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 L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration

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globule
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MessageSujet: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeSam 21 Juil - 22:44

Le 26 juin 1785, le roi convoque le capitaine de vaisseau Jean-François de Lapérouse. Il a soigneusement préparé une mission d’exploration confiée à ce marin émérite. L’heureux élu s’apprête à partir en mer pour quatre ans.

L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 78165110

Lorsque Jean-François de Galaup de Lapérouse pénètre dans le château de Versailles, il est à peine 8 heures du matin. Un léger courant d’air souffle entre les pièces, donnant à l’atmosphère une légèreté inattendue. Ce 26 juin 1785, il a rendez-vous avec le roi. Celui-ci veut lui donner en personne les instructions précisant les objectifs de l’importante tâche qu’il lui a confiée il y a quelques mois : diriger la plus grande expédition maritime de l’Histoire.

A la fois mission d’exploration et de découvertes aux enjeux commerciaux et scientifiques, il ne s’agit rien moins que de partir sur les traces et peut-être même dépasser son héros, le Britannique James Cook, qui découvrit l’Australie et la Nouvelle-Zélande, lors d’un voyage plus long et plus approfondi.

Précédé par deux laquais qui le conduisent vers la bibliothèque personnelle de Louis XVI, Lapérouse aperçoit sa silhouette dans un miroir. De petite taille, le regard vif, plus bleu qu’un lagon du Grand Océan, il est fier, à 43 ans, d’avoir été choisi parmi d’autres officiers de marine plus gradés et aux états de service encore plus impressionnants que les siens.

Issu d’une famille de la noblesse du Sud-Ouest, il commença son parcours à 15 ans comme garde de la marine royale, et prouva sa bravoure et sa capacité d’observation lors de la guerre d’Indépendance américaine. Cette aventure a effacé le souvenir d’une jeunesse turbulente, un peu dépensière, et lui a valu d’être nommé capitaine de vaisseau à 38 ans. Soudain, une voix retentit : « Entrez, monsieur ! Le roi est impatient de vous rencontrer. »

Un roi passionné de géographie

Alors que Lapérouse pénètre dans la bibliothèque, Charles Eugène Gabriel de La Croix, marquis de Castries, ministre de la Marine, s’avance vers lui dans son uniforme de maréchal de France. Assis dans un fauteuil, le roi annote une liasse de documents et lève les yeux. Il arbore un sourire aimable et doux. Son visiteur s’incline respectueusement. Le monarque baisse ses lunettes pour le regarder par-dessus la monture.

« Je vous ai fait venir ici, cher monsieur de Lapérouse, pour vous dire, quelques jours avant votre départ de Brest, combien cette expédition est importante pour moi. »

Il pose ses lunettes et ajoute : « Comme vous le savez, j’ai de l’ambition pour celle-ci : elle doit surpasser celle de M. Bougainville, qui n’a pas découvert grand-chose sous le règne de mon grand-père. Elle a pour objectif de rectifier et achever la cartographie de la planète, établir de nouveaux comptoirs commerciaux, découvrir de nouvelles routes maritimes autour du monde, enrichir les connaissances et les collections scientifiques. »

Jean-François de Lapérouse ne dit pas un mot. Autour de lui, la bibliothèque, les cartes, les astrolabes – un instrument représentant la carte du ciel –, les sextants posés sur les étagères attestent la passion de Louis XVI pour la géographie.

Quant à l’exemplaire original de Robinson Crusoé, traduit de l’anglais par le roi en personne et posé en majesté sur l’un des guéridons, il révèle la nature curieuse, et peut-être plus aventureuse qu’on ne l’imagine, du monarque. Dans le secret de son cabinet, il a préparé minutieusement le plan de route. « Venez, je vais vous montrer l’itinéraire que vous allez suivre. »

Le roi se lève et entraîne le marin vers une table. Une carte du monde y est déroulée. « Après le passage du cap Horn, vous longerez la côte pacifique des Amériques jusqu’en Alaska, via l’île de Pâques et Hawaii. Vous explorerez le Pacifique jusqu’aux rivages de l’Australie, collecterez des végétaux inconnus, prospecterez d’éventuels comptoirs coloniaux, étudierez la possibilité de chasser la baleine... Voilà ce que j’attends de vous. »

En voyant le regard du roi s’animer, son interlocuteur se demande si la mer n’est pas son vrai royaume. Lui qui est si timide, lourdaud, selon les mauvaises langues, fait preuve ici de conviction et d’autorité. Le projet le transfigure jusqu’à la déraison : il s’agit de faire en un voyage ce que Cook a réalisé en trois.

« Savez-vous pourquoi je vous ai choisi pour diriger cette expédition ? » Jean-François Lapérouse observe le ministre, puis le roi, un peu interloqué. « C’est grâce à la mansuétude dont vous avez fait preuve vis-à-vis des Anglais lors de votre expédition dans la baie d’Hudson, reprend Louis XVI. Après avoir abattu leur flotte, vous auriez pu les laisser mourir de faim, mais vous leur avez donné des vivres et des armes pour qu’ils puissent se défendre contre les Indiens. Cette attitude vous honore. Ne l’oubliez jamais lorsque vous irez à la rencontre des “naturels”. »

Le marin s’apprête à parler lorsque le ministre lui fait signe d’écouter encore : « C’est ce principe qui devra guider votre voyage, ajoute le roi. Si c’est pour vous procurer des substances vitales, n’usez de la force vis-à-vis des peuples sauvages qu’avec une extrême modération. Et punissez très sévèrement ceux qui auraient outrepassé vos ordres. »

« Bien sûr, Votre Majesté », souffle Lapérouse, un peu surpris. En quittant le château de Versailles, malgré l’euphorie que suscitent en lui la confiance du roi et la perspective de ce départ désormais imminent, l’heureux élu ne peut s’empêcher de ressentir un pincement au coeur en pensant à celle qu’il va bientôt quitter.

