Biographie
Henri François d'Aguesseau, fils d'Henri d'Aguesseau, maître des requêtes et intendant, du Limousin, de Guyenne puis du Languedoc, et de Claire Eugénie Le Picart de Périgny, nièce d'Omer Talon, issu d'une famille parlementaire récemment anoblie (1594), fut élevé dans un milieu fortement influencé par le jansénisme.
Lui-même épousa, le 4 octobre 1694, Anne Françoise Lefèvre d'Ormesson (1678-1735), également issue d'une grande famille de robe.
Ce mariage représentait, selon un contemporain, Achille de Harlay, « l'alliance du mérite et de la vertu »
Parlementaire
Après avoir étudié le droit sous la direction de Jean Domat, dont l'influence se fait sentir à la fois dans ses écrits et dans son œuvre législative, d'Aguesseau fit une brillante carrière au service du roi.
D'abord avocat du roi au parquet du Châtelet (1689), il devint en 1691, avocat général au Parlement de Paris, où il se fit remarquer par son éloquence.
Le 24 septembre 1700, il fut nommé procureur général, toujours au Parlement de Paris.
Dans ces fonctions, il défendit les libertés de l'Église gallicane et résista à la promulgation de la bulle
Unigenitus de 1713 condamnant le jansénisme, très bien implanté dans les milieux parlementaires.
Il dut contribuer, contre ses propres principes, à faire accepter par les Parlements la bulle papale
Unigenitus de 1713 condamnant le jansénisme: il consentit à l'exil des parlementaires rebelles et fit exercer le pouvoir d'enregistrement par le Grand Conseil.
Il fut l'invité des salons littéraires et des fêtes des Grandes Nuits de Sceaux de la duchesse du Maine en son château de Sceaux, dans le cercle des Chevaliers de la Mouche à Miel
Le Régent le nomma chancelier et Garde des sceaux en février 1717 mais l'opposition de d'Aguesseau au système de Law lui valut d'être privé des sceaux et exilé dans sa terre de Fresnes dès l'année suivante, en janvier 1718.
En juin 1720, après la chute du financier, il fut rappelé, pour apaiser l'opinion. On dit que John Law lui-même avait préconisé son rappel et que cette circonstance jeta une ombre sur la popularité du chancelier. Le 21 août 1722, il fut à nouveau renvoyé, à l'avènement du cardinal Dubois comme principal ministre. Retiré dans sa propriété de Fresnes, il passa cinq années qu'il devait ensuite se remémorer avec délices, étudiant les Écritures et la jurisprudence, sans omettre la philosophie et la littérature, et même le jardinage.
Après la mort du Régent, il fut rappelé en 1727 par le cardinal Fleury et fut nommé chancelier, le 15 août de cette année, même s'il ne devait retrouver les sceaux que dix ans plus tard, lors de la disgrâce de Chauvelin. Il rendit un lustre considérable à la fonction de chancelier de France, qui avait été fort abaissée sous ses prédécesseurs, perdant notamment l'essentiel du pouvoir de législation au profit du contrôleur général des finances. Le 25 avril 1728, il fut nommé membre honoraire de l'Académie des sciences. Il en fut deux fois le président, en 1729 et 1738.
Fleury lui ayant demandé de poursuivre l'œuvre de codification du droit engagée sous Louis XIV, il fit adopter, entre 1731 et 1747, par Louis XV quatre importantes ordonnances sur les donations (1731), les testaments (1735), le faux (1737) et les substitutions fidéicommissaires (1747). Elles furent préparées par un Bureau de législation placé auprès du chancelier et par des enquêtes auprès des cours supérieures. Les Parlements firent obstacle à la poursuite de ce travail. Les réformes de d'Aguesseau améliorèrent également les procédures judiciaires et tendirent à assurer davantage d'uniformité dans l'application des lois.
Néanmoins, en matière de droit des sûretés, appelé à se prononcer sur un projet de création d'un office de Conservateur des Hypothèques, vraisemblablement dans les années 1730-1750, le chancelier est beaucoup plus réservé et donne un avis bien tranché: « Rien n'était plus contraire au bien et à l'avantage de toutes les familles que de faire trop connaitre l'état et la situation de la fortune des particuliers » et plus loin « […] en ruinant le débiteur, on ruine aussi le créancier ».
Comme garde des sceaux de France, d'Aguesseau se montra souvent indécis, et manqua de fermeté à l'égard des cours souveraines, dont il a pu encourager involontairement la tendance à la rébellion contre le pouvoir royal.
En 1746, il signe le privilège de l'
Encyclopédie de Diderot et D’Alembert.
Le 27 novembre 1750, il démissionna de ses fonctions de chancelier, prit sa retraite et mourut l'année suivante, le 9 février 1751.
Magistrat et juriste éminent, orateur éloquent, d'Aguesseau n'était pas moins remarquable par ses qualités sociales, par sa piété et son immense instruction. Il s'était beaucoup occupé de philosophie : il a laissé des
Méditations métaphysiques, où il suit les pas de René Descartes. Il a conçu un système de philosophie politique qui allie rationalisme cartésien, égalitarisme, morale janséniste et gallicanisme, et qui eut une influence considérable au XVIII
e siècle, où il fut le maître à penser d'un grand nombre de magistrats et de juristes. Son œuvre législative est considérée, à juste titre, comme aux origines de la codification napoléonienne.