Jefferson in Paris, avec Charlotte de Turckheim (Ivory)

Comme je viens de revoir le très beau Jefferson in Paris de James Ivory, je me suis dit qu'il serait sympa d'en partager avec vous quelques images.

J'ai hésité... On pourrait mettre... tout, depuis Jefferson écrivant à son étrange machine jusqu'au regard perdu de la jeune Sarah Hemings, en passant par Madame Cosway à la harpe, peignant une miniature, le maquillage de Monsieur Cosway, le plumet roux de La Fayette... tout signifie quelque chose, tout exhale un parfum enivrant de XVIIIe...

Mais, outre que la qualité des photos ne sera pas, c'est le moins qu'on puisse dire   , à la hauteur, ça nous emmenerait trop loin. J'ai donc décidé de me cantonner à Marie Antoinette.

Interprétée par Charlotte de Turckheim, Marie Antoinette, apparaît par touches dans le film. Et pas forcément celles qu'on attendrait... Elle est le plus souvent accompagnée du roi, que joue Michael Lonsdale.

La première apparition de la reine se passe à la Cour. Jefferson emmène sa fille pour lui montrer la vanité des fastes des hommes. Au passage des souverains, la foule, coîte, regarde.



le roi (Michael Lonsdale) et la reine (Charlotte de Turckheim)


Le roi, qui n'aime pas ces représentations en public, commente Jefferson, est un peu raide.

La reine incline la tête et joue de l'éventail gracieusement.


J'ai trouvé la scène très forte. Les souverains sont précédés par une garde, qui leur ouvre le passage. Mais tout est vide devant eux, de toute façon. La foule est massée sur le côté, en attente, comme une meute poliment transie. Tout cela est très formel, hautement ritualisé. Et, pourtant, les quelques mots que Marie Antoinette adresse à la fille de Jefferson sont personnalisés.

Michael Lonsdale et Charlotte de Turckheim sont parfaits, je trouve. Lui toujours un peu absent quelque part, elle au contraire très présente, avec une majesté légère que l'actrice rend à merveille.

Jefferson enchaîne alors tout naturellement avec les usages à la cour de France, qu'il désapprouve. Ainsi de ces repas que la famille royale prend en public...

Impossible de rendre l'image du film. La scène est d'une beauté et d'un équilibre dignes des plus belles fresques de Peter Greenaway. Baroque, haute en couleurs, toute en dorures et éclairages savants.

De temps à autre, entre les ombres qui défilent, nous apparaît la reine, répandue en gestes de refus. Il est vrai qu'elle ne mangeait pas à table...

Puis, au rythme de la voix de Jefferson, qui décrit sa solitude d'Autrichienne, la caméra descend du pouf, à la Belle Poule, au visage grimé de la souveraine d'apparat.





Nous l'apercevons donc d'abord de profil, tandis que ses dames admirent sa coiffure...

... et que le diplomate américain nous explique que le roi l'adore et lui passe tous ses caprices.


Ce qui n'empêche pas Marie Antoinette d'être malheureuse et de fuir l'étiquette.





Scène sublime ! Inexacte, certainement, et très exagérée, sans doute. Mais dans son outrance même, elle distille un charme vénéneux qui attire et tétanise.

Moi qui n'ai pas vu le film je trouve Melle de Turckheim trés crédible. Trés Marie Antoinette, dans son port de tête et ses gestes. Le maquillage de la Reine est XVIIIe ? On sait qu'Elle aimait le rouge.

Marie Antoinette, poursuit Jefferson, ne respire à l'aise que dans son domaine de Trianon. Là, sous un climat différent du reste de la France, là où il semble faire toujours beau, elle monte sur scène entourée de ses danseuses.





Mais ses favorites se disputent surtout le privilège d'arracher à la reine avantages matériels et pécuniaires.
Elles entretiennent leur pouvoir en menaçant constamment la reine de l'abandonner.






Ce qui affole Marie Antoinette.





Heureusement, tout rentre bien vite dans l'ordre.

Et les bergères se remettent à danser et chanter nous n'irons plus au bois...

Charlotte de Turckheim nous offre ici un cadeau rare et précieux : à travers elle, nous pouvons voir Marie Antoinette rire et s'amuser.



Aux éclats, même !  

Merci, ma chère Pim!!! Ce que tu nous offres là est très précieux ! Les costumes, les coiffures et les maquillages même dont uses James Ivory sont très authentiques et reflètent une image très vivante des tableaux qui sont nos références !!!

Bien à vous.

Bien entendu, ajoute Jefferson, ces favoritismes déchaînent la colère du peuple et l'imagination des pamphlétaires et autres marionnettistes.

Dans ce contexte, nous nous attendrons à retrouver Marie Antoinette contrite dans une scène difficile. Pas du tout... Une mongolfière survole Versailles, et c'est à cette occasion que nous revoyons la famille royale.





Tout le monde court, se précipite, émerveillé par le spectacle.





