Le Boudoir de Marie-Antoinette

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 10 septembre 1683: Gazette - Obsèques de la reine

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yann sinclair

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MessageSujet: 10 septembre 1683: Gazette - Obsèques de la reine   10 septembre 1683: Gazette - Obsèques de la reine Icon_minitimeMar 10 Sep - 11:44

"La pompe funèbre faite pour la reyne dans l'Eglise de l'Abbaye de Saint-Denys"



Texte intégral

LA POMPE FVNEBRE FAITE POVR LA REYNE dans l’Eglise de l’Abbaye de Saint Denys.

On avoit incessamment travaillé aux préparatifs de ces Obséques depuis la mort de la Reyne : et ils furent achevez à la fin du mois dernier, avec toute la magnificence convenable aux derniers devoirs rendus à vne si grande Princesse.
Vne perspective se présentoit d’abord à l’entrée du Chœur, dans laquelle paroissoit vn Temple ouvert : où les Tombeaux des Roys de France estoient rangez, avec vne inscription latine portée par les Images de la Mort et de l’Immortalité.
Vn fronton s’élevoit au dessus de ce Temple : où on voyoit les portraits de Clovis, de Dagobert, de Charlemagne, de Robert, de Saint Loüis, de la Reyne Blanche, et des Saints de la Maison Royale, qui montroient vn Thrône préparé pour l’ame de la Reyne : ce qui estoit désigné par vne inscription latine.
Des écussons aux Armes de cette Princesse estoient au dessus du fronton : et le vüide entre les Armoiries de France et d’Espagne, estoit rempli par vne teste de mort.
Il y avoit aussi vn Globe sur lequel estoit vne Croix entre deux lampes allumées, pour symboles de la Résurrection, avec les emblémes de la Grace et de la Foy, représentées par des phares allumez sur des rochers.
Huit devises augmentoient ces ornements : c’estoient vne horloge de sable : vn oyseau de Paradis : vn bucher comme ceux où les Romains brûloient les corps des Empereurs : vn autre bucher d’où vne Aigle s’élevoit en mesme temps qu’vn fil qu’il l’y tenoit attachée, avoit esté brûle : vn Arc-en-ciel : vn flambeau fumant rallumé par vn autre : la constellation de Cassiopée, où en 1672 on apperçeut vne étoile qu’on n’avoit point encore découverte : et qui disparut deux ans apres : et l’échelle de Iacob. Ces devises opposées les vnes aux autres, estoient expliquées par des paroles latines, qui exprimoient ingénieusement l’incertitude de cette vie, et l’espérance de la vie immortelle et glorieuse, que la Reyne avoit méritée par ses vertus chrestiennes.
Les bases des piédestaux portoient deux inscriptions latines, qui signifioient que la mémoire de l’illustre Defunte seroit immortelle.
Deux revers de médailles accompagnoient ces deux inscriptions. Le premier revers estoit d’vne médaille de Tite : où la Paix estoit représentée, avec ces mots, Pax æterna, marquant la paix que la Reyne a trouvée dans le Ciel, pour le prix de la paix qu’elle apporta à la France par son Mariage. L’autre revers estoit vne imitation de deux médailles des Empereurs Trajan et Pertinax. La Reyne y paroissoit élevant les mains vers vn Globe céleste, pour marquer qu’elle abandonnoit avec plaisir, les grandeurs de la terre, pour aller posséder celles du Ciel.
Toute la Nef estoit tendüe de deüil depuis le haut jusqu’en bas : et ornée de grands écussons aux Armes de cette Princesse, avec des Sceptres croisez au dessus de la Couronne Royale.
Il y avoit dans le Chœur au dessus du Corps, vne Chapelle ardente composée de six colonnes de lumiéres, et d’vn pareil nombre de consoles qui portoient vne pyramide de lumiére.
L’Image et les Chiffres de la Reyne paroissoient au dessus des six colonnes, élevées à l’honneur de ses principales vertus : et au dessus de son Corps brilloit vne Couronne de feu, avec des paroles latines tirées de l’Ecriture Sainte, qui signifioient que cette Couronne ne luy seroit jamais ravie.
Les quatre costez de la Chapelle ardente estoient ornez de quatre devises : qui estoient vne flame de feu : deux Phœnix, l’vn mourant et l’autre renaissant aux regards du Soleil : et la Constellation du Dauphin attachée à la Voye de lait. La premiére de ces devises estoit pour la Reyne : la seconde pour le Roy : et la troisiéme pour Monseigneur le Dauphin : et toutes estoient expliquées par des paroles latines.
On voyoit seize figures couchées sur les ceintres des huit arcades qui sont autour du Chœur, et qui estoient comme des Arcs de triomphe élevez à la gloire de la Reyne.
La premiére de ces figures représentant sa naissance, avoit vn habit semé de Tours et de Lions, de Castille et de Léon : et elle tenoit des branches de Grenadier dont les früits sont couronnez. La seconde représentant son Rang, avoit vn habit semé d’étoilles. La troisiéme, qui désignoit son autorité, tenoit vn caducée. La quatriéme qui marquoit sa püissance, avoit dans les mains vn faisseau Romain. La cinquiéme, qui représentoit Sa Majesté, tenoit vn Sceptre et vne Couronne : et les autres figures avoient ainsi leurs différens symboles pour marquer les autres avantages que la Reyne avoit eus par sa naissance, et qu’Elle avoit si dignement fait servir à l’vsage de ses vertus Chrestiennes.
Le Chœur estoit tendu de noir avec trois lez de velous, selon ce qui se pratique aux obséques des Souverains, et ils estoient semez de larmes d’argent et de Fleurs de lys d’or, avec les chiffres et les armoiries de la Reyne, des testes de mort et des festons de crespe pendans aux dessus des consoles.
On avoit tendu au dessus des chaises du Chœur,de grands draps noirs plissez, avec dix neuf devises pour marquer les principaux événements de la vie de la Reyne. Il y avoit entr’autres, vn Globe terrestre sous le signe de la Balance, pour désigner sa Naissance qui arriva dans le mois de Septembre. Vn Soleil levant pour marquer les vertus de son Enfance. Vn Gyrasol qui süit le Soleil la teste inclinée, pour symbole du respect de cette Princesse envers le Roy. Vne Perle dans vne nacre pour marquer la Naissance de Monseigneur le Dauphin. Vne Grénade ouverte d’où les grains sortoient, pour exprimer sa charité envers les Pauvres.
Vn magnifique pavillon s’élevoit entre les deux dais qui estoient au dessus du Grand Autel et de la Chapelle ardente. Il estoit semé de larmes d’argent et de Fleurs de lys d’or, et bordé d’hermine. Ses pentes attachées aux quatre piliers de la grande croisée de l’Eglise, couvroient l’enceinte où se firent les cérémonies funébres : et aux quatre coins, il y avoit des pyramides chacune à deux faces, feintes de marbre et semées de larmes, avec d’autres ornements.
Le 30 du mois dernier, le Sieur de Saintot Maître des Cérémonies avoit esté par ordre du Roy, inviter au Service, le Parlement, la Chambre des Comptes, la Cour des Aydes, la Cour des Monoyes, l’Vniversité, l’Ancien et le Nouveau Chastelet, le Corps de Ville et l’Election.
Il estoit vestu de sa robe de deüil à queüe traînante, le bonnet carré en teste, et le chaperon abattu. Le Sieur le Liévre Roy d’Armes au titre de Montjoye Saint Denys, les sieurs le Blanc, Daubigny et Bezincour Hérauts d’Armes aux titres de Xaintonge, Bourgogne et Charolois, marchoient devant luy, revestus de leurs cottes d’armes avec leurs caducées couverts de crespe : et ils estoient süivis des trente Crieurs vestus de leurs robes de deüil, sur lesquelles estoient les armes de la Reyne des deux costez.
