La guerre d'Amérique

Il y a là une contradiction. La Fayette, nous dit-on, fut une star outre-Atlantique. Or , je me souviens de la condescendance (voire du mépris) dont vous témoignez à son égard, dans vos mémoires, cher Gouverneur. Voulez-vous m'expliquer cela ?

C'est que La Fayette a lui même forgé sa légende de par sa longévité.

En effet, je reste persuadé que s'il était mort au feu, voire guillotiné, il serait dans le Panthéon américain à la même place que De Kalb ou Pulaski. Un héros étranger parmi d'autres, ayant tout de même tissé des liens privilégiés avec George Washington.

Mais La Fayette organisant une tournée de 14 mois aux Etats-Unis, 41 ans après York Town, serrant la main de rares vétérans, honoré telle une relique vivante des trépidantes heures de l'Indépendance, récompensé en terres et en argent par le Congrès, c'est Zita de retour en Autriche : un vieux souvenir vivant d'une époque éloignée mais encore brillante, que l'on vénère par nostalgie des temps glorieux.

La Fayette, héros militaire en 1783, s'est créé sa légende en 1825. Voilà comment je l'explique . Moi même je ne l'ai connu que pendant la guerre... et au début de la Révolution. Je connais donc son vrai visage .

NB : les petits plus marketing qui font vendre aussi :

- avoir baptisé son fils George Washington
- avoir refusé l'ambassade de Washington, car ne pouvant "se sentir étranger au milieu des Américains" (c'est bon ça)
- avoir rapporté des caisses entières de terre américaine en 1825 pour la mêler à celle de sa tombe (encore plus fort !)

.... un as en communication, en somme !

Oui Bon à vendre du vent

... avec virtuosité, et sous tous les régimes : une manière de caméléon !

Tout à fait ! La Fayette n'est pas un personnage intéressant comme peut l'être Sartine ou Chateaubriand.

Ce fut au début de mars 1776 que Louis XVI consulta ses ministres sur la politique et position qu'il convenait d'arrêter.
Voici ce que dit Etienne Taillemite à ce sujet : " Le Conseil se montra très partagé entre attentistes, partisans et ennemis déclarés de toute intervention. Au premier rang des attentistes figurait Maurepas , qui ne s'exprima d'ailleurs jamais très clairement sur ses sentiments profonds.

Les interventionnistes se montraient alors bien timides et s'en tenaient à des mesures ambiguës . Le secrétaire d'état aux affaires étrangères , Vergennes, préconisait d'accorder aux insurgents des secours en argent et en munitions, mais sans s'engager officiellement. C'est d'ailleurs la politique qu'il mettrait d'abord en oeuvre avec le concours de Beaumarchais et d'un certain nombre de négociants, et qui permettrait , à son avis, de gagner du temps et de mettre la marine et l'armée en état de faire face à un conflit. Le secrétaire d'état à la Guerre, le Comte de Saint Germain, se montrait tout aussi réticent et souhaitait " aider en sous main et sans se compromettre " les révoltés.

Sartine, directement intéressé par un conflit où la marine jouerait le premier rôle, saisit cette occasion de développer la théorie de ce qu'on n'appelait pas encore le prépositionnement des forces et dont il exposa les nombreux avantages : "Il y a longtemps que je pense, dit-il, que les escadres sont la meilleure défense des colonies et qu'il serait très avantageux d'en avoir toujours, même pendant la paix, en station réglée en Amérique et à l'Ile de France. en accoutumant les Anglais à voir notre pavillon, ces escadres formeraient des officiers et des matelots et relèveraient insensiblement notre marine de cet état d'engourdissement dans lequel elle est tombée, état d'autant plus fâcheux que, si elle se fût trouvée dans ce moment assez florissante pour pouvoir agir, jamais la France n'eût eu une plus belle occasion de se venger des insultes qu'elle éprouve sans cesse de la part des Anglais."


Il est exact que , depuis quelques mois, la Royal Navy multipliait les provocations , en particulier aux Antilles, où les navires anglais venaient intercepter les marchands français jusque sous les canons des forts de la Martinique et il en était de même dans l'océan indien."

