On soulevait le 07 août 1793 les statues de marbre de Philippe le Hardi et d'Isabelle d'AragonGisant de Philippe III St DenisAu premier plan: gisant d'Isabelle d'Aragon; il repose sur sa dalle noire, la seule rescapée de la Révolution à porter encore une inscription médiévale.Le gisant de Philippe III est au second plan.
Philippe III est mort, peu après son épouse
(morte tragiquement d'une chute de cheval, en Calabre, alors enceinte de son 5e enfant), de retour de guerre contre l’Aragon, le dimanche avant la saint Michel en 1285.
Il avait engagé la croisade d'Aragon et attaqué sans succès la Catalogne
(siège de Gérone du 26 juin au 7 septembre 1285)Son armée touchée par une épidémie de dysenterie, il fut défait en septembre à Las Formiguas, et fit retraite. Le roi mourut à Perpignan.
Pierre d'Aragon mourant un mois plus tard, Gérone se livre à son successeur, et le nouveau roi de France, Philippe IV le Bel décide le retour en France.
Ses chairs et ses entrailles furent inhumées dans la cathédrale de Narbonne.
Le reste du corps fut emporté à Saint-Denis.
La possession du cœur entraina une vive polémique entre les bénédictins de Saint-Denis et les Frères Prêcheurs des Jacobins de Paris.
Le tombeau avec gisant qui se trouvait en la cathédrale de Narbonne, érigé sur ordre de Philippe le Bel, fut détruit durant la Révolution.
Le tombeau du roi à Saint-Denis fut achevé en 1299
Encore empreinte de la tradition du XIII°s de par sa raideur – qui rappelle un peu celle des gisants de la commande de Saint Louis), cette œuvre exécutée par Jean d’Arras à l’extrême fin du XIII°s à la demande du roi Philippe IV le Bel, annonce déjà l’art plus réaliste du XIV°s.
Ce tombeau de marbre, par sa simplicité, marquait aussi une rupture par rapport aux somptueux tombeaux d’or et d’argent des trois prédécesseurs de Philippe III: Philippe II Auguste, Louis VIII le Lion, et Saint Louis
(tombeaux hélas détruits et fondus durant la guerre de Cent ans, sans doute sous l’occupation anglaise après 1420)La tête est d’une vérité remarquable.
Le visage a sans doute été sculpté selon modèle du masque mortuaire royal. Il montre à la fois la loyauté, une certaine bonté placide et une gravité de mœurs.
Le visage ne porte pas de barbe et les cheveux tombent droit sur les côtés de la face.
La couronne garnie de fleurons était incrustée de mastic et de pierres de couleurs.
La main droite tient un sceptre restitué au XIX°s
Une ceinture serre la tunique autour du corps.
Le manteau s’ouvre en avant et se drape sur les genoux.
Le bord supérieur de la tunique, plusieurs parties du manteau, ainsi que le coussin posé sur la tête, montrent quelques traces d’une ornementation en fleurs de lys et rinceaux peints et dorés.
Le lion soutenant les pieds semble plus grossier que le gisant; a-t-il été réalisé par le même artiste ?
Gisant d’Isabelle d’Aragon - St DenisIsabelle d’Aragon est l’épouse de Philippe III et la mère de Philippe IV le Bel.
Elle est décédée en janvier 1271 pendant le long retour en France des cendres de saint Louis, en Italie, alors même qu'elle était enceinte.
Elle mourut d'une chute de cheval, en passant à gué une petite rivière.
Son gisant est l’un des plus beaux de Saint-Denis.
En 1275, le roi Philippe III, veuf, commande un tombeau de corps pour Saint-Denis et un tombeau d’entrailles pour Cosenza.
Peut-être songeait-il à se faire pardonner son mariage le 21 août 1274 avec la jeune et jolie Marie de Brabant et le couronnement de cette nouvelle reine en grand apparat le 24 juin 1275!
Il convenait de souligner que la mémoire de la défunte reine était toujours chère au cœur du monarque.
Ce projet a aussi fini par décider le roi et l’abbé Mathieu de Vendôme à ériger un monument digne de Louis IX sur sa sépulture.
En attendant, le monument réalisé pour Isabelle d’Aragon est une pure merveille.
Sa grâce exceptionnelle le rapproche stylistiquement des tombeaux installés vers 1260.
Sauf qu’ici, le gisant en marbre blanc, rehaussé à l’origine d’une polychromie, repose sur une dalle en marbre noire avec une longue épitaphe gravée sur trois des côtés.
Et la face se veut peut-être fidèle au charmant visage de la souveraine.
Etant donné l’emplacement de l’inscription, le tombeau était conçu pour être isolé; mais des incisions encore visibles à la tête de la dalle montrent qu’il a dû être ensuite installé contre un des piliers des bas-côtés, au Nord ou au Sud de la croisée du transept, où l’on a pu transférer les restes d’Isabelle de sa première sépulture, située près de celle de saint Louis.
