Les Ottomans prennent la Crète aux forces européennes, après vingt-et-un an de siège
épisode de la conquête de la Crète par les Ottomans.
Il oppose les Vénitiens, alors maîtres de l'île, à l'Empire ottoman de 1648 à 1669.
Long de vingt et un ans, le siège de Candie est considéré comme le plus long de l'histoire.
Le contexte de l'expansion ottomane en Méditerranée orientale
Aux XV
e et XVI
e siècles, l'Empire ottoman poursuit son expansion dans la mer Égée. Rhodes tombe en 1522. En 1537, Venise perd ses possessions de Morée, Nauplie et Malvoisie. Chios tombe en 1556
1, en 1570, les Turcs débarquent à Chypre que le Pape Pie V tente de sauver, en vain. Néanmoins, cette défaite aboutira à l'instauration de la Sainte-Alliance. Les forces de la chrétienté catholique romaine s'uniront pour gagner la bataille de Lépante qui donnera un coup d'arrêt à l’expansion ottomane pour plusieurs décennies.
Le Sultan tient les Vénitiens pour responsables, en particulier parce que la ville de Candie abrite les chevaliers de Malte. Entre 1645 et 1648, l'ensemble de la Crète tombe sous domination ottomane, à l'exception de quelques places dont Gramvoussa, Spinalonga, Souda et Candie, l'actuelle Héraklion
2,3 Plus de vingt ans de siège
Le siège de Candie débute en mai 1648. Emmenés par Deli Hussein
4, les Turcs installent leur camp 7 km à l'ouest de Candie
5. Les premiers assauts ont lieu le 2 juillet 1648 et sont repoussés par les Vénitiens. Candie était jusqu'à présent alimentée en eau depuis les sources d'Aghia Irini par un aqueduc : les Turcs détruisent cet aqueduc et assiègent totalement la ville, coupant la route aux Vénitiens vers l'intérieur des terres. Seule la voie maritime leur reste ouverte
5.
Au cours des six premiers mois de siège, les Turcs perdent 20 000 hommes
6. Cependant, jusqu'en 1666, le siège de Candie semble au point mort. En guerre dans les Balkans, l'Empire ottoman n'est pas en mesure d'apporter davantage d'aide aux assiégeants de Candie
7.
En août 1664, la Paix de Vasvár soulage la Porte du front des Balkans et elle peut désormais venir en aide aux troupes de Crète
8. Le vainqueur des Allemands et des Autrichiens à Neuhaüsel (de), le grand vizir Fazıl Ahmet Köprülü, prend la tête des opérations le 3 novembre 1666
9. Une nouvelle force vénitienne doit aussi être envoyée en Crète, sous le commandement d'un général français, le marquis de Ville. Sa présence n'apporte pas de réels changements, Venise envoie par la suite Francesco Morosini
10, provéditeur et futur doge.
Au printemps 1667, 64 galères transportant 40 000 Turcs du Péloponnèse débarquent en Crète
11,12. La ville est alors bombardée quotidiennement. Au cours du siège, la désertion est largement encouragée par les Turcs. Köprülü aurait dépensé 700 000 pièces d'or à cette tâche. En novembre 1667, le colonel Andreas Barotsis déserte et passe du côté turc, leur indiquant les points faibles des fortifications de Candie. C'est probablement l'événement décisif du siège
13.
L'intervention française (1669)
Vue du siège de Candie en 1669 au moment de l'intervention française avec l'escadre du duc de BeaufortPour la France, l'expédition de Candie est un prélude à la guerre de Hollande qui commence en 1672, l'une des premières grandes opérations militaires de Louis XIV, qualifiée de « croisade » par les historiens Ozkan Bardakçi et François Pugnière, car il s'agit de défendre Venise, alors la principale alliée de la Papauté, face aux Turcs. Le but principal de l'expédition française est selon les historiens d'obtenir une place plus importante des Français, déjà bien placés au Vatican, une part plus importante et plus influente au conclave de Rome
14.
Sollicité par les milieux catholiques, Louis XIV et son nouveau secrétaire d'État à la Marine Colbert envoient une expédition de grande ampleur de 6 000 hommes et 42 navires
15, en deux temps, sous la bannière du pape Clément IX, pour dissimuler son double jeu à ses alliés ottomans. Au nombre des régiments de l'expédition française figure le régiment de Vendôme, commandé par son lieutenant-colonel, François de Rose, marquis de Provenchère.
Le 16 juin, 6 000 Français avec 31 navires débarquent, commandés par le prince François de Vendôme, duc de Beaufort
16. La première sortie a lieu le 25 juin ; après un succès initial, les Français sont repoussés par la contre-attaque ottomane et subissent un désastre, avec la perte de 800 hommes et la mort du duc de Beaufort.
Le second contingent arrive le 3 juillet. Une nouvelle sortie a lieu le 25 juillet, appuyée par un intense bombardement, mais est un nouvel échec. Un navire français explose par accident, causant des pertes et des dégâts à la flotte.
Ces revers enveniment les relations entre les Vénitiens et les Français, dont les troupes sont décimées par les combats et les épidémies.
Le 21 août 1669, la flotte française et les alliés lèvent donc l'ancre pour le retour. L'expédition a coûté plusieurs dizaines de bateaux à la marine française
17Prise de la ville
Le départ des troupes françaises (16 au 20 août 1669) précipite la tenue de négociations entre Morosini et les Turcs en vue de la reddition de la ville
18. Les négociations débutent à la fin du mois d'août et durent une vingtaine de jours, jusqu'au 16 septembre 1669. Les hostilités cessent alors immédiatement, et les Vénitiens ont douze jours pour évacuer la ville
19. Le traité autorise la population chrétienne à quitter la ville avec tout ce qu'elle peut emmener
19. Ainsi, le 27 septembre, la ville est presque vidée de sa population. Une partie de la population s'est réfugiée sur l'îlot de Dia, à proximité de Candie, avant de s'embarquer vers d'autres îles de la mer Ionienne ou de l'Égée
20Le coût humain du siège est important. Les sources turques font état de 137 116 Turcs tués dont 25 000 janissaires et 15 pachas, mais désormais, la présence vénitienne en Crète se limite à trois ports : Gramvoussa, Souda et Spinalonga
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