Le Boudoir de Marie-Antoinette

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 Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France

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pimprenelle

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MessageSujet: Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France   Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France Icon_minitimeJeu 6 Nov - 18:52

Trouvée dans Le Point, une interview de Simone Bertière qui décrit et explique le métier de reine de France. Comme l'ensemble du travail de cette historienne, cet entretien présente l'avantage de replacer Marie Antoinette dans la série des reines de France. Wink

Le Point : Comment choisit-on une reine ?

Simone Bertière : Jusqu'à la fin du XVe siècle, le mariage permet d'acquérir des terres. L'épouse doit apporter une province. Le cas se présente pour la dernière fois avec Anne de Bretagne, mariée à Charles VIII. Pour parer à toute éventualité, le contrat de mariage prévoit que, si elle devient veuve, elle épousera le roi suivant. Ce qui se produit. Elle épouse Louis XII. C'est l'origine du rattachement de la Bretagne à la France. Mais les souverains étrangers ont compris le danger très tôt, ils évitent de donner en mariage une héritière qui amputerait leur pays. Anne d'Autriche renonce donc à son héritage paternel. On compense par le versement d'une dot, 500 000 écus. Le montant fut identique lorsque Marie-Thérèse épousa Louis XIV, mais la France savait l'Espagne incapable de payer la dot, d'où des revendications territoriales ultérieures.


Si on ne peut plus obtenir de terre, si la dot est problématique, comment fait-on ?

On recherche les alliances. Les chancelleries ont une liste avec les princes d'un côté, les princesses de l'autre, leur date de naissance et les précisions requises. On espère qu'un mariage entre les enfants de deux pays maintiendra la paix. Catherine de Médicis est choisie pour s'assurer l'appui du pape, son oncle. Anne d'Autriche, pour Louis XIII, et Marie-Thérèse, pour Louis XIV, visent à resserrer les liens avec l'Espagne. Marie-Antoinette est destinée à raffermir l'alliance nouvelle avec l'Autriche, ennemie héréditaire. Pour Louis XV, la légende dit qu'il y avait quatre-vingt-dix-neuf prétendantes. On avait vu large, mais, à la fin, il ne resta plus que Marie Leszczynska, fille d'un roi de Pologne détrôné. Par un heureux hasard, son père apportera la Lorraine à la France.


Une reine est faite pour avoir des enfants. Mais comment savoir ?

Des ecclésiastiques s'occupaient de la chose. Ils consultaient la Cour désignée, où les médecins s'assuraient que la candidate était bien réglée, que sa santé était bonne. Pour se faire une idée de sa fécondité, on regardait la mère, en se fiant à l'hérédité. Comme Marie-Thérèse d'Autriche avait eu seize enfants, on espérait que sa fille Marie-Antoinette suivrait.


Comment se déroule le mariage ?

Il y a une première cérémonie dans le pays d'origine. Les cours étrangères sont méfiantes : si leurs filles partaient non mariées, elles pouvaient être répudiées (c'était arrivé à deux reprises avec la France). Après la signature d'un contrat, on organise donc une messe nuptiale où un grand seigneur français représente le roi de France. Il s'ensuit une somptueuse cérémonie, car, en matière de fastes, le pays d'origine veut être à la hauteur du pays de destination. Comme les futurs mariés ne se connaissent qu'à travers des portraits, souvent flattés, les déceptions sont possibles (c'est le cas de Louis XIV à la vue de Marie-Thérèse), mais c'est trop tard.


Que se passe-t-il quand elles entrent en France ?

Au Moyen Age, où la pudeur comptait moins, on les faisait examiner pour voir si elles n'avaient pas de difformité cachée. Plus tard, on se contente de les habiller à la française. Elles sont abandonnées par leur suite et passent entre les mains de la suite française. Pour éviter l'espionnage, pour favoriser l'assimilation de la reine, mais aussi parce que les charges dans la maison de la future reine sont héréditaires et tenues par des personnes de la très haute aristocratie : pas question de les donner à des étrangères.


Dans quel état d'esprit sont les reines ?