Le 31, les Vespres et les Vigiles furent chantées par les Religieux de l’Abbaye : et l’Evesque de Langres Premier Aumônier de la Reyne y officia pontificalement. La Marquise de Montespan Surintendante de la Maison de la Reyne, la Duchesse de Créquy Dame d’Honneur, et la Comtesse de Béthune Dame d’Atour, y assistérent avec tous les Officiers de cette Princesse.
Le 1r de ce mois, jour du Service, toutes les portes de la ville de Saint Denys et la porte de l’Eglise, furent tendües de deüil, avec trois bandes de velous, ornez d’écussons. Vn corps de garde des Süisses du Régiment fut mis à la porte de la Ville : et d’autres Süisses du mesme Régiment, furent rangez en haye aux deux costez des avenües de l’Eglise et de l’Abbaye.
Les Compagnies arrivérent sur les dix heures du matin. Le Marquis de Rhodes Grand Maistre des Cérémonies, le Sieur de Saintot Maistre des Cérémonies, et le Sieur Martinet Lieutenant et Ayde des Cérémonies, les reçeurent et les placérent.
Le Parlement, l’Vniversité et les deux Chastelets furent placez à la droite. La Chambre des Comptes, la Cour des Aydes, la Cour des Monoyes, et le Corps de Ville eurent leurs places à la gauche.
Les Archevesques et les Evesques qui avoient esté invitez par les Agens du Clergé, arrivérent en camail et en rochet : et ils se placérent vers l’Autel du costé de l’Epître.
Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Madame, Mademoiselle, Mademoiselle d’Orléans et le Duc d’Enguien, arrivérent sur les onze heures : et descendirent à l’Abbaye, où ils furent condüits aux appartements tendus de deüil qu’on leur avoit préparez.
Ils se rendirent de là à l’Eglise par la grande porte, précédez par trois cens pauvres vétus de gris, chacun portant vn flambeau de cire blanche.
Ils estoient devancez par les trente Crieurs en robes de deüil, le bonnet carré en teste, avec vn écusson aux armes de la Reyne, devant et derriére. Ceux-ci estoient süivis des trois Hérauts et du Roy d’Armes, du Sieur Martinet Ayde des Cérémonies, du Sieur de Saintot Maistre des Cérémonies, du Marquis de Rhodes Grand Maistre des Cérémonies, et du Duc de la Vieuville Chevalier d’Honneur de la Reyne, comme Chef du Convoy, tous vestus de longues robes de deüil, le chaperon en forme.
Les Princes estoient en manteaux longs : et les Princesses estoient en mantes.
La queüe de la mante de Madame estoit portée par le Marquis d’Estampes son Chevalier d’Honneur, par le Marquis de Bron son Premier Ecüyer, et par le Chevalier de Nantoüillet.
Celle de Mademoiselle estoit portée par le Marquis d’Effiat Premier Ecüyer de Monsieur, et par le Marquis de Flamarin Premier Maistre d’Hôtel de Son Altesse Royale.
Celle de Mademoiselle d’Orléans estoit portée par le Comte d’Escars et par le Comte de Beauvau second fils du Marquis du Riveau.
Monseigneur le Dauphin condüisit Madame à sa place à la droite : et alla prendre la sienne à la gauche.
Monsieur condüisit aussi Mademoiselle à la droite : et se plaça à la gauche.
Le Duc d’Enguien condüisit Mademoiselle d’Orléans pareillement à la droite, et se rangea à la gauche : tous ces Princes ayant fait l’honneur aux Princesses qui représentoient le deüil.
Le Roy d’Armes se rangea à l’vn des coins du cercüeil à la droite : le premier Héraut d’Armes à la gauche : et les deux autres se placérent aux deux autres coins.
Le



