort dans le Boudoir, ça n'a pas grand chose à voir avec Marie-Antoinette. Pourtant à la réflexion, oui. Vu qu'il est le descendant d'un célèbre votant oui à la mort de Louis XVI. Vu aussi, moins directement et sans doute plus subtilement, que son esprit lumineux s'apparentait à celui de Voltaire.

Trouvé dans La Dépêche, un article qui résume bien le personnage. Ou du moins mon ressenti. Embarassed
https://www.ladepeche.fr/

C'est beau, touchant, bien torché. Je partage tout Surprised

Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  20171210


Il y avait ses yeux d'abord. On les a comparés à ceux de Michèle Morgan. Avec, en plus, le pétillement de l'esprit toujours en mouvement d'un homme qui était de son temps, intensément, mais qui appartenait aussi, par bien des fibres maternelles, aux temps passés. Qu'il ne cessait de célébrer. à travers ses livres. Et à travers sa manière d'être. Il correspondait tout à fait à la célèbre définition de Jaurès : on n'apprend pas aux autres ce que l'on sait, mais ce que l'on est. Or le savoir et l'être étaient concomitants chez ce voltairien aristocratique qui, tout en faisant partie de l'élite, donnait à tout un chacun le sentiment de l'égalité.

Il n'avait peut-être plus la foi, mais l'espérance. Il connaissait l'usage du monde, ne se départant jamais de sa bonne éducation et, quoiqu'il fut un véritable dictionnaire à lui tout seul de citations et d'anecdotes, il n'y avait pas l'once d'une cuistrerie chez cet esthète que l'humour et le bon goût préservaient, non de l'orgueil, mais de la vanité littéraire.

Avec une intuition sûre, il avait compris très tôt, l'implacable pouvoir de l'image. Au fur et à mesure de ses contributions télévisuelles, il s'améliorait, gommait ce qui aurait pu sembler de l'arrogance, pour devenir un invité dont le charme, l'érudition, l'esprit de répartie séduisaient ses jeunes auditeurs.

Jean d'O était bien né

Il ne parlait que de ses plaisirs – Venise, la mer, les femmes, la littérature, le ski – et jamais de ses chagrins. Certes, il ne cachait pas ses sympathies à droite, mais, s'il a pu avec vraisemblance incarner dans le film «Les Saveurs du Palais» le président Mitterrand dont il ne partageait guère le bréviaire socialiste, c'est qu'il avait l'étoffe d'un diplomate-né. Sans doute l'héritage paternel ?

Car Jean d'O – comme il aimait parfois parapher ses ouvrages – était bien né. Point rebelle à l'ordre établi, il n'en était pas moins en dissidence avec sa propre caste, sans toutefois renier ses valeurs. Mais il admettait, à l'égal de Lampedusa l'auteur du «Guépard», que l'ordre du monde avait changé : «Tout bouge, nous vivons une époque de mutations, le monde a toujours changé, mais plus lentement». Il avait donc le sentiment mélancolique de faire partie d'une race en voie de disparition, et c'était pour lui une raison supplémentaire de faire valoir l'allégresse, d'être fidèle aux vieilles traditions des générations antérieures. Les honneurs, qu'il aimait par ailleurs, ne lui montaient pas à la tête. Il savait raison garder, et cette distance élégante, cette souveraine ironie qu'il pratiquait à son propre égard, faisaient tout le prix de sa conversation.

Il ne tirait pas fierté de son nom de naissance à rallonge : Jean Bruno Wladimir François de Paule Lefèvre d'Ormesson et pas plus de son titre de comte. Il avait pour ancêtres, le conventionnel Louis-Michel Lepeletier, marquis de Saint-Fargeau, franc-maçon, qui, s'étant prononcé contre la peine de mort, n'en vota pas moins la mort de Louis XVI ce qui lui valut d'être assassiné la veille même de l'exécution royale !

