"Le Trianon de Marie-Antoinette" par Pierre de Nolhac, 1914

"Le Trianon de Marie-Antoinette" par Pierre de Nolhac, 1914



Une promenade nostalgique et mélancolique dans les jardins du Trianon

L'auteur nous invite en la magie d'un monde disparu. Et pas de magie sans magicienne, qui n'est autre ici que Marie-Antoinette. Laissons parler l'auteur :

« Il est des lieux, élus par l'histoire ou par la légende, qui émeuvent l'imagination des hommes et que fixe en leur coeur un beau souvenir. Les poètes, ainsi que les artistes, en savent la route et les touristes en ont la curiosité. L'intérêt qu'ils excitent tient, le plus souvent, à une mémoire de femme, à un grand amour, à une grande infortune, qui se lient à l'image du paysage ou de la demeure. Parmi les jolis coins de France qui ne s'oublient pas, Trianon est revêtu de ce prestige. Son double château et les jardins qui l'entourent ne justifieraient pas sa renommée dans l'univers, s'il ne comptait, parmi les figures de son passé, la plus célèbre de nos reines et la plus malheureuse. Le nom de Trianon s'associe à jamais à celui de Marie-Antoinette et à son tragique destin. » a écrit:

Comme on peut le lire, cette magie n'est pas que joyeuse. Elle s'accompagne d'une gravité, celle d'évoluer dans les pas de la Reine, de s'y confronter à ses moments de joie, mais aussi au poids de la fatalité. Car personne ne peut oublier, et Nolhac le décrit très bien, que si c'est dans son enchanté Petit Trianon que Marie-Antoinette connut le ravissement et une sorte de félicité, c'est là aussi que se forgera une partie de son fatum. Ce qui était pour elle le lieu d'une échappée, d'une escapade hors du temps et des pesanteurs, où ne se produisirent que de petites fredaines, deviendra dans l'esprit perverti de certains un lieu de débauche et d'égarement, le berceau des pires bacchanales.

Nolhac commence alors sa narration, celle d'un conteur et celle d'un conte qui décrit les petites et grandes heures du Trianon d'abord sous Louis XV puis sous Louis XVI, toutes les étapes de la construction des bâtiments, du jardin, du théâtre, du hameau...les soirées aussi...il nous fait revivre tel un chroniqueur mondain de l'époque l'anecdotique de certains événements, mais analyse aussi toute la dimension "politique" qui opposa les tenants du jardin à la française et du jardin à l'anglaise.

Le ton est souvent nostalgique, parfois mélancolique. Nolhac sait, comme tous les romantiques, qu'il y a dans le souvenir un peu d'invention, la fabrication d'un rêve, le réel étant inatteignable car disparu.

Et qui ne peut un peu sombrer dans la rêverie quand il lit ce témoignage de François Cognel, cité par Nolhac, qui écrit à propos de Marie-Antoinette :

« Elle portait une simple robe de linon, un fichu et une coiffe de dentelle ; sous ces habits modestes, elle paraissait peut-être encore plus majestueuse que dans le grand costume où nous l'avions vue à Versailles. Sa manière de marcher est toute particulière : on ne distingue point ses pas ; elle glisse avec une incomparable grâce ; elle relève bien plus fièrement la tête, quand, ainsi que nous la voyions là, elle se croit seule. Notre Reine passa tout près du lieu où nous étions, et nous eûmes tous trois comme un désir de fléchir le genou au moment où elle passait, nous sentant partagés entre l'espérance d'être aperçus et la crainte d'être surpris.» a écrit:

Ne sommes-nous pas aussi à la lecture de ces mots, en pleine évasion, guettant son apparition !

Et c'est bien en tournant la dernière page de ce livre, que nous sortons de la douceur de cette songerie, laissant à regret cette impossibilité chimérique, puisqu'il nous faut quitter cette perambulation élégiaque.

J'ai lu un ou deux de ses ouvrages, dans le temps. Très agréable !

"...perambulation élégiaque..."

Ouh là ! Sans être inculte, je n'en suis pas encore là. Moi, j'étais plutôt dans les PUMP ! ("Prix Unitaire Moyen Pondéré" - Commerce de gros).

pilayrou a écrit:

"...perambulation élégiaque..."Ouh là ! Sans être inculte, je n'en suis pas encore là.

En ces temps de barbarie linguistique, j'aime à faire revivre des mots devenus inusités de la langue française, afin de mettre en valeur sa richesse !