Dès l’instauration de la régence jusqu’à sa mort le 21 juillet 1719, Mme la duchesse de Berry, étant la plus haute dame de la Cour en l’absence d’une Reine de France, tient toilette toutes les fêtes et dimanches, reçoit les présentations et tient 3 fois par semaine « appartement » où l’on joue, en sa résidence du palais du Luxembourg.
Marie Louise Élisabeth d’Orléans, devenue
duchesse de Berry en 1710, est née le 20 août 1695 à Versailles et morte le 20 juillet 1719 au château de la Muette.
Fille de Philippe d’Orléans, duc d’Orléans et futur régent, Marie-Louise-Élisabeth épousa en 1710 Charles de France, duc de Berry. Elle se fait officiellement surnommer « Mademoiselle »
1,2.
Officieusement surnommée « Joufflotte » en raison de ses formes plantureuses, ou encore la « Vénus du Luxembourg », elle est souvent dépeinte comme la figure emblématique de la Régence et de ses débauches. Elle subit notamment les critiques acerbes du duc de Saint-Simon (dont la femme était dame d’honneur de la duchesse) dans ses
Mémoires3,4. Celles-ci inspirèrent plusieurs satiristes de l’époque
5.
Marie-Louise-Élisabeth d’Orléans décède suite à un accouchement difficile à 23 ans.
Portrait de la duchesse de Berry par Pierre Gobert
Biographie
Enfance
Encore enfant, la princesse d'Orléans tomba gravement malade à l'âge de 7 ans et les médecins la donnaient pour perdue. Il est dit que son père, qui veilla sur elle et la soigna, fut pris d'une « tendresse excessive » à l'égard de sa fille, ce qui pourrait être à l'origine des rumeurs d'inceste. En effet, sa mère fut jalouse de la bonne entente entre le père et la fille, relation qu'elle ne pouvait obtenir du fait de son indifférence à l'égard de ses enfants. Orléans la laissa dès l'âge de 8 ans agir librement. Elle s'adonna à la chasse et aux fêtes, subissant les critiques de la princesse Palatine Élisabeth-Charlotte de Bavière. Elle se fit appeler « Mademoiselle » comme une fille du roi et à l'image d'Anne-Marie-Louise d'Orléans appelée la
Grande Mademoiselle6.
Mariage (1710-1714)
Le 7 juin 1710, le duc d'Orléans obtint du roi Louis XIV l'arrangement d'un mariage entre Charles de France
7 et la princesse d'Orléans. L'objectif du duc est de réunir les deux branches (aînée et cadette) des Bourbons
6. Un mois plus tard, Marie Louise Élisabeth d'Orléans épousa Charles de France, duc de Berry, le 5 juillet 1710 et devint ainsi duchesse de Berry à l'âge de quinze ans.
Selon Saint-Simon, le mariage serait violent
8. Beaucoup de pamphlets circulent alors, accablant l'adolescente pour ses loisirs non conformes à son statut de femme mariée. Selon Jean-Baptiste Honoré Raymond Capefigue, il s'agirait de calomnies venant de Louise Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine, par « pédanterie », et de la duchesse de Bourgogne, par jalousie
6. À l'inverse, Saint-Simon qualifia cette vie de « scandaleuse ». Selon lui, le couple est dépensier et accumule 200 000 livres de dettes
9. Il accuse la jeune fille (en qui il semble voir une nouvelle Ève) d'hérésie
10 face au catholicisme dominant.
Elle cherche à fuir la cour de Versailles avec son amant, La Haye, écuyer du duc de Berry
8 pour les Pays-Bas
11. Celui-ci refuse
12. Elle lui a fait obtenir un poste de gentilhomme de la Manche en 1716
13.
Elle a une première fausse couche, un an après son mariage (1711). À 18 ans, elle accouche d'un fils qui ne vit que 21 jours (duc d'Alençon, mort le 16 avril 1713).
En 1714, son mari meurt. La jeune veuve est enceinte. Louis XIV, alors que la grossesse se poursuit, indique son désir de devenir le tuteur de la duchesse du Berry et de son enfant à naître. En faisant l'inventaire de ses possessions, les biens de la duchesse lui sont donnés, ceux du duc alloués à l'enfant et ceux accumulés depuis leur mariage partagés entre la duchesse et le bébé à venir. Marie-Louise voit sa pension augmentée de 200 000 livres
14. Elle accouche le 16 juin, mais l'enfant, une fille, ne vit que 12 heures. Le corps est transporté à Saint-Denis et son cœur dans l'église Notre-Dame du Val-de-Grâce
15. L'ensemble de l'argent et des biens qui avaient été partagés sont rendus à Marie-Louise
9.
Veuvage (1714-1719)
Elisabeth-Charlotte d'Orléans en veuve, huile sur toile de Louis de Silvestre, 1714.
La duchesse de Berry quitte le grand deuil après seulement une année sur accord du roi
16. Après la mort de Louis XIV et une fois établie au palais du Luxembourg où elle constitue sa Cour, la veuve de vingt ans poursuit une vie remplie de fêtes et accumule les amants, ce qui lui vaut l'opprobre de Saint-Simon (son biographe le plus prolifique). On peut noter La Haye, le marquis de la Rochefoucauld, capitaine de sa garde personnelle ou le comte de Riom. Nommé lieutenant de la garde au palais du Luxembourg, Riom sera l'amant favori jusqu'à la mort de la duchesse. Ce dernier est aussi l'amant de Madame de Mouchy, dame d'honneur de la princesse
17. Durant cette période, la princesse prend résidence dans un appartement du couvent carmélite du faubourg Saint-Germain où elle se retire régulièrement pour faire pénitence
18.
