Le Boudoir de Marie-Antoinette

Prenons une tasse de thé dans les jardins du Petit Trianon
 
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 Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu

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Airin

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 18:43

En un instant, tout fut en émoi. Les frotteurs, les porteurs d’eau, les allumeurs de réverbères en train de nettoyer leurs appareils, les marmitons montés des cuisines, délaissent leur ouvrage et discutent l’événement. On s’informe : chez le dauphin, chez Madame royale, plus personne ; chez la reine, chez Mme Brunier, chez Mme de Neuville, femmes de confiance, même vide, « rien que le désordre témoignant d’un départ précipité ». Où sont-ils tous ? On s’accorde à décider qu’ils n’ont pu sortir du château : comment auraient-ils déjoué la surveillance de tant de sentinelles, de rondes et de patrouilles ? Ils doivent être cachés dans quelque réduit des combles ou des souterrains… La preuve, c’est que le capitaine Dubois, chargé de la garde de Madame Élisabeth, vient de constater que la princesse « s’est envolée », comme les autres, bien qu’il eût pris la précaution de faire coucher l’un de ses hommes en travers de l’unique porte de l’appartement qu’elle habite. Ces hypothèses rassurent un peu la domesticité qu’un départ effectif des maîtres eût menacé du chômage et privé de la satisfaction d’émarger aux états mensuels de la Liste civile.

Tout Paris sait déjà la nouvelle. Des gens consternés s’amassent au Carrousel, les yeux fixés sur les longues façades, dans le vain espoir de surprendre leur secret. Il y a du désespoir dans cet ébahissement : pour la première fois depuis de longs siècles, la France n’a plus de roi ; cette vacance produit une impression de vide qui épouvante. Le tocsin tinte à tous les clochers, avivant l’angoisse unanime ; les commerçants ferment leurs boutiques. — Est-ce vrai ? Il est parti, ce roi que, depuis deux ans, on a tant contrarié, molesté, bafoué, humilié, avili… l’ingrat ! Que va-t-on devenir sans lui ?

Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 66319210

Maintenant, une multitude s’écrase aux abords des Tuileries ; les grilles en sont large ouvertes, les portes béantes, comme d’un logis abandonné. Plus de gardes, plus de consignes. Les plus hardis pénètrent sous le péristyle, se hasardent dans l’escalier, timidement d’abord : le prestige séculaire de la royauté impose toujours ; on hésite à se risquer dans ce château mystérieux sur lequel, depuis sa création, pèse un mauvais sort et qui semble se refuser à abriter les souverains. Peu à peu, on se répand dans les appartements ; nulle mauvaise intention ; le désir de voir, de s’amuser ; nulle colère, nulle préméditation de pillage : ce n’est pas la cohue tumultueuse des jours d’émeute ; mais la foule parisienne, avide de spectacles, respectueuse encore. De bouche en bouche circule le mot d’ordre : Ne touchez à rien ! Mais on invite joyeusement à se dépouiller de leur livrée les serviteurs de la Cour, qui ne s’y décident pas volontiers, préférant leurs gages à la vague situation « d’hommes libres ». Des gamineries : un portrait du roi, sorti de son cadre, est accroché, en manière d’enseigne, à la grande entrée du château avec cet avis : Logement à louer. Des femmes s’attendrissent devant le lit du petit dauphin ; sur celui de la reine, une fruitière s’est installée avec un panier de cerises et, comme au marché, vante sa marchandise : « Les cerises ! les belles cerises à six sols la livre ! » La garde nationale, vite alertée, maintient l’ordre facilement, car les badauds sont vite las d’errer dans ce dédale de salons, d’entresols, d’escaliers dérobés, de couloirs sombres, de galeries somptueuses où l’on se perd ; et certains naïfs sont dépités de ne pas découvrir quelque porte secrète, derrière laquelle ils auraient surpris, entassée dans un cabinet noir, toute la famille royale riant de la bonne mystification… L’évacuation s’opéra docilement, sans protestation ; la milice citoyenne reprit ses postes habituels dans les vestibules et aux portes du château dont la nombreuse population, réduite à l’oisiveté, s’inquiétait de l’avenir.
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Shibboleth

