Le cardinal Dubois meurt à Versailles
« Dès qu’il fut mort, M. le duc d’Orléans retourna à Meudon apprendre au roi cette nouvelle, qui le pria de se charger de toute la conduite des affaires, le déclara premier ministre, et en reçut le serment le lendemain »
Guillaume Dubois
appelé l'abbé Dubois
puis le cardinal Dubois
né le 6 septembre 1656 à Brive-la-Gaillarde
mort le 10 août 1723 à Versailles
ecclésiastique et un homme politique français
principal ministre de l'État sous la Régence de Philippe d'Orléans.
Biographie
Très mal connue, en l'absence d'archives substantielles, la jeunesse du cardinal Dubois a fait l'objet d'innombrables anecdotes généralement malveillantes.
Né à Brive-la-Gaillarde (Limousin), le jeune Guillaume aurait été, selon ses ennemis, le fils d'un apothicaire. Issu d'un milieu d'édiles, son père est en réalité docteur en médecine.
Un élève remarquable
Eduqué par les frères de la Doctrine Chrétienne, il reçoit la tonsure à l'âge de treize ans. Avec Fleury et, plus tard, Bernis, il appartient à cette « lignée occitane de grands prélats semi-libéraux » (Emmanuel Le Roy Ladurie), typique du Midi des Lumières (philosophie)
En 1672, à 16 ans, il obtient une bourse et part, sans doute par la protection du lieutenant-général du Limousin, le marquis Jean de Pompadour, pour Paris, poursuivre sa formation au collège Saint-Michel, aujourd'hui disparu, mais dont il reste quelques vestiges rue de Bièvre (Vème arrondissement)
Il est vite remarqué par l'abbé Antoine Faure, directeur de l'établissement, qui obtient pour son compatriote le poste envié de précepteur du neveu du roi, le jeune Philippe, duc de Chartres, futur duc d'Orléans, né en 1674. Aujourd'hui, au musée Carnavalet, un portrait en pied, sans doute apocryphe, le montre au côté de son élève.
Premiers pas à la cour
En 1692, sous son influence, le jeune duc épouse, au grand contentement de Louis XIV, mais au grand mécontentement de sa mère, la fameuse princesse palatine, Françoise-Marie de Bourbon, dite Mademoiselle de Blois, fille naturelle légitimée que le roi avait eu de Madame de Montespan. Dubois obtient alors l'abbaye de Saint Just en Picardie.
En 1698, au service de la maison d'Orléans en même temps que l'abbé de Saint-Pierre, Dubois effectue une mission diplomatique en Angleterre.
Il y découvre une nation capitaliste et libérale en plein essor, visite Oxford, rencontre les exilés français tels Saint-Évremond et noue sans doute d'utiles relations dans l'entourage de la Cour de Saint-James.
De retour au Palais Royal, Dubois devient dans l'entourage des Orléans un spécialiste de la diplomatie secrète. Il y croise l'abbé de Saint-Pierre, théoricien de la paix universelle.
La régence
Le début de la Régence en 1715 marque le début d'un bref mais flamboyant apogée dans la carrière de Dubois.
Devenu conseiller du Régent, il exerce une influence croissante.
Il oriente la France vers l'alliance britannique, aidé en cela des renseignements de sa maîtresse en titre, Madame de Tencin (il n'avait alors pas encore prononcé ses vœux), qui, par son fameux salon littéraire et politique, était au fait du dessous des cartes de la politique anglaise.
Les Orléans et les Hanovre devant faire face à de vives oppositions intérieures, il s'efforce de maintenir la paix qui, seule, peut permettre de maintenir la stabilité du régime et l'économie française, bien malmenée par la longue guerre de succession d'Espagne qui vient à peine de se terminer.
Face aux projets du Cardinal Alberoni en Espagne, il négocie la Triple Alliance (1717) avec George Ier
En 1719, une guerre limitée contre l'Espagne force Philippe V à renvoyer Alberoni.
