- de Neubourg a écrit:
- Incroyable ! Du mobilier de Versailles vient d'être mis aux enchères.
Cette information inédite méritait des fouilles plus approfondies.
Dont résultat :
ENSEMBLE DE HUIT CHAISES ET UNE BERGÈRE "EN CABRIOLET À LA GRECQUE" ETIQUETTES MANUSCRITES, W AU FEU ET MARQUES À L'ENCRE COMMANDE DE L'ANNÉE 1784 POUR L'ABBÉ DARAN AUMÔNIER DE LA VÉNERIE DU CHÂTEAU DE VERSAILLES. « Une bergère en cabriolet à la grecque »Supportée par quatre pieds cannelés en gaine, l’assise de la bergère, simplement moulurée et légèrement bombée, devait accueillir un carreau, aujourd’hui manquant. Les dés de raccordement sont ornés d’un motif de rosette et prolongés par des consoles d’accotoir galbées, tandis que les accotoirs rectilignes reçoivent des manchettes d’un velours vert joliment gaufré dont l’étoffe est identique à celle des joues et du dossier haut.
Le revers de la traverse inférieure comporte la marque au feu du W de Versailles ainsi qu’une étiquette manuscrite mentionnant « une bergerre en cabriollais ala / greque pour M labé Darran / aumonnie delavenerie ». Si aucune estampille ne semble avoir été apposée, la bergère conservesa marque à l’encre « W N°63A » sur les sangles de l’assise.
Huit chaises à velours gaufréLes huit chaises, issues d’un ensemble qui en comptait originellement dix, sont stylistiquement identiques à la bergère mais garnies d’un velours gaufré différent, rayé en vert et cramoisi.
Chacune présente des éléments identiques à ceux recensés sur la bergère, à savoir une étiquette – plus ou moins bien conservée selon la chaise – comportant description du meuble et le nom de son destinataire ; le W au feu sur la traverse inférieure ; la marque au pinceau W N°63.10 sur les sangles.
Bien que la logique ayant présidé à la numérotation au pinceau des meubles reste encore énigmatique aux yeux des spécialistes , Bertrand Rondot souligne (1) que celle-ci est « caractéristique des meubles livrés par ‘la boutique’ et non par les fournisseurs du Garde-meuble de la Couronne, meubles d’usage plus courant et de fabrication plus simple réalisés dans des ateliers travaillant directement pour le garde-meuble (2) ». Pour autant, cette fabrication simple n’enlève rien à la valeur historique de l’ensemble puisque « paradoxalement, le mobilier le plus simple est celui qui fait aujourd’hui le plus cruellement défaut dans les collections du château » (3).
Par ailleurs, trace a été retrouvée de cet ensemble dans les « Rapports et décisions pour distributions de fournitures et de meubles. 1784-1792 – Prêts de meubles et distributions : état divers et récépissés. 1699-1784 (4)» des Archives nationales.
Y sont décrites, dans une section portant état des prêts à « Mr Labbé Daran. Aumonier » des « Chaises en cabriolet couvertes de velours d’Ütrecht cramoisi » sous le numéro W.n°.63.10 ainsi que « 1 Bergere avec son carreau, en cabriolet à la grecque garnie en couverte de velours d’Ütrecht vert et blanc » sous le numéro W.n°.63.A.
Enfin, notons que la bergère de l’abbé Daran se rapproche en tout point d’une bergère de 1783 portant le numéro W n°67A, pour M. Le Fournier d’Yauville, gentilhomme lui aussi rattaché à la Vénerie, aujourd’hui en mains privées (5).
Elle s’apparente également à une autre bergère, très proche, de 1783 pour M. Dumas de Goursac, écuyer du roi à la Grande Ecurie, encore que cette dernière ne comporte apparemment pas de marque à l’encre sur ses sangles .(6)
Par la conservation de tous les éléments attestant de sa provenance – étiquette manuscrite, W au feu et marque à l’encre – l’ensemble mobilier retrouvé à Toulouse possède donc un intérêt historique indéniable et donne à voir ce que constituait le mobilier ordinaire de Versailles sous le règne de Louis XVI.
Notes :1 CONDAMY Laurent, « Les ‘boutiques’ des maisons royales et du Garde-Meuble de la Couronne (1666-1792) », Versalia, n°19, 2016, pp.123-124
2 BABELON Jean-Pierre (dir.), MEYER Daniel, Meubles royaux récemment acquis à Versailles (1985-1989), Mobilier, Revue du Louvre et des musées de France, n°2, 1990, pp. 95-96
3 Bertrand RONDOT cité dans Le Grand Livre du Mécénat, Société des Amis de Versailles, Versailles, 2016, p.126
4 AN, O134788 Extrait
5 CONDAMY Laurent, « Les ‘boutiques’ des maisons royales et du Garde-Meuble de la Couronne (1666-1792) », Versalia, n°19, 2016, p.128
6 Ibid.
Bibliographie indicative :CONDAMY Laurent, « Les ‘boutiques’ des maisons royales et du Garde-Meuble de la Couronne (1666-1792) », Versalia, n°19, 2016, pp.115-132
Ces indications proviennent du site même de Maître Marc Labarbe, célèbre Commissaire Priseur à Toulouse.
https://www.marclabarbe.com/versailles-a-toulouse/