Doris
Nombre de messages : 128 Date d'inscription : 04/11/2022
| Sujet: La reine Marie-Antoinette victime d'une parodie de justice misogyne Sam 14 Oct - 18:16 | |
| Nous sommes le 14 octobre. En 1793 la pauvre Marie-Antoinette tenait tête à ses accusateurs. En vain. - Le 16 octobre 1793, la dernière reine de France est exécutée place de la Concorde, après avoir été condamnée pour haute trahison contre la sûreté de l'Etat par le Tribunal révolutionnaire, au cours d'un simulacre de procès, en pleine Terreur, visant à porter le coup de grâce à la royauté.
Marie-Antoinette sortant de la Conciergerie, conduite sur la place de la Concorde le 16 octobre 1793, Gravure d'après la peinture de William Hamilton
Marie-Antoinette naît le 2 novembre 1755 à Vienne en Autriche et rejoint la Cour du royaume de France au printemps 1770, où elle s'unit avec le futur roi Louis XVI. Elle devient reine de France en 1774, à un moment où les forces vives du royaume de France périclitent à petit feu. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, la France est plongée dans une très grande crise financière. Les dettes de l'Etat sont énormes et les défaillances économiques conduisent à une remise en question globale de la société d'ordre qui finit par éclater avec la Révolution française.
Aux côtés du roi Louis XVI qu'elle soutient de toutes ses forces jusqu'à sa mort le 21 janvier 1793, s'engage pour Marie-Antoinette une lente descente aux enfers. En 1793, dernier symbole encore vivant de la monarchie, la Terreur finit par l'accuser de tous les maux de la monarchie. Toute la lie que l'opinion publique formule à l'égard de l'État se déverse systématiquement sur elle. Son exécution à l'automne 1793 signe le dénouement d'une histoire passionnelle entre elle et le peuple français, qui atteint ainsi son paroxysme durant la Révolution durant son procès.
Elle a 37 ans quand elle est condamnée, au terme de ce qu'il faut bien appeler un procès arbitraire qui sauve à peine les apparences de légalité. Un procès nettement plus opportuniste que celui du roi Louis XVI. Sa mise en accusation coïncide avec une révolution qui s'engage plus significativement dans la violence, inaugurant la parenthèse terroriste. Son procès s'ouvre le 14 octobre 1793. Elle sait d'avance que les chefs d’accusation qui pèsent contre elle reposent essentiellement sur des "on dit". D'ailleurs, les documents cités ne sont jamais produits. Mais le tribunal révolutionnaire est prêt à tout pour faire condamner la reine. Tous ses agissements sont passés en revue et se renversent systématiquement contre elle.
Un procès politique : condamner la reine et guillotiner définitivement la royauté
Ce procès dit beaucoup de choses du processus révolutionnaire, des débuts de la Terreur et de la confrontation violente qui oppose l'Ancien Régime et la révolution. Il est l’illustration parfaite qu'en 1793, la révolution atteint son point culminant en termes de radicalisme politique. La mise en accusation de la reine est nécessaire et opportune parce qu'elle s'inscrit dans le contexte d'une République encore jeune, fragile, proclamée à peine un an auparavant. Elle est dans une situation de très grande faiblesse, intérieure d’une part parce qu’aux prises à une guerre civile régionale tournée contre le pouvoir jacobin parisien. Et d’autre part, fragilisée par la guerre extérieure contre les monarchies européennes qui menacent les frontières. Marie-Antoinette incarne ces deux ennemis de la République à la fois.