« Je serai de retour durant l’été 1789 »

Dans sa maison parisienne de la rue Montorgueil, il raconte son entretien à sa femme adorée, Eléonore, alitée depuis sa fausse couche. Le visage grave, le regard perdu, elle écoute avec attention chaque détail, cherchant à prélever dans l’enthousiasme de son mari du courage pour affronter la séparation qui s’annonce. « Tu verras, cher amour, ces quatre années passeront vite. Je serai de retour durant l’été 1789. » Eléonore sent monter les larmes qu’elle retient depuis des jours.

« Ce voyage est long mais surtout périlleux », murmure-t-elle. Elle lutte depuis plusieurs semaines pour ne pas voir comme un mauvais présage le drame intime qui les a frappés. Il baisse les yeux, pense aux difficultés qu’ils ont affrontées depuis leur rencontre sur l’île de France, future île Maurice : l’opposition de son père, qui ne la trouvait pas assez riche ni bien née, le mariage organisé avec une autre jeune fille...

« Je serai prudent. Ne t’ai-je jamais promis quelque chose que je n’aie pas fait ? Et nous aurons cet enfant que nous avons perdu. » « Espérons-le. »

La semaine prochaine, nous suivrons le capitaine Jean-François de Lapérouse lors de son grand départ en mer.



  • Pour aller plus loin
    Le Voyage de Louis XVI autour du monde – L’Expédition Lapérouse, de Paul et Pierrette Girault de Coursac, La Table ronde (1985).

    Journal de bord, de Lapérouse.


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MessageSujet: Re: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeMer 25 Juil - 20:33

Deuxième épisode Very Happy Very Happy

L’expédition Lapérouse (2/6) : grand départ vers l’inconnu

L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 78252610
Gravure conçue d’après un dessin des frégates « La Boussole » et « L’Astrolabe », réalisé durant le voyage.Gilles Mermet/La Collection
1/2

La Boussole et L’Astrolabe quittent le port de Brest le 1er août 1785. Conscient de l’ampleur de sa mission et inquiet du poids excessif des deux frégates, le commandant en chef Lapérouse veille à tout : vivres, hygiène, chargement...

Depuis le pont de La Boussole, Jean-François de Lapérouse observe le port de Brest s’éloigner. Le 1er août 1785, après des mois de préparatifs, l’expédition qu’il dirige s’élance enfin, sous un ciel dégagé. Petit à petit faiblissent les applaudissements et les cris de la foule amassée sur les quais, des « vive le roi ! » en hommage à Louis XVI, commanditaire de cette folle épopée.

Malgré la distance, le navigateur expérimenté aperçoit encore une petite tache blanche, le chapeau de son épouse Eléonore, une lumière à l’horizon. Il reste accroché à cette image, celle de sa femme qu’il voit peut-être pour la dernière fois de sa vie.

Pour chasser cette mauvaise pensée, il se tourne vers L’Astrolabe, l’autre navire dont il a la charge, qui vogue tout près du sien. A sa tête, plus qu’un second, un ami, Paul Antoine Marie Fleuriot, vicomte de Langle. Immédiatement, sa vue le réconforte.

Il est heureux que son adjoint dans cette aventure, qui doit s’étendre plus de 150 000 kilomètres, soit cet homme qu’il admire et respecte pour sa force et son discernement. D’un caractère minutieux et prudent, il est le véritable chef de la cohorte de savants embarqués dans cette aventure.

Car l’ambition de ce voyage n’est pas seulement de cartographier les îles de l’océan Pacifique et de découvrir de nouvelles terres. Elle est aussi scientifique. A bord, 17 spécialistes de renom (astronomes, hydrographes, botanistes...) comptent bien profiter de l’expédition pour élargir leurs connaissances.

Le spectre du scorbut

Il y a pourtant une ombre au tableau. Depuis son départ, Lapérouse est contrarié. Sa frégate avance trop lentement et n’est pas assez manoeuvrable à son goût. Dans ces conditions, comment pourra-t-il affronter les courants et l’immensité du Pacifique ? Il entend franchir le cap Horn et atteindre le Chili avant le printemps 1786, afin d’avoir le temps d’y faire une longue escale avant de rejoindre l’île de Pâques.

L’Irlandais Robert Sutton, son second sur La Boussole, devine ses pensées : « Je crains que nous ne soyons trop chargés, commandant, pour augmenter notre vitesse. Nous ne sommes pourtant qu’une centaine à bord. »

L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 78252611

Dans cet épisode, nous évoquons l’étape qui mena Lapérouse de la France à Madère (en orange).

Les deux bâtiments sont moins rapides que résistants ; 350 tonneaux de vivres sont embarqués sur chaque bateau, ainsi que 1 000 tonnes de matériel au total, et des objets destinés à être échangés lors des escales. Chacune des frégates est une petite maison flottante. Sur le pont, des moulins à vent ont été installés pour produire de la farine, des volailles destinées à la table des officiers caquettent sur la dunette arrière, des vaches sont attachées au mât, des moutons s’entassent dans les chaloupes, les cales sont bourrées de sacs de pommes de terre.

Chaque navire emporte aussi douze canons, un grand ballon aérostatique – sorte de montgolfière – en papier, pour amuser les populations, des petits pour déterminer la hauteur et la direction des vents. « Voyons voir de quelles marchandises nous pourrons nous délester lorsque nous arriverons à Madère, dans dix jours », répond Lapérouse à Sutton.

Le commandant entend aussi rappeler à l’équipage qu’il doit nettoyer quotidiennement les logements. Le bateau a été conçu pour lui assurer confort et santé. « Vous vous assurerez que les cabines sont aérées et parfumées, car j’ai fait l’expérience que l’humidité froide pouvait être le facteur déclencheur du scorbut », lance-t-il aux matelots.