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 18:44

Beau buste ! Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 580524

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Airin

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 18:51

Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Retour10

Cet entr’acte fut de courte durée : le samedi 25 juin, journée torride, après sept heures du soir, un sourd grondement, d’abord lointain, bientôt plus proche, monte dans l’air brûlant, du côté des Champs-Élysées ; ce n’est pas l’orage menaçant, c’est le souffle grondeur de deux cent mille êtres qui assistent au retour du roi, arrêté, dans sa fuite, à Varennes et que la Révolution va réincarcérer aux Tuileries. Le carrosse poussiéreux qui le porte a franchi le Pont-Tournant, tourné le grand bassin et s’avance dans l’allée centrale du jardin qu’une foule surexcitée envahit. Elle affecte un silence répréhensif : nulle tête n’est découverte ; après un nouveau détour au bassin des parterres, la lourde voiture s’arrête au bas du large perron qui, depuis Lenôtre, longe la façade du château ; c’est un vaste espace à traverser. Les trois gardes du corps accusés de l’organisation du voyage, enchaînés sur le siège, sont frappés, roulés et parviennent sous les coups jusqu’au péristyle : c’est miracle qu’ils échappent à la mort. Le roi, très calme, descend le haut marchepied ; silence de mort. Il va, se dandinant, l’air satisfait de rentrer chez lui. Puis c’est la reine, impassible, hautaine, ne voulant rien voir. Le dauphin, porté à bras, reçoit quelques applaudissements charitables. Madame Élisabeth, Mme de Tourzel, les trois commissaires de l’Assemblée, ramenant les fugitifs qu’ils ont rejoints, au retour, vers Épernay, passent sans ovation ni sifflets. Aux fenêtres du château, les femmes de chambre, la valetaille, les gardes nationaux battent des mains[44]. Tous les services sont à leurs postes et dans le costume ordinaire. Louis XVI, très souriant, regagne son appartement ; il plaisante avec La Fayette qui l’y reçoit. Dès qu’il sera seul il rouvrira son Journal pour noter l’heure exacte de sa rentrée : — huit heures, — et, le lendemain, dimanche, 26 juin, il écrira : Rien du tout. Messe dans la galerie. Quant à la reine, comme, en l’assistant, l’une de ses femmes la félicitait sur sa bonne mine, elle retira son bonnet sans mot dire ; « ses cheveux étaient devenus tout blancs, comme ceux d’une femme de soixante-dix ans[45] ».

Malgré cette maladroite escapade de Varennes, le peuple n’était pas complètement désaffectionné de ses anciens maîtres. On le vit bien quand, à trois mois de là, Louis XVI, résigné à tous les renoncements que ne lui interdisaient pas ses croyances religieuses, sanctionna solennellement la nouvelle Constitution du royaume, devant l’Assemblée siégeant dans une dépendance des Tuileries, à l’ancien manège de Louis XV[46] ; debout, chapeau bas, en présence de tous les représentants de la nation, assis et têtes couvertes, il supporta patiemment cette avanie et l’on croit discerner que plusieurs députés témoignèrent quelque regret de leur inconvenance concertée, car, à peine Louis XVI eut-il prononcé son serment, des applaudissements enthousiastes saluèrent sa soumission. Il est acclamé : toute l’Assemblée se lève, se forme en cortège triomphal et le reconduit, à travers le jardin, jusqu’au château. Pour la première fois depuis le 5 mai 1789, la paix semble conclue entre les novateurs et le chef du pouvoir exécutif. Mais elle n’est pas dans les cœurs ; le roi souffre cruellement de cette définitive renonciation à ses droits héréditaires. Dès qu’il est délivré de l’ovation populaire, il se rend chez la reine qui, d’une loge particulière, vient d’assister à la séance. Il est pâle, ses traits sont altérés ; il se jette dans un fauteuil et mettant son mouchoir sur ses yeux : « Ah ! Madame, dit-il, tout est perdu ! Et vous avez été témoin de cette humiliation ! Vous êtes venue en France pour voir… » Les sanglots l’étouffent ; la reine tombe à ses pieds et le serre dans ses bras. L’une des femmes de Marie-Antoinette, Mme Campan, assiste à cette scène : « Je restais, écrit-elle, non par une blâmable curiosité, mais par une stupeur qui me rendait incapable de savoir ce que je devais faire. La reine me dit : « Ah ! sortez, sortez ! » avec un accent qui signifiait seulement : ne soyez pas spectatrice de l’abattement et du désespoir de votre roi[47]. »

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La famille royale gardée à vue

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Chakton

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 18:58


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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:00

Pourtant il fallut feindre la satisfaction. Tout Paris, jugeant la Révolution terminée, trépignait d’allégresse ; le bon roi venait d’assurer pour toujours la félicité de son peuple. Aussi quel élan de reconnaissance ! Jamais, d’un tel cœur, on n’a crié Vive le roi ! Les Tuileries sont magnifiquement illuminées ; des lignes de feu s’étendent depuis la place Louis XV jusqu’à la colonnade du Louvre ; les bassins du jardin, les allées, les parterres resplendissent de décorations lumineuses. Le roi, la reine, le dauphin doivent se promener en voiture parmi la foule enthousiaste ; sur leur passage, montent en concert les vivat, les bénédictions et, — leçon à l’adresse des députés, — les cris répétés de Chapeau bas ! Livrée à elle-même, la foule parisienne connaît de ces délicatesses. Mais les factieux professionnels veillaient, tourbe d’agitateurs impénitents, champions du grand culbutis où se satisfera leur envieuse cupidité. Redoutant que la proie convoitée leur échappe, ils redoublent de fureur, d’imprécations, de mensonges impudents et de calomnies ordurières : Louis XVI est « un rustre », une « crapule consacrée » ; le trône de France est devenu « un bouge à porcs », une « sentine de tous les excès » ; le petit Capet « que les nigauds paraissent considérer avec intérêt, est le produit innocent du crime ; ses premiers regards ont rencontré dans son père une masse informe qu’aucune étincelle de vertu ou de génie n’a pu animer ; dans la personne de sa mère une femme qui réunit les goûts les plus vils aux prétentions les plus hautaines et qui, se voyant condamnée à la couche d’un muletier couronné ne se refuse rien de ce qui peut l’en dédommager[48]. Aussi son ridicule mari est-il représenté en caricature « avec le corps d’un cochon et le front d’un bélier[49] », ou encore « en girouette dominant le dôme des Tuileries ; la reine souffle pour le tourner du côté de l’Allemagne[50] ». — « Le nom de Marie-Antoinette va de suite avec ceux de Frédégonde et de Brunehaut[51]. » — « La croit-on moins implacable que la Médicis[52] ? » Quant à Capet lui-même, sa prétendue résignation n’est qu’une incroyable hypocrisie ; il est en proie à des crises de folie furieuse et perd tout contrôle de soi-même. Au retour de Varennes, écumant de se voir repris, « il a brisé toutes les glaces de son appartement[53] ». — « Sa garde est composée de 40.000 assassins qui sont aux Tuileries à sa solde et n’attendent qu’un signal pour se porter sur le corps législatif et pour le dissoudre[54]. » Et « pas d’espoir que ce roi imbécile s’amende jamais : il ne saurait devenir un homme de bien ; il est un certain degré d’endurcissement qui ne connaît plus le remords[55] ». On insinue « qu’il a fait avec le roi de Prusse un traité par lequel celui-ci s’engage à rétablir son confrère sur le trône, moyennant la cession de la Bourgogne, de la Franche-Comté et le paiement de 60 millions[56] ».

Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Power_10

Durant près d’un an, la population parisienne est gavée jusqu’au cauchemar de ces criminelles abominations dont on ne donne ici qu’un bien incomplet spécimen. Comme elle souffre du marasme des affaires, de la cherté croissante des subsistances, on lui persuade aisément que les hôtes des Tuileries sont les seuls obstacles au bonheur promis ; puisqu’ils se cramponnent à leur palais, le peuple souverain doit les en chasser. La garde du roi étant licenciée, les portes n’en seront point défendues ; l’émeute peut venir.

Ceux qui empoisonnent ainsi l’esprit public, ce sont des inconnus, dont les noms, bientôt, perceront : les Hébert, les Chaumette, les Chalier, les Momoro, les Ronsin et leur bande famélique, impatiente de bombances ; on saura de « quelles vertus et de quel génie », ils donneront des preuves quand ils seront au pouvoir et tiendront la France à la gorge.
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Chakton

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:01

Yep. Clair que c'est hard. Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 564218

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:06

L’émeute vint donc. Au château, on l’attendait car, depuis trois jours, les factieux enrôlaient activement la canaille des faubourgs. La manifestation s’ébranle le 20 juin 1792 à onze heures du matin et se dirige vers le Manège où siège l’Assemblée. On n’a pas pris la précaution de fermer le jardin des Tuileries ; elle s’y répand, défile sous les fenêtres de la reine, sort sur le quai par la porte du Pont-Royal et pénètre par le guichet du Carrousel dans les cours. Des rumeurs, des chants, des cris s’élèvent de cette marée moutonnante dont le flux grossit incessamment.

Dans les hautes salles du château, c’était une confusion anxieuse : « On se promenait dans une agitation extrême ; on n’avait rien à opposer à cette multitude[57] », non point que la garde nationale ne fût à ses postes ; mais « les ordres manquaient ». On entendait de tous côtés « ils arrivent ! ils arrivent ! » et tout à coup, un grand tumulte dans l’escalier : les manifestants gravissent les degrés, hissant un canon qui se cogne aux rampes de pierre sculptée et qu’ils roulent dans la salle des Suisses. De grands coups ébranlent la porte de l’Œil de bœuf, qui résiste. Louis XVI, très résolu, y court, ordonne d’ouvrir : on hésite ; il insiste, est obéi et les battants s’écartent brusquement sous l’effort des émeutiers. L’apparition du roi, presque seul, sans apparat, impose un obstacle momentané à l’irruption ; mais, sous la poussée de ceux qui montent et foncent irrésistiblement, l’antichambre est vite envahie[58]. Quelques gentilshommes entourent le roi, l’entraînent vers l’une des croisées donnant sur la cour ; au moyen d’une chaise, il atteint un haut coffre à bois casé dans l’embrasure de la fenêtre, de là, très en vue, il domine l’émeute qui déferle en vagues compactes : faces ruisselantes, bras nus, des hommes agitent des fanions chargés de devises emblématiques : Voilà les sans-culottes. — À bas le tyran[59]. Les charbonniers ont pour drapeau un sac à charbon, attaché au bout d’un bâton ; quatre bouchers porte-haches escortent un énergumène qui balance au bout d’une perche un morceau de viande, cœur d’aristocrate[60]. Hommes et femmes sont armés de bâtons, de broches à rôtir, de lourds pieux, de piques. On s’amasse autour du roi, bloqué sur son coffre ; on l’interpelle ; on lui tend un bonnet rouge qu’il saisit et place sur sa tête. À part quelques démagogues d’estaminet, soucieux de soutenir leur réputation, et une centaine de salariés qui se démènent par ordre, cette cohue est, du reste, plus encline à la gaminerie qu’à la férocité. La masse a suivi les meneurs par curiosité ; on folâtre : des loustics, du bout de leurs piques, font tinter les pendeloques des lustres ; des filles minaudent et arrangent leur bonnet devant les grandes glaces ; d’autres caressent le brocart des meubles et s’extasient sur les dimensions des tabourets ; des femmes se bousculent dans la salle du Conseil où la reine est cernée ; on a poussé devant elle, en manière de rempart, une table sur laquelle est assis le dauphin, tout enrubanné de tricolore par des manifestantes apitoyées. L’une d’elles interpelle sévèrement Antoinette et fond en larmes quand la souveraine lui répond avec douceur.

Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Ivr11_10

Qu’on imagine la chaleur étouffante, la poussière, les effluves de cette foule prisonnière de son entassement, les cris de ceux qu’on écrase, les appels, les rires, le bruit des gros souliers raclant les parquets sonores, le vacarme prolongé durant cinq heures et la pesante lassitude qui, à la fin, déprime les plus actifs figurants de cette bacchanale avortée. Le roi, en effet, n’a rien cédé aux menaces ni aux sommations des « pétitionnaires » ; il a bu à la santé de la nation un verre de vin versé par un sans-culotte ; pas un instant il n’a tremblé ; les émeutiers éprouvent une sorte de pitié pour ce pauvre homme qui a si chaud, qu’on a tant houspillé et qui supporte tout sans une plainte. Il trouve même un mot aimable pour congédier enfin ses « visiteurs » : s’avisant que les manifestants, immobilisés, demeurent béants devant lui : « J’ai fait, dit-il, ouvrir les appartements ; le peuple, en défilant du côté de la galerie, aura le plaisir de les voir. » Suivant cette indication, la foule s’écoule vers l’escalier du pavillon de Flore et regagne ainsi la rue.

À sept heures du soir, Louis XVI, enfin libéré, rentrait dans sa chambre à coucher. La reine, le dauphin, Madame royale l’embrassèrent en pleurant ; alors on lui fit observer qu’il avait oublié d’ôter le bonnet rouge dont l’émeute l’avait coiffé et qui restait accroché à ses cheveux. Le soir, il écrivait simplement sur son Journal : 20 juin. Affaire des Tuileries[61].

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Hercule Poirot

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:16

Madame, je retire mon chapeau et promets de lire l'ensemble de vos interventions dès que je le pourrai.

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Mais c'est tout le contraire d'un jeu.
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Airin

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:24

C’était là seulement la répétition du drame qui se préparait : il fut joué six semaines plus tard ; six semaines qui furent véritablement l’agonie de la royauté. Dans ces Tuileries de Louis XIV, Louis XVI est captif. Plus de promenades dans Paris ; le roi ne sort pas de sa geôle ; quand il prend l’air, c’est, le soir, dans les cours et dans les jardins du château[62]. Son Journal mentionne : Le 21 juillet, alerte dans l’après-midi. Dans la crainte d’une nouvelle invasion, il a exigé que la reine quittât son rez-de-chaussée et vînt occuper près de lui la chambre du dauphin pour lequel, tous les soirs, on dressera un lit[63]. On a même renoncé aux offices dans la chapelle ; la messe est célébrée dans les appartements ; une peinture de l’époque, document extrêmement précieux, nous montre cette cérémonie : on y voit la galerie tendue de grandes tapisseries, un petit autel portatif, posé à même le parquet, la famille royale agenouillée et, à distance respectueuse, un groupe encore nombreux de courtisans, debout, le chapeau sous le bras[64].

Au nombre de ces fidèles, comptait François de La Rochefoucauld, jeune officier de vingt-sept ans, alors en disponibilité. Il logeait aux Tuileries et on va suivre ici son récit des dernières heures de la monarchie, car c’est, estime-t-on, la plus saisissante, parce que la plus simple, de toutes les relations inspirées par ces journées tragiques : pas de politique, nulle considération sur les causes et les résultats de l’événement ; rien que quelques pages émouvantes dans leur sobriété et qui sont le témoignage d’un homme inopinément mêlé à un grand drame imprévu.

Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Zzz4-311
La dernière messe de Louis XVI dans la galerie des Tuileries
(9 août 1792).
Tableau de Hubert Robert


Le 9 août 1792, au matin, Paris est parfaitement tranquille. François de La Rochefoucauld va finir son après-midi à la Comédie ; mais, parmi les spectateurs, certains bruits circulent, peu rassurants. Il quitte donc sa stalle ; prend un cabriolet et revient au château afin de s’informer. Peu de gardes ; tout est calme ; comme à l’ordinaire, il y a, dans les cours, « d’assez nombreux groupes, mêlés de femmes, ce qui, habituellement, prouvait qu’ils n’étaient pas des plus mauvais ». François, l’esprit apaisé, retourne donc au théâtre et assiste à la fin de la pièce. De retour aux Tuileries, il monte chez son ami Tourzel, fils de la gouvernante du dauphin. Tourzel est bien renseigné : « Il n’y aura rien, ou pas grand-chose. » Les deux jeunes gens ne soupent point et se font servir du punch.