Pour sauver la Révolution, la représentation nationale, dominée par la gauche montagnarde (Robespierre, Danton, Saint-Just…) met la Terreur à l'ordre du jour, qu'elle fait exercer par un gouvernement révolutionnaire se passant de légalité constitutionnelle pour préserver les intérêts de la souveraineté nationale. Et dans ces conditions, rien de mieux que la mise en accusation de la veuve Capet pour donner des garanties à une révolution menacée par l'entreprise des traîtres contre-révolutionnaires. Dernier symbole traditionnel encore vivant de la monarchie et de l'Ancien Monde, Marie-Antoinette fait un bouc émissaire de circonstance idéal pour canaliser les passions révolutionnaires de l'automne 1793. C'est dans ce climat de peur et de haine que s'ouvre son procès.
Comme l’explique très bien l’historien spécialiste de la période de la Révolution française Emmanuel de Waresquiel, au micro de l'émission "Autant en emporte l’histoire" : "Si quelqu'un devait ou pouvait incarner cette double peine du complot d'un côté, la trahison de l'autre, c'est l'ex-reine de France. À travers elle, ce sont deux mondes, deux légitimités qui se haïssent profondément qui s'affrontent. Chacun est le traître de l'autre". Il faut exécuter symboliquement les deux membres du couple royal en humiliant davantage la reine. Rien de mieux donc que de la rattacher à cet antécédent mémoriel populaire qui en a fait la femme de tous les vices. Une réputation frivole manipulée de toute pièce par l'accusation et sur laquelle devait s'ériger, au profit de la Révolution, l'idée d'une République vertueuse et purificatrice.
Condamner "l'Autrichienne" : une réputation sulfureuse héritée de la monarchie
La Révolution choisit d'exploiter l'ensemble des agissements de la reine, surtout la mauvaise réputation dont elle fit l'objet depuis son intronisation en France, pour guillotiner avec elle sa mémoire et les derniers feux de la monarchie.
Dès les années 1770, comme le rappelle la romancière Chantal Thomas au micro du "Vif de l'histoire" : "la reine est vouée aux gémonies parce qu'elle est d'abord un corps étranger qui arrive d'un pays traditionnellement ennemi de la France". C'est la fille de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche et de l'empereur du Saint-Empire François Ier. Elle est le fruit d'une négociation entre la cour de Vienne et la cour de Versailles. Le Royaume de France tient à se prémunir de l'alliance entre l'Angleterre et la Prusse et prend des assurances du côté de Vienne pour que cesse l'hostilité séculaire si profonde entre la France et l'Autriche. Ses origines lui valent ainsi d’attirer sur elle une animosité très forte, réinvestie par le Tribunal révolutionnaire, durant son procès, qui ne cesse de l'accuser d'avoir été continuellement de connivence avec les puissances monarchiques ennemies de la France.
Au-delà de l'accusation de trahison et de complot contre la sûreté de l'État, on l’accuse d’avoir entretenu en continu des rapports avec l'empereur d'Autriche, d'avoir dilapidé les finances de la France pour faire fructifier ses conspirations. Sans aucune preuve pour l'attester. Rien ne prouve qu'elle ait été coupable de quoi que soit si ce n’est d’être la reine de France. Le tribunal ne se fonde ni plus moins que sur les libelles et les pamphlets anonymes très violents et orduriers qui dénonçaient déjà très tôt la reine scélérate en lui collant la mauvaise réputation sulfureuse d'une reine capable de toutes les horreurs, qui devait la suivre jusque sur l'échafaud.
Condamner une femme puissante
Sans compter qu'à travers sa mise en accusation, on voue aux gémonies la femme de pouvoir qu'elle a incarné malgré elle. Au même titre que les autres femmes, certes révolutionnaires, elle a payé le prix d'une société révolutionnaire exclusivement dominée par les hommes. Au-delà de ce simulacre de procès, il est impressionnant d'observer comment se constitue, autour d'elle, une véritable mythologie sinon une légende noire imprégnée par les codes misogynes de l'époque. On accuse surtout la mémoire d'une reine libre d'avoir pu constituer en son temps de règne son propre espace de vie privée, d'avoir dépassé les convenances sociales et ses devoirs de représentation en assouvissant ses plaisirs, bien que jugés malsains et scandaleux. On lui oppose une frivolité et une moralité telles qu'on semble vouloir l'accabler plus que le roi Louis XVI ne l'a jamais été lui-même.
