Fête que la Ville de Paris donne au Roi et à la Reine, les 21 et 23 janvier 1782, à l'occasion de la naissance de M. le Dauphin.
Le 21 janvier, Marie Antoinette part, du château de La Muette, à 9h30, et prend ses voitures de cérémonies au rond du Cours; Sa Majesté, ayant 100 gardes du corps du Roi, est accompagnée, dans sa voiture, de Mme Elisabeth, de Mme Adélaïde, de Mademoiselle de Condé, de la princesse de Lamballe et de la princesse de Chimay.
La Reine, depuis l’endroit où elle a pris ses voitures de cérémonie, a été au pas, d’abord à Notre Dame, et ensuite à Sainte-Geneviève, pour y rendre grâces à Dieu de la naissance de M. le Dauphin.
A 13h30
Sa Majesté, que les acclamations avaient suivie partout, est arrivée à l’Hôtel de Ville, où elle est reçue au bas de l’escalier suivant l’usage. En entrant dans la grande salle, la Reine y a trouvé les princes, seigneurs et dames invités, qui l’avaient précédée pour la recevoir, et pour y attendre l’arrivée du Roi: tout ce noble cortège est vêtu avec la magnificence digne d’une fête aussi éclatante.
Louis XVI part, du château de La Muette, à 12h45, et a pris ses carrosses de cérémonie au même endroit où la Reine avait pris les siens; il est escorté de 150 de ses gardes, des chevaux légers, des gendarmes de sa garde ordinaire, et du vol du Cabinet; tous ces corps marchant à leur rang ordinaire et fixé par les cérémonies.
Louis XVI est accompagné dans sa voiture de Monsieur, de M. le comte d’Artois, du prince de Lambesc, Grand Écuyer de France, du duc de Coigny, Premier Écuyer, et du duc d’Ayen, capitaine des gardes du corps en quartier.la foule est si grande sur toute du Roi, qu’elle offrait le plus brillant coup d’œil.
Il trouve la même affluence sur toute sa route jusqu’à l’Hôtel de Ville où il arrive, et où il est reçue, selon l’usage, au bas de l’escalier.
Avant de se mettre à table pour dîner, Leurs Majestés ont la bonté de se montrer plusieurs fois sur le balcon, d’où elles devaient voir le feu d’artifice ; et cette faveur du Roi et de la Reine est sentie et exprimée de la manière la plus vive, par les cris de joie du peuple immense qui était rassemblé dans la place.
A 14h45
Leurs Majestés se mettent à table, et le repas somptueux, qui leur est servi, dure 2h45. Louis XVI et Marie Antoinette sont placés au bout de la table; Monsieur est à la droite de son frère et M. le comte d’Artois à la gauche de la Reine. Mme Elisabeth se trouve immédiatement après Monsieur, Mme Adélaïde après Mme Elisabeth, la princesse de Lamballe après Mme Adélaïde, et toutes les autres dames, au nombre de 70, comme elles se sont trouvées, la table étant composée de 78 couverts.
Louis XVI est servi par M. de Caumartin, prévôt des marchands, qui lui a présenté la serviette avant de se mettre à table; et la Reine par Mme de La Porte, nièce de M. de Caumartin, qui lui a présenté la serviette. Les princes et les princesses de France sont servis par les échevins, le procureur du Roi et le receveur de la Ville. Le dîner a été préparé par les officiers du Roi, et donné par la Ville; pendant le dîner, il y a de la musique.
Après le service de la table de Leurs Majestés, on sert d’autres tables dans les salles préparées pour les seigneurs et pour les personnes de la suite du Roi et de la Reine.
Après le dîner
Leurs Majestés ont passé dans la grande salle, où elles ont tenu appartement et jeu pendant 1h30, depuis 17 heures jusqu’à 18h30.
Alors le Roi et la Reine se sont rendus avec les princes, princesses et tous les seigneurs et dames de la Cour, dans la salle où le dîner s’était déroulé, et d’où elles ont vu le feu d’artifice, après lequel la Cour est revenue dans la pièce où s’était tenu le jeu.
A 19h15
Louis XVI, reconduit au bas de l’escalier de l’Hôtel de Ville comme il y avait été reçu, est reparti de la même manière qu’il était venu; et la Reine, également reconduite au bas de l’escalier, est parti à 19h45, de la manière dont elle était arrivée:
Leurs Majestés retrouvant partout la même affluence du peuple, et les mêmes transports.
