Qu'est-ce qui fit revenir la princesse de Lamballe?

Encore une question que je me pose, et dont la réponse n'est pas facile à trouver, en raison de toutes les fausses lettres qui circulent encore dans les biographies.   

La question du retour de Madame de Lamballe est cependant discutée par la reine et Barnave. Elle est aussi mentionnée par Madame Campan:

La première fois que je revis Sa Majesté, après la funeste catastrophe du voyage de Varennes, je la trouvai sortant de son lit; ses traits n'étaient pas extrêmement altérés; mais, après les premiers mots de bonté qu'elle m'adressa, elle ôta son bonnet, et me dit de voir l'effet que la douleur avait produit sur ses cheveux. En une seule nuit, ils étaient devenus blancs comme ceux d'une femme de soixante-dix ans. Je ne peindrai point ici les sentimens qui déchirèrent mon cœur. Il serait trop peu convenable de parler de mes peines, quand je retrace une si grande infortune. Sa Majesté me fit voir une bague qu'elle venait de faire monter pour la princesse de Lamballe c'était une gerbe de ses cheveux blancs avec cette inscription: blanchis parle malheur. A l'époque de l'acceptation de la constitution, la princesse voulut rentrer en France. La reine, qui ne croyait nullement au retour de la tranquillité, s'y opposa; mais l'attachement que lui avait voué madame de Lamballe lui fit venir chercher la mort.

Voilà donc attestée la génèse de cette bague:


https://www.facebook.com/LaPrincesseDeLamballe?hc_location=timeline

Donc, d'après Madame Campan, c'est de sa propre initiative et contre l'avis de la reine que la princesse de Lamballe est revenue à Paris.

On peut ajouter à ce témoignage de Madame Campan celui de Madame Vigée Lebrun:

A la même époque j'ai fait aussi le portrait de la princesse Lamballe. Sans être jolie elle paraissait l'être à quelque distance ; elle avait de petits traits, un teint éblouissant de fraîcheur, de superbes cheveux blonds, et beaucoup d'élégance dans toute sa personne. L'horrible fin de cette malheureuse princesse est assez connue, de même que le dévouement dont elle a péri victime; car en 1793 elle était à Turin, à l'abri de tout péril, lorsqu'elle rentra en France dès qu'elle sut la reine en danger. Me voilà bien loin, chère amie, de l'année 1779; mais j'ai préféré vous parler dans une même lettre des rapports que j'ai eus comme artiste avec tous ces grands personnages, dont il n'existe plus aujourd'hui que le comte d'Artois (Charles X), et la fille infortunée de Marie-Antoinette.

Intéressant témoignage d'où il semble ressortir que la Princesse serait rentrée en France de sa propre initiative, dès qu'elle sut la reine en danger.

Remarquons que la mémoire fait défaut à Madame Vigée Lebrun, c'est en 1791 que la princesse de Lamballe est revenue à Paris.

Un petit coup d'oeil à wiki avant de passer à la correspondance de la reine:


À la fin de l’été 1791, la princesse de Lamballe fut chargée par Marie-Antoinette d’une mission – dont on ignore les motifs – à Aix-la-Chapelle, où elle se rendit en effet. Mue par un pressentiment, elle y dicta ses dernières volontés, le 15 octobre 1791, nommant le marquis de Clermont-Gallerande son exécuteur testamentaire. Fin 1791, la reine suppliait la princesse de ne pas revenir à Paris, mais cette dernière, craignant pour la sécurité de ses biens menacés par les lois en préparation sur les biens d’émigrés, et aussi par dévouement, rentra à Paris, reprenant ses fonctions de surintendante aux Tuileries.

Selon une thèse défendue par Olivier Blanc, la princesse de Lamballe émargeait sur les fonds secrets du ministère des Affaires étrangères. Son passeport d’avril 1791 avait été délivré par le ministre de Montmorin. La presse révolutionnaire relaya bientôt une dénonciation lancée contre elle par le comité de surveillance de l’Assemblée législative. On lui reprochait d’avoir coordonné ou encouragé les activités du « Comité autrichien » et financée par les fonds de la Liste civile. Ce comité avait permis de peser dans les délibérations des comités révolutionnaires, de se rallier certains gens de plume et de faire retarder le vote du décret de déchéance. Ce qu’on appelait encore les « conciliabules de la Cour » fut avéré par de nombreuses pièces originales découvertes dans l’armoire de fer. Elles mettaient en cause un certain nombre d’individus qui avaient effectivement reçu de l’argent de la Cour et qui se sentirent soudain menacés par des témoins, tels que l’Intendant de la Liste civile Arnault de Laporte ou la princesse de Lamballe (note3).

note3: Olivier BLANC, Les Espions de la Révolution et de l’Empire, Paris, Perrin, 1995.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Louise-Th%C3%A9r%C3%A8se_de_Savoie

Les Espions de la Révolution et de l’Empire, Éditions Perrin, Paris, 1995, 371 p., (ISBN 2-262-01116-, (notice BnF no FRBNF36686644m)
Voir François Crouzet, « L’aventure des espions de 1789 à 1810 », Le Figaro, jeudi 18 février 1996 : « le livre d’Olivier blanc apporte une foule de révélations passionnantes sur le dessous des cartes, de Valmy à Waterloo… »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_Blanc

De plus en plus intéressant... Va falloir que je me procure cette étude d'Olivier Blanc...   