Ces derniers hochent la tête, l’air inquiet, malgré la joie et l’euphorie visibles dans leurs regards. Le spectre de la « peste des mers », qui survient habituellement au bout de soixante-dix jours de navigation s’ils ne consomment que des rations à bord, hante tous les équipages.

« Les préparations de mer sont ici », souffle Joseph Hereau, domestique de l’un des officiers. Ces boissons à base de mélasse ou d’épinette, consommées tous les jours, permettent d’éviter la maladie.

Lapérouse poursuit son inspection. Il est rejoint par Paul Monneron, ingénieur en chef de l’expédition, qui a effectué un voyage en Angleterre juste avant le départ pour y récolter les conseils inspirés par l’expédition du navigateur James Cook, premier Européen à avoir accosté à Hawaii, en 1778.

Boussoles d’inclinaison, sextants, horloges astronomiques... Il a récupéré les instruments de navigation les plus perfectionnés. Ainsi que les objets à échanger avec les autochtones contre des victuailles fraîches.

Lapérouse observe ce fond de cale rempli de présents. Des outils, du fer en barre, des clous, des épingles, des hameçons, mais aussi des biens plus sophistiqués tels que des colliers, 2 000 bagues de verre, 2 600 peignes en bois, des plumes de couleur, des mouchoirs en soie ou des lanternes magiques. Ainsi que des cadeaux du roi destinés aux populations : des médailles à son effigie, une cinquantaine de casques de dragons, douze habits d’écarlate, quatre orgues d’Allemagne.


  • « Ne touchez pas à cela, commandant ! » ose dire Monneron. Lapérouse hausse les épaules. « Il y a tout de même beaucoup de ferraille ici. Et les indigènes n’auront que faire de ces orgues ! »


Le jeune De Roux d’Arbaud, volontaire à bord de La Boussole, s’approche d’un objet, ravi de faire de la place. A tout juste 17 ans, il a l’impatience de la jeunesse. Mais Lapérouse se souvient de la promesse faite au roi, celle de ne pas recourir à la force face aux peuples dont ils fouleront les terres. Et quoi de mieux que des cadeaux pour amadouer ces inconnus ? « Non, laissez cela. Continuons. »


Des savants à bord


Installés dans une autre partie du navire, les savants observent l’arrivée du commandant vers leurs quartiers. Citadins peu habitués aux aventures, ils découvrent la vie en mer et se méfient des officiers, fiers de leur rang et de leur passé.

Joseph La Martinière, botaniste émérite, semble vouloir parler pour les autres : « Monsieur le capitaine, déclare-t-il, cramponné à ses rames de papier gris pour herbiers, tous les objets que nous avons emportés nous seront indispensables pour étudier les contrées lointaines vers lesquelles nous nous dirigeons ! »

En l’écoutant, Lapérouse se souvient de sa propre bibliothèque, installée dans sa cabine. Remplie des récits des voyages de Cook, sa référence absolue.


  • « Messieurs, les rêves pèsent plus lourd que je l’imaginais ! Mais nous apprendrons à manoeuvrer avec un tel chargement. Le Nouveau Monde nous attend ! »


La semaine prochaine, nous vous raconterons le premier drame vécu par Lapérouse et ses hommes en Alaska.
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MessageSujet: Re: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeMar 31 Juil - 9:21

GASP ! L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 35958 Il existe au moins 150 topics sur Lapérouse. L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 35958
Du coup, j'ai cherché le plus logique pour continuer la saga de l'été. Et c'est celui-ci. L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 194575
On en est donc à l'épisode 3, saison 1. L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 244157

L'expédition Lapérouse (3/6) : des hommes confrontés à plus grand qu’eux

LE PARISIEN WEEK-END. Un changement de cap risqué vers le nord-ouest de l’Amérique, de lourdes pertes humaines en Alaska... Alors que tout avait bien commencé lors des premiers mois de navigation, l’horizon s’obscurcit pour le commandant Lapérouse.

Après plus de cinq mois de navigation sur l’océan Atlantique, l’expédition conduite par Jean-François de Lapérouse dépasse le cap Horn, début 1786, s’engouffrant dans le détroit de Drake.

L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 78332310
Cette gravure de 1820 représente Lapérouse supervisant la mesure des statues de l’île de Pâques.
De Agostini/Leemage


Les deux frégates que dirige le navigateur, L’Astrolabe et La Boussole, ne se sont pas perdues une seule fois de vue sur cette mer hérissée de rochers et balayée par des vents glacés. Après avoir franchi le promontoire veillant sur l’extrémité sud du continent américain, découvert par un explorateur hollandais né à Hoorn au début du XVIIe siècle, les deux navires font une longue escale au Chili.

Le temps de se ravitailler en victuailles et en eau potable, et de rencontrer les populations locales. Alors qu’il embarque à nouveau, Jean-François de Lapérouse ne contient pas sa joie et sa fierté lorsqu’il s’adresse à Robert Sutton, son second sur La Boussole.

« Te rends-tu compte ? Pas un homme n’a été malade depuis notre départ de Brest, et aucun accident n’a entaché notre voyage. Mis à part avec quelques cas de syphilis, ce pauvre Simon Lavo, notre chirurgien, n’a pas eu de quoi s’occuper. C’est un petit exploit. Le roi m’en félicitera. »

La perruque toujours parfaitement poudrée, Sutton ne peut s’empêcher d’exprimer son inquiétude. « L’expédition a toutefois un peu de retard sur le programme. Et la discipline des hommes à bord laisse à désirer. » Lapérouse ne réagit pas.