Leurs Majestés, en retournant, ont vu plusieurs des illuminations qui se trouvent sur leur route, et notamment celles de la place Vendôme, dont Leurs Majestés ont fait le tour.
Elles voient aussi en passant la brillante illumination de la place Louis XV, ayant pour regard le Palais Bourbon, dont l’illumination avait le plus grand éclat.
Les officiers des gardes du corps qui entourent les carrosses du Roi et de la Reine jettent de l’argent en plusieurs endroits.
Leurs Majestés, pendant cette journée si précieuse aux parisiens, témoignent partout la satisfaction la plus grande, et ont fait les compliments les plus honorables et les plus flatteurs au prévôt des marchands et à toutes les personnes qui ont eu la direction de cette fête.
Le feu d’artifice est disposé sur le nouveau quai, au moyen duquel la place se trouve agrandie. Il représente le Temple de l’Hymen formé par un portique de colonnes, surmonté d’un fronton et couronné d’un attique. Sur un autel élevé au centre, brûlent, pour la prospérité de la Famille Royale et celle de M. le Dauphin, les offrandes de la Nation. Devant le portique du Temple, on voit la France recevant des mains de l’Hymen l’Enfant auguste et précieux qui vient de naître. L’édifice est surmonté par des enfants et des aigles qui ornent le Temple de guirlandes.
L’Hôtel de Ville étant d’une étendue médiocre pour une si grande occasion et le feu d’artifice étant placé sur le quai, les croisés ne se trouvent plus en face, ni disposées pour jouir du spectacle de cet ensemble. Le besoin d’augmenter le local pour recevoir et placer plus convenablement Leurs Majestés et la Cour, avait déterminé à construire une galerie en retour du bâtiment de l’Hôtel de Ville, et en face du feu d’artifice.
En couvrant la cour de l’Hôtel de Ville, on en a formé une très grande salle pour le festin et pour le bal. Les deux étages d’arcades dont elle est décorée, forment des tribunes ornées de tout ce que l’art peut offrir de plus riche, et de plus varié et de plus commode.
Dans la pièce appelée la grande salle, Leurs Majestés tiennent appartement et jeu. Une des extrémités est ornée d’un dais magnifique, sous lequel était placé le portrait du Roi en pied, ainsi que les bustes du Roi et de la Reine sur des piédestaux.
Deux fauteuils sont placés sur unes estrade élevée au milieu par deux gradins.
A l’autre bout est une cheminée ornée d’emblèmes et enrichie d’or et de marbre précieux.
Tous les meubles répondent à cette magnificence, ainsi que ceux d’un appartement préparé pour la Reine à un des coins de cette salle: au côté opposé se trouve l’entrée pratiquée pour la grande galerie qui avait été construite. Cette pièce est de 48 pieds de large sur 132 de long et 28 de hauteur.
Elle sert pour le dîner de Leurs Majestés, leurs loges et celle de la Cour pour voir le feu; même richesse, même goût ornements et de meubles.
Dans les deux extrémités, on a placé des musiciens qui pendant le dîner, exécutent des symphonies du meilleur choix, et de l’autre, les morceaux de chants les plus agréables. L’édifice était couronné par un attique, divisé en pilastres et bas relief, au milieu duquel s’élève un fronton chargé de cartels et d ‘écussons aux Armes de France.
La loge de Leurs Majestés pour voir le feu d’artifice occupe les colonnes du milieu.
Le dessus de la loge est en calotte, couvert d’une étoffe cramoisie avec nervures et compartiments, surmonté d’un Dauphin.
Le 23, la place de l’Hôtel de Ville, l’édifice du feu d’artifice et la galerie sont illuminés le soir pour le bal qui doit terminer la fête. Louis XVI et Marie Antoinette honore ce bal de leur présence; mais l’affluence étonnante des masques, cet empressement irrésistible qui porte les sujets à s’approcher toujours le plus qu’ils peuvent. Leurs Majestés ne peuvent y rester plus d’une heure.
Le 27 janvier 1782, le bureau de la Ville de Paris ayant à sa tête le duc de Cossé, gouverneur de Paris, a l’honneur de remercier Louis XVI, Marie Antoinette et la Famille Royale de celui qu’ils lui ont fait d’assister aux fêtes que la Ville a données le 21 et 23 janvier, à l’occasion de la naissance de M. le Dauphin.