Le Boudoir de Marie-Antoinette

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 10 mai 1794: Le procès de Madame Elisabeth

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yann sinclair

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MessageSujet: 10 mai 1794: Le procès de Madame Elisabeth   10 mai 1794: Le procès de Madame Elisabeth Icon_minitimeSam 11 Mai - 11:40

10 mai 1794: Le procès de Madame Elisabeth Moon1010
Samedi 10 mai 1794
St Antonin de Florence

Élisabeth demande aux municipaux ce qu' était devenue sa nièce


Ils lui dirent qu'elle avait été prendre l'air...


Comme Marie-Antoinette l'a fait douze fois, elle se baisse, douze fois elle enjambe les guichets


Au rez-de-chaussée

Devant la salle des Conseils, les municipaux dressent un procès-verbal "pour se décharger de la personne d’Élisabeth Capet"


Elle vide ses poches "qui ne contenaient rien" qui aurait pu la compromettre on a quelques difficultés à trouver un volontaire qui veuille bien conduire la princesse à la Conciergerie


Ces gens se sentent-ils soudain honteux de se rendre complices de ce qui n'est pas autre chose qu'un crime?


il faut désigner un huissier comme accompagnateur


Élisabeth traverse le jardin sous la pluie qui, inlassablement, continue de tomber


Elle prend place dans un fiacre qui met une vingtaine de minutes pour arriver jusque dans la cour de Mai où, du temps de la basoche, les clercs plantaient un arbre qu'ils avaient le droit d'aller couper dans les domaines royaux


A droite de la cour, il faut descendre quatre marches, traverser une courette en contrebas, se baisser et enjamber le seuil, avant de se trouver dans une salle où trône le concierge Richard, installé dans un fauteuil à oreillettes



La salle des perdus du Palais de Justice et l’entrée du Tribunal révolutionnaire en 1793.


C'est là que les parents des détenus viennent saluer et le prier humblement de bien vouloir faire passer un placet, une lettre ou quelques douceurs pour les leurs


Dès qu'elle aperçoit l'homme, Élisabeth, pleine d'espoir, lui demande:


-peut-être vais-je revoir ma sœur?


Ahuri, Richard reste sans réponse


Ce n'est pas un méchant homme, il se contente de faire son métier


Si l'on n'a pas jugé utile d'avertir la princesse de la mort de la reine, ce n'est pas à lui de la renseigner


Un artiste peintre se trouvait dans la loge de Richard quand Élisabeth est entré:

"On me fit signe de m'enfermer dans un des bouges  de l'alcôve et je la reconnus à travers les carreaux. La femme du concierge la conduisait par la main"


-Citoyenne, que prends-tu pour ton déjeuner?


-Ce que vous voudrez. Toutes choses me sont égales...


Où est ma sœur Marie-Antoinette?  Dites-le moi, madame, s'il vous plaît, supplie-elle



Mme Richard comprend, comme son mari, que la princesse ignore l'exécution, aussi réplique-t-elle sans acrimonie:


-Citoyenne, cela ne te regarde pas


Élisabeth n'ose insister


Elle devine que le secret est de rigueur


Elle s'assied sur une chaise


A dix heures du soir

Elle est mise en présence du juge Deliège, assisté de Ducray, qui doit procéder à un premier interrogatoire


Fouquier-Tinville est là, avec son regard de serpent et sa bouche mauvaise

"Nous, Gabriel Diliège, juge président, avons fait amener à la Conciergerie la ci-après nommée auquel avons demandé ses noms, âge, profession, pays et demeure


A répondu se nommer Elisabeth-Marie Capet, sœur de louis Capet, âgée de trente ans, native de Versailles, département de la Seine-et-Oise"


On peut penser qu’Élisabeth a signé "Capet" uniquement par dérision


(Le nom de Capet a servi sous la Révolution à désigner les Bourbons. Ce qui s'en sont servis les premiers se sont imaginés que c'était le nom du chef de la race, Hugues, duc de France et comte de Paris, surnommé Capet en raison de sa prédilection pour une cape coute portée en général par les abbés)


-Je n'ai jamais connu que des amis des Français; jamais je n'ai fourni des secours à mes frères; et, depuis le mois d'août 1792, je n'ai reçu de leurs nouvelles ni ne leur ai donné des miennes


ce n'est pas, nous le savons, la stricte vérité.