L'écriture tardivement dans sa vie

Plus prosaïquement, notre futur académicien était né à Paris, il y a 92 ans, le 16 juin 1925. Une enfance bourguignonne dans l'Yonne à l'ombre protectrice de l'imposant château de Saint-Fargeau qui lui doit aujourd'hui toute sa célébrité, puis une adolescence niçoise, puis enfin une jeunesse parisienne qu'il partage entre quelques cours de grec et de philosophie et le journalisme. L'écriture est entrée tardivement dans sa vie avec un titre qui est une profession de foi « L'Amour est un plaisir » (il a trente ans) et, quinze ans plus tard, le livre qui le révèle au grand public : « La Gloire de l'Empire » – qui reçut le grand prix de l'Académie française.

Il n'est pas de ces écrivains reclus à leur table de travail. C'est aussi un monde qui va dans le monde. Il va passer de la présidence du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines à l'Unesco et à la direction du journal « Le Figaro » où il gardera chronique ouverte malgré sa démission pour cause de désaccord avec Robert Hersant, son patron. Ses occupations journalistiques ne le distraient pas de l'écriture romanesque qui va, au fur et à mesure du temps qui passe, prendre une tournure plus personnelle, sur le mode des «Confessions»… Cet admirateur inconditionnel de Chateaubriand «l'Enchanteur» – qui avouait en aparté mieux connaître les heures de gloire et de solitude de la vie de l'auteur des «Mémoires d'outre-tombe» que les dates de sa propre existence – est devenu à l'âge de 48 ans la plus jeune recrue de l'Académie française. Il n'était pas peu fier, sur le tard de sa vie, d'avoir été à l'origine de l'entrée de la première femme, Marguerite Yourcenar, au sein de cette docte assemblée où sa silhouette de jeune homme et son espièglerie faisaient la différence.

Le goût de l'éloquence

Il faut compter parmi ses plus jolies réussites un petit livre insolent, de deux cents pages, publié en 1997, « Casimir mène la grande vie » et qui n'eut peut-être pas le succès que méritait ce récit picaresque. C'était le pas de côté de l'homme qui, en entrant de son vivant dans la fameuse collection de Gallimard «La Pléiade», a accompli l'itinéraire le plus abouti dont puisse rêver un homme de plume.

Il avait le goût de l'éloquence, dont il n'était pas lui-même dépourvu, mais il possédait aussi le sens des «bons titres», de ceux qui mettent l'eau à la bouche des futurs lecteurs : « Et toi mon cœur pourquoi bats-tu ? », recueil de ses poèmes et proses préférées qu'il dédicaçait ainsi : «Voilà le plus beau de mes livres». C'était en 2003. D'autres ont suivi : « Un jour je m'en irai sans avoir tout dit » (2013) et « Je dirai malgré tout que cette vie fut belle » (2016). En exergue de ce dernier ouvrage, une citation de Platon : «Il faut aller à la vérité de toute son âme». Il ajoutait plus loin : «La vérité est une tâche infinie»

Il y avait du janséniste en lui. Il était un homme aussi soucieux de son devoir que du salut de son âme. Certes le monde lui avait rendu les honneurs et continue de le faire à l'heure de sa mort, mais jusqu'au bout, l'inquiétude aura continué d'animer cette âme exigeante et fiévreuse qui ne se contentait pas de l'apparence des choses, et qui, comme tout philosophe après Kant, se souciait du ciel étoilé au-dessus de sa tête et de la loi morale au fond de son cœur.

C'était l'article.
«La vérité est une tâche infinie». C'est pour cela qu'il en faut certainement plusieurs. Bonne continuation !

