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Sujet: "Armide" de Lully Sam 27 Juin - 22:58
Le chef d'oeuvre de Jean-Baptiste Lully, Armide, du 21 au 30 juin à l'Opéra national de Lorraine... Un nouvelle production très attendue de Christophe Rousset et ses Talens Lyriques, mise en scène par David Hermann, avec notamment Marie-Adeline Henry, Julian Prégardien et Marc Mauillon !
L’Opéra-Ballet de Lully, chef d'œuvre baroque acclamé à la Cour du Roi Soleil et encensé sur la scène française du XVIIIe siècle…
_________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
Lucrezia P
Nombre de messages : 505 Date d'inscription : 07/04/2015
Sujet: Re: "Armide" de Lully Mar 28 Mar - 21:20
Tant que nous parlons d'Armide, quelques points de critiques: http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-lully-armide-les-talens-lyriques-2015-2-cd-aparte/
_________________ Je préfère l'original à la copie
Chakton
Nombre de messages : 1263 Date d'inscription : 22/10/2017
Sujet: Re: "Armide" de Lully Dim 7 Avr - 11:45
Armide de Lully & Francoeur : le rouge incarnat magnifie la prestation de Véronique Gens
Cette Armide de Jean-Baptiste Lully, révisée par Louis-Joseph Francœur, est le fruit d’une coproduction entre le Théâtre des Champs-Elysées, le Concert Spirituel et le Centre de Musique Baroque de Versailles.
Dernier ouvrage commun de Lully et du poète Philippe Quinault, Armide fut créée en 1686 et connut un succès certain durant presque un siècle. Pour autant, cette Tragédie Lyrique, comme la plupart des œuvres vocales alors représentées sur scène, fit l’objet de nombreux remaniements plus ou moins importants lors de chaque reprise afin de la mettre au goût du jour. En 1777, Christoph Willibald Gluck s’empare du livret original de Quinault pour écrire sa propre Armide, déclenchant alors un véritable tollé. Pour tenter de contrecarrer cette initiative, la direction de l’Opéra de Paris confie à Louis-Joseph Francœur, violoniste et compositeur attaché comme son père à la première scène lyrique nationale, le soin de remanier l’Armide de Lully. Cette partition composite et d’ailleurs inachevée au niveau du cinquième acte, dormait depuis lors dans les archives à la Bibliothèque Nationale de France sans avoir jamais été portée à la scène. Cette soirée au Théâtre des Champs-Élysées en constituait donc la recréation. Benoît Dratwicki, à l’initiative du projet qui a nécessité un long travail préparatoire, et Directeur artistique du Centre de Musique Baroque de Versailles, justifie la démarche dans son éclairant texte de présentation : « Le public, qui n’est tenu ni de connaître, ni de choisir, peut s’attacher à comprendre la démarche d’hier et celle d’aujourd’hui. Remanier Armide, en 1778, c’était l’unique manière de transmettre l’héritage du Grand Siècle à des spectateurs curieux, avides de nouveautés, mais conscients de leur histoire ».
Pour le public du 21ème siècle attentif à la résurrection du répertoire baroque, il faut dépasser l’aspect hautement musicologique de la redécouverte et tenter de s’imprégner d’un ouvrage aussi profondément remanié. Les lignes mélodiques de Lully subsistent en filigrane de façon plus où moins significative, mais comme noyées dans une esthétique plus chargée, plus démonstrative et une orchestration élargie. Le prologue disparaît au profit d’une ouverture peu inspirée et désormais le récitatif se trouve soutenu par l’orchestre et non plus par le clavecin. Les parties vocales apparaissent également touchées, dont en premier lieu celles dévolues au personnage d’Armide la magicienne. Un style plus héroïque s’affiche dans la continuité de l’école gluckiste qui va alors s’imposer. Ce sont justement ces qualités précises que Véronique Gens, en grande forme vocale, possède notamment dans son approche de la Tragédie Lyrique. Son apparition dans une magnifique robe rouge incarnat dotée de larges manches volantes, installe à l’instant le personnage. Sans perdre sa luminosité et sa flexibilité, sa voix s’impose dés les premières mesures par sa noblesse de ton et cette rigueur stylistique qui n’est jamais chez elle synonyme de froideur. La ligne vocale jamais ne se relâche, l’aigu se déploie avec ferveur, la prononciation ne laisse rien de côté. Son envolée finale, les bras relevés, après avoir maudit son sort à l’abandon de Renaud, la trouve irrésistible.