Si personnellement elle n'a pas envoyé de numéraires à ses frères, c'est par son intermédiaire que Mme de Polestron, la tendre amie du comte d'Artois, a fait parvenir à l'armée de Condé une certaine somme d'argent


-Ne leur avez-vous pas fait passer des diamants? insiste Deliège


-Non

-Je vous observe que votre réponse n'est point exacte sur l'article des diamants, attendu qu'il est notoire que vous avez fait vendre vos diamants en Hollande et autres pays étrangers, et que vous avez fait passer le prix en provenant, par vos agents, à vos frères, pour les aider à soutenir leur rébellion contre le peuple français


-Je dénie le fait parce qu'il est faux


-Dans le procès qui eut lieu en novembre 1792, relativement au prétendu vol des diamants fait au ci-devant garde-meuble, il a été établi et prouvé aux débats qu'il avait été distrait une portion de diamants dont vous vous pariez autrefois; qu'il a été pareillement prouvé que le prix en avait été transmis à vos frères par vos ordres


-J'ignore les vols dont vous venez de me parler. J'étais à cette époque au Temple, et je persiste, au surplus, dans ma précédente dénégation



(Les bijoux d’Élisabeth et de la Reine avaient été confiés à léonard lors de la fuite à Varennes, et remis par la suite à l’Électeur de Trèves. Madame Royale les récupérera à l'occasion de son mariage avec le duc d'Angoulême)


Voyant qu'il n'y a rien à tirer sur ce sujet, le juge Deliège change de batteries:


-N'avez-vous pas eu connaissance que le voyage déterminé par votre frère Capet et Marie-Antoinette pour Saint-Cloud, à l'époque du 18 avril 1791, n'avait été imaginé que pour saisir l'occasion favorable de sortir de France?


-Je n'ai eu connaissance de ce voyage que par l'intention qu'avait mon frère de prendre l'air attendu qu'il n'était pas bien portant


-Je vous demande s'il n'est pas vrai, au contraire, que ce voyage n'a pas été arrêté que par suite des conseils de différentes personnes; et vous même n'avez-vous pas sollicité le départ de votre frère?



-Je n'ai point sollicité le départ de mon frère qui n'a été décidé que d'après l'avis des médecins


-N'est-ce pas pareillement à votre sollicitation et à celle de Marie-Antoinette que Capet, votre frère, a fui de paris dans la nuit du 20 u 21 juin 1791?


-J'ai appris dans la journée du 20 que nous devions tous partir dans la nuit suivante, et je me suis conformée à cet égard aux ordres de mon frère


-Le motif de ce voyage n'était-il pas de sortir de France et de vous réunir aux émigrés et aux ennemis du peuple français?


-Jamais mon frère ni moi n'avons eu l'intention de quitter notre pays, assure-t-elle avec force


-Cette réponse ne paraît pas exacte; car il est notoire que Bouillé avait donné des ordres à différents corps de troupes de se trouver à un point convenu pour protéger votre évasion, de manière de pouvoir vous faire sortir, ainsi que votre frère et autres, du territoire français...


-Mon frère devait aller à Montmédy et je lui connaissais point d'autres intentions


-Avez-vous connaissance qu'il ait été tenu des conciliabules secrets chez marie-Antoinette, ci-devant reine de France, lesquels s'appelaient Comité autrichien?


-J'ai parfaite connaissance qu'il n'y en a jamais eu


-N'étiez-vous point aux Tuileries les 28 février 1791, 20 juin et 10 août 1792?


-J'étais au château les trois jours et notamment le 10 août 1792, jusqu'au moment où je me suis rendue avec mon frère à l'Assemblée Nationale


-Qu'avez-vous fait dans la nuit du 9 au 10 août?


-Je suis restée dans la chambre de mon frère et nous avons veillé


-Ayant chacun vos appartements, il paraît étrange que vous vous soyez réunis dans celui de votre frère, et sans doute cette réunion avait un motif que je vous interpelle d'expliquer


-Je n'avais d'autre motif que celui de me réunir toujours chez mon frère, lorsqu'il y avait des mouvements dans Paris


-Cette même nuit, n'avez-vous pas été avec Marie-Antoinette dans une salle où étaient des Suisses occupés à faire des cartouches et notamment n'y avez-vous pas été de neuf heures et demie à dix heures du soir?