_________________
X est la force deux fois pure
Revenir en haut Aller en bas
madame antoine

madame antoine


Nombre de messages : 6890
Date d'inscription : 30/03/2014

Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  Empty
MessageSujet: Re: Un jour je m'en irai sans avoir tout dit    Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  Icon_minitimeVen 8 Déc - 8:23

Bonjour Chakton,

Il s'agit effectivement d'un décès important dans le monde de la culture et de la littérature. Nous citerons Bernard Pivot, qui connaissait bien Mr d'Ormesson.

Je l'ai souvent invité dans mes émissions, 26 fois en 28 ans, tout simplement parce que sa conversation était une fête de l'esprit. C'était formidable de l'avoir. C'était très agréable. Il était l'héritier des grandes dames de la conversation, des dames qui tenaient des salons. Il parlait merveilleusement bien, et c'était un régal de le questionner.

C'était un grand voyageur. Il aimait voyager dans l'histoire, dans la philosophie, dans la littérature… Et puis il aimait voyager à l'intérieur de lui-même. C'est un être de paradoxes, Jean d'Ormesson. C'est un aristocrate, or il était très fier d'avoir parmi ses aïeux un conventionnel qui avait voté la mort de Louis XVI. C'était un homme de droite, mais il n'aimait parler qu'avec des hommes politiques de gauche. C'était un conservateur, et c'est lui qui a amené la révolution à l'Académie française en faisant entrer Marguerite Yourcenar"


Mais derrière tous ces plaisirs, il y a des chagrins, des failles, des rides, des déceptions. Mais simplement, il passe très vite. Il est dans une sorte de grande tradition française qui est de parler avec une sorte de désinvolture gaie des chagrins, et presque de tristesse joyeuse

Bien à vous

madame antoine

_________________
Plus rien ne peut plus me faire de mal à présent (Marie-Antoinette)
Revenir en haut Aller en bas
Charlotte

Charlotte


Nombre de messages : 559
Date d'inscription : 25/10/2014

Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  Empty
MessageSujet: Re: Un jour je m'en irai sans avoir tout dit    Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  Icon_minitimeVen 8 Déc - 9:40

Chakton a écrit:
Normal de n'avoir trouvé aucun topic sur sa mort dans le Boudoir, ça n'a pas grand chose à voir avec Marie-Antoinette. Pourtant à la réflexion, oui. Vu qu'il est le descendant d'un célèbre votant oui à la mort de Louis XVI. Vu aussi, moins directement et sans doute plus subtilement, que son esprit lumineux s'apparentait à celui de Voltaire.

Jean d'Ormesson a toute sa place parmi les esprits du XVIIIe ! Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  405462

C'était un aristocrate du XVIIIe siècle égaré par la malice d'on ne sait quel dieu au temps du nucléaire, de la technophilie et du politiquement correct. Il avait un savoir encyclopédique, aimait les îles, la poésie, les jolies femmes. Son enthousiasme rafraîchissait.

Ce n'est pas moi qui le dis c'est Le Figaro ! Wink

Et comme je suis bien d'accord, je continue la citation ! Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  405462

N'ayant jamais renoncé à séduire, Jean d'Ormesson était l'écrivain français le plus célèbre de notre temps: ses lecteurs, ses lectrices surtout, le reconnaissaient dans la rue, sa voix faisait la joie des imitateurs. Il lui suffisait de parler avec sa flamme habituelle d'un auteur pour que celui-ci s'arrache en librairie. Jusqu'au bout, il aura beaucoup fait pour la littérature.

_________________
- me stessa -
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  Empty
MessageSujet: Re: Un jour je m'en irai sans avoir tout dit    Un jour je m'en irai sans avoir tout dit  Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Un jour je m'en irai sans avoir tout dit
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Un couple achète un château abandonné du XVIIIe... sans avoir vu le site !
» Ouvrages sur la révolution française
» XIV juillet : je n'irai pas danser avec vous
» Au Jour le Jour de 1600 à 1800
» Le Blog de Louis XVI au jour le jour

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Boudoir de Marie-Antoinette :: Marie-Antoinette et ses contemporains :: Les autres...-
Sauter vers: