Le Boudoir de Marie-Antoinette

Prenons une tasse de thé dans les jardins du Petit Trianon
 
AccueilAccueil  PortailPortail  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Le Deal du moment : -28%
Brandt LVE127J – Lave-vaisselle encastrable 12 ...
Voir le deal
279.99 €

 

 Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot)

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
pimprenelle

pimprenelle


Nombre de messages : 40561
Date d'inscription : 23/05/2007

Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot) Empty
MessageSujet: Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot)   Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot) Icon_minitimeVen 26 Déc - 23:05

Merci mille fois à l'auteur du blog dont je vais donner la référence pour avoir partagé avec nous la description très touchante, poignante même, qu'André Castelot a faite des derniers moments du roi Louis XVI.

C'est ici: http://lesroissouterrains.over-blog.com/2014/12/25-decembre-1792-dernier-noel-de-louis-xvi.html


25 DECEMBRE 1792 : DERNIER NOEL DE LOUIS XVI


Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot) Ob_4fc10
DERNIER PORTRAIT CONNU DE LOUIS XVI, PAR DUCREUX


Il était six heures.

Le jour du mardi 25 décembre 1792 - le premier Noël républicain - n'était pas encore levé. On quittait tôt son lit alors à Paris, mais les rues étaient désertes. Nombreux étaient, en effet, les Parisiens qui avaient assisté à la messe de minuit. Sans doute, la veille, le procureur de la Commune, Chaumette, avait-il arrêté que la messe de minuit ne serait pas célébrée, mais les commissaires dépêchés par l'hôtel de ville n'avaient pas point réussi à faire fermer les portes des églises. A Saint-Eustache, l'officier municipal Beugnon, maître-maçon de son état, avait même été si fortement houspillé par les habitantes du quartier des Halles, que tout à l'heure il montera de garde à la tour du Temple le visage balafré par les ongles des citoyennes estimant que la liberté récemment acquise devait permettre de célébrer comme on l'entendait la naissance de l'Enfant-Dieu. N'était-on pas en république depuis plus de deux mois?

Il était six heures.

Au deuxième étage de la sinistre tour du Temple, Cléry, le valet de chambre de Louis XVI, se leva et, suivi du municipal de service qui avait passé la nuit sur un lit de sangle posé au travers de la porte, il entra chez le roi.

Le commissaire, qui, selon l'usage, avait pris son service la veille à dix heures du soir, n'avait pas encore vu Louis XVI, mais, durant toute la nuit, les ronflements du prisonnier - "un ronflement continuel et des plus extraordianaires", racontera l'un deux - l'avait tranquilisé sur la présence du détenu. Louis XVI écarta les rideaux de son lit, regarda le commissaire debout dans la pénombre et se demanda s'il l'avait déjà vu.

Cléry alluma le feu, tandis que le roi passait sa robe de chambre. Il semblait avoir vieilli ; une barbe de plusieurs jours couvrait ses joues amaigries. La peau lui brûlait et il se passa, comme plusieurs fois par jour, de l'eau fraîche sur le visage. La Commune lui avait enlevé ses rasoirs et ne les lui rendra que le lendemain matin, 26 décembre, pour sa seconde comparution devant la Convention érigée en tribunal.

Le roi se retira dans son cabinet aménagé dans l'une des tourelles flanquant le donjon. La porte demeurée ouverte permit à l'officier municipal de ne pas perdre son prisonnier de vue. Il y avait dans cette pièce minuscule un petit poêle en faïence que Cléry venait d'allumer, une table et trois chaises de cuir. Dans un bréviaire qu'il avait fait acheter, Louis, agenouillé, commença à lire l'office de Noël, puis, comme chaque matin, celui des chevaliers du Saint-Esprit.

Il se releva.

La tour si sonore dans la journée demeurait encore silencieuse. A l'étage supérieur, Marie-Antoinette, Mme Elisabeth, Mme Royale et le petit dauphin - on l'avait enlevé à son père quinze jours auparavant - n'étaient pas encore réveillés. "Il ne faisait pas jour chez la reine", selon la jolie expression du temps, en usage à Versailles et aux Tuileries.

Depuis le début de son procès, le roi avait été séparé de sa famille, mais grâce aux garçons-servants - ils venaient de la Bouche des Tuileries - les prisonniers parvenaient à correspondre. Bien mieux, depuis quelques jours, Cléry avait donné l'idée au roi de faire passer des billets par la fenêtre de sa chambre à l'aide d'une pelote de ficelle dont Mme Elisabeth, à l'étage supérieur, tiendrait l'une des extrémités. Les hottes de bois qui masquaient en partie les croisées facilitaient l'opération qui s'éffectuait la nuit.

Le roi s'est assis devant sa petite table. La Commune lui avait accordé quelques jours auparavant des plumes, de l'encre, et du papier. De sa fine petite écriture, il commença à écrire :

"Au nom de la très sainte Trinité, du Père et du Fils, et du Saint-Esprit. Aujourd'hui, vingt-cinquième jour de décembre, moi Louis XVIe du nom, roi de France, étant depuis quatre mois renfermés avec ma famille dans la tour du Temple à Paris, par ceux qui étaient mes sujets... de plus, impliqué dans un procès dont il est impossible de prévoir l'issue, à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyens dans aucune loi existante ; n'ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m'adresser, je déclare ici en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments..."

Son procès!

La première audience avait eu lieu juste quinze jours auparavant... et, en ce matin de Noël, écrivant ses dernières volontés, Louis revivait par la pensée cette terrible journée du onze décembre.

C'était un mardi, un mardi, comme ce jour de Noël. Ce matin-là, il avait joué au Siam - un genre de jeu de quilles - avec son fils. L'enfant n'était point parvenu à dépasser seize points.

- Toutes les fois que j'ai seize, avait-il soupiré, je ne puis pas gagner!

Le roi se souvenait de son entrée dans la salle de la Convention. Devant tous ces regards qui s'étaient posés sur lui, il s'était senti gêné.

- J'étais bien loin de penser à toutes les questions qui m'ont été faites, avait-il dit à Cléry en regagnant le Temple.

Ces questions l'avaient désarçonné et à chacune d'elles il n'avait pu que répondre :

- Je ne me rappelle pas ce qui s'est passé dans ce temps-là... Je n'ai aucune connaissance de cela...

Cette dernière phrase était revenue comme un leitmotiv tout au long de cette pénible journée.

- Je n'ai aucune connaissance de cela... aucune!

C'est le pendant du célèbre Rien que l'on trouve reproduit tant de fois sur chaque feuillet du carnet intime du roi. Demain, 26 décembre, journée consacrée aux plaidoiries, ses défenseurs pourraient dire à la Convention stupéfaite :

"Savez-vous, messieurs, à quel travail l'accusé qui comparaît devant vous s'est livré au cours du mois de juin 1792? Tandis que la capitale s'agitait, tandis que le peuple de Paris s'apprêtait à prendre d'assaut les Tuileries, tandis que les journées fiévreuses s'ajoutaient aux journées fiévreuses,  de sa calme écriture de comptable, les lunettes sur le nez, le maître du royaume de France recopiait un long travail qui lui avait demandé plusieurs jours. Ce travail le voici :

"De 1775 à 1791, je suis sorti 2636 fois de chez moi."

"Oui, messieurs, telle était alors l'occupation du roi! Cela ne vous suffit point? Alors, ouvrons son journal au hasard :

                                                                     1789

Juillet, 10 : Rien, réponse à la députation des Etats.

Juillet, 11 : Rien, départ de M. Necker.

Juillet, 12 : Vêpres et salut, départ de MM. de Montmorin, Saint-Pri(e)st et La Luzerne.

Juillet, 13 : Rien.

Juillet, 14 : Rien.

Juillet, 28 : Le mauvais temps m'a empêché de sortir.

Juillet, 29 : Rien, retour de M. Necker.

Juillet, 31 : La pluie m'a empêché de sortir.

Le pauvre homme! comme disait Marie-Antoinette a ses amis, en avançant la pendule du salon pour que le trouble-fête s'en aille plus vite se coucher. Un jour, son fils lui avait demandé :

- Je voudrais vous dire quelque chose. Pourquoi votre peuple qui vous aimait tant est-il tout à coup fâché contre vous? Qu'avez-vous fait pour le mettre si fort en colère?