Débonnaire, le roi semble étendre un bras placide autour de ses enfants, tandis que la reine a soulevé son fils pour l'aider à mieux voir.





Encore une scène superbe, servie par la musique haletante de Richard Robbins. Tandis que cet énorme ballon bleu s'élève dans le ciel, la foule s'égaie en tous sens dans un bruissement de couleurs pastel.

Ah, je suis contente que ça vous plaise ! J'adore ce film !   Les images en sont tellement belles, tellement étudiées. Rien n'est laissé au hasard, tout y est symbole.

Un autre OVNI s'est abattu sur la cours de France, bien plus dangereux qu'une mongolfière : Mesmer, l'homme au magnétisme si puissant que les femmes en jettent leurs postiches aux ortilles !  

(   comme dans le Père Noël est une ordure !   ).

D'après Jefferson, Marie Antoinette reçoit le grand homme.



Mesmer (Daniel Mesguich) magnétisant la reine

Elle va jusqu'à lui présenter ses royales mains... mais réagit tout de même un peu lorsqu'il lui ordonne "Soumettez-vous, Majesté".  

Elle ne doit pas être un sujet assez sérieux, ou peut-être que tout cela l'amuse trop. Mais on trouve une duchesse (inidentifiable) pour expérimenter la pratique du monsieur.

Ca marche d'ailleurs du tonnerre sur elle.

C'est une de mes scènes préférées. Les mimiques de Charlotte de Turckheim, pendant que sa dame est endormie, sont irrésistibles.

Y croit-elle ? Ou n'y croit-elle pas ?  

D'une seconde à l'autre, son expression passe ainsi de l'émotion au rire, tout en nuances et en second degré.

Mais la dame finit par revenir.

"Vous avez fait bon voyage ?", l'accueille Marie Antoinette... avant de se remettre à rire.

Ici, la question que je me pose est la suivante : quelle est la part de scénario ? Et l'intervention personnelle de Charlotte de Turckheim ? Toujours est-il que ça prend. Et que nous obtenons un personnage à cheval entre plusieurs sentiments et en déclinant toute la gamme avec une infinie subtilité.

Et puis, les premiers coups viennent frapper ce ciel éthéré.






La révolte gronde de partout. Le roi ne sait trop quel comportement adopter. La reine l'encourage. Elle le secoue, le rappelle à sa dignité de roi, le conseille... Il faut avouer que le roi peint par Jefferson a la vue courte...





Nous nous attendons à la suite. Plus de répétitions ni de magnétisations. Octobre arrive, et la famille royale doit abandonner Versailles.














L'expression des acteurs émeut profondément. Ils sont perdus. En fait, ils le sont depuis le début du film, chacun à sa manière. Mais, là, il n'y a plus de second degré. Ils sont tombés dans le malheur. Et ils le savent.





De temps à autre, en cage dans ce carrosse, ils échangent un regard, chacun au bout de sa solitude qui ne peut rencontrer celle de l'autre.
Balayés, les effets piquants et entre deux airs. Charlotte de Turckheim va ici à l'essentiel.





Et, nous qui connaissons trop bien la fin de l'histoire, nous mesurons toute l'intensité de son regard.

Merci Pimprenelle pour ces photos! J`ai déja vu ce film et je trouve que Charlotte de Turckheim joue parfaitement la Reine : elle est plus réaliste que les autres actrices.
Fleurdelys

C'est incroyable comme c'est beau ...et presque "à portée de main" à voir ces images on croirait cotoyer la Reine tant Charlotte de Turcheim lui ressemble.
En tout cas je trouve qu'elle est la plus proche des portraits et bustes qui nous donnent une idée physique de Marie-Antoinette.
Un vrai régal que de voir ces coiffures et robes ...c'est quasiment du Vigée-Lebrun en 3D ...
Merci Pimprenelle pour le récit et les commentaires

Moi, j'adore la scène de la mongolfière...je la trouve exaltante au possible !
Mais il est vrai que les mimiques de Charlotte de Turckheim lors de la séance mesmerienne sont succulentes !
Dans la dernières série de photos que tu nous as postées, Pim, on peut apprécier la reconstitution de la vêture du tableau de 1788 par Elisabeth
Lors des journées d'octobre, je trouve dommage l'anachronisme qui est fait avec le retour de Varennes ( quant aux cheveux blanchis par le malheur ... )bien que la scène soit comparable...Et j'ai toujours été choqué de la qualité piètre du capuchon qui couvre les cheveux de la Reine...On dirait une toile de jute...
Mais Merci beaucoup , ton exposé photographique est formidable, ma chère !!!

Bien à vous.

Majesté a écrit:

Et j'ai toujours été choqué de la qualité piètre du capuchon qui couvre les cheveux de la Reine...On dirait une toile de jute...

...vous trouvez ?
vous parlez de ceci ?



car je trouve que ça ressemble plus à de la fourrure, non   ?