Je ne sais pas si vous avez la même lecture que moi, mais on dirait bien que la princesse est revenue en France pour des raisons de fidélité, mais aussi d'intérêt personnel (peur pour ses biens) et politiques.

A tout de suite, dans la correspondance de la reine.   

J'avoue avoir oublié ce débat là en effet à propos de la princesse de Lamballe   
S'il s'agit de raisons politiques, lesquelles alors?   

C'est bizarre, non?

Certains indices tendent à laisser croire que Madame de Lamballe, à plusieurs reprises, fut utilisée par la reine comme agent secret.   

Ah oui exact ça me revient   
Mais difficile à vérifier en fait!

En effet...   

Mais passionnant, comme sujet!   

Oui j'avoue   

Le problème ce sont les sources, maigres sur ce sujet j'imagine   

Attends, je plonge dans la correspondance de la reine.   

Nous sommes en septembre 1791. Barnave presse la reine, ambassadeur du roi, vraiment très fort. Il faut que la roi marque son acceptation de la Constitution. Barnave veut aussi que le roi écrive en personne aux princes émigrés... enfin, bref, il est méchamment pressant.   

Du coup, la reine lui répond le lendemain, le 29 sptembre sur tous les points qu'il a soulevés. Elle lui écrit notamment:

Quant au nombre d'émigrants, et surtout de gardes du corps qui passent de l'autre côté des frontières, le corps étant licencié, il n'y a pas de raison pour qu'ils restent ici. Au reste, on aura beau dire, ce n'est pas de notre aveu qu'ils s'en vont. Nous ne pouvons rien dire, et la plus forte preuve que nous ne sommes pas d'accord, c'est que toutes les personnes sur lesquelles j'ai vraiment des droits reviennent, nommément Mme de Lamballe que j'engage à revenir.

Il semble donc qu'il n'y ait plus de doute: c'est Marie Antoinette, pressée par les instances de Barnave (et il est lourd!   ), qui a fait revenir cette pauvre petite Lamballe.

Je me demande qui sont les autres personnes sur lesquelles la reine avait vraiment des droits.

J'avoue que je n'aime pas ça du tout...  

Bonjour,

Il me semblait au contraire que la Reine écrivait à la Princesse de Lamballe de ne surtout pas revenir se jeter dans "la Gueule du Tigre".

madame antoine

Le problème, dans la correspondance de Marie Antoinette avec la princesse de Lamballe, c'est que beaucoup de lettres (pour ne pas dire toutes   ) ont été forgées par Monsieur Feuillet de Conches. Par exemple, Stefan Zweig les rejette toutes.

Perso, je suis triste pour cette si frappant "gueule du tigre"... mais je crains qu'elle ne sorte de l'imagination de Monsieur Feuillet de Conches plutôt que de la plume de la reine...   

L'extrait que tu as mis Pim est assez parlant en effet....mais il est clairement possible qu'on ait suggéré à Marie-Antoinette de rappeler certaines personnes   
Après, elle n'a pas rappelé non plus Polignac...

Chou d'amour a écrit:

L'extrait que tu as mis Pim est assez parlant en effet....mais il est clairement possible qu'on ait suggéré à Marie-Antoinette de rappeler certaines personnes   
Après, elle n'a pas rappelé non plus Polignac...

Bien vu, Chou!   Quid de Madame de Polignac?   

Mais il y a une sérieuse différence entre les deux, puisque la duchesse avait donné sa démission et était dès lors remplacée par Madame de Tourzel. Il n'était donc plus d'actualité de la faire revenir.

En revanche, en effet, je me demande qui sont ces gens... Qui est revenu... ? La reine ne nomme que Madame de Lamballe. Peut-être, en effet, le nom de la princesse avait-il été chaudement suggéré à Marie Antoinette... ?   

J'ai un peu le même ressenti que toi sur la question.

Comme tu dis Tourzel remplaçait officiellement la duchesse de Polignac, mais je me dis que si Marie-Antoinette en était à un stade où elle rappelait d'elle-même ses meilleurs soutiens en vue de se sortir de là, elle aurait dû rappeler Polignac qui avait toute sa confiance, bien plus je pense que Lamballe. Surtout quand on sait que cette dernière avait tendance à se laisser gagner par l'émotion, faire appel à elle dans ce genre de contexte est risqué.   
Sauf si quelqu'un d'autre l'a proposé à Marie-Antoinette en effet...mais pourquoi Lamballe....dur à dire   

C'est ça. Il faudrait déterminer la part de responsabilité réelle de Marie Antoinette dans le rappel de Madame de Lamballe.