Dans le double rôle d’Hidraot et de la Haine, Tassis Christoyannis livre une prestation soignée. Sa voix de baryton manque certainement un peu d’éclat et les deux rôles se révèlent un peu graves pour lui. Mais dans la longue scène, où incarnant La Haine au troisième acte, il se trouve entouré de sa cour infernale, il impose son autorité et une musicalité de fière allure. Reinoud van Mechelen brille un peu moins dans le rôle de Renaud, haï puis ardemment aimé d’Armide. Sa voix de ténor possède une technique raffinée, une tenue et une pureté assez rare, qualités soulignées à l’occasion des représentations de Pygmalion de Rameau à l’Opéra de Lille récemment. Mais le rôle de Renaud, moins caractéristique et plus court, le met simplement moins en valeur. Pour sa part, Chantal Santon-Jeffery semble bien plus à l’aise dans le rôle vocalisant et léger de Lucinde que dans celui de Phénice, suivante d’Armide. Il en va un peu de même pour Katherine Watson (Sidonie/une Naïade/Un Plaisir) pas suffisamment audible à plusieurs reprises, même si le timbre conserve sa joliesse et la voix sa souplesse. Par contre, Zachary Wilder (Le Chevalier Danois) s’impose par la justesse et la beauté de sa voix de ténor, toujours ductile et passant sans effort en salle. Excellente prestation aussi pour le jeune baryton Philippe-Nicolas Martin (Aronte/Artémidore/Ubalde), à l’émission franche et fort caractérisée. Il affronte ses différents rôles avec aplomb et un déjà beau métier.
Comme toujours, Hervé Niquet se lance par une passion communicative dans cette mission de redécouverte avec son ensemble du Concert Spirituel qui répond à l’instant à ses sollicitations. Si le démarrage est certes un peu difficile, le rétablissement se produit au cours de la représentation. Le meilleur réside dans le cinquième acte, complété par le Centre de Musique Baroque de Versailles, très enlevé et riche au plan harmonique. Le Chœur du Concert Spirituel magnifiquement préparé comble constamment d’aise notamment dans la grande scène spectaculaire avec La Haine.
Armide poursuivra son envol vers l’Arsenal de Metz le 3 avril, puis le 8 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Cette Armide remaniée ne fera pas oublier la version d’origine de Lully, mais il serait dommage de rejeter d’emblée les attraits. Un enregistrement est prévu par le label Alpha Classics. Il permettra de mieux se familiariser avec cette version d’Armide.
Article écrit par José Pons pour OLYRIX. Mon site fétiche. https://www.olyrix.com/
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globule Administrateur
Nombre de messages : 2240 Date d'inscription : 04/10/2017
Sujet: Re: "Armide" de Lully Dim 7 Avr - 11:50
Chakton a écrit:
le rouge incarnat magnifie la prestation de Véronique Gens
.
Cette couleur lui va bien. Quelle belle femme !
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Chakton
Nombre de messages : 1263 Date d'inscription : 22/10/2017
Sujet: Re: "Armide" de Lully Jeu 17 Sep - 8:38
On remonte le temps
Création de l’Armide de Lully révisé par Louis-Joseph Francoeur en 1778
Jean-Baptiste LULLY (1632-1687) et Louis-Joseph FRANCOEUR (1738-1804) : Armide, tragédie lyrique (version 1778). Véronique Gens (Armide), Reinoud Van Mechelen (Renaud), Tassis Christoyannis (Hidraot, la Haine), Chantal Santon Jeffery (Phénice, Lucinde), Katherine Watson (Sidonie, une naÏade, un plaisir), Philippe-Nicolas Martin (Aront, Artémidore, Ubalde), Zachary Wilder (le Chevalier Danois) ; Le Concert spirituel, direction Hervé Niquet. 2019. Notice en français, en anglais et en allemand. Texte complet du livret en français, traduction en anglais. 137.08. Un livre-disque de 2 CD Alpha 973.
Le poète et auteur dramatique Philippe Quinault (1635-1688) est l’auteur de la plupart des livrets d’opéras de Jean-Baptiste Lully, une collaboration de treize ans qui débute avec Cadmus et Hermione en 1673 pour s’achever avec Armide en 1686. L’année suivante, Lully disparaît, et Quinault renonce au théâtre avant de mourir lui-même en 1688. La dernière création commune des deux artistes va connaître un grand succès, qui se prolonge jusqu’au-delà de la moitié du XVIIIe siècle, l’œuvre étant à l’affiche de façon régulière pendant plusieurs dizaines d’années. Mais dans les décennies qui précèdent la Révolution, les goûts et les styles évoluent, l’ancien répertoire est peu à peu écarté pour faire place à une génération plus jeune. Les ouvrages qui subsistent subissent des rhabillages, des modifications, des retouches, comme l’indique Benoît Dratwicki dans l’intéressante notice d’introduction dont nous nous inspirons. Armide n’est pas épargné, dès les années 1745-46, car la volonté déclarée est la mise en valeur des instrumentistes et l’adaptation du spectacle en fonction des nouvelles troupes de chanteurs et de danseurs. En 1777, Gluck n’hésite pas à reprendre tel quel le livret de Quinault pour composer son propre Armide qui va être contesté.