C'est vrai que je n'aime pas beaucoup le capuchon non plus. Il donne à la reine des airs de sorcière de Blanche-Neige. Mais je pense que, comme beaucoup de scènes du film, il faut prendre celle-ci au second degré. Elle symbolise le malheur et le dénuement qui attendent le couple royal.

Merci pour le rappel de la tenue, Majesté ! Je n'avais pas vraiment fait attention, je vais me repasser la scène encore une fois !

Au fait, tiens... au propos du départ de Versailles, quel film respecte la vêture de la reine ? Elle portait une redingote jaune à rayures. Or, on l'habille toujours autrement... sauf dans le film avec Michèle Morgan, me semble-t-il. Mais je crois bien que c'est le seul...

Ah, ça me fait bien plaisir que vous aimiez ces images ! J'en ferai de même pour d'autres films, alors !

Léa a écrit:

car je trouve que ça ressemble plus à de la fourrure, non ?

En fait...je crois que c'est vous qui avez raison : c'en est bien lorsque l'on regarde la partie de droite...mais c'est celle de gauche qui me faisait penser à du tissu rêche...J'étais peut-être influencé par le fait qu'en début octobre, la fourrure ne semble pas nécessaire...
Mais je suis rassuré , merci de votre éclairage, ma chère Léa !

Bien à vous.

Le temps devait être moins clément à cette époque (et la fourrure se justifierait) qu'aujourd'hui où on connaît les étés indiens plus fréquemment...
Par ailleurs, le climat avait subi quelques bouleversements avec les éruptions volcaniques qui ont refroidi l'atmosphère quelques années auparavant (et donc bouleversé le temps et les cultures, d'où la difficulté pour les paysans de subvenir à leurs besoins et la grogne qui s'en est suivi ..et on connaît la suite )

J'imagine Marie Antoinette beaucoup plus belle que C. de Turckheim......
et je ne fais pas partie des "inconditionnels".

Charlotte de Turckheim se qualifiait alors elle-même de Marie-Antoinette au nez bourbonnien ...
Cependant, elle adopte bien la grâce royale et le ton que devait avoir la Reine...Les costumes aidant, nous avons là une belle incarnation ...

Bien à vous.

je la trouve jolie car empreinte d'une personnalité, celle de la Reine qu'elle fait revivre avec beaucoup de talent

Mais c'est l'évidence... Charlotte en Marie Antoinette est superbe !

Merci pour la photo que vous nous offrez, Léa ! Je ne la connaissais pas. Et, pourtant, je croyais avoir écumé le net !

Superbe !

Ah je n'ai pas encore vu ce film, donc merci beaucoup pour toutes ces photos!
Je trouve Charlotte de Turckheim vraiment très encourageante dans son rôle, et elle semble vraiment avoir une prestance et du charisme...tout ça me donne envie de le voir

Charlotte de Turckheim est sublime
on dirait la vraie, Marie Antoinette réincarnée pour un temps c'est hallucinant comme dit Chou d'amour ça donne vraiment envie de le voir

Un petit montage réalisé à partir des scènes où figurent le roi et le reine dans ce film :
http://fr.youtube.com/watch?v=84YVWqHBvqE&NR=1

C'est un peu rapide, mais, pour ceux qui n'ont pas encore eu la chance de voir "Jefferson in Paris", ça en donne la couleur !

N'ayant jamais vu ce film, j'en ai visionné certains extraits sur YOU TUBE... et je suis resté un peu surpris.
CHARLOTTE DE TURCKHEIM m'avait agréablement surpris dans CHOUANS et aussi en épouse de LOUIS XV dans MADAME DE POMPADOUR. Mais là, en MARIE ANTOINETTE, j'ai vraiment du mal. Je la trouve... moche. Je sais bien que la Reine, à cette époque a grossi, qu'elle a eu quatre enfants, qu'Elle n'a plus 20 ans, mais quand-même... Le maquillage surtout, me paraît outrancier, avec ce visage plâtré, et ce rouge tamponné sur les joues. La Reine se fardait, certes, mais en dégradé, en fondant son rouge et sa poudre pour l'harmoniser avec son teint.
N'ayant pas vu le film, je ne peux juger de la performance d'actrice. Mais physiquement, pour moi, ça passe pas du tout...

Ah, pas d'accord ! Charlotte de Turckheim a des yeux à fleur de tête, un nez busqué, un menton saillant... tout ce qu'il faut, quoi ! De plus, elle se meut avec une grâce et une légèreté exquises.

Pour ce qui est du maquillage au XVIIIème siècle , je pense sincèrement qu'on a du mal à l'imaginer de nos jours : et pourtant oui les femmes se plâtraient le visage d'un mélange de céruse , de poudre d'iris et de blanc de Meudon . Et effectivement les couleurs des lèvres et des joues nous paraitraient outrancières ...

En tant que fan de Marie-Antoinette , nous avons du mal à l'imaginer comme cela , mais lors de grandes cérémonies à la Cour , je pense qu'il en était ainsi , tout comme pour les hommes d'ailleurs ...