Entièrement rénové après 5 ans de travaux, le Nationalmuseum de la capitale suédoise adopte un accrochage flamboyant et propose un nouveau parcours permanent singulier.
Et la lumière fut ! Le Nationalmuseum de Stockholm a rouvert ses portes le 13 octobre 2018 après cinq années de travaux. Ainsi que ses fenêtres... En arpentant le parcours fraîchement remanié, le visiteur peut désormais profiter de la vue imprenable sur les différentes îles qui composent l’archipel de la capitale suédoise, sur ses monuments (en particulier le Palais Royal) et sur les arbres roussis par l’automne. Avec l’arrivée de l’électricité dans les années 1930, les nombreuses baies qui parsèment cet édifice néo-Renaissance aux airs de palais italien avaient été obstruées. Sans se priver de l’éclairage artificiel, des nouvelles fenêtres pourvues d’un dispositif de filtration automatique permettent aujourd’hui de renouer avec le panorama et la lumière naturelle tout en protégeant les œuvres des rayons UV selon leur intensité. Ce n’est qu’une des nombreuses transformations apportée par la rénovation du Musée national des beaux-arts et du design, qui a coûté 115 millions d’euros.
Bâtie entre 1846 et 1866, cette institution n’avait jamais fait l’objet d’une rénovation générale, mais de nombreuses modifications successives qui, tout au long de l’histoire du lieu, s’étaient empilées les unes sur les autres. Outre une adaptation aux standards muséaux du XXIe siècle – tant au niveau sécuritaire que climatique – sans quoi rien n’aurait été possible, l’établissement ambitionnait de présenter beaucoup plus largement les collections. Le manque de place a toujours été le talon d’Achille de ce musée créé sur les fonds de la couronne royale suédoise. Au fil du temps, des départements entiers du musée (militaire, l’art moderne, les antiquités égyptiennes, l’art asiatique…) s’en sont allés créer de nouveaux musées au sein de la ville, tandis que le Nationalmuseum s’est recentré sur l’art européen. Malgré cela, il n’exposait encore que 1 700 œuvres avant sa fermeture pour travaux. La faute en incombe aux espaces parasités par les coulisses des musées (bureaux et réserves) qui ont aujourd’hui déménagé. Est en cause aussi un accrochage très aéré qui a été densifié, au point de présenter aujourd’hui 5 200 œuvres, sur les 700 000 numéros que comporte la collection complète.
Une scénographie colorée et rythméeJusqu’ici, le musée avait succombé à la mode très XXe siècle de ne suspendre les tableaux que sur un rang. Et les conditions de conservation ne lui permettaient de mélanger les médiums que dans de rares espaces. Aujourd’hui, peintures, sculptures, dessins, photographies, art appliqués et design se côtoient dans une présentation qui frôle l’horreur du vide. Des cimaises autoportantes ont été installées, ménageant des petits espaces thématiques – censés être modifiés régulièrement – au sein d’un parcours chronologique qui va du XVe-XVIe siècle à nos jours. Une timeline (c’est le nom donné à ce voyage dans le temps), qui place le Nationalmuseum dans l’air des musées de son temps. On pense notamment au Rijksmuseum d’Amsterdam qui a rouvert ses portes en 2013 en mélangeant les types d’œuvres au sein d’une trame unique. La comparaison s’arrête là, car si le musée amsterdamois a appliqué du gris foncé sur l’ensemble de ses murs, ici, ce sont des couleurs vives qui se multiplient sur les cimaises. Jaune d’or, turquoise, rose pâle, vert d’eau, framboise, lilas… la gamme chromatique décline vingt teintes qui scandent les différentes sections du parcours. Comme d’autres musées avant lui, le Musée national de Stockholm a mis la tendance du blanc chirurgical des années 1950 derrière lui. Selon la directrice générale du musée, Susanna Pettersson, il s’agirait plutôt d’un « retour au XIXe siècle », les équipes ayant choisi des coloris en s’appuyant sur les choix originaux des architectes du bâtiment.
Le circuit de visite, rythmé par des percées sur la ville et des murs bigarrés, est incontestablement très animé. Et on ne déplore aucunement l’absence de dispositifs multimédia dans une présentation qui s’appuie beaucoup sur le dialogue des œuvres entre elles. Certaines semblent littéralement connectées tel Le jeune homme distrait de Jean Raymond Hippolyte Lazerges (1850), dont le regard semble perdu dans la contemplation de l’autoportrait de Gustave Coubet présenté deux ans plus tôt au Salon de Paris. Le parcours ne manque pas de grands noms (Bellini, El Greco, Dürer, Grünewald, Bronzino, Arcimboldo, Hals, Boucher, Clodion, Gainsborough, Delacroix, Manet, Morisot, Cézanne…) et de chefs-d’œuvre (beaucoup de très beaux Rembrandt), mais ne les sacralise pas. Celle qui est un peu considérée comme la « Joconde du musée », La femme au voile, peinte par le Suédois, Alexander Roslin, actif à Paris durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, lance son unique œil perçant, dissimulée au milieu d’autres portraits d’élégantes et de meubles chantournés. Les réalistes français du XIXe siècle et les impressionnistes, dont le musée suédois ne manque pas (il possède sans doute la plus célèbre et la plus belle vue de Renoir représentant la Grenouillère) ne sont pas séparés entre eux, mais présentés aux côtés de peintres scandinaves s’inscrivant dans les mêmes mouvances (Anders Zorn, Hanna Pauli, Bruno Liljefors). Même constat pour les verreries aux lignes Art nouveau, qui s’exposent au travers de pièces originaires de toute l’Europe. Grâce à ce nouveau parcours très stimulant – et gratuit, contrairement aux expositions temporaires (1) – le musée entend bien accueillir au moins 800 000 visiteurs annuels et doubler ainsi sa fréquentation.
(1) L’exposition inaugurale (jusqu’au 13 janvier) est une rétrospective consacrée au peintre John Sargent.
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Bel objectif de voyage.