En mai 1717, la Duchesse de Berry reçoit le Czar de Russie au Luxembourg et selon
La Gazette de la Régence: "Mme de Berry y parut puissante comme une tour, quoique d'ailleurs belle et fraîche". Cette année, Arouet (Voltaire) relaie les rumeurs selon lesquelles la Duchesse serait enceinte devant un informateur de police, fin avril 1717, précisant que celle-ci est allée passer six mois à la Muette « pour y accoucher »
19, ce qui lui vaudra la Bastille.
Fin de vie (1719)
Le 18 novembre 1718 à la Comédie-Française le Régent et la duchesse de Berry assistent à la première de l'
Œdipe de Voltaire. Première œuvre pour laquelle Arouet prend le nom de Voltaire,
Œdipe marque le commencement du succès de l'auteur dans sa carrière théâtrale. Les rumeurs d'une relation incestueuse de Philippe avec sa fille aînée rendent la pièce controversée bien avant qu'elle ne soit jouée. La duchesse de Berry entre escortée par les dames de sa cour et sa garde personnelle « elle (n'est) qu'un amas d'étoffes et de bijoux dont jaillissait une tête altière jusqu'au défi »
20. Toutefois, les commentaires et les ragots malveillants se multiplient
21. Attisant l'intérêt des spectateurs friands de scandales, la présence de Mme de Berry à la première de l'
Œdipe contribue à la réussite de la pièce et à son succès public. Elle se rend cinq fois de suite à la représentation, « comme pour braver l'opinion publique »
22.
En 1719, la duchesse est enceinte à nouveau.
Les jugements sur son comportement sexuel se multiplient. Ils seront repris par certains "historiens" français. Ainsi, à propos d'une représentation d'
Œdipe chez le Roi, E. de Barthélémy écrit « Il est permis de croire que la princesse succomba à l'émotion de quelques applaudissements significatifs et paya de la sorte la maladroite audace qu'il y avait à venir inutilement s'afficher dans un moment où le déchaînement de l'opinion était peut-être plus violent encore par suite de son état avancé de grossesse qui n'était un secret pour personne. »
23.
Lors de son accouchement, la duchesse, craint de mourir et réclame les Sacrements
24. En raison de la présence de Riom et de M
me de Mouchy dans le palais du Luxembourg, le curé de Saint-Sulpice, Jean-Baptiste Languet de Gergy, refuse d'administrer l'extrême-onction à la parturiente
25. Sa décision est alors appuyée par le cardinal de Noailles qui considère aussi que les sacrements ne devaient être dispensés tant que Riom et la dame d'honneur n'étaient pas congédiés
26. Le 2 avril 1719, la jeune femme fait une fausse couche et échappe à la mort de peu. Elle fait rouvrir le jardin du Luxembourg et le voue au blanc pour six mois ainsi que toute sa maison, en l'honneur de sa fille. Elle se retire au Château de Meudon où elle espère se rétablir en s'éloignant de la Cour.
Selon Saint-Simon, le Régent est particulièrement courroucé contre sa fille qui aurait épousé secrètement Riom après son accouchement. Il ordonne à celui-ci de rejoindre son régiment sur la frontière espagnole. Dans l'espoir de convaincre son père d'accepter de rendre public son mariage et de rappeler Riom, elle l'invite à Meudon pour un souper. Le Régent reste inflexible
27.
La duchesse mourra des suites de ses couches deux mois plus tard, à l'âge de vingt-trois ans. Lors de l'autopsie, réalisée au château de La Muette, la nuit du 20 au 21 juillet 1719, les médecins affirment lui trouver « un ulcère à l'estomac, un autre à l'aine, la rate entièrement pourrie et en bouillie, la tête pleine d'eau et la cervelle réduite de moitié ». Son cœur fut déposé, ainsi qu'il était fait pour tout prince et princesse de la Maison de France, dans la chapelle Sainte-Anne
28.
Descendance
Du vivant de son mari, la duchesse de Berry subit trois grossesses malheureuses :
- une fille, fausse-couche le 21 juillet 1711, Château de Fontainebleau
- Charles d'Alençon, Duc d'Alençon, Château de Versailles, né avant terme le 26 mars 1713, décédé le 16 avril 1713
- Marie Louise Élisabeth d'Alençon, née avant terme au Château de Versailles (16 juin 1714 – 17 juin 1714)
Après son veuvage :
- une fille née au Palais du Luxembourg le 27 ou 28 janvier 1716 ne vit que trois jours.
- une fille née fin juillet 1717 lorsque la Duchesse s'est retirée au Château de la Muette pour accoucher. Le père serait le comte de Riom. Selon Duclos, cette fille devient religieuse à l'abbaye de Pontoise29.
- une fille attribuée par Saint-Simon à Riom, morte-née au Palais du Luxembourg, le 2 avril 1719.