L’ordre et la discipline, ce n’est pas son fort. Que représente l’obéissance aux règles face à l’immensité du ciel et de la mer autour d’eux ? L’océan s’étend à l’infini, mystérieux et clair à la fois, dangereux et énigmatique. Le navigateur finit par sortir de son silence.

« Mais nous ne resterons que quelques heures sur l’île de Pâques ! » Contrairement aux instructions du roi, il ne veut pas s’attarder sur ce petit caillou situé à 3 700 kilomètres des côtes chiliennes, découvert par des Hollandais en 1722, un jour de Pâques.

A bord, c’est la consternation

Il poursuit un but caché dont il n’a parlé ni à ses hommes ni même à Paul Antoine Marie Fleuriot, son ami et adjoint, à la tête de L’Astrolabe : il espère secrètement trouver le passage du Nord-Ouest, qui lui permettrait de relier l’océan Pacifique à l’Atlantique. Et d’entrer définitivement dans l’histoire de la navigation.

Après avoir quitté l’île de Pâques en avril 1786, Lapérouse ne se dirige donc pas, comme il l’avait pourtant annoncé, vers les îles de la Société, dont fait partie Tahiti, mais vers le nord-ouest de l’Amérique. A bord, c’est la consternation.

« Pourquoi change-t-il de route ? » s’inquiète Fleuriot, qui a toutes les peines du monde à calmer les scientifiques, furieux de ne pas avoir pu explorer davantage l’île aux statues de géants, où les populations locales, vivant à moitié nues, semblaient pourtant si accueillantes. Tous comptent sur les escales prévues lors de cette expédition aux enjeux scientifiques cruciaux pour mener à bien leurs travaux.

Barthélemy de Lesseps, jeune et brillant vice-consul de France à Cronstadt, en Russie, embarqué sur L’Astrolabe comme interprète, critique ouvertement la décision de Lapérouse.

« Il retarde notre escale en Russie. Sans compter que ce changement de cap va nous faire renoncer à l’établissement d’un comptoir de fourrures en Californie. » A côté de lui, Paul Monneron, ingénieur en chef de l’expédition, et Jean Nicolas Collignon, botaniste, persiflent.

« Il semblait que la reine Marie-Antoinette espérait une livraison dès cet hiver... Mais peut-être préfère-t-il se recueillir sur la tombe de son héros à Hawaii ? »

L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 78332311
L'itinéraire suivi par Lapérouse. Dans cet épisode, nous évoquons les escales de Madère à Manille
(en orange).


C’est en effet sur l’archipel du Pacifique que l’aventurier britannique James Cook a trouvé la mort, à demi dévoré par les insulaires en 1779. Pas de quoi éveiller la curiosité de l’équipage de Lapérouse.

Mais là encore, à l’étonnement général, après s’être approvisionné en eau potable et avoir effectué une rapide cérémonie à la mémoire de Cook, le commandant poursuit sa navigation vers l’Alaska... sans avoir pris possession d’Hawaii.

Sur La Boussole, Charles Gabriel Morel d’Escures, enseigne de vaisseau, se plaint à voix haute.

« Que n’a-t-il pris possession de l’île ? Alors qu’elle possède le bois de santal qu’apprécient tant les Chinois pour fabriquer leur encens. Les Anglais, eux, n’hésitent pas à planter leur drapeau. »

Quelques semaines plus tard, les deux navires parviennent enfin dans les zones froides du Pacifique Nord. Ils s’approchent d’une baie entourée de pics rocheux. Les glaciers étincelants de l’Alaska se dressent devant eux. Aucun étranger n’a encore foulé ce paysage grandiose. Le site est baptisé Port-aux-Français.

Très vite, des indigènes rejoignent en pirogue les frégates pour faire la connaissance de leurs occupants et commercer avec eux. Les équipages installent des tentes à terre. Bois et eau sont embarqués sur les frégates.

Après quelques semaines de mouillage, il est temps de repartir. Lapérouse décide d’envoyer deux chaloupes pour sonder la baie avant de lever l’ancre. D’Escures tient à mener cette dernière expédition.

Il modifie encore l’itinéraire prévu

« A 35 ans, je ne suis plus un enfant. J’ai commandé des navires de guerre ! » Inquiet de le voir si arrogant, Lapérouse lui remet des instructions écrites, avec interdiction de s’approcher du courant venant des côtes, qu’il sait dangereux.

Las ! La chaloupe que dirige d’Escures est prise dans les lames. Elle chavire. Partie à son secours, la seconde est précipitée sur les rochers. En dix minutes, le 13 juillet 1786, 21 marins trouvent la mort.

Parmi eux, deux frères, fils du banquier de la cour. Effondré, Lapérouse fait ériger un petit monument en mémoire des morts. A son pied, il enterre une bouteille, dans laquelle est glissé le récit du naufrage, ainsi que les noms de ceux qui ont péri.

Après avoir attendu plusieurs jours le retour d’hypothétiques survivants, les frégates se remettent en route le 30 juillet avec beaucoup de retard sur leur calendrier.

Lapérouse modifie encore l’itinéraire prévu pour arriver à Manille début 1787, et ainsi employer l’été suivant à la découverte de la région qui s’étend du Japon au Kamchatka.

Face à ce nouveau changement de cap, l’inquiétude de Fleuriot grandit. Par superstition, le navigateur n’aime pas que l’on s’éloigne en mer de la route fixée à terre. Comme si cela permettait aux éléments de reprendre le dessus sur les projets des hommes.

Dans le prochain épisode, l’escale malheureuse des deux frégates dans l’archipel des Samoa.