-Je n'y ai pas été et n'ai nulle connaissance de cette salle


-Il est établi que Marie-Antoinette et vous aviez été plusieurs fois dans la nuit trouver les gardes suisses, que vous les aviez fait boire et les aviez engagés à confectionner la fabrication des cartouches (sic) dont Marie-Antoinette avait mordu plusieurs?


-Cela n'a pas existé et je n'en ai aucune connaissance


-Les faits sont trop notoires pour ne pas vous rappeler les différentes circonstances relatives à ceux par vous déniés et pour ne pas savoir le motif qui avait déterminé le rassemblement des troupes de tout genre qui se sont trouvées réunies cette nuit aux Tuileries.  Je vous somme à nouveau de déclarer si vous persistez dans vos précédentes dénégations et à nier les motifs de ce rassemblement


-Je persiste dans mes précédentes dénégations et j'ajoute que je ne connaissais point de motif de rassemblement.  Je sais seulement, comme je l'ai déjà dit, que le corps constitués pour la sûreté de Paris étaient venus avertir mon frère qu'il y avait du mouvement dans les faubourgs et que, dans ces occasions, la garde nationale se rassemblait pour sa sûreté comme la Constitution le prescrivait


-Lors de l'évasion du 20 juin, n'est-ce pas vous qui avez emmené les enfants?


-Non, je suis sortie seule


-Avez-vous un défenseur ou voulez-vous en nommer un?


-Je n'en connais pas



Chauveau-Lagarde, qui a défendu Marie-Antoinette est "nommé pour conseil" et la pièce est signée:

Elisabeth-Marie, Deliège, H.G Fouqiuer, Ducray


Après cette nuit de dénégations, la princesse est conduite par Mme Richard dans le cachot où le duc d'Orléans avait passé ses dernières heures avant de partir pour l'échafaud


Parlant de Louis XVI, dont il regrettait d'avoir voté la mort, il avait assuré:


-Il était trop bon pour ne pas m'avoir pardonné


Après Élisabeth, ce sera au tour de l'internonce Salamon d'occuper le cachot


Richard lui dira alors en désignant le lit:


-Voilà où on repos le vice et la vertu



Mme Richard remet à la prisonnière un flambeau et des livres


On pense actuellement que ce cachot devait se trouver au premier étage et donner sur la cour des femmes où l'énorme et très vieux figuier fut peut-être aperçu par Élisabeth derrière les barreaux de la fenêtre


A plusieurs reprises, au cours de la nuit, elle demande l'heure à ses gardiens


"Le matin, elle paraissait si détendue, si reposée, que tous furent frappés de son regard lumineux et de la fraicheur de son teint"



Élisabeth avale quelques gorgées de chocolat puis, vers dix heures, elle avance à l'entrée de la prison...

10 mai 1794: Le procès de Madame Elisabeth 0110
Chauveau-Lagarde

Avocat, Conseiller à la Cour de Cassation

   Né le 21 janvier 1756 à Chartres (Eure-et-Loire)
   Décédé le 19 février 1841 à Paris à l'âge de 85 ans
   Inhumé au Cimetière Montparnasse, 1ere division à Paris

Chauveau-Lagarde, désigné la veille au soir pour la "défense" se présente à la Conciergerie: "Fouquet (sic) Tinville eut la perfidie de me tromper en m'assurant qu'elle ne serait pas jugée de sitôt, et il me refusa l'autorisation de conférer avec elle.


Ce 10 mai, une figure démoniaque préside le tribunal


Ses cheveux et son teint rougeoyant l'on fait surnommer "Dumas le rouge"


Ancien séminariste, il a fait de brillants débuts dans sa carrière en dénonçant son père et son frère dont les sentiments peu ardents envers la République naissante le choquaient


Il s'amuse parfois à faire de l'esprit au détriment des accusés


"Pare cette botte-là!" dit-il un jour à un maître d'armes qu'il venait de condamner

Il a pour assistants Maire et Deliège


Les 15 jurés font partie "des solides", ceux sur lesquels on peut compter pour condamner sans appel