Turgot était opposé à toute intervention , d'abord et avant tout pour des raisons financières mais pas seulement...
Selon lui, l'Angleterre aurait du mal à venir à bout de la rébellion et que ce conflit constituait une sauvegarde pour les possessions françaises. il estimait que la croissance économique du nouvel état le pousserait à chercher des débouchés sans doute en direction des colonies françaises.

Etienne Taillemite dit à ce sujet : "Turgot considérait que la France ne tirerait aucun avantage commercial de l'indépendance américaine ( contrairement à certains optimistes comme La Fayette ). Il estimait avec raison que celle-ci ne briserait en aucune manière les liens du sang, de la langue, de la culture et des affaires. Cela dit, le contrôleur général n'était pas hostile à un soutien discret aux insurgents, mais à condition d'éviter une guerre ouverte et , si par malheur , elle se révélait inévitable, d'en limiter au maximum la durée."

C'est bizarre, n'est-ce pas cette retenue des ministres de Louis XVI , cette volonté manifeste de ne pas s'engager officiellement . Et de l'autre côté , ces provocations des Anglais.
Cette Guerre d'Amérique n'a t-elle pas été un moyen, pour les Anglais , " de tester la flotte française "?

Vous pensez?
C'est tout de même dangereux et risqué comme test non? :s:

Je ne sais pas, Chou . Je fais des hypothèses mais plus j'avance dans le livre de M. Taillemite, plus je trouve bizarre l'attitude des Anglais. Il ne faut pas oublier la rivalité franco-anglaise . Le but était de se faire un maximum d'argent et donc de détenir toute la puissance économique qui s'y rattache. Tout était bon pour faire chuter l'adversaire , y compris de déclencher une révolution, une guerre ou je ne sais quoi encore..
Je me pose beaucoup de questions. J'échafaude des hypothèses mais aussi je me fonde sur des historiens . Eux se sont établis sur des faits.
J'attends beaucoup du livre sur les Pitt dont je vous ai cité les références. Je vais essayer de me procurer cet ouvrage et de le lire. J'en saurais plus alors.
Tout ce que je mets comme info dans mes posts vient des livres que je lis. Le reste, ce ne sont que quelques petites hypothèses que m'inspirent mes lectures.

Pitt et les Finances de l'Angleterre de 1784 à 1792
Léonce de Lavergne

Revue des Deux Mondest.3 1849
http://fr.wikisource.org/wiki/Pitt_et_les_finances_de_l’Angleterre

L'adresse ne passe pas. Je suis désolée.

Madame de Chimay a écrit:

Tout ce que je mets comme info dans mes posts vient des livres que je lis. Le reste, ce ne sont que quelques petites hypothèses que m'inspirent mes lectures.

Comme nous tous, chère Madame de Chimay ! C'est pourquoi nous dévorons !
Je viens de recevoir le Livre noir de la Révolution .......

Ce serait très gentil de votre part de nous faire partager ce livre. Tout seul, on ne peut tout lire mais à plusieurs, on peut beaucoup partager et c'est cela qui est intéressant. C'est pourquoi , on peut dire que chaque membre de ce forum est une richesse.

Je m'excuse auprès des membres de ce forum pour ma " nullité " en informatique. J'avais trouvé une adresse sur les Pitt et les finances de l'Angleterre. Mais elle ne passe pas. Peut-être que Chou ou Majesté ou Pimprenelle pourront peut-être faire quelque chose car ce document me semblait très intéressant.

A votre service, très chère Madame de Chimay ! Que pouvons-nous faire pour vous aider ? Avez-vous un lien ?

C'était ce lien là :

http://fr.wikisource.org/wiki/Pitt_et_les_finances_de_l’Angleterre

C'est le dernier mot qui ne se met pas en bleu.

Ca arrive souvent, avec les liens wiki. :s:

S'agit-il bien du site auquel au peut accéder par cette recherche :
http://www.google.be/search?hl=fr&q=pitt+et+les+finances+de+l%27angleterre+wikisource&btnG=Recherche+Google&meta=&rlz=1R2ADBF_frBE327&aq=f&oq=

Le premier site donné ?

Oui, c'est cela même. Merci , chère Pimprenelle ! Un grand merci !