Le lien, c'est comme les 2 épisodes précédents http://www.leparisien.fr/
J'ai galéré pour trouver où le poster dans le boudoir, par contre. Faudrait mettre de l'ordre dans tout ça. L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 56173

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Cyrio

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MessageSujet: Re: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeMar 31 Juil - 9:23

Passionnants ces voyages ! L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 580524

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Twiny

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MessageSujet: Re: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeLun 13 Aoû - 20:21

J'ai trouvé le 4/6. Et il n'est pas drôle. affraid

Episode 4/6. En cette fin d’année 1787, alors qu’ils se dirigent vers la Nouvelle-Hollande (l’actuelle Australie), le comte de Lapérouse et ses hommes font escale dans l’archipel de Samoa. Mal leur en prend...

L'expédition Lapérouse 4/6 : Massacre à Maouna


Tout au long de l’année 1787, les frégates La Boussole et L’Astrolabe poursuivent leur route vers le nord. Après Manille, la Corée et la mer du Japon, les voilà au Kamtchatka, péninsule à l’extrême est de la Russie.

L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 78470010


Lapérouse et ses hommes y font une longue escale, dans la baie du fleuve Avatcha. Le chef d’escadre y laisse son interprète, Barthélemy de Lesseps. A 21 ans, le jeune homme s’apprête à traverser la Sibérie pour regagner la France et y porter les précieux journaux de bord et documents scientifiques produits jusqu’alors pendant l’expédition.

Le 28 septembre 1787, les navires quittent le Grand Nord et ses eaux glaciales pour repartir vers le sud, à destination de la Nouvelle-Hollande – l’actuelle Australie.

Lapérouse répond ainsi à un ordre reçu du ministre de la Marine, Fleurieu, quelques semaines plus tôt. Il lui a demandé d’aller enquêter sur l’arrivée prochaine à Botany Bay, à quelques kilomètres au sud de l’actuelle Sydney, d’une flotte britannique, la First Fleet.

A son bord, plus de 500 condamnés qui encombraient jusque-là les bateaux prisons des ports anglais, accompagnés de près de 200 femmes et de nombreux enfants.

Le roi Louis XVI aimerait que Lapérouse aille voir de plus près ce qui ressemble à une amorce de colonisation de la Nouvelle-Hollande par la Couronne britannique. Le navigateur se plie aux ordres du roi à contrecoeur. Cette longue traversée l’inquiète ; ses marins sont épuisés.

Déprime et petits creux
Pendant deux mois, les équipages ne voient pas la terre. Le ciel et la mer se confondent à perte d’horizon dans un brouillard désespérant. Parfois, une île se précise, avant de disparaître dans l’immensité bleue, comme un mirage insaisissable.

Les orages se déchaînent contre les navires, la chaleur moite des tropiques écrase leurs gestes. Alors qu’ils viennent de franchir l’équateur, Robert de Lamanon, chef de file des scientifiques de l’expédition, vient trouver Lapérouse dans sa cabine.

« Amiral, mes savants confrères se plaignent de ne pas avoir suffisamment l’occasion d’explorer îles vierges et archipels inconnus comme ils s’y étaient engagés auprès du roi. Ils demandent à faire escale rapidement. »

Lapérouse lève à peine les yeux de la lettre qu’il est en train d’écrire. Ils sont partis depuis plus de deux ans de Brest et leurs bateaux commencent à accuser le coup. Voiles déchirées par le vent, cordages rongés par l’humidité, qui se rompent en mettant les mains en sang.

En grimpant au sommet d’un mât pour tenter de distinguer une terre accueillante, un jeune marin est récemment tombé et s’est noyé. La carence en vivres frais fait à nouveau peser la menace du scorbut...

Lamanon poursuit : « Nous ne mangeons que du lard salé et des biscuits depuis des semaines. La pêche est trop maigre pour nous satisfaire tous. – Il me semblait qu’il nous restait quelques poissons fumés... – Ils ont été dévorés par les rats. »

Les épaules tendues par la fatigue, le commandant, assailli par la crainte de heurter un des rochers de corail de cette mer inconnue, soupire. « Nous nous arrêterons sur le prochain atoll avant d’arriver à Botany Bay. »

Accueillis par une pluie de cailloux
Début décembre, les deux frégates mouillent devant l’île de Maouna, dans l’archipel des Samoa, à plusieurs milliers de kilomètres des côtes australiennes.

Elles sont bientôt entourées par les pirogues d’une centaine d’indigènes venus leur céder cochons, poules, fruits et légumes, en échange de perles de verre et autres présents.

Dans cette île, les « naturels » semblent particulièrement aimables et doux. Les femmes sont belles ; les villages, charmants. Le vicomte Paul Fleuriot de Langle, capitaine de L’Astrolabe, revient enchanté de sa reconnaissance à terre. Il souhaite prolonger son exploration de l’île. Il fait part de son projet à son commandant et ami :

« Nous devrions faire une nouvelle provision d’eau douce pour finir notre trajet vers Botany Bay. »

Lapérouse fronce les sourcils. Sur ses gardes, il préfère éviter les contacts avec les locaux.

« Je crois que nous n’en avons pas besoin. A moins que vous souhaitiez revoir une de ces femmes étrangement vêtues ? » Son second rougit.

« Certainement pas ! Mais nous devrions profiter de cet environnement bienveillant pour récupérer davantage d’eau... Certains symptômes du scorbut ont commencé à se manifester chez mes hommes. »

Devant l’insistance de Langle, le commandant finit par céder. Le 11 décembre, deux chaloupes, avec à leur bord 52 marins et savants, partent vers la côte pour s’y ravitailler. Mais en accostant sur le rivage, le temps de rassembler leurs affaires, les Français se retrouvent cernés par plus de 1 000 insulaires, visiblement hostiles. Langle interroge l’un des officiers :

« Que se passe-t-il ?

– Je crois que l’un des leurs, accusé de vol par nos hommes, a été malmené hier. » Inquiet, Langle jette un coup d’oeil derrière son épaule, et se rend compte qu’avec la marée basse, la baie est déjà presque à sec.