La lecture de l'acte d'accusation commence


Élisabeth est la première citée des 25 prévenus


Parmi ceux qui l'entourent, voici Antoine-Hugues-Calixte de Montmorin, 22 ans, et sa mère; Charles de Loménie, chevalier de Saint-Louis, sa sœur Charlotte et leur mère, la ci-devant marquise de l'Aigle, Mme de Lamoignon âgée de 76 ans; Georges Folappe, Marcel Letellier, 21 ans, deux domestiques; Jean-Baptiste Lhote et Dubois, un pharmacien, un tailleur et enfin Claude Lhermitte de Chambertrand, "ex-chanoine, ex-noble"



Et voilà maintenant le fournisseur attitré de la guillotine, le sinistre Fouquier-Tinville


-C'est à la famille Capet que le peuple français doit tous ces malheurs, sous le poids desquels il a gémi pendant des siècles


C'est au moment où l'excès de l'opposition a forcé le peuple à briser ses chaînes que cette famille s'est réunie pour le plonger dans un esclavage plus cruel encore que celui dont il voulait sortir.

Les crimes de tous genres, les forfaits amoncelés de Capet, de la Messaline Antoinette, des deux frères d’Élisabeth sont trop connus, ils sont écrits en caractères de sang dans les annales de la Révolution...

Élisabeth a partagé tous ces crimes, elle a coopéré à toutes les trames, à tous les complots formés par ses infâmes frères, par la scélérate et impudique Antoinette et toute la horde de conspirateurs qui s'étaient réunis autour d'eux, elle est associée à tous leurs projets, elle encourage les assassins de la patrie, les complots de juillet 1789, la conspiration du 6 octobre suivant...

Enfin toute cette chaîne non interrompue de conspirations pendant quatre ans entiers, ont été suivies et secondées de tous les moyens qui étaient au pouvoir d’Élisabeth.

C'est elle qui, au mois de juin 1791, fait passer les diamants, qui étaient une propriété nationale, à l'infâme d'Artois son frère, pour le mettre en état d'exécuter les projets concertés avec lui et soudoyer les assassins contre la patrie; c'est elle qui entretient avec son autre frère, devenu aujourd'hui l'objet de la dérision, du mépris des despotes coalisés chez lesquels il est allé déposer son imbécile et lourde nullité, la correspondance la plus active; c'est elle qui voulait par orgueil et le dédain le plus insultant, avilir et humilier les hommes libres qui consacraient leur temps à garder leur tyran; c'est elle enfin qui prodiguait des soins aux assassins, envoyés aux Champs-Élysées par le despote provoquer les braves Marseillais, et pensait les blessures qu'ils avaient reçues dans leur fuite précipitée

Élisabeth avait médité avec Capet et Antoinette le massacre des citoyens de Paris, dans l'immortelle journée du 10 août.

Elle veillait dans l'espoir d'être témoin de ce carnage nocturne

Elle aidait la barbare Antoinette à mordre des balles et encourageait par ses discours des jeunes personnes que les prêtres fanatiques avaient conduites au château pour cette horrible occupation

Enfin, trompée dans l'espoir que toute cette horde de conspirateurs avait, que la tyrannie, elle fuit au jour avec le tyran et sa femme, et va attendre dans le temple de la souveraineté nationale que la horde d'esclaves, soudoyés et dévoués aux forfaits de cette cour parricide, ait noyé dans le sang des citoyens la liberté et lui ait fourni les moyens d'égorger ensuite ces représentants au milieu desquels ils avaient été chercher un asile

Enfin, on l'a vue, depuis le supplice mérité du plus coupable des tyrans qui ait déshonoré la nature humaine, provoquer le rétablissement de la tyrannie, en prodiguant avec Antoinette au fils de Capet les hommages de la royauté et les prétendus honneurs du trône

Ce pathos pénible est si énorme qu'il en devient ridicule, on pourrait en rire s'il ne s'agissait pas de la tête d'une fille de France qui est en jeu

Élisabeth se souvient-elle des paroles du Christ:
"Pardonnez-leur, Seigneur, car ils ne savent pas ce qu'il font"?

Sûrement. 

