La duchesse de Polignac

Entièrement d'accord avec vous, Pimprenelle, sur absolument TOUT ce que vous ajoutez. Diane avait un peu les dents qui rayaient le parquet et pratiquait un clientèlisme zélé, mais c'était un mode de fonctionnement normal dans la position où se trouvait élevée la famille de Polignac. Les gens les plus vertueux, le duc de Penthièvre pour ne citer que lui ( traitement de Mme de Lamballe pour la charge de Surintendante âprement contesté, discuté ... )), n'agissaient pas autrement.
Il est vrai que Yolande devait soutenir un train de maison royal: Marie-Antoinette passait beaucoup de temps chez elle entourée d'une nuée de dames et gentilhommes. Louis XVI lui-même y venait très volontiers. C'est dire l'estime que Mme de Polignac lui inspirait.

Oui, j'abonde dans votre sens. Il est curieux qu'on reproche à Madame de Polignac des faveurs qu'on accepte pour Madame de Lamballe. Ou, par système de vases communicants, on accuse Diane d'une avidité sur laquelle on ferme les yeux quand il s'agit du sieur Penthièvre.

Deux poids, deux mesures, et une belle tendance à la caricature, trop souvent !

Et, puisque nous parlons du phénomène de vases communicants, il est redoutable, parce qu'en bout de chaîne, il finit toujours par noircir quelqu'un. Si ce n'est pas Marie Antoinette, c'est sa Polignac, et si c'est pas elle, c'est Diane ou Vaudreuil. Mais il y a toujours, quelque part, un sâle type.

C'est pourquoi il est intéressant aussi de se pencher un peu plus sur la personnalité de Diane et de Vaudreuil. Mais ce n'est pas évident, parce qu'il y a encore moins de sources objectives que sur Madame de Polignac.

Diane a laissé des mémoires, assez amusants à lire... du moins pour le Journal d'Italie et de Suisse, consultable en ligne. Hélas, le plus intéressant ne l'est qu'en bibliothèque...

C'est surtout Mercy-Argenteau qui tire à boulets rouges inlassablement sur Yolande, ses parents et amis. Il voit forcément d'un très mauvais oeil l'ascendant que prend la comtesse sur la Reine.
Diane a ses bons côtés, comme tout le monde. Elle est doite et franche, trop franche même et terriblement autoritaire, cela lui crée bien des animosités à la Cour.
Vaudreuil gagne à être connu. Il use et abuse du crédit de Yolande, mais cela ne l'empêche pas de l'aimer passionnément. Il est indéfectiblement fidèle en amour comme en amitié.

Oui, Mercy en fait même tellement trop (Brel dirait qu'il est tellement... tellement beaucoup trop lourd ) que Marie Thérèse finit par le remettre en laisse, c'est assez comique. Mercy chauffe son impératrice contre Madame de Polignac, Marie Thérèse démarre au quart de tour. Mais Marie Antoinette répond que c'est le roi qui donne à son amie, sans qu'elle ait à solliciter, parce qu'il l'aime beaucoup. Et, hop, Marie Thérèse dit à Mercy de la mettre en veilleuse.

Merci pour ces précisions sur Diane et Vaudreuil. Ils m'intéressent vraiment beaucoup tous les deux. La reine ne fait jamais allusion à Vaudreuil dans ses lettres à Madame de Polignac. Soit par respect des convenances. Mais, en tant que cousin, il aurait pu être cité sans stress... Soit parce qu'elle ne l'aimait vraiment pas. Elle avait la dent dure, Antoinette, et Vaudreuil lui avait manqué de respect plusieurs fois.

Au sujet des Polignac, voici ce qu'en dit Alexandre de Tilly dans ses Mémoires :
"M. et Mme de Polignac ne méritaient pas la haine qui les poursuivait. J'avoue qu'ils cédaient à la flatterie et à l'importunité de leur clientèle ; qu'ils prêtaient l'oreille à la voix de conseillers pernicieux, et que, se laissant éblouir par la fortune, ils tombaient dans des erreurs et s'égaraient dans une fausse route ; mais y eut-il jamais une cour dans aucun temps, ni de courtisans ou de faux courtisans qui, dans une situation semblable, aient montré moins d'avidité, moins d'orgueil, ou qui aient commis moins de fautes ? Croit-on qu'il soit bien aisé à celui qui s'établit juge des faiblesses humaines d'en fixer la mesure, le terme et le but ? Doit-il condamner tout ce qui dépose contre l'ordre de ses idées ? Ne doit-on pas calculer en même temps la situation où s'est trouvé l'accusé, et en pesant tout avec impartailité, mesurer la largeur et la profondeur du torrent qui l'entraînait ? [...]
En quoi consistent les abus de pouvoir qu'on lui [famille de Polignac] impute ? Des service srendus à ses amis, un titre de duc et de hautes charges à la cour pour lui-même ; de l'or, si l'on veut. Mais les hommes prennent de l'or partout où ils le trouvent, bien qu'il soit plus noble de le dédaigner.
La faveur de la cour enlevée à leurs concurrents, voilà en quoi consistaient l'exercice et l'abus du pouvoir des Polignac, voilà ce qui leur fit attribuer un crédit illimité dans les différentes branches de l'administration ; voilà ce qui les fit regarder pendant plusieurs années comme les maîtres de la monarchie."
___
Suit le portrait de "la comtesse Jules", comme la cour disait.