« Trop tard pour regagner les frégates avant ce soir... »

Les équipages voient tout à coup tomber sur eux une pluie de cailloux. Langle tire deux coups de fusil avant d’être renversé de la chaloupe et massacré à coups de massues et de pierres. Onze autres hommes sont tués. Parmi eux, le scientifique Lamanon, botaniste, physicien et météorologue.

En quelques minutes, il ne reste plus personne à bord des chaloupes. Les blessés partent à la nage rejoindre les frégates. En entendant le récit que lui font les survivants, Lapérouse devient fou de colère : « Jamais Langle n’aurait été tué s’il avait été armé de canons et de fusils et s’était tenu prêt à tirer à la moindre sensation de danger ! »

Il s’interrompt tout à coup, sur le point de s’emporter contre le roi Louis XVI, dont les maudites consignes de respect des autochtones lui semblent la cause de ce malheur.

Lapérouse finit par renoncer à riposter contre les insulaires et lève l’ancre pour Botany Bay, désespéré de n’avoir pu donner de sépulture à ses amis. Il ne peut s’empêcher de s’inquiéter pour la suite de l’expédition. Surtout qu’il est désormais seul, privé de Langle, son plus solide soutien, à la fois allié et précieux conseil dans les moments difficiles.

Sur son journal, il écrit, battant en brèche ce mythe du bon sauvage qui hantait les esprits à l’époque : « Les philosophes font leurs livres au coin du feu ; je voyage depuis trente ans et je suis témoin de l’injus tice et de la fourberie de ces peuples. »

Alors qu’il referme son carnet, et qu’une nuit sans étoiles s’abat sur sa solitude, Lapérouse doute pour la première fois de son retour à bon port.

Dans le prochain épisode, nous évoquerons la fin tragique de l’aventure de Lapérouse, au large des îles de Vanikoro.
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MessageSujet: Re: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeDim 2 Sep - 9:10

Hé ! On a de nouveau loupé la série ! L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 79143

L'expédition Lapérouse (5/6) : fin tragique dans l’océan Pacifique

Le commandant Lapérouse et ses équipages entament au printemps 1788 une nouvelle phase d’exploration autour de la Nouvelle-Hollande (l’actuelle Australie). C’est aux abords des îles de Vanikoro que va se sceller leur destin.

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Lithographie du XIXe siècle, réalisée par Louis Le Breton, illustrant le naufrage de « L’Astrolabe », sur les récifs de Vanikoro.
De Agostini/Leemage


Début mars 1788, après six semaines d’une pause réparatrice, L’Astrolabe et La Boussole quittent Botany Bay – au sud de l’actuelle Sydney, en Australie, dite alors Nouvelle-Hollande –, prenant la route de la Nouvelle-Calédonie.

Avant d’appareiller, pénétré par ce sentiment qu’« au bout du monde, les ennemis sont des frères », Jean-François de Lapérouse a fraternisé avec les équipages anglais de la First Fleet, rencontrés pendant l’escale, et leur a remis le courrier de l’expédition ainsi que des documents non confidentiels. Car les Britanniques seront de retour en Europe avant eux.

Pour les marins français, le périple du retour, jalonné d’explorations, devrait durer plus d’une année. Lapérouse prévoit de visiter la côte méridionale de la Nouvelle-Calédonie, de s’arrêter sur les îles Tonga, puis, après être remonté vers le nord-ouest, de cartographier divers archipels voisins de la Nouvelle-Guinée.

De là, le jeune chef d’escadre entend piquer vers le sud-ouest pour explorer la côte occidentale de la Nouvelle-Hollande, puis rejoindre l’Inde, pour atteindre l’île de France – l’île Maurice – en décembre 1788.

La rade de Brest, que les marins français ont quittée il y a près de trois ans, devrait être à portée de vue à l’été 1789. Peu après la mort de Paul Fleuriot de Langle, second de l’expédition massacré aux Samoa, Lapérouse a confié le commandement de L’Astrolabe au capitaine de vaisseau Robert Sutton de Clonard, autre ami proche.


Mais le coeur n’y est plus. Assis sur le pont de son navire, Lapérouse observe l’horizon. Sa fierté qu’aucun de ses hommes ne soit mort du scorbut ou d’autre maladie s’est presque envolée avec l’épuisement du voyage. Il se sent usé par ces longs mois en mer.

« Certes, j’ai été promu chef d’escadre, dit-il à son nouveau second, mais tu peux être certain que personne ne voudrait de ce voyage à pareil prix.

– Votre nom restera à jamais dans l’histoire, mon commandant. » Lapérouse reste silencieux alors que le visage d’Eléonore, sa femme tant aimée, revient le hanter. « Je ne sais pas... A mon retour, ma femme me prendra pour un vieillard de 100 ans. Je n’ai plus ni dents ni cheveux. »

Des indigènes imprévisibles

La Boussole et L’Astrolabe atteignent par l’est les îles de Vanikoro. Les frégates jettent l’ancre, à vue l’une de l’autre, entre la petite île, Teanu, et la grande île, Banie.

Le vent est tombé, mais les marins n’envoient aucune chaloupe à terre, car le rivage est nimbé de brouillard. Lapérouse et Clonard préfèrent attendre d’y voir plus clair, la zone étant hérissée de récifs, parcourue par de forts courants et peuplée d’indigènes au comportement imprévisible.

« Nous débarquerons demain ! » annonce Lapérouse. Mais à la nuit tombée, une tempête se lève. Réveillé par le sifflement du vent dans les voiles et le grincement des cordes autour du mât, Lapérouse monte sur le pont. Avec sa longue-vue, il aperçoit le rivage qui se rapproche dangereusement, malgré l’ancre.