Elle n'a jamais su que pardonner

pour le reste, elle ne le comprend pas, elle n'a jamais compris ce tourbillon de haine et de violence contre les siens

C'est le procès de tendance, l'exécution politique dans toute son horreur et dont le cynisme s'étale avec complaisance


Fouquier-Tinville qui assures dédaigneusement que les scapulaires représentent des emblèmes contre-révolutionnaires, porte-t-il toujours autour du cou la médaille de la Vierge qu'il avait quand il fit condamner la "veuve Capet"?

Après l'audition d'un témoin unique, Marie Bocage, femme Arnaud, venu déposer contre Mme de l'Aigle, le président interroge Élisabeth:

-Où étiez-vous dans les journées du 12, 13 et 14 juillet 1789, c'est-à-dire aux époques des premiers complots de la cour contre le peuple?

-J'étais au sein de ma famille


Je n'ai connu aucun complot dont vous me parlez, ce sont des évènements que j'étais loin de prévoir et de secondez

-Lors de la fuite du tyran votre frère à Varennes, ne l'avez-vous pas accompagné?

-Tout m'ordonnait de suivre mon frère et je m'en suis fait un devoir dans cette occasion comme dans toute autre

-N'avez-vous pas figuré dans l'orgie infâme et scandaleuse des gardes du corps, et n'avez-vous pas fait le tour de la table avec Marie-Antoinette pour faire répéter à chacun des convives le serment affreux d'exterminer les patriotes, pour étouffer la liberté dans sa naissance et rétablir le trône chancelant?

-J'igonre absolument si l'orgie dont il s'agit a eu lieu, mais je précise n'en avoir été aucunement instruite!
(Nul récit ne mentionne en effet la présence de Madame Elisabeth)



DUMAS

-Votre dénégation ne peut vous être d'aucune utilité lorsqu'elle est démentie d'une part par la notoriété publique, et de l'autre par la vraisemblance qui persuade tout homme sensé qu'une femme aussi intimement liée que vous l'étiez avec marie-Antoinette, et par les liens du sang et par ceux de l'amitié la plus étroite, n'a pu se dispenser de partager ses machinations, d'en avoir eu communication et de les avoir favorisées de tout son pouvoir...

-J'ai déjà déclaré que tous ces faits m'étaient étranger, je n'y dois point d'autre réponse

-Où étiez-vous le 10 août 1792?

-J'étais au château, ma résidence ordinaire et naturelle depuis quelques temps

-N'avez-vous passé la nuit du 9 au 10 août dans la chambre de votre frère, et n'avez-vous pas eu avec lui des conférences secrètes, qui vous ont expliqué le motif de tous les mouvements et préparatifs qui se faisaient sous vos yeux?

-J'ai passé chez mon frère la nuit dont vous me parlez, jamais je ne l'ai quitté; il avait beaucoup de confiance en moi, et cependant je n'ai rien remarqué dans sa conduite ni dans ses discours qui pût m'annoncer ce qui s'est passé depuis

-Voudriez-vous nous dire ce qui vous a empêchée de vous coucher, la nuit du 9 au 10 août?

-Je ne me suis pas couchée, parce que les corps constitués étaient venus faire part à mon frère d l'agitation, de la fermentation des habitants de Paris et des dangers qui pouvaient en résulter


Ici l'odieux Dumas va plaider le faux pour savoir le vrai en faisant croire aux prétendus aveux de la reine:

-Vous dissimulez en vain, surtout après les différents aveux de la femme Capet, qui vous a désignée comme avant assisté à l'orgie des gardes du corps, comme l'ayant soutenue dans ses craintes et ses alarmes du 10 août, sur les jours de Capet et de tout ce qui pouvait l'intéresser

La ruse est trop grosse pour qu’Élisabeth s'y laisse prendre

Dumas continue:

-Ce que vous nieriez infructueusement, c'est... votre zèle et votre ardeur à servir les ennemis du peuple, à leur fournir des balles que vous preniez la peine de mâcher, comme devant être dirigées contre les patriotes

Ce sont ... les encouragements en tout genre que vous donniez aux assassins de la patrie; que répondez-vous à ces derniers faits?

-Tous ces faits qui me sont imputés sont autant d'indignités dont je suis bien loin de m'être souillée

-Lors du voyage de Varennes, n'avez-vous pas fait précéder l'évasion honteuse du tyran e la soustraction des diamants dits de la Couronne, appartenant alors à la Nation et ne les avez-vous pas envoyés à Artois?