Ce qu'il avait fait? Rien, bien sûr! Peut-être, par excès de bonté avait-il abdiqué un peu trop de son autorité... Cette autorité qui lui avait fait si peur alors que Louis XV, le corps noirci, boursouflé, pourissait déjà sur son lit d'agonie. Sans cesse, au début de ce mois de mai 1774, en cette veille de règne, on m'avait entendu répéter :

- Il me semble que l'univers va tomber sur moi...

Puis, lorsque la bougie placée sur la fenêtre de son grand-père s'était éteinte, il avait éclaté en sanglots et s'était jeté dans les bras de sa femme. Et, ce jour-là, ceux qui étaient entrés les premiers dans la pièce avaient pu voir ce roi de dix-neuf ans et cette jeune reine de dix-huit, tous deux à genoux et pleurant à chaudes larmes.

- Mon Dieu, murmuraient-ils se tenant embrassés, mon Dieu, protégez-nous, nous régnons trop jeunes!

Dieu ne les avait pas protégés. Ils les avait laissé seuls devant l'ouragan. Marie-Antoinette avait "conspiré", mais Louis avait alors sincèrement voulu devenir le roi de la Révolution, mais une telle métamorphose eût exigé un esprit en avance sur son temps. Son émouvante sincérité, ses qualités de cœur, sa désarmante bonne volonté, avaient été mis en échec par une intelligence trop moyenne, une perpétuelle hésitation, une éternelle faiblesse, une manière de "se dégager", selon l'expression d'un témoin. Il donnait l'impression à son interlocuteur de vouloir prendre dans les mains une insaisissable boule de billard huillée...

Sa faiblesse! Il le sentait peut-être aussi confusément aujourd'hui : de là venait tout le mal!

- Qu'avez-vous fait pour le mettre si fort en colère?

En cette aube de Noël, dans l'étroite tourelle de sa prison, il va répondre au petit bonhomme de sept ans qui levait vers lui ses yeux bleus.

"Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir roi, de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens ; qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve ; qu'il ne peut faire le bonheur des peuples  qu'en régnant suivant les lois : mais en même temps qu'un roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son cœur, qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire ; et qu'autrement, étant lié dans ses opérations et n'inspirant point de respect, il est plus nuisible qu'utile."

Il s'arrêta une seconde... Oui, peut-être en abdiquant toute autorité, en n'écoutant seulement que le bien "qui était dans son cœur", oui, peut-être avait-il été plus nuisible qu'utile! Mais ses sujets pouvaient-ils le lui reprocher? Il avait cédé à leurs demandes. Sauf lorsqu'ils s'étaient attaqués à sa conscience de chrétien. Pouvaient-ils lui en tenir rigueur jusqu'à le considérer comme coupable, jusqu'à lui avoir enlevé son trône, l'avoir mis en prison, et maintenant, jusqu'à vouloir le traîner à la guillotine?

- Depuis deux jours, dira-t-il tout à l'heure à son défenseur, je suis occupé à chercher si, dans le cours de mon règne, j'ai pu mériter de mes sujets le plus léger reproche. Eh bien, Monsieur de Malesherbes, je vous le jure, dans toute la sincérité de mon cœur, comme un homme qui va paraître devant Dieu, j'ai constamment voulu le bonheur du peuple et n'ai pu former un seul vœu qui lui soit contraire!

De toutes ses forces, il aimait son peuple dont les représentants allaient voter sa mort, il aimait les petites gens, ayant les mêmes goûts, il se sentait à l'aise avec eux. Il avait une véritable affection pour le tour de sa petite serrurerie, il adorait à un tel point gâcher du plâtre qu'il ne pouvait y avoir un ouvrier dans le château sans voir le Roi accourir, mettre la main à la tâche et revenir dans son appartement maculé et fourbu.

Et même, au Temple, il y a quelques jours, voyant un maçon occupé à faire des trous pour placer d'énormes verrous, il avait éprouvé le besoin de lui prendre des mains le marteau et le ciseau pour montrer à son fils comment il fallait s'y prendre.

