Encore un événement marqué d'une croche blanche.
- C’est dans la superbe église Notre-Dame de l’Assomption de Valloire que se termine la dixième édition du Festival Valloire baroque. Consacrée en 1682, lle est caractéristique du baroque savoyard. Devant le magnifique retable de François Rymellin (1673) s’est donné le dernier concert : « La querelle des Te Deum ».
Sur une idée de Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles, Daniel Cuiller a monté ce programme au nom un peu étrange… Plus encore, le titre du disque, sorti en mars dernier :
la guerre des Te Deum ! Cela mérite quelques explications historico-musicales. En 1745, Esprit Joseph Antoine Blanchard, sous-maître de la Chapelle Royale de Versailles, compose un
Te Deum pour célébrer la victoire de Fontenoy. Il va le donner dans la Chapelle Royale mais, problème, l’usage ancien veut que ce soit le Surintendant de la Musique de la Chambre qui dirige l’œuvre. Celui-ci, François Colin de Blamont, se précipite pour mettre les partitions de son propre
Te Deum à la place de celles de son… concurrent ! Mais la Reine arrive alors. Plus possible de modifier quoi que ce soit. C’est le
Te Deum de Blanchard qui sera joué. La querelle se renouvela plusieurs fois.
:copyright: Jean-Noël DémardAu Festival, point de rivalité entre
Te Deum, grâce à Dieu, à Daniel Cuiller et à ses troupes. C’est la trompette de l’Ensemble Stradivaria et le Chœur Marguerite Louise qui ouvrent le
Te Deum de Blanchard. La solennité royale est là tant par les voix que par les instruments. Arrive le haute-contre Sebastian Monti qui chante
Pleni sunt cæli et terra à la française, voix très timbrée avec de beaux aigus. Suit une belle fusion des voix de dessus dans le
Tu Rex gloriae. MichikoTakahashi chante avec humilité et beaucoup de sensibilité le
Dignare Domine. C’est le chœur qui termine ce premier
Te Deum avec du rythme, celui que Roi et Reine, princes et nobles de Versailles ont dû aimer en ce 12 mai 1745.
Point besoin de comparer, le
Te Deum de Colin de Blamont est superbement versaillais. Dès l’ouverture, on reconnait la même tonalité de ré majeur. Mais le discours n’est pas organisé de la même manière. On retrouve Sebastian Monti, sa voix et des vocalises brillantes et sûres dans le
Te Deum laudamus. Le chœur est très attentif à la direction de Daniel Cuiller, en particulier dans le tourbillon du
Sanctus Dominus Deus Sabaoth. Cyril Costanzo fait preuve d’autorité dans le duo
Tu, devicto. Voici le
In te Domine speravi qui termine ce
Te Deum. De nombreux petits blancs musicaux parsèment la pièce. Pari risqué, pari tenu. Voix et instruments sont en osmose, en rythme, emportés par la direction très animée de Daniel Cuiller. De la belle et bonne musique baroque versaillaise… française.
par Jean-Noël Démard pour ResMusica
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