-Ces diamants n'ont pas été envoyés à Artois; je me suis bornée à les déposer entre les mains d'une personne de confiance

-N'avez-vous pas entretenu des correspondances avec votre frère, le ci-devant Monsieur?

-Je ne me rappelle pas d'en avoir entretenues, surtout depuis qu'elles sont prohibées

-N'avez-vous pas donné des soins en pansant vous-même les blessures des assassins envoyés aux Champs-Élysées par votre frère, contre les braves Marseillais?

-Je n'ai jamais su que mon frère eû envoyé des assassins contre qui que ce soit; s'il m'est arrivé de donner des soins à quelques blessés, l'humanité seule a pu me conduire; dans le pansement de leurs blessures, je n'ai point eu besoin de m'informer de la cause de leurs maux pour m'occuper de leur soulagement; je ne m'en fais pas un mérite et je n'imagine pas que l'on puisse m'en faire un crime

-Il est difficile d'accorder ces sentiments d'humanité dont vous vous parez avec cette joie cruelle que vous avez montrée, en voyant couler des flots de sang dans la journée du 10 août


Tout  nous autorise à croire que vous n'êtes humaine que pour les assassins du peuple et que vous avez toute la férocité des animaux les plus sanguinaires pour les défenseurs de la liberté: loin de secourir ces derniers, vous provoquiez leur massacre par vos applaudissements, loin de désarmer les meurtriers du peuple, vous leur prodiguiez à pleines mains des instruments de la mort, à l'aide desquels vous vous flattiez, vous et vos complices, de rétablir le despotisme et la tyrannie

L'accusée Élisabeth, dont le plan de défense est de nier tout ce qui est à sa charge, aura-t-elle la bonne foi de convenir qu'elle a bercé le petit Capet dans l'espoir de succéder au trône de son père et qu'elle a ainsi provoqué la royauté?

-Je causais familièrement avec cet infortuné qui m'était cher à plus d'un titre, et je lui administrais en conséquence les consolations qui me paraissaient capables de le dédommager de la perte de ceux qui lui avaient donné le jour

-C'est convenir en d'autres termes, conclut Dumas, que vous nourrissiez le petit Capet des projets de vengeance que vous et le vôtres n'avez cessé de former contre la liberté, et que vous vous flattiez de relever les débris d'un trône brisé, en l'inondant du sang des patriotes


Après quelques questions insignifiantes posées par Dumas aux autres accusés, Chauveau- Lagarde se lève et fait observer qu'il n'y a au procès "qu'un protocole banal d'accusation, sans pièces, sans interrogatoire, sans témoins, et que par conséquent, là où il n'existe aucun élément légal de conviction, il ne sautait y avoir de conviction légale"

-On ne peut donc opposer à l'auguste accusée que ses réponses aux questions qu'on vient de lui faire, puisque c'est dans ces réponses, elles seules, que tous les débats consistent, mais que ces réponses elles-mêmes, loin de la condamner, doivent au contraire l'honorer à tous  les yeux, puisqu'elles ne prouvent rien d'autre chose que la bonté de son cœur et l'héroïsme de son amitié...

Après un court développement sur ce thème, Chaveau- Lagarde conclut:

-Au lieu d'une défense, je n'ai plus à présenter pour la citoyenne Élisabeth que son apologie; mais dans l'impuissance où je suis d'en trouver une qui soit digne d'elle, il ne me reste plus qu'une seule observation à faire, c'est que la citoyenne, qui a été à la cour de France le plus parfait modèle de toutes les vertus, ne peut pas être l'ennemie des Français


Cette brève plaidoirie a le don de mettre en fureur le président Dumas

 qui apostrophe l'avocat:

-Vous corrompez la morale publique! lui lance-t-il plus écarlate que jamais

On se demande comment le fait de parler des vertus de Madame Élisabeth peut amener le défenseur à "corrompre la morale publique!"

