Visite privilège : la chambre du cardinal de Rohan à Lavaudieu

Pénétrons dans une chambre interdite au public, la chambre du cardinal de Rohan à Lavaudieu (Haute-Loire).

• «Voilà, nous y sommes, c’est la chambre du Cardinal de Rohan. Il y a couché… » En franchissant le seuil de la porte, le premier regard se pose sur le parquet marqueté, de toute beauté, que l’homme d’Église, au cours de son exil en Haute-Loire, a foulé au moins le temps d’une nuit, peut-être davantage… C’était en juin 1786.
  
  Deux cent trente-quatre ans plus tard, la pièce tient toujours son rang. Elle a même redoré son blason après une cure de jouvence nécessaire ; les années avaient fissuré les plafonds et les murs. « Nous l’avons restaurée dans son ensemble », indiquent Béatrice et Joël Lahaye, propriétaires de la partie privée de l’abbaye de Lavaudieu, en l’occurrence les appartements et dépendances de l’abbesse. La dernière à avoir occupé ces lieux avant la Révolution française était Marie Charlotte Guérin de Lugeac, la sœur de Charles Antoine de Guérin (1720-1782), alias « le beau Lugeac », Maréchal de Camp de Louis XV.

• Une scène de la mythologie grecque
  
  « L’abbaye a été vendue par lots en 1792 à des fermiers, explique Joël Lahaye. La famille Lazinier, des aïeux de mon épouse, l’a rachetée en 1808. M. Lazinier était le médecin de la communauté religieuse. » Les diplômes du praticien, en latin, ont franchi les siècles. Désormais, ils occupent une place de choix dans la chambre du cardinal, dont les plâtres et gypseries ont été refaits, tout comme les boiseries.
  
  
  
  Se dirigeant au centre de la pièce, le couple montre « de magnifiques peintures sur toile datant des XVIIe et XVIIIe siècles. » L’une domine l’âtre, les autres sont placées au-dessus des portes. « Elles étaient abîmées, empoussiérées et parfois déchirées, précise Joël Lahaye. Nous les avons fait restaurer sous la conduite de la Drac (direction régionale des affaires culturelles). »
  
  S’attardant sur l’une d’elles, il enchaîne : « C’est une scène de la mythologie grecque. Selene, déesse de la Lune, est présentée par un ange au Pâtre Endymion, son futur amant terrestre. » Quant aux trois autres, elles évoquent « des paysages où l’on devine des voyageurs franchissant des rivières ou des mers vers des lieux apaisés ». Peut-être « le passage vers le paradis… »
  
  Et Joël Lahaye d’ajouter : « Il n’y a rien d’écrit, aucune explication, ce sont des hypothèses », qui ne font ni chaud ni froid à « 43 », le chat de la maison, qui se dirige vers les deux fenêtres aux belles dimensions. « Elles ont toutes des volets intérieurs. » Et à l’extérieur, des contrevents.

• Lors de sa visite à Lavaudieu, le cardinal de Rohan avait amené dans ses bagages « un tableau immense » le représentant et une bague, qu’il a remis à Marie Charlotte Guérin de Lugeac. L’abbesse a offert la bague à la famille Lazinier.
  
  La toile, elle, a pris une autre destination, inconnue des actuels propriétaires.
  La chambre du cardinal, enchâssée dans une enfilade de pièces, dont certaines se préparent, elles aussi, à un rajeunissement, relie Lavaudieu à l’Histoire de France.

• Pour l’anecdote, Joël Lahaye indique qu’un livre du XVIIe siècle mentionne « qu’une fille de Louis XIV », fruit d’une relation avec une de ses favorites, « aurait été placée à l’abbaye de Lavaudieu. » Peut-être qu’elle a été accueillie au deuxième étage, là « où on dit qu’il y avait un pensionnat de jeunes filles, destiné à leur éducation, aux XVIIe et XVIIIe siècles », confie-t-il. Et l’une des pièces, toujours dans son jus, ressemble à « une prison avec des barreaux… »

Merci à Jean-Luc Chabaud pour la découverte.
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