Vers onze heures du soir, Tourzel reçoit de sa mère un mot assez inquiétant : la nuit s’annonce mal : le projet, paraît-il, serait « d’enlever le roi ». Ici encore, on constate combien les contemporains sont toujours mal instruits de ce qui se passe sous leurs yeux ; dès qu’ils sortent du petit détail intime, de la simple notation de leurs faits et gestes, ils se leurrent ou s’illusionnent : alors que déjà les faubourgs se mettent en marche vers les Tuileries, il ne s’agit, pour les habitants du château, que d’un nouveau départ de Louis XVI : le Parti constitutionnel, l’Assemblée, les ministres eux-mêmes souhaitent son éloignement, ils comptent, par un simulacre de mouvement populaire, le décider à prendre ce parti. Cette hypothèse se confirme sur l’annonce qu’on supprimera, ce soir, la cérémonie du coucher ; c’est la première fois que pareille infraction est faite à l’étiquette et ceci trouble les courtisans plus que tout le reste. Pas de coucher du roi ! Ça c’est grave ; et voilà tout le monde botté et prêt à s’en aller. — Où ? — On n’en sait rien. François eut, toute la nuit, un cheval qui l’attendit au bord de l’eau, près du pont Louis XVI[65].
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Chakton

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:25

La descente aux enfers What a Face

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:27

Hercule Poirot a écrit:
Madame, je retire mon chapeau et promets de lire l'ensemble de vos interventions dès que je le pourrai.

Prenez tout votre temps, cher ami. C'est aussi un énorme travail de tout lire.

Quant à moi, je n'imaginais pas la somme qui m'attendais lorsque j'ai entrepris ce partage. Mais haut les cœurs, on continue.

On ne se couche pas. À l’appartement du roi, nombreuse affluence : très peu de gens « habillés » ; il y en a de tous les partis, même des membres de la Municipalité ceints de leur écharpe. Pétion, le maire de Paris, traverse les groupes ; « nul ne se range sur son passage ; mais il prend soin de ne bousculer personne ». Louis XVI lui parle avec autorité… Les heures passent ; on est harassé de piétiner dans ces grandes pièces encombrées : l’étiquette interdit de s’asseoir dans les appartements royaux ; mais on est si las qu’on s’accote où l’on peut, sur les tables, les consoles, partout où l’on trouve à soulager ses jambes. Certains s’étendent sur le parquet ; les audacieux prennent possession des fauteuils, au grand scandale des huissiers qui essaient de sauvegarder les traditionnels usages. Vers trois heures, on entend le tocsin[66]. Louis XVI, au petit jour, descend au jardin, escorté de quelques gentilshommes ; il pousse jusqu’au Pont-Tournant ; il a l’air « peiné, inquiet, mais s’efforce visiblement à paraître calme ». Au retour, il passe en revue les compagnies de la garde nationale alignées dans les cours : l’accueil des miliciens est plus que froid. Les suisses, massés en rangs serrés sur les marches et les paliers du grand escalier, semblent plus sûrs.

Et puis, vers sept heures et demie, François de La Rochefoucauld, de la galerie où il est posté, entend le roi parler très haut dans la salle du Conseil ; la reine et ses enfants, Madame Élisabeth, « beaucoup de dames et de femmes de chambre sont dans cette pièce ». C’est le moment où la populace armée débouche des petites rues sur le Carrousel. On décide la famille royale à quitter le château ; elle ira chercher refuge à l’Assemblée. Les ministres et les municipaux l’y accompagneront. La retraite est résolue ; aux femmes qui s’inquiètent, la reine dit : « Nous vous retrouverons ici… » On part : la petite Madame est en larmes ; Mme de Lamballe, qui l’accompagne, souffle à l’oreille de La Rochefoucauld : « Nous ne reviendrons jamais… » Par le grand escalier, à travers la masse compacte des suisses, on descend, non sans peine, au vestibule du pavillon central d’où l’on sort sur le grand perron pour se diriger, à travers le jardin, vers le Manège où se tient l’Assemblée.

De toutes ces personnes royales qu’un implacable destin chasse des Tuileries, une seule les reverra : c’est la fillette qui pleure, tenant la main de sa tante Élisabeth : dans vingt-deux ans, féconds en événements inouïs, elle rentrera dans ce château qui, même alors, restera dans son esprit comme un lieu maudit, hanté par les fantômes de tous les siens.