« Faisons mouvement vers le sud, hissons les voiles et contournons la grande île par le sud-ouest. Nous allons nous abriter dans le lagon, derrière la barrière de corail », ordonne-t-il en faisant sonner la cloche pour réveiller les marins.

Alors que les frégates se frayent un chemin entre les îlots de sable, La Boussole quitte le chenal et s’accroche sur un récif.

Le bruit de la coque éventrée frappe le commandant qui se précipite vers Roux d’Arbaud, son officier de quart : « Avec une telle voie d’eau, nous risquons fort de couler à pic ; notre seule chance est d’évacuer le navire pour ne pas être entraînés par le fond. Mais avant cela... »

Lapérouse a repéré, à terre, les torches d’un rassemblement de « naturels » qui tirent maintenant leurs premières flèches. Il fait signe d’armer les canons.

« Commandant, se risque l’officier, si nous tirons, ils nous assailliront à leur tour et les survivants du naufrage seront décimés. » Echaudé par l’aventure de Langle sur l’île de Maouna, Lapérouse n’écoute pas. Perdu pour perdu, il hurle à son équipage : « Faites feu ! »

La frégate, battue par les vagues et continuant de heurter les rochers, se disloque alors que les canons font trembler les derniers morceaux du bateau.

« Tous les hommes à l’eau ! » crie Lapérouse qui sent une flèche lui déchirer l’épaule droite. Il a à peine le temps de prendre la main de Roux d’Arbaud, alors que l’eau envahit le pont du bateau. « Si tu survis à ce naufrage, promets-moi d’aller voir ma femme et de lui dire que ma dernière pensée était pour elle, murmure- t-il, le regard perdu.

– Commandant, nous allons survivre. » Mais sa voix se perd dans l’immensité sombre de la mer. Roux d’Arbaud plonge de justesse par-dessus bord. Le bateau coule à pic le long du brisant, sans avoir démâté. Le reste de l’équipage se noie ou meurt massacré par les indigènes.

L’Astrolabe, également pris par les flots, heurte un autre récif, l’avarie fait une quarantaine de noyés. Poussée vers l’ouest par les courants, la frégate s’échoue à l’entrée du lagon. Ils sont un peu plus de soixante, dont Clonard, à réchapper du naufrage. Mais la plupart seront massacrés par une tribu quelques mois plus tard.

Leur sort éclipsé par la Révolution

Seuls quatre hommes survivent à ce double naufrage et à ces massacres : trois de L’Astrolabe – Simon Lavo, chirurgien ; Joseph Richebecq, matelot, et Joseph Hereau, domestique – ainsi que Roux d’Arbaud, officier de La Boussole.

A l’autre bout du monde, le retard de l’expédition inquiète dès la fin 1788, mais le grondement de la Révolution accapare les esprits. En 1790, le banquier de Laborde, déjà endeuillé par la mort de ses deux fils au Port-aux-Français, alerte l’Académie des sciences : « Si nos infortunés frères sont dans la situation que je soupçonne, que deviendront-ils si leur patrie les abandonne ? »

En 1791, l’Assemblée nationale vote un décret attribuant 4 000 francs or à tout marin qui découvrirait leurs traces. La même année, la première expédition de secours, commandée par l’amiral d’Entre casteaux, composée de La Recherche et de L’Espérance, part en quête de Lapérouse. Sans succès.

Malgré la Révolution, le roi Louis XVI resta préoccupé du destin de l’expédition jusqu’au dernier instant de sa vie. Le 21 janvier 1793, alors qu’il monte sur l’échafaud, place de la Révolution, pour être guillotiné, la légende raconte qu’il aurait posé cette question : « Avons-nous des nouvelles de Lapérouse ? »

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MessageSujet: Re: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeSam 15 Sep - 9:34

Cette série est passionnante et j'espère que nous en aurons rapidement le dénouement.

Bien à vous

madame antoine

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MessageSujet: Re: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeSam 15 Sep - 9:43

Tiens oui. Wink Wink Wink

L'expédition Lapérouse (6/6) : à la recherche des frégates disparues

Près de quarante ans après le naufrage dans le Pacifique des deux navires dirigés par Lapérouse, le négociant Peter Dillon en retrouve la trace en 1827. Et lève ainsi en partie le voile sur le destin des membres de leurs équipages.

L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 78608210
Un témoignage sur le naufrage de « La Boussole » et de « L’Astrolabe » a été recueilli auprès des habitants de l’île de Tikopia.
De Agostini/Leemage


Un jour de mai 1826, à la barre de son navire, le Saint Patrick, Peter Dillon peut se féliciter de sa réussite. A même pas 40 ans, ce négociant d’origine irlandaise, issu d’une famille de commerçants, a amassé une petite fortune en achetant et revendant du santal, un bois parfumé particulièrement prisé des Chinois, qui l’utilisent dans les temples.

Etabli à Calcutta, principale base de la Compagnie anglaise des Indes orientales, Peter Dillon a navigué toute sa vie dans le Pacifique. Les récits de ses expéditions marchandes, qu’il publie dans les journaux, lui valent une réputation d’aventurier, de navigateur intrépide et audacieux.

Nul n’a eu vent de survivants

Mais, au fond de lui, Peter Dillon n’est pas satisfait. Ses héros, ses modèles, ne sont pas des commerçants : ils se prénomment Napoléon ou Nelson, redoutable amiral britannique.

A défaut d’une guerre ou d’une bataille, il rêve d’élucider la plus grande énigme de ces dernières années, celle que tous les marins qui sillonnent le Pacifique Sud désirent résoudre : le mystère de la disparition de l’expédition de Lapérouse.

La Boussole et L’Astrolabe, les deux frégates dirigées par le navigateur français sur ordre du roi Louis XVI, ne sont jamais revenues en France. Leur trace a été perdue après qu’elles ont quitté l’Australie, en 1788. Nombreux sont les marins qui se sont lancés à la recherche des disparus.