Comte de Montignac Premier Ecüyer de la Reyne
, se mit au pied du Mausolée : et le Duc de la Vieuville son Chevalier d’Honneur, se mit à la teste.
Le Marquis de Rhodes Grand Maistre des Cérémonies, le Sieur de Saintot Maistre des Cérémonies et le Sieur Martinet Lieutenant et Ayde des Cérémonies prirent leurs places ordinaires pres du Mausolée.
Apres que les séances eurent esté prises, l’Evesque de Langres en habits pontificaux commença la Messe. Il avoit les Evesques de Troyes et de Saint Omer pour assistans, tous deux en chape et en mitre : et les Evesques de Châlons et de Boulogne pour Diacre et Sous Diacre, tous deux en Dalmatiques. Il estoit aussi assisté de ses Aumôniers, avec les Officiers de la Chapelle de la Reyne, et plusieurs des Religieux de l’Abbaye qui faisoient chœur avec la Musique de la Chapelle et de la Chambre du Roy.
Le Prélat célébrant apres l’Evangile, s’assit dans vn fauteüil vn peu en deça de l’Autel, pour recevoir les offrandes : et les autres quatre Prélats s’assirent aussi en des fauteüils.
Le Roy d’Armes fit les révérences à l’Autel, à la représentation de Loüis XIII, au Clergé, au Corps de la Reyne, à Monseigneur le Dauphin, à Monsieur, à Madame, à Mademoiselle, à Mademoiselle d’Orléans, au Duc d’Enguien, au Parlement, à la Chambre des Comptes, à la Cour des Aydes, à la Cour des Monoyes, à l’Vniversité, à l’ancien et au nouveau Chastelet, au Corps de Ville et à l’Election, et alla se placer au costé droit de l’Autel avec vn cierge de l’Offrande.
Le Marquis de Rhodes Grand Maistre des Cérémonies fit de semblables révérences pour inviter Monseigneur le Dauphin à l’Offrande.
Ce Prince ayant fait la révérence à l’Autel, à la Représentation du Roy défunt, au Corps de la Reyne et aux Compagnies, alla prendre Madame : et apres avoir fait les révérences que le Roy d’Armes avoit faites, ils s’approchérent de l’Evesque de Langres. Le Marquis de Rhodes prit des mains du Roy d’Armes vn cierge, et le présenta à Madame.
Cette Princesse à genoux sur vn carreau, baisa l’anneau de l’Evesque Officiant, et luy présenta le cierge : puis Elle fut recondüite à sa place par Monseigneur le Dauphin qui retourna à la sienne.
Alors le premier Héraut d’Armes recommença les révérences, et alla se placer au costé droit de l’Autel, avec vn cierge : et le Sieur de Saintot Maistre des Cérémonies ayant fait les siennes, invita aussi Monsieur à aller à l’Offrande. Son Altesse Royale y condüisit Mademoiselle apres de semblables révérences.
Le Sieur de Saintot prit des mains du premier Héraut d’Armes le cierge, il le donna à Mademoiselle : et cette Princesse le présenta comme Madame, à genoux, en baisant l’Anneau du Prélat officiant. Ensüite Monsieur la remena à sa place : et il retourna à la sienne.
Le second Héraut d’Armes fit de semblables révérences. Le Sieur Martinet Lieutenant et Ayde des Cérémonies fit les siennes. Le Duc d’Enguien en ayant aussi fait de pareilles, alla prendre Mademoiselle d’Orléans : et apres qu’ils eurent fait ensemble les révérences, il la mena à l’Offrande. Elle y présenta de la mesme maniére que les autres Princesses, le cierge qui luy avoit esté donné par le Sieur Martinet : puis le Duc d’Engüyen la remena à sa place et se remit à la sienne.
Apres les Offrandes, le troisiéme Héraut d’Armes alla à l’Abbaye prendre l’Evesque de Meaux qui prononça le Discours funébre avec vne grande éloquence.
La Messe fut ensüite achevée : et le Prélat célébrant et les quatre autres vinrent vers le Corps avec leurs mitres en teste, estant süivis de leurs Aumôniers et des Religieux. Ils firent les Priéres, les encensements et les aspersions ordinaires : puis douze Gardes du Corps descendirent le Cerceüil de dessus l’estrade et le portérent au caveau : les quatre coins du drap mortüaire estant tenus par le Sieur de Novion Premier Président, et par les Sieurs de Bailleul, de Nesmond et de Mesmes Présidents à Mortier.
En mesme temps le Roy d’Armes estant sur le bord du caveau, appella les Honneurs en ces termes, Monsieur le Marquis de Villacerf Premier Maistre d’Hôtel de la Reyne, venez faire vostre charge.
Il appella ensüite le sieur de Visé Maistre d’Hôtel ordinaire, le sieur de Vaudetar, le sieur de Béaumont, le Baron de Palieres et le sieur Bourdais Maistres d’Hôtel de quartier, pour venir faire leurs charges.
Le Marquis de Montignac Premier Ecüyer de la Reyne, apporta le Manteau Royal : et le Duc de la Vieuville Chevalier d’Honneur, apporta la Couronne qu’il tenoit sur vn carreau de velous noir, couverte d’vn crespe.
Ces Honneurs et la Couronne furent posez sur le bord du caveau : et les batons du premier Maistre d’Hôtel et des Maistres d’Hôtel ordinaire et de quartier, furent rompus. Alors le Roy d’Armes s’estant avancé trois pas du costé du Chœur, cria la Reyne est morte, la Reyne est morte, la Reyne est morte, priez Dieu pour son Ame.
Ce spectacle lugubre et ces tristes paroles attendrirent tous les assistans : et chacun répandit des larmes en regrétant la perte que la France faisoit d’vne si vertüeuse et si bonne Princesse.
A la fin de cette Pompe funébre Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Madame, Mademoiselle, Mademoiselle d’Orléans et le Duc d’Enguien furent recondüits à l’endroit où ils avoient esté reçeus par le Marquis de Rhodes Grand Maistre des Cérémonies, par le Sieur de Saintot Maistre des Cérémonies, et par le Sieur Martinet Lieutenant et Ayde des Cérémonies.
On mena les Compagnies en diverses sales : où elles furent traitées süivant l’ordre du Roy, avec toute la magnificence possible, par les soins du Sieur de Morfontaine Hotman Maistre d’Hôtel de Sa Majesté.

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