Il obtient ensuite, après avoir prononcé ses vœux le 24 février 1720 et annulé son mariage, l'archevêché de Cambrai (9 juin 1720), un des plus riches du pays, qui lui fournit également le titre prestigieux de prince du Saint-Empire romain germanique
Le 16 juillet 1721, après l'élection d'Innocent XIII, il reçoit enfin la pourpre cardinalice, alors qu'il ne sait pas célébrer une messe. Il n'ira jamais dans son diocèse, l'essentiel de ses préoccupations allant à la politique.
Ses ennemis, faisant abstraction de ses qualités de diplomate et du bilan global positif de son action au gouvernement de la France, attribuent l'essentiel de son ascendant sur le Régent à sa capacité à lui trouver des maîtresses à son goût, d'où l'aphorisme rapporté par Roger Peyrefitte à propos de son élévation au cardinalat : « le pape est un fin cuisinier qui sait faire d'un maquereau un rouget "
Premier ministre
Son ascension est parachevée par l'obtention du poste de principal ministre, que Mazarin avait été le dernier à obtenir, l'entrée à l'Académie française puis la présidence de l'assemblée du clergé.
Durant son bref ministère, il tente de relancer l'économie par la réduction des droits, de rétablir la situation des finances après les errements du système de Law et ralentit la persécution des protestants.
Doté de sept abbayes, il amasse, comme la plupart des cardinaux de l'époque, une certaine fortune (dix millions de livres) et tente de promouvoir sa famille. On lui prête une vie dissipée - peut-être à cause d'une maîtresse en titre -, mais elle semble plutôt avoir été consacrée au travail et à la relève de la France.
Il meurt en 1723, suivi de près par son ancien élève, le duc d'Orléans.
La tombe du Cardinal Dubois se trouve dans l'église Saint-Roch à Paris.
une chapelle latérale possède la représentation en priant du cardinal Guillaume Dubois (1656-1723), qui fut précepteur du Régent et qui, en tant que premier ministre de Louis XV, exerça un pouvoir important sur la France du XVIIIe siècle. Il fut en réalité inhumé en l’église saint-Honoré, mais son priant, œuvre de Coustou, fut ultérieurement ramené à Saint-Roch.
Bibliographie
- Arnaud de Maurepas, Antoine Boulant, Les Ministres et les ministères du siècle des Lumières (1715-1789). Étude et dictionnaire, Paris, Christian-JAS, 1996, 452 p.
- Saint-Simon, Mémoires : une source essentielle mais postérieure et très hostile à Dubois.
- Antoine Mongez, Vie privée du cardinal Dubois (1789) : mémoires apocryphes d'un de ses secrétaires.
- Charles-Louis de Sevelinges, Mémoires secrets et Correspondance inédite du cardinal Dubois (1814-17) : également apocryphes.
- Comte de Seilhac, L'Abbé Dubois (1862)
- Louis Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais (1891)
- Guillaume Lagane, L'Abbé Dubois : diplomate et premier ministre, DEA Paris I, 2000.
- Guy Chaussinand Nogaret, Le Cardinal Dubois : une certaine idée de l'Europe (2001)
- Voir aussi en ligne : http://perso.orange.fr/eliedufaure1824-1865/Lecardinal.htm
- M. Capefigue, Le Cardinal Dubois et la Régence de Philippe d'Orléans, Amyot Paris 1861
Iconographie
- Hyacinthe Rigaud, Portrait du cardinal Dubois, aujourd'hui conservé au Cleveland Museum of Art (États-Unis). Voir Ann Tzeutschler Lurie, « Rigaud's Portrait of Cardinal Dubois » in The Burlington Magazine, Vol. 116, No. 860 (Nov., 1974), pp. 667-669
Le cardinal Guillaume Dubois par Hyacinthe Rigaud (1723)
Tombeau et statue du Cardinal Dubois dans l'église St-Roch à Paris Filmographie
- Dans le film de Bertrand Tavernier, Que la fête commence (1974), le cardinal Dubois est incarné par Jean Rochefort, aux côtés de Philippe Noiret.