Elles ont le trac, sont dépaysées. Anne d'Autriche avait 15 ans, elle était très mélancolique. Marie-Antoinette, 14 ans et demi, avait grand-peur. Elle est accueillie par Mme de Noailles, sa nouvelle dame d'honneur. Elle aurait dû se contenter de la saluer, or elle se jette dans ses bras en pleurant. Elle montre ses sentiments, ce qui ne se fait pas.


Quand rencontrent-elles leur époux ?

Le roi fait un petit bout de chemin. Pour celles qui arrivent du sud, la rencontre se passe à Fontainebleau. Pour celles qui arrivent de l'est, c'est à Compiègne, dans la forêt. Les carrosses royaux attendent. On annonce l'arrivée du cortège de la future reine. Elle descend. Le code exige qu'elle se précipite aux pieds du roi en titre. On la relève, on se donne l'accolade et on monte en carrosse. Le premier contact est difficile. Elles sont peu communicatives, elles sont ivres de fatigue. La bénédiction nuptiale aura lieu le lendemain. Avec Marie de Médicis, Henri IV a voulu consommer sur-le-champ. Marie a eu un haut-le-coeur : « Mais la cérémonie est pour demain. » Il lui a répondu : « Mais non, nous sommes déjà mariés. » Elle a finalement accepté et les choses se sont bien passées.


Comment prépare-t-on les reines à leur vie conjugale ?

On maintient les reines dans l'ignorance comme on le fait pour toutes les filles. Dans le cas de Marie-Antoinette, sa mère l'a prise avec elle plusieurs nuits avant son départ pour lui expliquer ce qui l'attendait, avec pour seule consigne : se laisser faire. Mais quand le jeune époux ne sait pas s'y prendre, comme Louis XIII avec Anne d'Autriche, le mariage n'est parfois consommé qu'au bout de plusieurs années. Luynes, le connétable, a pris Louis XIII par la peau du cou, l'a mis dans le lit d'Anne d'Autriche, le sommant de passer à l'acte.


Comment se déroule la nuit de noces ?

On les met en public dans le lit préalablement béni. On installe d'abord la jeune femme, puis on amène le mari. La famille royale est regroupée autour d'eux, avec un nombre important de courtisans. L'usage veut qu'on leur donne des encouragements gaillards. Une sorte de tradition populaire à laquelle Louis XV a participé lors du mariage de son petit-fils avec Marie-Antoinette. Puis on ferme les rideaux du lit.


On se retire de la pièce ?

Il reste des valets ou des nourrices. Le lendemain matin, on se rend au lever. S'est-il passé quelque chose ? Si c'est oui, ils disent qu'ils sont contents l'un de l'autre, selon la formule consacrée. Louis XV s'est vanté de s'y être livré sept fois. Il avait 15 ans et il était très vigoureux. S'il ne s'est rien passé, on surveille les draps, on soudoie des femmes de chambre pour savoir à quoi s'en tenir.


Accouchaient-elles en public ?

Oui, pour éviter les substitutions d'enfant. Il faut s'assurer de la continuité, puisque c'est la dynastie qui est détentrice de l'onction divine. On met les reines dans un cocon dès qu'elles sont enceintes. On se souvient de la jeune Anne d'Autriche, enceinte, qui galopait un soir avec son amie la duchesse de Chevreuse à travers une salle mal éclairée. Elle bute contre un coin d'une estrade : le lendemain, elle fait une fausse couche. Louis XIII ne lui a jamais pardonné. On prend aussi la précaution de ne pas lui révéler immédiatement le sexe de l'enfant. L'émotion serait trop forte, risquerait de lui causer un choc trop rude.


S'occupent-elles de leurs enfants ?

Non. Une surintendante des enfants royaux supervise leur éducation. Les mères les voient peu. La seule qui vive avec ses enfants est Anne d'Autriche, car à leur naissance elle est quasi cloîtrée à Saint-Germain. Elle a été prise en flagrant délit de correspondance avec l'Autriche, avec qui on est en guerre. Elle reste là avec ses enfants, qu'elle adore. C'est la seule à avoir pu les éduquer, avec Marie Leszczynska, qui a eu aussi de l'influence sur les siens.


