yann sinclair
Nombre de messages : 26590 Age : 66 Localisation : Versailles Date d'inscription : 10/01/2016
| Sujet: 06 janvier 1709: Sam 28 Oct - 14:00 | |
| Le grand hyver de 1709 Le dimanche sixième janvier mil sept cents neuf jour de feste des roys commença un hyver qu’on peut appeler avec justice le grand hyver puisqu’il gasta non seulement les bleds, mais aussi tous les arbres fruitiers chênes et plusieurs des espèces de bois Le blé commença aussitôt d’être cher et continua de l’être non seulement en ladite année mais aussi en la suivante. La misère fut très grande tant de la part de la charité que des subsides que le prince devoit sur ses peuples pour entretenir une grosse armée qui ne servoit qu’a rendre témoignage des batailles que le prince Eugène et Malborau commandants de l’armée ennemie remportoient sur nous et des villes qu’ils nous prenoient. Le sildre et poiré furent fort chers le tonneau. Je le dis pour en avoir vendu un tonneau dix pistoles encore n’étoit il pas sans eau dieu nous garde d’une pareille année. Broutin prêtre curé Le 6e janvier jour des Rois 1709, la gelée commença d'une maniere si forte qu'en moins de 4 jours devint si violente que jamais ho(mme) vivant n'en avoit senti de pareille : elle dura 17 jours, pendant lesquels la disposition de l'air fut differente, tantôt clair, tantôt trouble : il tomba pendant plus(ieurs) jours une neige si fine et en telle quantité qu'il y en avoit icy pres d'un pied d'epaisseur sur la te(rre) Lorsque le tems etoit clair, il n'en etoit guere plus commode parce que le soleil sembloit ne luire qu'avec peine et a travers un air epais et malin ; Tout cela rendoit les chemins impraticables, les plus robustes etoient obliges soit a pied soit à cheval de s'en retourner sur leurs pas dans leur maisons quelque pressées que fussent leurs affaires, la plupart avoient les pieds et les mains gelées, de telle sorte qu'il y en a eu plusieurs qui on ont eté incommodes toute la vie, il en etoit de même des batteurs de grains qui s'opiniatroient a travailler et qui vouloient surmonter le froid par leur travail : Il mourut de froid beaucoup de personnes, et principalement les petits enfans, en ayant enterré 22 dans cette paroisse pendant le mois de janvier : Ce froid tout extraordinaire qu'il etoit le paraissoit encore davantage a cause de l'hyver precedent de 1708, qui avoit eté tres doux, on pourroit dire même trop puisqu'on vit les vignes pousser et montrer leur fruit dans quelques endroits, pour icy je ny ay vû que des bourres de vignes tres grosses et des arbres fleuris, co(mme) ailleurs. Dans le mois de janvier 1708 aussi c'e(tte) année n'avoit elle pas eté abondante nt ayant eu que moitié de grain des autres années et presque point de vin, c'est a dire une feillette a l'arpent tout au plus, ce qui fit que le grain etoit un peu plus cher et lors de la gelée de 1709 le froment valoit 40 S. le métail 36 a 38 S., lauvine 12 S. la velle 14 S, et ainsi des autres grains mesure de Cheroy c'est a dire pesante 40 livres la mesure de froment. Le vin etoit alors fort commun parce les vendanges de 1706 et 1707 avoient eté tres abondantes, il semblait embarasser ceux qui l'avoient, et quoy que l'année 1708 n'en eut presque point donné il ne laissoit pas d'etre commun, il valloit douze a 13 # la feillette même pendant la gelée, et on le trouvoit bien encheri parce qu'il ne valloit les années precedentes que (illisible) la feillette, ou 10 a 12 # le muid. On etoit dans une grande consternation partout pendant cette dure gelée, toutes les rivieres prises et entierement glacées ne pouvoient transporter aucunes marchandises, le froid qui faisoit mourir les animaux comme les hommes ne permettoit pas qu'on les exposât a l'air, les moulins a eau geles rendoient les farines rares et le pain plus cher, il est difficile de s'imaginer le grand nombre de moutons et de brebis qui moururent, on ne croyoit pas qu'on pourroit presque en conserver de l'espece, et de plus la crainte qu'on avoit pour les grains, les legumes et les arbres n'etoit pas le moindre mal qui tourmentât les hommes ; On attendoit avec impatience le degel, il arriva après 17 jours de cette gelée .../... (illisible), et des lors on s'apperçut que toutes les herbes même celles des champs etoient mortes, qu'un grand nombre de chénes et de gros arbres des forests etoient fendus et entierement perdus de la gelee, tous les arbres fruitiers des jardins et vergers perdus excepté les plus jeunes de 4 a 5 et 6 ans, les cerisiers, les groseliers, et quelques pruniers tous les autres jeunes arbres fruitiers, ils poussoient seulement du pied, le reste etant mort, et c'est en cela que je dit qu'il etoient encore un peu bons : A l'egard des grains tout fut perdu, et on les voyoit comme si on y eut mis le feu. On fut dans cet etat jusques a la fin d'avril, esperant que la saison feroit pousser de nouveau les grains. On s'applique, même a Paris, a connoitre de quelle maniere on devoit se comporter a la campagne, et on ecrivit dans toutes les maisons de campagne de ne point toucher aux arbres, mais de les laisser sans les tailler. Le Parlement deffendit de rompre les bleds et d'y faire de nouveaux guerets pour y semer d'autres grains, pretendant qu'il y avoit un germe en terre qui devoit absolument pousser. Il sembloit assez bien fondé, parce qu'après le degel de la grande gelée, il y eut des bleds en plusisurs endroits, qui paroissoient un peu verts et vouloir pousser un nouveau tuyau, mais une nouvelle gelée qui arriva au commencement de mars et qui dura environ 14 jours avoit achevé de perdre les bleds et les legumes des jardins. peut etre parce qu'elle avoit eté precedée de longues pluyes, jamais on n'ent plus de peine a faire les avoines qui demeurerent en beaucoup d'endroits. Pendant ce tems le bled alloit toujours en augmentant, et ce qui valloit il y a 8 jours 40 S. en valloit aujourdhuy 50. en sorte qu'il valloit a la fin de mars où au commencement d'avril 4# le froment, et a proportion les autres prains, mais plus encore l'avoine, qui de 12 S. qu'elle valloit au mois de fevrier monta jusque a la moisson, ou elle valloit 15 S. Le Roy et le Parlement qui connurent qu'il auroient mal fait d'empecher de labourer les terres ou il y avoit en des bleds, le permirent par un arret du 15e avril et deffendirent de vendre des grains ailleurs que dans les marchés ; Il n'etoit plus tems dans quelques endroits, en d'autres on avoit prevenu la persission du Roy, mais co(mme) on vit absolument dans le mois de may tous les bleds manquer, on se jetta sur l'orge, le bled sarazin, et la velle pour rensemencer avec tant de forces qu'il le faisoit souvent des l'emeutes populaires dans les marches pour en avoir, tant il y avoit presse, surtout lorsq- que de de 14 S. qu'elle valloit au mois de janvier vint a onze livres, et le bled .../... sarrazin qui auroit vallu 7S. l'année precedente valloit au mois de may jusque a 14# le bichet. Les huiles augmentoient tous les jours de prix d'autant que les oliviers en Provence et partout les noyers etoient morts, ce qui rendit le bois a tres vil prix dans ces contrées lorsqu'on vit qu'il falloit abbattre tous les noyers : parmi les arbres les jeunes sauvageons echapperent (a) la gelée et quelques pommiers, mais a mesure que les chaleurs augmentoient (on) s'appercevoit que des arbres qui avoient poussé et fleuri, sechoient et se mourroient peu a peu. Les vignes (dans les contrées ou on les taille près de terre) sembloient pousser un peu de fruit parce qu'elle n'etoient gelées que depuis deux doigrs près de terre en montant, mais le tems et les saisons furent si contraires que tout le fruit qui avoit paru perit, et on ne fit point de vin du tout, c'est a dire que tout etant bien ramassé, a Cheroy n'avoit pas fait 6 feuillettes, je ne dit pas de vin mais de verjus tant le fruit etoit mauvais, et peu muri : ailleurs ou on taille haut elles etoient entierement gelées. A l'egard du grain quelque ordre que les Magistrats majeurs et inferieurs missent dans les marchés ou il n'etoient pas souvent les maitres, ils ne pouvoient en empecher l'augmentation, car il monta jusques a 10. a 15#. le froment, et pour moy qui fut un peu surpris par les marchands, je le vendis 9#. meteil et froment prit ensemble et dans mon grenier au mois de septembre : On vouloit dans les Provinces qu'on le taxât au Parlement, on ne pût y reussir ; il est vray qu'il diminua tout le reste de l'année de 40 ou 50 S. par bichet, peut etre fut-ce a cause de l'abondance de l'orge qui etoit venue si a propos que tout le monde en mangeoit du pain, dans lequel même les indignens meloient un peu de velle, les pauvres quelques fois faisoient du pain de velle tout pur sans autre melange ; l'orge eut après la moisson different couts, mais elle n'etoit gueres au dessus ny au dessous de 4# le bichet jusques a Noël, la velle 45 S. l'avoine 25S. et ainsi des autres grains, tout les vivres suivoient les grains et etoient fort chers, j'oublioit de remarquer que les oeufs (surtout les frais) etoient si rares pendant l'hivert qu'on en a vû acheter a Paris 3# la piece. On s'attendoit encore a voir