Des chefs d'accusation basés sur une construction mentale qui remonte bien avant la Révolution française, confie Emmanuel de Waresquiel : "On remonte jusqu'aux libertés que Marie-Antoinette prenait avec la Cour elle-même, dans le fait que le roi lui offre l'univers du Petit Trianon. À travers quoi la reine disposait de son propre cercle de sociabilités, qui suscite toujours autant de fantasmes pendant la révolution. Un monde depuis lequel on l'accuse d'avoir cultivé l'art des débordements politiques. C'est là qu'on observe que le procès est avant tout un procès intenté à une femme par des hommes qui punissent la simple possibilité que les femmes puissent avoir un pouvoir de domination. La révolution reproche spécifiquement à Marie-Antoinette cette inversion des valeurs. Bien qu'il s'agisse du procès de la révolution contre une reine étrangère, c'est aussi le procès des hommes contre une femme puissante. D'ailleurs, quelques jours après son procès, tous les clubs féminins sont fermés par la représentation nationale et la reine n'est pas la seule femme à être décrétée d'accusation". Elle motive toute une série de procès de femmes, dont celui d'Olympe de Gouges, celui de Madame du Barry, révélant au passage la dimension misogyne de l'action révolutionnaire.
Ce n’est ni plus ni moins qu’un châtiment, une volonté de ridiculiser la reine en la faisant passer non pas pour une mauvaise reine, mais une mauvaise femme. En deux jours, des dizaines de témoins se succèdent à la barre pour l’accabler. Ils rapportent des allégations sans aucun fondement ni preuves à conviction, si ce n’est des faux témoignages à peine dissimulés. Le témoignage le plus représentatif étant celui du citoyen Jacques-René Hébert, administrateur de la Commune de Paris et rédacteur en chef du journal Le Père Duchesne, connu pour ses convictions révolutionnaires enragées. Appelé à la barre, il accuse la reine d'inceste sur le dauphin. C'est sans doute la part la plus violente du procès. Une accusation d'inceste intentée pour des raisons politiques dans le but de frapper au cœur la reine et la légitimité de la royauté. L'historien Emmanuel de Waresquiel explique "qu'on avilit la mère à travers le fils et le fils à travers la mère".
Voici l'accusation d'Hébert telle qu'elle a été retranscrite : "Le jeune Capet, dont la constitution physique dépérissait chaque jour, fut surpris par (le citoyen) Simon dans des positions indécentes et funestes pour son tempérament, que celui-ci lui ayant demandé qui lui avait appris ce manège criminel, il lui répondit que c'était à sa mère et à sa tante qu'il était redevable de la connaissance de cette habitude funeste. De la déclaration que le jeune Capet a faite en présence du maire de Paris et du procureur de la commune, il résulte que ces deux femmes le faisaient souvent coucher entre elles deux ; que là, il se commettait des traits de la débauche la plus effrénée".
La réaction de la reine : "La nature même se refuse à répondre à une pareille inculpation faite à une mère. J'en appelle à toutes les mères qui peuvent se trouver ici".
Le 16 octobre, Marie-Antoinette est condamnée à la peine de mort, ses biens sont confisqués au profit de la République. Il est midi quand elle monte à l'échafaud et que le couperet tombe place de la Concorde.
Lien https://www.radiofrance.fr/franceinter/les-oubliees-de-la-revolution-la-reine-marie-antoinette-victime-d-une-parodie-de-justice-misogyne-2305577 _________________ Jusque là tout va bien
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Aglae
Nombre de messages : 1674 Date d'inscription : 09/10/2016
| Sujet: Re: La reine Marie-Antoinette victime d'une parodie de justice misogyne Dim 15 Oct - 8:52 | |
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