Le roi voit-il souvent la reine ?

A Versailles, ils logent aux deux extrémités de la galerie des Glaces. C'est toujours le roi qui vient visiter la reine, la nuit. Ils n'ont pas d'appartement commun. En principe, chacun prend ses repas chez soi, mais le roi peut venir manger chez la reine. Henri IV s'invitait quelquefois ou lui envoyait du gibier ou un mot aimable. Mais il y a les repas publics (au grand couvert). Marie-Antoinette mangeait comme un moineau : Louis XVI, qui était un ogre, avait à peine commencé à manger qu'elle faisait signe aux domestiques d'apporter le plat suivant. Et tout le monde riait.


Les reines ont-elles pu influencer les rois ?

Hormis les régentes, elles n'ont pas eu beaucoup d'influence. Catherine de Médicis n'en a eu aucune sur Henri II, car Diane de Poitiers régentait tout. Anne d'Autriche n'en a eu aucune, sinon négative. Marie Leszczynska a tenté de ramener Louis XV à la religion, en vain. Marie-Antoinette n'a d'influence importante sur son mari que quand la Révolution éclate. Louis XVI est dépressif et elle essaie de prendre la direction du couple. Elle n'y parvient pas. De toute façon, c'est trop tard. Finalement, des maîtresses comme Diane de Poitiers ou la Pompadour ont eu plus de pouvoir.


Y a-t-il eu des cas de séparation ?

Officieusement, oui : Louis XV et Marie Leszczynska. Ils vivent en parallèle, mais elle continue de remplir ses fonctions. Comme Louis XV déteste être en représentation, c'est elle qui fait tourner la Cour. Il la respecte d'ailleurs. Tous respectent leur épouse, même s'ils la trompent. Louis XIV continue de traiter Marie-Thérèse en reine et exige que tout le monde en fasse de même. C'est une question de principe.


Qui est en charge de la reine ?

Sa « maison », à la tête de laquelle on trouve la dame d'honneur, un grand personnage qui dirige sa vie quotidienne. Elle a sous ses ordres la dame d'atours qui s'occupe de ses vêtements, de sa toilette. Ensuite, il y a des dames qui l'entourent et lui rendent de menus services. Tous ces privilèges se transmettent de mère en fille car, avec le temps, la Cour est de plus en plus figée. Il y a parfois aussi une surintendante. Si l'on a envie de confier un poste important à une femme, on la nomme surintendante, un passe-droit, mais elle fait alors double emploi avec la dame d'honneur, d'où de terribles rivalités.


Y a-t-il un médecin attitré de la reine ?

Il y en a même des kyrielles. Des médecins, des chirurgiens, même si la reine est moins suivie que le roi. Elle a aussi un aumônier, des chapelains. Elle a également un confesseur de son pays d'origine, pour qu'il ne puisse pas y avoir de doutes sur la validité de l'absolution qui lui est donnée. Il y a aussi un personnel pour les occupations artistiques, la musique.


A quoi occupe-t-elle son temps ?

La reine est la maîtresse de maison au sens moderne du terme. Elle règne sur les activités d'agrément à la Cour, choisit les divertissements et les dirige. Dans les ballets à thème ou costumés, qu'on préparait pendant des mois, la reine jouait un rôle d'organisatrice. Mais lors des grands bals, elle n'avait pas le droit de choisir ses partenaires. A la Cour, on joue beaucoup de musique pour meubler le silence. Certaines reines sont mélomanes, comme Marie Leszczynska, qui a invité Farinelli et le petit Mozart. Marie-Antoinette a introduit Gluck en France. On apprécie aussi le théâtre. On fait venir des troupes. Anne d'Autriche se cachait derrière des grillages pour assister aux spectacles quand elle était encore en deuil. Toutes les reines ont la passion du jeu, même si l'Eglise le réprouve. Marie Leszczynska, très pieuse pourtant, raffolait du cavagnole, l'équivalent de notre loto. Marie-Antoinette allait chez sa surintendante, Mme de Lamballe, et faisait venir des banquiers de Paris pour tenir la banque et jouer gros jeu.