Ce tribunal qui, "violait volontiers les lois divines et humaines, ne traitait pas mieux les règles de la logique!" (jules Mazé)

"Madame Élisabeth, qui jusqu'alors était restée calme et insensible à ses propres dangers, fut émue de ceux auxquels je venais de m'exposer", nous dit Chauveau- Lagarde, dans sa "Note historique sur le procès de Marie-Antoinette, reine de France et Madame Élisabeth de France"

Il ajoute:
"Madame Elisabeth de France, forcée de se justifier de ses propres vertus comme d'autant de crimes, ne s'est-elle pas élevée au-dessus de l'humanité même?... Tombée du sommet des grandeurs, jetée dans les cachots de l'infamie et du crime abreuvée d'humiliations et conservant néanmoins dans cet épouvantable déchaînement de toutes douleurs et de toutes les infortunes humaines leur religieuse impassibilité"

-Il faut, a clamé Robespierre, que le tribunal soit actif comme le crime et finisse tout procès en 24 heures

C'est bien ce qui va se produire

Le résumé du procès de la princesse et de ses 25 coaccusés est rapidement expédié

Dumas remet au président du jury un seul écrit rédigé en ces termes:
"il a existé des complots et conspirations formés par Capet, sa femme, sa sœur, ses agents, ses complices, par suite desquels des provocations à la guerre civile dans l'intérieur ont été formées, des secours en hommes et en argent ont été fournis aux ennemis; des troupes ont été rassemblées; des dispositions ont été faites; des chefs nommés pour assassiner le peuple, anéantir la liberté et rétablir le despotisme

Élisabeth Capet est-elle complice de ces complots?"


Comme les magistrats, les jurés jugent sur ordre

Aussi ne leur faut-il que quelques minutes pour conclure à la culpabilité d’Élisabeth et des autres accusés

L'échafaud réclame son lot quotidien de victimes, il lui faut du sang frais

C'est la bête monstrueuse des légendes qui se nourrit d'humains

Si les jurés ne condamnent pas, ils savent ce qui les attend

Fouquier-Tinville lui-même avouera un jour sa peur du Comité de salut public:
"Si une de ces têtes ne fût pas tombée, c'eût été la mienne qui eût roulé sur l'échafaud"

-Je cherche parmi vous des juges, avait dit de Sèze au procès de louis XVI, je ne trouve que des accusateurs

Sur quoi le tribunal le condamne "Élisabeth Capet, sœur de Louis Capet, dernier tyran des Français, née à Paris (sic), y demeurant ... (vient ensuite la liste des 25 coaccusés) à la peine de mort et les biens desdits acquis à la République en conséquence de la loi du 10 mars 1793

Ordonné qu' à la diligence de l'accusateur public le présent jugement sera exécuté dans les 24 heures sur la place de la Révolution de cette ville"


Élisabeth reste impassible

Son doux visage amaigri n'a pas tressailli

Nulle larme ne perle dans ses yeux

Elle est prête... prête depuis si longtemps!

Peut-être même ressent-elle une sorte de joie à l'idée de revoir son frère, elle en est persuadée

Elle va enfin se rendre au divin rendez-vous, fixé à tous les chrétiens

Fouquier-Tinville ne peut s'empêcher de glisser à Dumas:

-Il faut avouer cependant qu'elle n'a pas poussé une plainte!

il ne s'agit, en effet, que d’Élisabeth.

Les autres, les 25 autres victimes de Moloch, sont quantité infiniment négligeable

-De quoi se plaint-elle donc, Élisabeth de France? ricane Dumas

Ne lui avons-nous pas fourni aujourd'hui une cour d'aristocrates digne d'elle?

Et rien ne l'empêchera de se croire encore dans les salons de Versailles quand elle va se voir au pied de la sainte guillotine, entourée de toute cette fidèle noblesse!

La file des condamnés quitte maintenant la salle du tribunal et passe sous la voûte où se sont réunis des badauds avides de contempler le visage de ceux qui vont mourir

Combien durent se trouver déçus devant cette dignité, cette impassibilité!

Certains, quand ils auront descendu "l'escalier de Parques", vont fléchir, mais là, en public, il ne s'agit pas de se donner en spectacle, ces misérables seraient trop heureux!

L'escalier de Parques est l'escalier qui descend à cette justice

L'audience a duré, en tout, trois heures...

Trois petites heures, de dix heures du matin à près d'une heure de l'après-midi, pour interroger les 25 accusés, entendre le réquisitoire, la plaidoirie, la notification du jugement, le verdict...

Un record qui sera difficilement battu

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