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:35

Il écrit bien, tout de même, Lenotre. Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 914132

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:38

« Aucune journée historique de la Révolution n’est entourée de plus d’incertitudes, enveloppée de plus d’obscurités que celle du dix août », écrit un historien qui a pris connaissance de tous les documents officiels contemporains de l’événement[67]. Les assaillants furent-ils informés de l’exode du roi ? C’est peu probable : ceux qui investissaient le château du côté des cours l’ignoraient, à coup sûr, puisqu’ils ne renoncèrent pas à l’attaque. Vers neuf heures, ayant enfoncé le portail de la cour Royale, ils s’approchent du pavillon central, pénètrent dans le péristyle où les accueille une décharge générale des suisses massés sur l’escalier. Alors c’est l’assaut, la ruée furieuse : les suisses, désarmés, lardés de coups de pique, sont agrippés, jetés à bas des marches, tués sur place ou entraînés vers le Petit Carrousel ou vers le jardin où on les massacre. Les boulets des canons de l’émeute, braqués contre le château, en meurtrissent les murs, brisent les fenêtres ; les corps de garde et les bâtiments de la cour sont incendiés : le peuple est maître des Tuileries ; en un grand fracas d’ouragan, les appartements sont envahis ; « des cris aigus, des rires, un vaste et continuel murmure » — « le tintement des vitres qu’on casse, le tintamarre des casseroles que l’on brise dans les cuisines ; les chenets, les tournebroches, les tourtières, tout vole en éclats ; le vin ruisselle sur le pavé… Dans la chapelle, des tapis qu’on arrache à force de bras, des tableaux percés à coups de pique, les pupitres et les violons des musiciens, renversés et jetés sur l’autel[68]… ». Un jeune Savoyard, au sommet de l’orgue, souffle dans un tuyau le Dies irae. — « L’incendie du palais de Priam ne présenta point un plus épouvantable désordre ; les escaliers résonnent sous les pas précipités des filous qui montent, descendent, se croisent, se heurtent, pénètrent dans toutes les chambres[69]. » À travers les enfilades, tout défenseur, tout domestique du château qu’on découvre, est abattu. Un heiduque de Marie-Antoinette, « homme de très haute taille et d’une physionomie tout à fait martiale », est assis sur un lit, tout pâle : « Sauvez-vous, lui crie une femme qui court. — Je ne puis pas, je suis mort de peur. » Une horde d’émeutiers se jette sur lui et le déchire[70].

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Les dames de Marie-Antoinette, affolées, ont tenté de fuir : les unes se sont réfugiées dans les combles ; d’autres, préférant se rapprocher des portes de sortie, se massent, au rez-de-chaussée, dans l’un des salons de la reine, ferment les volets, allument toutes les bougies des lustres, des flambeaux, des candélabres : « Si les brigands forcent la porte, l’étonnement de toutes ces lumières donnera à ces femmes éperdues le temps de parler. » Le tumulte se rapproche ; des clameurs affreuses, un cliquetis d’armes, des détonations… Et, soudain, la porte est enfoncée ; des hommes, sabre en main, se précipitent, s’arrêtent ; Mme de Genestou tombe à genoux ; « elle a perdu la tête, elle balbutie des mots de pardon[71] » ; ses compagnes la font taire. Mme Campan, dans l’un des étroits et sombres escaliers qui communiquent avec le premier étage, se heurte à un « horrible Marseillais » ; elle est prise ; elle va mourir. Une voix, au bas des marches, crie : « Que faites-vous, là-haut ? On ne tue pas les femmes[72] ! »

On ne tue pas les femmes : c’est le mot d’ordre, et même on les sauve : la princesse de Tarente et Pauline de Tourzel sont conduites hors du château par un sans-culotte qui les aide poliment à enjamber les cadavres de deux valets de chambre de la reine. Mme Campan, sous la protection de quelques Marseillais, doit, sous les balles, traverser le Carrousel et suivre le quai où la bataille se prolonge. Parmi les fleurs des parterres, sous les grands arbres du jardin, à la place Louis XV, des corps de soldats suisses ; il y en a d’entassés rue de l’Échelle[73], d’autres dans la chapelle, déjà couverts « d’un million de mouches bourdonnantes[74] ». Le péristyle du château épouvante : « les murailles peintes de sang, couvertes de lambeaux de membres d’hommes, de tronçons d’armes et, parmi des morceaux d’étoffes légères, un pan du manteau royal, fleurdelysé d’or, est distribué à qui veut s’en souiller les mains[75]. » La porte du pavillon central est « obstruée par des monceaux de cadavres presque nus » et, tout le jour, les vainqueurs fouilleront le château, défonceront les armoires, pilleront la vaisselle, déchireront les rideaux, les tapisseries, briseront les glaces, crèveront les tableaux. « Le forte-piano de la reine n’a plus de touches ; ses bonnets, ses chapeaux élégants, ses jupes roses, voltigent par la chambre[76] » et, sur chaque marche de l’escalier du pavillon de Flore, des hommes ivres dorment à côté[77] des cadavres. « Vers le soir, tandis qu’une âcre fumée s’élevait des corps de garde incendiés, d’épais flocons de neige tourbillonnaient sur le Carrousel, échappés aux lits de plume et aux édredons éventrés qu’on secouait par les fenêtres des hauts étages[78] ; dans le crépuscule, comme la caserne du Pont-Tournant[79] brûlait encore », ses flammes sinistres éclairaient cinq ou six voitures sur lesquelles on empilait les cadavres[80]. Enfin les vainqueurs, harassés, abandonnèrent leur conquête ; la nuit tombait sur le grand palais dévasté, toutes portes ouvertes, fenêtres béantes, et que seuls gardaient des morts, dernières sentinelles de la monarchie défunte. C’était une admirable nuit d’été chaude et pure : au-dessus de ce lieu tragique, dans les profondeurs du ciel, scintillaient les constellations éternelles.