des maladies regner pendant l'eté, mais co((mme) il fut asses temperé, il ny en eut point. La moisson ne laissa pas d'etre difficile a .../... faire, a cause des pluyes tres frequentes, qui endommagerent les re(co)ltes ? dans les champs, mais dont le grain neanmois n'en fut que plus propre a faire du pain, parce qu'ellle n'avoit pas une odeur si forte que lorsqu'elle a eté (reco)ltée ? seche ; Je laisse aux curieux a rechercher ce qui se passa ailleurs de singulier Remarques sur l'année 1710 qui ont eté faittes icy a cause de la suitte qu'elles ont avec les predecentes. L'experience des maux soufferts l'année predecente en faisoit apprehender de plus grands pour celle cy, mais malgré l'apprehention de tout le monde le grain diminua extraordinairement ; ce qui y contribua beaucoup fut les visites qu'on faisoit des greniers et des granges, l'obligation ou on mettoit ceux qui avoient des grains de les vendre, et le bled etranger que le Roy fit venir en son Royaume, qui quoy que gâté lors qu'il etoit en france ne laissoit pas de servir. Le prix des grains pendant le cours de l'année fut donc a peu près au mois de janvier 7# le froment, 6#.10s le meteil bon, 4#. l'orge (qui etoit presque le seul grain qu'on vit dans les marches) 54s. la velle, l'avoine 30s. le bled sarrazin n'avoit point de cours, car on ne s'en soucioit pas, il se vendoit jusques a 40s. et vint toujours a diminuer plutôt que les autres grains tant on l'estimoit peu, car etant mal venu l'année precedente, on en ressema point, non plus que de millet. Au mois de fevrier et de mars, le froment se vendoit 5#.10s. et jusques a 6#. le bon, meteil 5#. l'avoine 18s., l'orge 50 et 55s., le velle 30s. Au mois d'avril et de may l'avoine eut même cours, le froment se vendoit 4#. ou 4#.10s. le meteil 3#. et 3#.5s., l'orge 36, 38, 40, et jusques a 42s.. Au mois de juin et juillet le froment ne passoit gueres 3#.10s., le meteil 50s. et l'orge de même que les mois precedents, et la velle 20s. co(mme) les 2 mois precedent. Si- tôt que la moisson arrive l'orge diminua de 20s. en 3 semaines et se vendit .../... sur ce prix la tout le reste de l'année, c'est a dire 19. 20 et 22s. Le beau bled pour semer se vendit encore un peu cher, le froment 30#.10s., 3#.58s., le meteil jusques a 50s. le beau, l'avoine 15s. toute l'année. Si tot que le mois d'octobre fut venu, le froment vint a 42s. et même en vint a de certains marches le (illisible) 25s. quand il etoit bon, quelque fois un peu plus ou un peu moins selon les marches. La velle valloit 10 a 12s. Cependant il ny avoit eu gueres que la moitié des terres rensemencées en blé, et dans le commencement de la moisson lors que les segles commencoient a etre serres, il fit une foudre et des vents si furieux pendant deux demi journées differentes, deux jours entre deux, que plus de la moité des grains furent perdus dans les champs ou ils etoient a moissonner, et surtout le froment et le bon meteil, et pour plus grand malheur c'est que ces vents furent uviversels partout le Royaume, il ne demeura non plus presque point de fruits sur les arbres qui etoient echappés de l'hivert precedent, et qui en etoient passablement charges, de sorte que ce n'etoit pas sans sujet qu'on croignoit ; d'ailleurs les vignes auvoient gelé plusieurs fois, en sorte qu'il ny etoit rien resté, et cela fut encore universel, on fit encore moins de vin que l'année precedente, et il n'etoit pas bon, il fut toujours cher, vieil ou nouveau, son prix etoit odinairement 100# le poinçon, 40 ou 50 etoit la m(oyenne ?); On remarque que les 2 ou 3 premiers jours de juillet il gela blanc comme il fait au Printems, lorsque les vignes sont gelées. Il y eut cette année beaucoup de fievres putrides et malignes, du pourpre, des rougeolles, fauttes plurelier, et autres maladies qu'on disoit etre contagieuses et dont les plus jeunes, les plus forts, et même les plus commodes mourroient, ce qui fut aussi universel, il y avoit dans le sang de toutes les pers(onnes) qu'on seignoit de la mauvaise qualites que les Medecins les plus habiles sembloient ny rien connoitre, ce qui oblidea le Roy d'envoyer en quelques endroits des Medecins habiles, co(mme) a Montargis et ailleurs : il est vray que cette paroisse ne fut pas si violemment attaquée que beaucoup d'autres, mais il y a eu beaucoup d'endroits ou le quart et même le tiers des habitans etoient morts cette année. Je laisse les autres remarques touchant les affaires d'etat qu'on pourra voir ailleurs. Juin. _________________ 👑 👑 👑 ⚜ ⚜ |
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