Marly
On espère que Barcelone sera bientôt pris; on s'est emparé du chemin couvert.
Une circonstance que je trouve drôle, c'est la gasconnade du gouverneur Villareal.
Quand on l'a sommé de se rendre, il a répondu qu'il donnerait lui-même le signal de la capitulation: il était décidé, lorsqu'il ne pourrait plus se défendre, à se placer sur un baril de poudre et à se faire sauter; il a, en attendant, fait arborer un drapeau noir semé de têtes de morts.
Vous aurez vu dans les journaux l'accident arrivé à la duchesse de Vendômedont le carrosse a versé : la glace s'est brisée et lui a balafré toute la figure; elle a au dos une forte blessure ; tous ses gens sont blessés, un de ses laquais a l'épaule cassée, un autre la jambe.
Elle avait été faire compliment à sa sœur, la duchesse du Maine, de ce que vous aurez aussi vu dans les gazettes : le roi a déclaré au parlement que tous ses bâtards étaient élevés au rang de princes du sang, et capables de lui succéder en cas d'extinction de la branche légitime.
Le prince de Vaudemont, que ma tante estimait si fort, est mort mercredi d'une attaque d'apoplexie; c'est tout ce que j'ai de nouveau à vous écrire.
Il y aurait aussi bien d'autres choses à dire, mais, comme toutes les lettres que je mets à la poste sont ouvertes, je n'ose pas parler davantage.
1 Le siège de Barcelone fut en effet des plus remarquables sous le rapport de l'acharnement de la défense; la ville était alors au pouvoir de bandes d'enragés qui se décernaient à eux-mêmes le titre de matadores (tueurs), titre qu'ils justifiaient très-bien
(Voir Alcala Galiano, Historia de Espana, Madrid, 1845, in-8, t. V,p. 227)