Quant à Madame de Polignac, la reine ne pouvait pas la faire revenir, c'était trop dangereux, la haine avait été trop manipulée pour se focaliser contre elle. De plus, je crois que les souverains marchaient sur des oeufs, sur ce point, vu la proximité entre les Polignac, Vaudreuil, Calonne et Artois.   

Bonjour,

Je pense en effet que la Reine en était arrivée à se méfier de tous ceux qui avaient contact avec les Princes émigrés. Mme de Polignac était trop proche de Vaudreuil.

En ce qui concerne Mme de Lamballe, il est possible qu'elle ait elle-même proposé de rentrer.

madame antoine

Tout reste envisageable en effet   
Mais je pense qu'à cette époque tout ce qui relevait de la noblesse était sujet à de gros risques, et Lamballe en faisait partie.

C'est drôle... On peut se dire qu'elle est revenue pour aider les souverains à construire avec ces messieurs de la révolution une nouvelle nation, en tant que représentante d'une noblesse nouvelle vague. Ou on peut penser qu'elle est revenue aux côtés de la reine pour lutter et jouer son rôle d'agent secret.

... C'est ce que semble inférer cette affaire de comité autrichien...   

En tout cas, tu as tout à fait raison de le pointer, Chou, en rentrant en France, elle s'est mise en danger. Elle s'est jetée dans la gueule du tigre, dirait notre ami Feuillet.   

Exact   

Il faudrait que je relise la correspondance de Barnave ou Mirabeau pour voir si eux auraient pu influencer Marie-Antoinette à ce sujet...

Barnave, c'est sûr, il n'arrête pas de presser la reine. Mais la première mention du nom de Madame de Lamballe vient sous la plume de Marie Antoinette.   A moins qu'Evelyne Lever n'ait pas publié toutes les lettres de Barnave...

Je vais relire l'ensemble de ce qui précède, en effet, pour voir...   

Cherché pas ca fait pas un pli la reine l"a rappelé pour se faire bien voir.   

Hélas, la correspondance avec Barnave prouve qu'il y a de ça, en effet...   La pauvre reine a dû le regretter mille fois par la suite, ce retour qu'elle a demandé... Et ça fait mal de se le dire.

C'est pourquoi cette question reste un noeud pour nous, passionnés de Marie Antoinette. Nous aimerions tant pourvoir exonérer notre chère Antoinette du poids de cette fatale décision...   

levengeur a écrit:

Cherché pas ca fait pas un pli la reine l"a rappelé pour se faire bien voir.   

En quoi le retour de Lamballe l'aurait aidée à se faire bien voir?   
En toute franchise c'est plutôt l'inverse qu'il s'est passé  

Mauvais état d'esprit de la Lamballe qui rentre avec des pieds de plombs.

• Un document essentiel
  
  
  
  
  
  L.A., 7 novembre 1791, [à la comtesse de LAGE DE VOLUDE]; 1 page 3/4 in-8; sous cadre.
  Belle lettre sur son retour en France auprès de Marie-Antoinette.
  [Proche amie de Marie-Antoinette, Madame de Lamballe avait quitté la France en juin 1791 pour l'Angleterre puis Aix-la-Chapelle, probablement en lien avec le projet de fuite du couple royal qui échoua à Varennes le 21 juin. Contre l'avis de tous et de la Reine elle-même, elle décida de la rejoindre à Paris le 16 octobre et de reprendre ses fonctions aux Tuileries. Incarcérée en août 1792 avec la famille royale, puis menée à la prison de la Force, elle y mourra dans les massacres de septembre.]
  
  
  
  
  • Elle a été “bien affligée de quitter le séjours d'Aix la chapelle, d'autant que tout ce que je vois ne peut être que douloureux, mais l'amitié et les bontés de la Reine, me donnent bien de la force. Trop heureuse si ma présence, et le bonheur que j'ai d'être avec elle peuvent adoucir ses peines, la manière parfaite avec laquelle elle m'a reçue, doit me dédomager du sacrifice que je lui ai fais. Je l'ai trouvée changée, mais toujours douce, et courageuse dans tous ses malheurs. J'ai été surprise de la tranquillité et de la tristesse de Paris, on est fattigué ennuyé, et en tout il y a un changement remarquable. L'assemblée est si bien dans la boüt qu'on craint qu'elle ne se détruise bien tôt sans les soins dautruit”. Elle conseille à la comtesse de ne pas rester à Aix et de profiter du congé qu'elle lui a donné, elle la préviendra ensuite “lorsque vous pourrez revenir au près de moi. Adieu! ma belle je vous embrasse de tout mon coeur.”
    
  
  
  COLLECTION AMAURY TAITTINGER : SOUVENIRS HISTORIQUES - Louis XVII, le Roi de Rome & le Prince Impérial.
  https://www.gazette-drouot.com/lots/10396896

C'est dans les lettre de Lamballe : https://maria-antonia.forumactif.com/t5809-lettres-de-la-princesse-de-lamballe#378120