Madame de Chimay a écrit:

Ce serait très gentil de votre part de nous faire partager ce livre. Tout seul, on ne peut tout lire mais à plusieurs, on peut beaucoup partager et c'est cela qui est intéressant. C'est pourquoi , on peut dire que chaque membre de ce forum est une richesse.

Je m'excuse auprès des membres de ce forum pour ma " nullité " en informatique. J'avais trouvé une adresse sur les Pitt et les finances de l'Angleterre. Mais elle ne passe pas. Peut-être que Chou ou Majesté ou Pimprenelle pourront peut-être faire quelque chose car ce document me semblait très intéressant.

Oh bien sûr, avec plaisir !!!!!  C'est promis.
Votre nullité en informatique est en deça de la mienne !   Je ne suis pas fichue de trouver et poster des liens, ni même de sélectionner les photos que je poste .....une vraie gourde à kirsh !
J'adorerais, comme Pim ou Majesté, savoir prélever des petites plages de films et autres, dans you tube ....  Ce n'est pas grave, je profite amplement de ce talent des autres.

Madame de Chimay a écrit:

Oui, c'est cela même. Merci , chère Pimprenelle ! Un grand merci !

Je vous en prie, chère amie ! Trop heureuse d'apporter ma petite contribution à vos passionnantes recherches et explications !

Encore un grand merci, chère Pimprenelle.

Merci Pim et Madame de Chimay

Je vais lire tout ceci avec attention

Ah, mais je n'ai fait qu'insérer les liens... C'est Madame de Chimay qui nous régale de ses exposés si intéressants !

Le nouveau secrétaire d'état à la guerre, Montbarrey et la Reine étaient opposés à ce conflit américain.
Je cite Etienne Taillemite : "Montbarrey considérait que soutenir les insurgents " était d'un exemple dangereux" et fournirait à l'Angleterre des prétextes de vengeance. Il craignait aussi que " les aventuriers et les jeunes tetes françaises de tous les ordres que les préconiseurs de liberté avaient entraîné en Amérique ne devinssent par la suite des sujets très dangereux par les principes d'un pays armé contre sa métropole. On s'étonna, paraît-il, au Conseil , d'entendre " un ministre de la guerre parler en faveur de la paix", mais Montbarrey ne modifia jamais sa position et remit à Louis XVI plusieurs mémoires dans lesquels il précisait ses vues.
La reine, aussi, n'avait jamais caché son éloignement pour la guerre d'Amérique ; elle ne concevait pas qu'on eût pu conseiller à un souverain de chercher l'abaissement de l'Angleterre en attaquant l'autorité souveraine et en aidant un peuple à organiser une constitution républicaine.

Le roi n'éprouvait guère de sympathie pour les insurgents, comme le montre une anecdote racontée par Mme Campan. Au plus fort de la " Franklinomania" qui régnait à Paris, on avait fabriqué un médaillon en porcelaine de Sèvres avec le portrait du héros, l'inventeur du paratonnerre , et la devise : " Eripuit caelo fulmen, sceptrumque tyrannis" ( il a arraché la foudre du ciel et le sceptre de la main des tyrans ). Le roi fit faire, également à Sèvres , un vase de nuit au fond duquel se trouvaient le portrait et la légende, et l'offrit en guise d'étrennes à la Comtesse Diane de Polignac, américanophile enragée.
Cette plaisanterie d'un goût douteux est assez révélatrice des sentiments du roi, mais , encore une fois, il fut incapable de les faire prévaloir et se laissa imposer une décision contraire à ses convictions. Il le regrettera plus tard et il évoquera devant Bertrand de Molleville en 1792, " l'affaire d'Amérique à laquelle je ne pense jamais sans regret". Mais il se laissa engager dans un engrenage dont il lui fut impossible de s'extraire."

Donc on peut le voir, beaucoup de monde à la Cour de France , étaient réservés sur cette guerre d'Amérique.
Le sentiment qui prévalait , était d'attendre un peu comment ce conflit va évoluer avant de prendre position. Et puis , Vergennes hésitait à faciliter l'éclosion d'une nouvelle puissance rivale de l'Europe.
Le roi, attentiste par nature , ne pouvait qu'approuver de telles attitudes.