La dalle de marbre noir avec la longue épitaphe est la seule dalle authentique à avoir échappé aux destructions révolutionnaires et à être parvenue jusqu’à nous.
L'inscription tourne autour de la corniche, avec de superbes caractères de marbre blanc incrustés dans le marbre noir.
Cette épitaphe formée de 8 vers se répartit sur 2 lignes dont chacune comprend 4 vers complets.
pour en rendre ici la lecture plus facile nous la rapportons en divisant les vers:
DYSABEL.LAME.AIT.PARADYS:
DOM.LI.CORS.GIST.SOVZ.CESTE. YMAGE:
FAME.AVROI.PHELIPE.IA.DIS:
FIL.LOVIS.ROI.MORT.EN CARTAGE
LE.JOVR.DE.SAINTE.AGNES: SECONDE
LAN.MIL.CC.DIS.ET.SOISENTE:
A. CVSANSE.FV.MORTE.AV. MONDE.
VIE.SANZ.FIN.DEX.LI.CONSENTEFélibien a publié dans les Preuves de son Histoire une lettre touchante que le roi Philippe écrivit peu de jours après ce funeste événement, à l'abbé et aux religieux de Saint-Denis, pour recommander à leurs prières la reine Isabelle, "
dont la vie était aimable à Dieu et aux hommes" ...
Sans doute y avait-il à l'origine des anges se penchant sur le coussin; on voit encore de petites mains qui y restent accrochées...
Le gisant est particulièrement beau lorsque, à certaines heures du jour, les rayons multicolores des vitraux viennent se perdre dans les voiles de la reine…
Philippe III le Hardi(1245-1285)
roi de 1270 à 1285
Mort à Perpignan, les chairs du roi furent inhumées en l’église Saint-Just de Narbonne, ses entrailles à l’abbaye de La Noë en Normandie, son cœur au couvent des Jacobins de la rue Saint-Jacques de Paris et ses os en la Basilique Saint-Denis.
Le tombeau des chairs fut exposé dans le chœur de l’église Saint-Just jusqu’en 1792, date de sa destruction: il en reste quelques fragments, un pleurant et deux lions en albâtre.
Le gisant visible à Saint-Denis, tombeau des ossements, est une statue de marbre blanc réalisée par Jean d’Arras qui représente réellement les traits du roi, volonté artistique apparue avec le gisant de sa première épouse, Isabelle d’Aragon, morte avant lui, également inhumée à Saint-Denis sous un gisant en marbre blanc sur une dalle noire.
Son épitaphe dit ceci:
« D’Isabelle l’âme est Paradis / Dont le corps gît sous ceste image / Femme au roi Philippe, fils / Au bon roi Louis mort en Carthage / Le jour de Sainte Agnès seconde / L’an mil deux cent dix et soixante / A Cusance fut morte au monde / Vie sans fin Dieu l’y consente »Le tombeau d’Isabelle d’Aragon marque donc la rupture majeure dans les représentations des tombeaux royaux.
Celle-ci était morte en Calabre d’une chute de cheval alors qu’elle était enceinte et qu’elle revenait de croisade: on inhuma son cœur dans la cathédrale de Cosenza, en Italie, sous un tombeau en forme de fenêtre gothique trilobée représentant la Madonne à l’enfant, le roi Philippe III et son épouse.
L’ensemble est surmonté d’un trèfle à quatre feuilles.
Philippe III épousa en seconde noce Marie de Brabant qui fut inhumée au couvent des Cordeliers de Paris tandis que son cœur fut placé au couvent des Jacobins de la rue Saint-Jacques en cette même ville.
Son tombeau des Cordeliers disparut lors de l’incendie qui ravagea l’église en 1580.
L'inscription qu'on lit au-dessous de la dalle de marbre noir qui supporte la statue de la reine et qui fut respectée par les ouvriers mérite d'être reproduite, comme la plus ancienne épitaphe rimée en français qu'il y eût à Saint-Denis
(Merci à http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net)Violation et destruction du tombeauEn 1793, on démantela les tombeaux de Philippe III et d’Isabelle d’Aragon.
Les tombes furent ouvertes.
Elles étaient creuses et contenaient chacun un coffre de plomb, d’environ trois pieds de long sur huit pouces de haut.
Ils renfermaient les restes des deux époux.
En effet, comme ils étaient morts loin de Saint-Denis, en Calabre et en Roussillon, on avait comme pour Louis IX fait bouillir leurs corps dans de l’eau et du vin; on plaçait ensuite les restes dans un petit peu d’eau salée.
Sur les coffres étaient des lames de plomb portant les noms des défunts.
Les ossement furent jetés à la fosse commune; les inscriptions en plomb et les coffres furent apportés à l’Hôtel de ville de Saint-Denis, puis à la fonte.
Seuls les gisants et la dalle noire d’Isabelle d’Aragon furent sauvés.
Aujourd'hui, le gisant de Philippe III est à côté de celui de son fils Philippe le Bel,
décalé vers l'avant par rapport à celui d'Isabelle d'Aragon.