- attachboy a écrit:
- En effet, la crédibilité n'est pas évidente....
Rooh ! Ce n'est pas vraiment le propos...
Chateaubriand n'écrit pas ses
Mémoires d'Outre-Tombe en
historien.
Il est là dans toute sa verve
littéraire et, bien entendu, métaphysique : c'est son truc !
Aussi, la vie, la mort, la vanité d'ignorer que :
souviens-toi que tu vas mourir.
Zou ! Le passage en question qu'il ne faut pas prendre au premier degré, et le suivant (plus loin dans ces
Mémoires).
1) Je menai mon Pindare à l'heure de la messe dans la galerie de Versailles. L'Œil-de-Bœuf était rayonnant : le renvoi. de M. Necker avait exalté les esprits ; on se croyait sûr de la victoire. Peut-être, Sanson et Simon, mêlés dans la foule, étaient spectateurs des joies de la famille royale.
La Reine passa avec ses deux enfants; leur chevelure blonde semblait attendre des couronnes : madame la duchesse d'Angoulême, âgée de onze ans, attirait les yeux par un orgueil virginal : belle de la noblesse du rang et de l'innocence de la jeune fille, elle semblait dire comme la fleur d'oranger de Corneille, dans la Guirlande de Julie:
“J'ai la pompe de ma naissance.”Le petit Dauphin marchait sous la protection de sa sœur, et M. Du Touchet suivait son élève; il m'aperçut et me montra obligeamment à la Reine. Elle me, fit en me jetant un regard avec un sourire, ce salut gracieux qu'elle m'avait déjà fait le jour de ma présentation. Je n'oublierai jamais ce regard qui devait s'éteindre sitôt. Marie-Antoinette, en souriant, dessina si bien la forme de sa bouche, que le souvenir de ce sourire (chose effroyable!) me fit reconnaître la mâchoire de la fille des rois, quand on découvrit la tête de l'infortunée dans les exhumations de 1815.
(...)
2) En voyant le catafalque qui partait du cimetière de Desclozeaux, chargé des restes de la reine et du roi, je me sentis tout saisi ; je le suivais des yeux avec un pressentiment funeste.
Enfin Louis XVI reprit sa couche à Saint Denis ; Louis XVIII, de son côté, dormit au Louvre, les deux frères commençaient ensemble une autre ère de rois et de spectres légitimes : vaine restauration du trône et de la tombe dont le temps a déjà balayé la double poussière.
Puisque j’ai parlé de ces cérémonies funèbres qui si souvent se répétèrent, je vous dirai le cauchemar dont j’étais oppréssé, quand, la cérémonie finie, je me promenais le soir dans la basilique à demi détendue : que je songeasse à la vanité des grandeurs humaines parmi ces tombeaux dévastés, cela va de suite : morale vulgaire qui sortait du spectacle même ; mais mon esprit ne s’arrêtait pas ; je perçais jusqu’à la nature de l’homme.
Tout est-il vide et absence dans la région des sépulcres ? N’y a-t-il rien dans ce rien ?
N’est-il point d’existences de néant, des pensées de poussières ? Ces ossements n’ont-ils point des modes de vie qu’on ignore ? Qui sait les passions, les plaisirs, les embrassements de ces morts ?
Les choses qu’ils ont rêvées, crues, attendues, sont-elles comme eux des idéalités, engouffrées pêle-mêle avec eux ?
Songes, avenirs, joies, douleurs, libertés et esclavages, puissances et faiblesses, crimes et vertus, honneurs et infamies, richesses et misères, talents, génies, intelligences, gloires, illusions, amours, êtes-vous des perceptions d’un moment, perceptions passées avec les crânes détruits dans lesquels elles s’engendrèrent, avec le sein anéanti où jadis battit un coeur ?
Dans votre éternel silence, ô tombeau, si vous êtes des tombeaux, n’entend-on qu’un rire moqueur et éternel ?
Ce rire est-il le Dieu, la seule réalité dérisoire, qui survivra à l’imposture de cet univers ?
Fermons les yeux ; remplissons l’abîme désespéré de la vie par ces grandes et mystérieuses paroles du martyr :
je suis chrétien.