La reine peut-elle avoir un « commerce » galant avec des hommes ?

Le Moyen Age offrait plus de libertés et certaines en ont abusé. Voyez l'histoire de la tour de Nesle [NDLR : épouses de Louis X et de Charles IV, Marguerite et Blanche de Bourgogne, accusées d'adultère, sont arrêtées. La première est assassinée, la seconde se retire dans une abbaye]. On admet ensuite une sorte de cour formelle, car la reine est la plus belle, beauté à laquelle il faut rendre hommage, par exemple après une victoire lors d'un tournoi. Mais c'est très codé. Un jour, le duc de Bellegarde demande à Anne d'Autriche ce qu'elle ferait si quelqu'un lui déclarait sa passion. Elle répond : « Je le tuerais. » Et il s'écrie : « Je suis mort. » C'était du marivaudage en public : tout le monde rit et cela ne va pas plus loin. Si Marie-Antoinette a pu être la maîtresse de Fersen, c'est à la fin, au moment où la Révolution a détruit toutes les structures de la Cour.


La reine n'est jamais seule ?

Elle doit être à la fois visible et inaccessible. Il faut préserver la dynastie. On ne doit pas douter de la légitimité des enfants. Donc elle ne sort qu'entourée. Quand elle se promène en carrosse, elle est toujours flanquée de sa dame d'honneur et escortée par des gardes à cheval. Plus on la voit, mieux c'est. Mais à distance toujours. Marie-Antoinette a choqué le jour où elle a conduit elle-même un cabriolet. Dans la Cour, telle qu'elle s'est figée au XVIe siècle, la reine devait prodiguer ses faveurs en fonction du rang que chacun occupait dans la hiérarchie. Marie-Antoinette fut la seule à choisir ses amies et on le lui a reproché. Les reines sont surveillées, même leurs correspondances sont passées au crible. Louis XIV avait fixé rigoureusement les règles de vie. La reine devait être en grande tenue du matin au soir, embrigadée dans la représentation, et l'Europe entière défilait pour la voir.


Comment peut-elle s'en échapper ?

Paradoxalement, par la religion. La reine est plus religieuse que le roi. C'est une question d'éducation, c'est aussi une question d'image. La reine doit incarner pour le peuple la femme idéale, l'épouse, la mère, le modèle étant la Vierge Marie. Toutes adorent faire la tournée des couvents. La pionnière est Marie de Médicis, très entourée de jésuites. Dans les monastères de femmes, la reine est admise à l'intérieur de la clôture. C'est un privilège. On lui sert du chocolat à la cannelle, des petits gâteaux, on papote, elle y a des amies. Elle y est finalement plus libre qu'à la Cour. Les églises aussi organisent de grandes fêtes pour leur saint patron. Un bon moyen de s'échapper. Versailles était une prison pour les reines. Marie-Antoinette, elle, n'avait qu'une envie, filer à Paris. Pas pour visiter les couvents ! Elle préfère aller au bal de l'Opéra et fait scandale. Etre reine n'était pas chose aisée. La France, avec l'Espagne, est le pays où les reines ont été le plus enfermées. En Autriche, et surtout en Angleterre, elles étaient plus libres

http://www.lepoint.fr/culture/2009-05-07/24-heures-de-la-vie-d-une-reine/249/0/341493

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MessageSujet: Re: Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France   Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France Icon_minitimeVen 7 Nov - 9:53

Cet article est vraiment très complet et instructif tout en synthétisant la chose, merci Pim Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France 454943

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MessageSujet: Re: Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France   Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France Icon_minitimeSam 8 Nov - 10:39

C'est Simone Bertière, Chou! La maîtrise magistrale du sujet des reines de France! Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France 580524

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MessageSujet: Re: Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France   Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France Icon_minitimeMer 12 Nov - 10:21

C'est vrai qu'elle est douée et ça se ressent encore dans cet article Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France 914132

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MessageSujet: Re: Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France   Pour Marie Antoinette et les autres, le métier de Reine de France Icon_minitimeSam 15 Nov - 13:38

Merci pour cet article passionnant sur le métier pas toujours facile de reine de France.
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