- Quand vous sortirez de cette tour, avait dit l'ouvrier, vous pourrez dire que vous avez travaillé vous-même à votre prison.

Marie-Antoinette avait souffert de ces goûts de manœuvre. Toute jeune mariée - une mariée de quatorze ans! - "excessivement chagrinée", elle avait essayé de guérir son mari, mais cela avait été en vain! Elle souffrait des balourdises et du "manque de galanterie dans les manières" de son époux. Son rire était gros, ses plaisanteries épaisses.

Ne lui arrivait-il pas de se mettre sur les genoux du jeune et gros Narbonne et d'imiter un bébé qu'il fallait bercer? "Avec la meilleure intention d'être obligeant pour quelqu'un, rapportera Mme de Boigne, il s'avançait sur lui jusqu'à le faire reculer jusqu'à la muraille ; si rien ne lui venait à dire, et cela lui arrivait souvent, il faisait un gros éclat de rire, tournait les talons et s'en allait."

Cependant, les battements de ce cœur, la grandeur d'âme et les qualités de ce grand chrétien qu'était son mari avaient fini par la toucher. Les mauvais jours venus, à défaut de passion, peu à peu elle avait éprouvé pour lui une infinie tendresse. Ce brave homme - cet honnête homme, disait Fersen - était parvenu à l'émouvoir par toutes ses vertus "sincères et inertes", selon le mot de Mirabeau.

Et, aujourd'hui, ce calme devant la mort, ce courage de martyr l'émouvait jusqu'au tréfonds d'elle-même. Peut-être même, en ce jour de Noël, s'imaginait-elle l'aimer?

Quant à lui, il l'a toujours adorée. Elle a été l'unique femme de sa vie! Il l'aimait à sa manière, bien sûr, une manière gauche, rude, maladroite, mais il l'aimait depuis ce matin de mai 1774 où, à l'orée de la forêt de Compiègne, il avait, pour la première fois, été sous le charme de ses grands yeux bleu de faïence et de son sourire un peu moqueur.

C'était peut-être sa jolie manière d'aimer et de s'occuper de leurs enfants qui avait le plus touché le roi. Leurs enfants! La blonde petite Mousseline au frais et gai sourire et le petit Chou d'amour à l'âme si claire!... Elle avait pour eux une tendresse maternelle si rare chez les princes!

"Je recommande mes enfants à ma femme ; je n'ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux : je lui recommande surtout d'en faire de bons chrétiens et d'honnêtes hommes, de ne leur faire regarder les grandeurs de ce monde-ci (s'ils sont condamnés à les éprouver) que comme des biens dangeruex et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l'éternité..."

"Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu'elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donné dans le cours de notre union ; comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle, si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher..."

Le jour est maintenant levé. L'escalier de la tour commence à résonner du martellement des pas, du grincement des guichets que les geôliers ouvrent avec fracas - il y en a douze barrant l'escalier entre le rez-de-chaussée et le troisième - des battements des verrous que les porte-clefs font glisser et retomber lourdement et que la tour, sonore comme un tuyau d'orgue, répète longuement. Au-dessus, chez la reine, Louis entend des bruits de pas : le petit Dauphin qui court à travers tout l'étage, les monteurs de bois qui garnissent le bûcher, les porteurs d'eau qui remplissent les brocs, l'illuminateur qui vient éteindre ses quinquets. Louis le devine. Les trois princesses portant des déshabillés du matin, pierrot de basin blanc, s'apprêtent à aller prendre place dans la petite salle à manger...

Au-dehors, Paris est toujours silencieux. Les clochers, en ce matin de fête, se taisent. Pas un carillon, pas le moindre tintement. Pour la première fois depuis des siècles, Paris ne fête pas Noël.

