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 Les égéries de la Révolution

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Airin

Airin


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MessageSujet: Les égéries de la Révolution   Les égéries de la Révolution Icon_minitimeVen 7 Juin - 21:16

Que voilà un ouvrage à se procurer ! Wink

Les égéries de la Révolution 12251610

Avec la question sous-jacente.

Les droits de l’homme contre les femmes ?

  • Jean et Marie-José Tulard retracent les parcours des inspiratrices et des conseillères de la Révolution, confinées, en dépit de leur talent, dans un rôle second.


La Révolution, qui a proclamé l’égalité des droits, était-elle néanmoins misogyne, réservant cette égalité, avec force préjugés sexistes, à la gent masculine ? A coup sûr, répondent Jean et Marie-José Tulard, qui brossent un tableau vivant et raisonné des «égéries de la Révolution», ces femmes célèbres ou moins connues qui ont contribué, bien plus qu’on ne dit dans les manuels, au grand bouleversement initié en 1789.

Tulard, on le sait, règne de manière impériale sur les études napoléoniennes. Sa connaissance intime de l’empereur se double naturellement d’un savoir tout aussi étendu sur la Révolution. Tulard est un éclectique : autant que des années Empire, il est féru de cinéma et de culture populaire. Son habitude des détours - ou peut-être l’influence de son égérie Marie-José, avocate et haut(e) fonctionnaire - l’a sans doute porté à ce sujet inattendu, lui qui ne prise pas toujours les idées progressistes et officie volontiers dans le Figaro. Au fil d’un récit alerte, ce meilleur ami des historiens, il apporte néanmoins sa pierre à une vision plus féministe de la période, mettant l’accent sur le talent et le courage de ces femmes d’influence en butte aux discriminations héritées de l’Ancien Régime, autant qu’aux mêmes préventions hostiles que leur témoignent la plupart des révolutionnaires.

D’où le titre du livre, les Egéries, c’est-à-dire les inspiratrices, les conseillères, les muses, confinées en dépit de leur talent et de leur énergie dans un rôle second, laissant les hommes, époux, amants ou chefs de faction, prendre la lumière et présider aux grandes décisions. Il y eut d’abord les égéries de salon, ces femmes qui exerçaient leur influence à travers des réunions privées où s’assemblaient les futurs acteurs de la Révolution, Mme de Staël, fille de Necker dévouée à son père, Mme Helvétius, Mme de Boufflers. Puis les égéries de la Cour, ces femmes qui entouraient Louis XVI, amies de Marie-Antoinette, Mme de Lamballe, Mme de Polignac orientèrent en fait, dans un sens funeste, la politique de la Cour et dont la raideur réactionnaire fut pour beaucoup dans l’éclatement de la Révolution.

Paradoxe de ces temps d’égalité : à l’opposé du spectre politique, les femmes de la Révolution, pour la plupart, tinrent auprès des acteurs du cours nouveau le même rôle ancien de conseillères et d’inspiratrices. La plus célèbre fut Manon Roland, femme de tête et d’action, égérie des Girondins, analyste politique hors pair, dotée d’une vaste culture, qui guida la carrière de son ministre de mari, insuffla son intelligence et son amour de la liberté aux stratèges de la Gironde et partagea avec un héroïsme romain leur fin tragique. On se souvient de son apostrophe prononcée sur l’échafaud place de la Révolution (aujourd’hui place de la Concorde), à l’adresse de Robespierre et des chefs de la Terreur, face à une foule hostile : «Liberté, que de crimes on commet en ton nom !» Il y eut encore Thérésa Cabarrus, dont l’influence fut décisive dans la chute de Robespierre, quand elle pressa son amant Tallien de déclencher les événements du 9 Thermidor qui mirent fin à la Terreur. Ou encore Mme Récamier, muse de Chateaubriand et de quelques autres, avocate subtile et raffinée d’un arrêt de la Révolution.

Cette persistance de l’ancien schéma, l’homme au premier plan, la femme dans l’ombre plus ou moins confortable des salons et des clubs, fait parfois dire que la Déclaration des droits de l’homme, en principe adressée à tous et à toutes, fut celle des droits de l’homme par opposition à la femme, et donc que l’universalisme des révolutionnaires n’était qu’hypocrisie machiste. Aujourd’hui, une partie des féministes, tout comme les défenseurs de minorités, met en cause cet universalisme, préférant s’appuyer sur des revendications identitaires et séparées. Tulard, discrètement narquois devant les envolées révolutionnaires, n’est pas loin de partager ce point de vue.

Rien de nouveau pour les femmes sous le soleil de la Révolution ? Vrai et faux. Dès qu’une femme se met en travers de leur route, les plus exaltés des révolutionnaires recourent aux arguments qu’on nomme aujourd’hui «sexistes», expédiant leurs opposantes à la guillotine en leur reprochant d’avoir abandonné leur cuisine. Et pourtant… Certaines de ces actrices de la Révolution sortirent de leur second rôle pour s’avancer sur le devant de la scène, agissant seules avec un héroïsme admirable. Ainsi Théroigne de Méricourt, «l’Amazone de la liberté», qu’on voit dans son costume d’homme au premier rang des clubs et des émeutes, oratrice enflammée, héroïne fêtée par la Convention, Pauline Léon, autre émeutière, égérie de la rue, c’est-à-dire du peuple, ou encore la plus célèbre, Olympe de Gouges, femme de lettres et femme libre dans sa vie privée, auteure d’innombrables essais, pièces et pamphlets, avocate du droit des Noirs, dont l’exemple rare influa sur le cours des événements et dont l’écrit le plus fameux, la Déclaration du droit de la femme et de la citoyenne, est un texte fondateur et précurseur.

Ainsi la proclamation du principe d’égalité, même hypocritement restreint aux hommes par les révolutionnaires, est un levier redoutable quand d’autres groupes ou d’autres catégories s’en emparent pour réclamer à leur tour l’émancipation. Toutes, rares actrices du bouleversement ou inspiratrices de l’ombre, vénèrent les philosophes des Lumières, lisent et relisent Jean-Jacques, et sont persuadées par la force des idées nouvelles que le règne de l’égalité s’étendra nécessairement un jour aux catégories encore négligées par la Révolution. C’est la force de l’universalisme qu’on tient aujourd’hui, bien à tort, en suspicion : de proche en proche, il s’étend à tous les opprimés, et à toutes les opprimées. L’hypocrisie n’est pas celle des principes, qui gardent leur force subversive, mais celle des hommes, qui naissent dans leur temps et se défont de leurs préjugés non d’un seul coup, mais par étapes. Les révolutionnaires ont négligé les femmes. Mais les femmes, au fil du temps, ont saisi leurs principes pour les retourner contre eux pour exiger les mêmes droits. La Révolution, disait Hegel, est «un lever de soleil». A l’aube, en effet, tous les humains ne sont pas éclairés de la même manière. Mais comme l’astre monte dans le ciel, tous et toutes prétendent légitimement à la même lumière.

Laurent Joffrin
https://www.liberation.fr/
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