Sans succès. Nul n’est parvenu à savoir si les membres de l’équipage ont survécu à un probable naufrage. Pour retrouver leur trace, Peter Dillon écoute son intuition. Elle le mène à Tikopia, petit morceau de terre appartenant à l’archipel des îles Salomon. « Pourquoi faire ce détour, mon capitaine ? demande son second. – J’ai envie de revoir Martin et Joe », répond d’un air détaché Peter Dillon.

Une première piste prometteuse

S’il est heureux de retrouver les anciens acolytes qu’il a débarqués sur l’île à leur demande, treize ans auparavant, cette visite est surtout un excellent prétexte pour aller collecter quelques témoignages sur le mystère Lapérouse.

A son arrivée sur l’île, il reconnaît à peine ses amis. Ils ont les cheveux longs, la peau tannée par le soleil. S’approchant de Joe, le capitaine remarque un détail.

« Qu’as-tu autour du cou ?

– La garde d’une épée que j’ai achetée à des survivants d’un navire qui s’est fracassé sur les récifs de l’île de Vanikoro, à quelque 200 kilomètres au nordouest.

– Je veux voir cela de plus près ! »

Lui arrachant presque le collier, il se penche sur des initiales encore lisibles, malgré l’usure. J. F. G. P., croitil distinguer. Il relève la tête, l’air illuminé comme s’il venait d’avoir une apparition. C’est l’acronyme de Jean-François de Galaup de La Pérouse. Son patronyme peut-être ainsi orthographié.

Il se retourne vers son second, enflammé.

« Nous l’avons !

– Quoi donc ?

– La trace du naufrage des frégates de Lapérouse ! »

L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 78608211
L’itinéraire suivi par Lapérouse.

Quelques jours plus tard, Peter Dillon repart à Calcutta pour constituer une flotte plus importante, capable de partir à la recherche des navires engloutis près de l’île de Vanikoro. Il paraît d’autant plus impatient de se porter sur les traces de ce naufrage qu’il a eu vent de l’expédition de Jules Dumont d’Urville. L’officier a quitté la France le 22 avril 1826 pour retrouver les épaves, qu’il imagine reposer au large de la Nouvelle-Guinée.

Une fois débarqué au sud de l’île de Vanikoro, Dillon recueille le témoignage d’un chef local et identifie le lieu du naufrage. Son émotion est grande, il ne peut s’empêcher de verser une larme lorsque ses hommes réussissent à faire remonter boulets de canon, ancres et autres bibelots du fond marin. Il demande au vieil homme qui l’a accompagné :

« Y atil eu des survivants ?

– Pas sur notre île, répond l’individu. L’une des deux frégates a coulé à pic, mais l’autre s’est échouée. Certains membres de l’équipage ont sans doute survécu. Mais nous avons perdu leur trace. » Peter Dillon déçu, reste silencieux.

En mars 1829, n’ayant pu croiser un survivant de l’expédition, Peter Dillon décide de regagner Londres, puis Paris, avec ses précieuses trouvailles.

Il demande audience au roi Charles X pour les lui remettre en personne et ainsi déposer à ses pieds ce qu’il considère comme un hommage : n’est-ce pas un beau symbole que de rapporter à celui qui a restauré la monarchie des Bourbons en France les souvenirs de cette expédition commandée par son frère ?

Dans le bureau du roi, un homme âgé, aux cheveux épais et grisonnants, se tient près de la fenêtre, presque à l’écart, l’air profondément troublé. Il s’agit de Barthélemy de Lesseps, le consul de France à Lisbonne, de passage à Paris. Il est impatient de découvrir les objets rapportés par Peter Dillon.

Et pour cause : bien des années plus tôt, il a embarqué sur L’Astrolabe en tant qu’interprète. En 1787, sur ordre de Lapérouse, il débarquait au Kamtchatka et traversait la Sibérie afin de remettre au roi de France les archives de l’expédition, devenant le seul rescapé connu de cette aventure.

Le sort s’est acharné contre Lapérouse

Le regard pâle, Barthélemy de Lesseps se penche vers les objets posés sur la table, l’air méfiant. Une petite médaille attire son attention. Il reconnaît celle que portait Lapérouse pendant le trajet. « C’est bien cela, murmure-t-il, ému.

– Avez-vous pu savoir s’il y avait des survivants ? demande le roi à Peter Dillon.

– Pas à ma connaissance, mais nous ne pouvons l’exclure.

– En souvenir de mon frère, Louis XVI, qui voulut faire de cette expédition l’emblème de son règne, je souhaite vous récompenser ! »

Peter Dillon s’incline devant le monarque qui lui octroie le titre de chevalier de la Légion d’honneur, une récompense de 10 000 francs, plus une pension à vie de 4 000 francs annuels. Il le nomme même consul de France en Australie.

Une fois seul, Charles X ne peut s’empêcher de penser au sort qui s’est acharné jusqu’au bout contre Lapérouse : cette expédition n’a non seulement jamais réussi à surpasser celle du britannique James Cook, mais ses restes ont finalement été retrouvés par un Irlandais !

Jusqu’au bout, cette aventure à la fin malheureuse aura été l’emblème du règne de son frère, marqué par la chute de l’Ancien Régime. En regardant les objets ramenés par Peter Dillon, il se demande tout à coup s’ils ne vont pas lui porter malheur à son tour.

Voilà qui clôt notre série de l'été sur les (tristes et) captivantes aventures de Lapérouse. Very Happy
C'était une série proposée par http://www.leparisien.fr/

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MessageSujet: Re: L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration   L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration Icon_minitimeVen 21 Sep - 10:08

Super, la série de l'été ! L’expédition Lapérouse : le voyage de Louis XVI par procuration 914132

Merci les amis.
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