Louis, toujours aussi posément, recopie son testament... et, ce matin-là, il semble que le "pauvre homme", l'homme des Riens, l'homme dont on souriait, l'homme dont on se moquait un peu, ne soit plus qu'un souvenir. En ce jour de la Nativité, Louis XVI a été effleuré par l'aile de l'ange. Ce qu'il trace de sa fine écriture est d'une prenante beauté. Un souffle anime ces lignes écrites d'une prison en ce matin de Noël, ces lignes qui ont l'émouvante grandeur d'une prière :

"Je laisse mon âme à Dieu, mon créateur ; je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d'après ses mérites, mais par ceux de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui s'est offert en sacrifice à Dieu son Père pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, et moi le premier... Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés ; j'ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester, à m'humilier en sa présence...

"Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertance (car je ne me rappelle pas d'avoir fait sciemment aucune offense à personne), ou ceux à qui j'aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu'ils croient que je peux leur avoir fait ; je prie tous ceux qui ont la charité d'unir leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés...

"Je pardonne encore très volontiers, à ceux qui me gardaient, les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi...

"Je finis en déclarant devant Dieu, et prêt à paraître devant Lui, qu je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi.

Fait double, à la tour du Temple, le 25 décembre 1792."

Louis.

Moins d'un mois a passé.

C'est le matin du lundi 21 janvier 1793.

Louis tremble un peu, mais c'est de froid. Soudain, la porte s'ouvre ; le général Santerre, suivi de commissaires et de gendarmes qu'il range sur deux rangs, entre bruyamment dans la pièce.

- Vous venez me chercher? demande le roi.

- Oui.

- Je vous demande une minute.

Il marche rapidement vers la tourelle, vers la petite pièce où il avait écrit son testament. Son confesseur, l'abbé Edgeworth de Firmont est là. Louis ferme la porte et se jette à genoux :

- Tout es consommé, monsieur ; donnez-moi votre dernière bénédiction, et priez Dieu qu'il me soutienne jusqu'à la fin.

Le condamné prend sur la table son testament - son message de Noël - sort de la pièce et va le tendre à l'un des officiers municipaux.

- Je vous prie de le remettre à la reine, à ma femme.

- Nous ne sommes pas venus pour prendre vos commissions, lance l'homme - un nommé Roux, un prêtre jureur - mais pour vous conduire à l'échafaud.

Le roi le regarde une seconde, puis répond doucement :

- C'est juste.

Un autre municipal se saisit du message, tandis que Louis XVI, premier pas de la marche au supplice, commence à descendre l'escalier de pierre. Au son des tambours, il traverse le jardin hérissé de piques et, par deux fois, se retourne vers le sinistre donjon où, au troisième étage, derrière les abat-jour de bois, deux femmes et deux enfants guettent et écoutent dans l'angoisse.

Sur la cheminée, la pendule de Marie-Antoinette, représentant la Fortune et sa roue, marque neuf heures.

A dix heures et demie, les prisonnières entendent au loin des salves d'artillerie. Aussitôt, les tambours de la garde du Temple se mettent à battre. La reine qui sanglotait sur son lit se lève et vient s'agenouiller devant son fils, le saluant du titre de roi."


André Castelot


sources:
Historia n°146 de janvier 1959, article Louis XVI sur le chemin du sacrifice
http://lesroissouterrains.over-blog.com/2014/12/25-decembre-1792-dernier-noel-de-louis-xvi.html

_________________
rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
Revenir en haut Aller en bas
madame antoine

madame antoine


Nombre de messages : 6890
Date d'inscription : 30/03/2014

Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot) Empty
MessageSujet: Re: Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot)   Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot) Icon_minitimeSam 27 Déc - 12:54

Ce texte est très émouvant. La réplique du Roi au prêtre jureur est admirable de résignation et de simplicité.

madame antoine

_________________
Plus rien ne peut plus me faire de mal à présent (Marie-Antoinette)
Revenir en haut Aller en bas
 
Le dernier noël de Louis XVI (André Castelot)
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» ANDRÉ CASTELOT: LOUIS XVI SUR LE CHEMIN DU SACRIFICE
» Le procès de Marie-Antoinette par André Castelot
» Combien de cellules à la conciergerie ?
» Le dernier confident de Louis XVI
» Le dernier portrait de Louis XVI

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Boudoir de Marie-Antoinette :: Marie-Antoinette et sa famille :: Louis XVI-
Sauter vers: