29 juillet 1789: Retour de M. de Necker

Retour de M. de Necker

Écoutez les prôneurs de la révolution de 1789; ils n'ont point assez d'éloges, assez de palmes, assez de couronnes à décerner à L'assemblée Nationale ! et cependant que faisait-elle cette assemblée pendant que les plus horribles excès se commettaient, pendant que le sang coulait en place de Grève, sous les yeux du corps municipal, pendant que les têtes des victimes étaient hideusement promenées à la face du soleil dans les rues de Paris?

Cette assemblée, elle avait eu quelques jours auparavant cent cinquante mille hommes armés pour amener Louis XVI à l'Hôtel-de-Ville, pour faire passer la royauté sous des fourches caudines, et maintenant que fait-elle de tous ses soldats ?

Elle leur a donné des piques, des sabres, des fusils, des canons; pourquoi donc ne leur commande-t-elle pas de s'en servir contre les assassins ?

pourquoi demeure-t-elle muette quand un cri de terreur s'élève de partout? pourquoi les hommes qui la composent restent-ils les bras croisés quand le crime égorge tout près d'eux ?

Ah ! si l'on lisait au fond du cœur de beaucoup de ses membres, on saurait la cause de cette coupable inaction; dans l'âme de plus d'un de ces législateurs on trouverait une grande tendance à excuser les meurtres de de Launay, de Flesselles, de Foulon et de Berthier; et si l'on écoutait bien, peut-être en entendrait-on quelques-uns s'écrier :

Eh ! ce sang qui vient d'être répandu était-il donc si pur?

Cependant, il faut le dire, tous les membres de l'assemblée ne partageaient pas cette froideur et cette indifférence pour tout ce qui se passait au sein de la capitale; le comte de Lally, instruit des menaces faites contre Foulon et Berthier,avait cherché à prévenir ces meurtres en recourant à l'autorité de ses collègues.

« Ce matin, dit-il, un jeune homme pâle, égaré est entré dans ma chambre : Monsieur, ma-t-il dit, yous avez passé votre vie à défendre la mémoire de votre père injustement condamné; aidez-moi à prévenir le meurtre du mien : je suis le fils de M. Berthier de Sauvigny.

L'éloquent orateur avait à peine tini de parler que l'assemblée apprit que les meurtres étaient consommés!

Reprenant alors la parole, M. de Lally s'écria-: Vous le voyez, si vous ne faites rien, il n'en est pas de même du mal; lui avance à grands pas.

Tout à l'heure je vous demandais de prévenir le crime; à présent je vous demande justice et vengeance. Je propose une adresse pour rappeler le peuple au respect des lois.

La belle âme de M. de Lally se révéla clans son discours, et laissa éclater la plus véhémente indignation.

Robespierre, nul,obscur et silencieux jusqu'à ce jour, s'est tout à coup réveillé; on dirait le tigre qui s'anime à l'odeur du sang.

Pauvre peuple, s'écria-t-il avec le faux accent de la pitié, peuple vertueux, voudrait-on te punir d'avoir souffert si long-temps et de t'être vengé un seul jour?

Le jeune Rarnave prononça ce jour-là un de ces mots qui pèsent sur toute une vie : Je ni afflige, dit-il, des accidents arrivés dans la capitale, mais ils ne doivent pas nous occuper. Je demande si le sang qui vient de couler doit crier bien haut? Et Mirabeau osa écrire que le peuple, ayant été opprimé par l'injustice des autres classes, avait trouvé sa justice dans la barbarie même.

Pendant que l'assemblée croyait faire beaucoup en décrétant une proclamation aux Français le désordre allait toujours croissant.

Les ministres de Louis ayant reconnu leur impuissance à arrêter les progrès du mal, le roi résolut de rappeler M. Necker.

Madame de Polignac, émigrée, proscrite, fugitive , le rencontra dans une auberge de Bàle.

Elle lui annonça les nouveaux crimes commis et le retour subit de la faveur qui l'attendait. Il y a des temps où la faveur a ses périls; l'ancien ministre ne fut point retenu par cette pensée, et obéissant à la volonté royale il partit pour Versailles.

Il venait de recevoir de la main de Louis XVI la lettre suivante.