Conscient de l’intérêt que la situation propose, le nouveau directeur de l’Opéra, Anne-Pierre-Jacques Devisme du Valgay, envisage d’inscrire au programme aussi bien des œuvres nouvelles que du répertoire ancien. En 1778, il demande à Louis-Joseph Francoeur de revoir Armide de Lully et de le mettre au goût du jour. Le résultat ? Un manuscrit qui dort dans les archives de la Bibliothèque Nationale depuis deux siècles, inachevé en ce qui concerne l’acte V, qui a été complété par Benoît Dratwicki et Julien Dubruque. Ce Francoeur-là est le neveu de François Francoeur, musicien officiel auprès de Louis XV. Louis-Joseph est violoniste et compositeur, il accomplit sa carrière à l’Opéra de Paris où il grimpera les échelons pour finir directeur. Si la partition originale de Lully est en partie conservée, en tout cas dans le domaine des lignes mélodiques, l’accompagnement instrumental est renouvelé, le continuo confié au clavecin devenant l’apanage de l’orchestre, avec mise en valeur des flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors et trompettes. Des pièces sont ajoutées, comme des nouvelles danses, ou remplacées, comme la passacaille de l’acte V, qui conserve la partie chantée mais modifie la séquence instrumentale. Les interventions vocales, en particulier celles d’Armide, subissent aussi des modifications pour leur donner plus de vaillance et de nerf. C’est une œuvre nouvelle, inédite, qui voit donc ici le jour ; il s’agit d’une création, écho de concerts qui ont eu lieu en avril 2019 au Théâtre des Champs-Elysées et à l’Arsenal de Metz.
Le plateau vocal est alléchant, et il est à la hauteur de l’entreprise. Pour bref rappel, le sujet de cette tragédie lyrique raconte les amours malheureuses de la magicienne Armide, nièce d’Hidraot, roi de Damas, avec Renaud, vaillant chevalier des armées de Godefroy de Bouillon, dans un contexte d’île et de palais enchantés ; au cours de l’action, la Haine intervient, ainsi que des Démons qui symbolisent le plaisir et la volupté à laquelle Renaud finira par renoncer, sauvé par ses pairs, entraînant la perte d’Armide et la destruction de son palais. Le vaillant Renaud, c’est Reinoud Van Mechelen, dont on connaît les qualités de timbre qu’il sait mettre en valeur avec un art consommé. Même remarque pour Tassis Christoyannis, dont la finesse n’est plus à souligner, dans les rôles d’Hidraot et de La Haine, celle-ci se révélant en fin de compte plus raffinée que menaçante. Les autres partenaires sont irréprochables, en particulier Philippe-Nicolas Martin qui se glisse aisément dans trois personnages. Le rôle-titre est tenu par Véronique Gens dont on ne saluera plus les prouesses, tant vocales que scéniques. Elle sait apporter aux mots la finesse qu’ils réclament, donner de la séduction à son timbre racé et incarner la magicienne avec l’intensité exigée.
Cette création, cette sortie des oubliettes de la Bibliothèque Nationale, ne soulève cependant pas un enthousiasme entier. Ce n’est pas la faute du Concert Spirituel, même si les trompettes font parfois dresser l’oreille en termes de justesse car, comme toujours, les instrumentistes sont en capacité d’engagement, soulevés par la force de conviction d’Hervé Niquet qui mène tout cela avec le cœur qu’on lui connaît. Mais l’intérêt n’est pas constant, on se surprend plus d’une fois à considérer que l’ensemble manque d’un je ne sais quoi qui entraînerait l’enthousiasme. L’expérience -ou la résurrection- est intéressante certes, ce qui est bien plus qu’un compliment, et elle répare l’oubli, celui de l’anonymat de la mémoire infidèle qui est le lot de bien des partitions. A ce titre seul, l’Armide de Lully/Francoeur mérite le détour. D’autant plus que l’objet livre-disque de format oblong est soigné, à la fois sobre et élégant, avec un commentaire érudit et, cadeau apprécié, la reproduction intégrale du livret. Un impeccable travail éditorial à saluer comme il le mérite.