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:40

lnotre il est partial Cool

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:45

Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Gal72_10

Les Tuileries sont maintenant le Palais national. Le pavillon central est le pavillon de l’Unité ; celui de Flore porte le nom de l’Égalité ; celui de Marsan est nommé Liberté. On n’a pas effacé les traces du désastre : on respecte comme glorieuses meurtrissures les brisures faites aux délicates colonnades de Philibert Delorme par les boulets de l’insurrection. Pourtant, on a fait disparaître les taches sanglantes du péristyle et de l’escalier : on a remis des vitres à la salle des Cent-Suisses et c’est là que, le 20 septembre, à cinq heures du soir[81], sont convoqués les membres de la nouvelle Assemblée, — la Convention nationale, — qui va succéder à la Législative. Pour la circonstance, on a meublé l’immense salle d’une tribune, de banquettes et caché sous des tentures les stigmates du pillage. Mais le peuple n’est pas encore dans ses meubles et cette décoration improvisée porte la livrée royale : « les tapis, les sièges, sont parsemés de fleurs de lys[82]. » Séance de début, sans intérêt, d’ailleurs, encore qu’elle se prolongeât jusqu’à une heure du matin[83]. Trois cent soixante et onze députés seulement y étaient présents, la moitié à peu près des membres de la nouvelle Assemblée. Pétion fut élu président ; on procéda à la vérification des pouvoirs et l’on se donna rendez-vous le lendemain, au même lieu.

Le 21, à l’heure dite, les représentants à la Législative viennent aux Tuileries saluer leurs successeurs. François de Neufchâteau se fait l’écho de la confiance du pays « en la sagesse et l’autorité tutélaire des nouveaux élus ». Pétion lui répond et assure que « tenant dans ses mains la destinée d’un grand peuple, du monde entier et des races futures, la Convention s’acquittera de cette mission auguste avec ce recueillement profond qu’elle inspire ». « Ces idées, ajoute-t-il, élèveront notre âme et feront disparaître toutes ces petites passions qui dégradent l’homme, toutes ces prétentions méprisables de la jalousie et de l’orgueil. » Ce malheureux qui, dans quelques mois, fugitif, sans asile, désespéré, se tuera dans un champ de la campagne bordelaise, témoigne, à cette aurore illusionnante, de plus de bonne volonté que de divination. Son discours est salué « d’une double salve d’applaudissements » et, tout de suite, Pétion reprend la parole : il invite ses collègues à se rendre au Manège, siège ordinaire du pouvoir législatif, pour y délibérer en présence du peuple : « la Convention doit avoir hâte de travailler publiquement à son bonheur ! » Nouvelle ovation : tous les députés quittent la salle des Tuileries ; le président les précède et, par le jardin, se rendent au Manège, escortés par les huissiers, et entourés des secrétaires de l’Assemblée : Condorcet, Brissot, Lasource, Rabaut Saint-Étienne, Vergniaud et Camus. Sauf ce dernier, avant deux ans, tous seront morts de par l’échafaud ou le suicide.

Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 1200px10

C’est donc au Manège que fut voté par acclamation le décret d’abolition de la royauté, et non au château des Tuileries comme on le croit généralement : cette antithèse, contradictoire à sa destination, manque à son histoire. Les Tuileries étaient, en effet, en vertu d’un vote de la Législative[84], destinées à la Convention ; mais il y fallait procéder à de nouveaux aménagements et construire notamment une salle des séances. On décida de convertir à cet usage le théâtre qu’avaient successivement occupé l’Opéra, la Comédie-Française et la troupe du coiffeur Léonard. L’architecte Vignon s’engageait à terminer ce travail pour le 1er novembre 1792, sans maçonnerie : son devis ne dépassait pas 300.000 livres. À relater pourquoi il fut supplanté, au bout de quelques semaines, par son confrère Gisors et comment la nouvelle salle fut achevée seulement au mois de mai 1793, on risquerait de se perdre dans les détours d’une intrigue assez ténébreuse[85]. D’autres détails de la vie du château, durant cette période transitoire, présentent plus d’intérêt.
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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:46

levengeur a écrit:
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Lui aussi ? tongue

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:49

Dans les jours qui suivirent le 10 août, on y pénétrait comme au marché et peut-être les visiteurs d’après la bataille y commirent-ils plus de déprédations que les émeutiers. On y avait placé pourtant des surveillants : un serviteur du roi obtint cet emploi par suite de circonstances étranges : c’était Durey, l’un des hommes de peine chargés d’entretenir l’établi où Louis XVI se distrayait à des travaux de serrurerie. Le 10, lorsqu’il vit le château forcé, Durey, fou de peur, se blottit dans une cheminée dont il rabattit sur lui le tablier[86]. Il resta dans cette cache jusqu’à la nuit et quand, n’entendant plus de bruit, il essaya d’en sortir, il ne parvint pas à lever la trappe. Il tenta de grimper dans la cheminée jusqu’à l’étage supérieur ; mais après d’inutiles efforts, il retomba épuisé. Des gardes nationaux qui, vers le matin, effectuaient une ronde, perçurent ses appels désespérés et le délivrèrent ; il s’offrit, en reconnaissance, à les guider dans le château et, sans doute, les indications qu’il fournit furent-elles jugées intéressantes, car on signala ce revenant du massacre au vertueux Roland, ministre de l’Intérieur, fort soucieux de pénétrer les secrets des Tuileries.

Durey les lui révéla-t-il ? On ne peut le dire ; mais, quelques jours plus tard, les gazettes annoncèrent « qu’un peintre venait de dénoncer l’existence, dans le château, d’armoires murées et masquées ». Certains, intrigués des allures inquiètes du ministre, insinuaient qu’il redoutait la découverte de lettres compromettantes adressées au roi par lui ou par ses amis de la Gironde. Dès le 18 août, il avait donné l’ordre d’approprier l’une des pièces de l’appartement de Mme de Tourzel, au rez-de-chaussée sur la cour, afin d’y réunir le Conseil des ministres et de justifier ainsi ses visites quotidiennes aux Tuileries. On l’y rencontrait donc fréquemment, furetant, questionnant, curieux de savoir « si l’on avait trouvé quelque chose[87] ». Un jour, c’était le 20 novembre 1792, au matin, il s’enferma dans la chambre du roi ; quand il en sortit, il était chargé d’un fort colis de papiers enveloppé dans deux serviettes.

À deux heures et quart de l’après-midi, il se présente à la Convention, annonce « qu’il apporte plusieurs cartons remplis de papiers qui, par leur nature, semblent d’une grande importance ». « Ces pièces, dit-il, étaient dans un lieu si particulier, si secret, que, si la seule personne de Paris qui en avait connaissance ne l’eût indiqué, il aurait été impossible de le découvrir. Plusieurs membres des assemblées Constituante et Législative paraissent y être compromis[88]. » Puis, maladroitement, il ajouta : « J’ai parcouru rapidement ces papiers… » Des Ah ! Ah ! ironiques l’interrompent, suivis d’un murmure désapprobateur. Roland a donc pris le temps de trier ces documents ? Certains jugent sévèrement la conduite inconsidérée du ministre et protestent contre cette louche usurpation de pouvoirs. Mais l’Assemblée passa à l’ordre du jour.

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Dans la chambre où couchait Louis XVI, l’alcôve était entre deux cabinets : l’un contenait la garde-robe ; l’autre, voisin de la fenêtre, était un couloir boisé, « de six pieds de long sur trois de large[89] », conduisant à la chambre du dauphin. Dans ce couloir, « tout à fait obscur quand les portes en étaient fermées », se trouvait la cachette. L’un des panneaux de la boiserie dissimulait une porte de fer d’un pied et demi[90], masquant « un trou informe, inégal et raboteux, creusé dans l’épaisseur du mur ». À la fin de mai 1791, — la déclaration de Durey fut très nette sur la date, — Louis XVI avait pratiqué lui-même cette cavité ; Durey recueillait les gravois et les éclats de pierre qu’il portait, la nuit, à la rivière. Le roi forgea aussi la porte destinée à clore cet enfoncement ; mais pour l’ajuster, il dut faire appel à Gamain, le serrurier de Versailles, qui avait été son maître. Comme le couloir où l’on travaillait était très sombre, le roi tenait une bougie, Durey présentait les outils. Quand les papiers furent placés et l’armoire close, on en mit la clef dans une cassette scellée sous une dalle, à l’extrémité du couloir[91]. Telle était cette armoire de fer, origine de tant de légendes et thème de si noirs romans.
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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:52

La mythique armoire de fer Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 914132

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:53

mythique beuh non ils ont trahi Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 15435

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:55

levengeur a écrit:
mythique beuh non ils ont trahi Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 15435

Je ne trouve pas : Louis XVI et Marie-Antoinette sont restés fidèles à leurs convictions. Ils étaient mal pris, c'est tout. Cool

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:56

trop facile Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 194575 les vraies idées c etaient liberte egalite fraternite Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 537188

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:58

Mes amis, je déclare forfait pour ce round. Le dîner en famille m'attend.
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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeVen 13 Avr - 19:59

Bon appétit, et merci pour ce palpitant retour dans le temps. Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 887322

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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeSam 14 Avr - 8:13

Airin a écrit:
Mais de rien, cher pepe12547. C'est M. Lenotre qui a fait tout le travail de recherche et d'écriture. Je ne fais que partager.

Vous méritez vos remerciements. Vous avez un travail avec ça. Vous partagez avec nous des informations intéressantes. Vous avez téléchargé des informations sur Boudoir. L'information ici restera. Merci Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 921108
Quelqu'un télécharge simplement un lien. Je traverse Boudoir. Les anciens liens sont en panne.
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MessageSujet: Re: Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu   Les Tuileries. Fastes et maléfices d’un palais disparu - Page 2 Icon_minitimeSam 14 Avr - 10:16

Bonjour Airin,

Il s'agit effectivement d'un apport particulièrement intéressant pour le Boudoir de Marie-Antoinette.

Bien à vous

madame antoine

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