Merci, Madame de Tilly, pour ce témoignage.
J'ajouterai celui-ci que j'adore absolument, toujours de Tilly:
" J'essaierais en vain de peindre l'impression que j'éprouvai à la première vue de la comtesse Jules de Polignac.
J'étais jeune alors; elle venait de se lever, dans un négligé blanc comme la neige ...

... dans le simple appareil
d'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.

Elle avait une rose dans les cheveux, et se trouvait placée devant une glace qui, en réfléchissant ses traits, en doublait pour ainsi dire le charme.
Je m'en souviens encore très vivement; ce qui me frappa le plus, c'était l'idée que je voyais devant moi une princesse qui se préparait à jouer le rôle d'une bergère sur un théâtre d'amateur, et cela dans la plus grande perfection ... "

Cela fait rêver ! N'est-ce pas Messieurs ?

Merci pour ce témoignage pris sur le vif, Comtesse !

Désintéressés, dans une certaines mesure, les Polignac l'étaient sans doute, puisque le duc a été le premier à rendre sa charge lorsqu'il a fallu faire des économies. On l'accuse souvent de fausseté. Mais pourquoi ?

Quand ils sont partis en exil, pressés par le roi et la reine, ils n'avaient pratiquement rien emporté.

Dès le départ, la faveur de Madame de Polignac a déplu aux nombreux jaloux. Plus elle rejaillissait sur la famille et les amis, plus les langues se déchaînaient, évidemment.

L'apothéose a sans doute été l'élévation de Monsieur de Polignac au titre de duc. Mais ne le fallait-il pas, pour maintenir leur rang à la cour ? Et si Marie Antoinette, qui élevait déjà ses enfants avec ceux de son amie, voulait déjà en faire leur gouvernante ?

Et puis, l'accès au tabouret l'imposait...

Quand Jules est fait Duc, Mercy s'est déjà presque fait une raison, même si cette gratification lui arrache à nouveau des récriminations véhémentes.

Pour moi, dans les témoignages si chargés contre les Polignac, il y a Mercy, en effet, opposé surtout à l'influence que constitue Gabrielle. Et les courtisans jaloux. Jaloux de leur rang, de leurs prérogatives bafouées, de leur mise sur le côté, de ne pas être invités, parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire...

Mme Campan le dit bien:
" Ce qu'un courtisan voit obtenir à d'autres lui semble toujours pris sur son bien, c'est une règle.... On voit dans le cercle de la comtesse Jules, une porte pour obtenir la faveur, les grâces, les ambassades. Ceux qui n'ont pas l'espoir d'y entrer en sont irrités."

Toute cette atmosphère frelatée est bien rendue dans le film de Coppola, avec la réaction d'Aurore de Chartres Clément qui se la pète parce qu'elle ne reçoit pas d'invitation digne de son rang.

pimprenelle a écrit:

Quand ils sont partis en exil, pressés par le roi et la reine, ils n'avaient pratiquement rien emporté.

Comme beaucoup de ces émigrés de la première vague du reste.
C'est que tous pensaient revenir...
Les Polignac se sont ensuite organisés pour rapatrier somme d'argent et bijoux ; pas de quoi mener le même train qu'à la cour c'est sûr, mais de quoi bien vivre. A la différence d'autres émigrés proprement ruinés.

Ce qui semble certain, c'est que la masse des courtisans enviaient bien moins le matériel des grâces accordées aus Polignac que l'intimité qui grandissait entre eux et Marie-Antoinette.

Citation :

Citation :

Quand ils sont partis en exil, pressés par le roi et la reine, ils n'avaient pratiquement rien emporté.

Comme beaucoup de ces émigrés de la première vague du reste.
C'est que tous pensaient revenir...
Les Polignac se sont ensuite organisés pour rapatrier somme d'argent et bijoux ; pas de quoi mener le même train qu'à la cour c'est sûr, mais de quoi bien vivre. A la différence d'autres émigrés proprement ruinés.

Je n'avais pas encore lu ça.   D'où tiens-tu cette info ? J'ai lu que le roi avait promis de leur conserver leur pension... Je vais relire le journal de Diane, pour voir si elle en parle.

Citation :

Ce qui semble certain, c'est que la masse des courtisans enviaient bien moins le matériel des grâces accordées aus Polignac que l'intimité qui grandissait entre eux et Marie-Antoinette.

Je suis d'accord avec vous sur ce point, tout à fait. Dans cette cour où tout le monde était pété de thune, l'argent ne faisait jamais que symboliser le paraître. Et les Polignac existaient beaucoup plus que les autres, puisque la reine les prenait à part. Les autres n'avaient plus que leur amertume pour se demander à longueur de journée "mais qu'est-ce qu'ils ont de plus que nous ?"

Une bête vie que cette vie de cour, quoi...  

pimprenelle a écrit:

 Je n'avais pas encore lu ça.   D'où tiens-tu cette info ?

Chez Diesbach (Histoire de l'émigration) je pense ; j'ai beaucoup aimé ce bouquin. Très intéressant. L'as-tu lu ?
L'auteur analyse, je crois très bien, les divergences d'émigration, leur histoire, pays par pays etc.
Nombre d'émigrés sont parvenus à rebondir, d'autres non.
Cette lecture est assez passionnante, je la conseille.  

Oui, je l'ai lu... Mais je suis passé à côté de cette info-là... J'ai beaucoup aimé aussi.

Très bon livre, cette "Histoire de l'Emigration".
Il semble bien que les Polignac aient pû récupérer quelque argent en exil   (d'aucuns parlent de cassettes de joyaux,  humm ...  voire !)  mais ce qui est sûr, c'est que le duc Jules avait une floppée de bouches à nourrir.
Il y avait lui et Yolande, Diane, Vaudreuil (le sempiternel) , la jeune classe: Guichette, son mari, Armand, sa femme, Jules, Melchior,
mais encore,  le vicomte de Polignac (père de Jules et Diane) et ses deux enfants,
mais encore Louise de Polastron (belle-soeur de Yolande) et son fils
sans oublier  Edmond de Villerot, fils naturel de la comtesse Diane   (eh oui! Diane avait fauté ...)
et même M. et Mme de Vaudreuil,  cousins du cousin ........
et je ne suis pas sûre de ne pas en oublier !
ben si:
l'abbé de Balivière, Elzéar de Sabran, précepteur des bambins, et M. de Sainte Paterne qui joue les utilités  ...

Toute une tribu, quoi !

On peut le dire !
Vaudreuil appelait tout ce monde là, "la colonie".

Voici Madame de Polignac

superbe !

pimprenelle a écrit:

Ce qui me va, c'est le résumé, qui semble annoncer un livre tout en empathie. Je serai plus réservée sur le sous-titre "amitié fatale"...  

Fatale pour qui, d'abord ? Pour Madame de Polignac, morte de douleur, déjà, c'est sûr !

Fatale pour toutes les deux, chère Pimprenelle:   voyons les choses en face, notre Reine avait bien des devoirs, mais deux avant tout de représentation et de procréation.     Or, cette représentation était pour Marie-Antoinette une véritable corvée ....  déjà bien avant qu'elle ne se coiffe de Yolande de Polignac, mais quand la rencontre et le coup de foudre (amical certes, mais cela tient du coup de foudre) a eu lieu, la Reine n'a eu de cesse de fuir la Cour et Versailles à Trianon que Louis XVI venait de lui offrir un an auparavant, pour y goûter les joies de l'intimité avec l'amie qu'elle avait élue.

A Trianon, Marie-Antoinette entendait vivre comme une particulière, au grand dam de toute la Cour qu'elle s'est bel et bien mise à dos.    Et, j'ai le regret de le dire, Yolande l'encourageait dans cette voie, n'aimant pas non plus, elle-même, la Cour, son faste, ses intrigues et artifices ...

Les deux jeunes femmes passant des journées entières ensemble, excluant le reste du monde, les langues se sont déchaînées, et le public se jetait sur tous les écrits orduriers dont des Orléans, Provence, d'Aiguillon, Mme Adélaïde (vieille toupie,va !) and co payaient la rédaction à des folliculaires de tout poil (Choderlos de Laclos, Beaumarchais, Thevenot de Morande etc ... etc ....  )   Ce fourbe de Maurepas   les collectionnait et les faisait passer en lousdé au château de Bellevue de Mesdames Tantes !!!!!!!!!

Et puis, quand ce sont les débuts de la Révolution et que, pour ne pas être broyé par elle, Louis XVI devrait sauter dans le train en marche pour tâcher de le diriger, Marie-Antoinette, poussée par les princes du sang et la faction Polignac (Vaudreuil derrière Artois) lui prône au contraire l'autorité ...  et tout va de Charybde en Scylla ....

Bon, j'arrête là, parce que ça me fait bouillir !

Je prends beaucoup de plaisir en voyant la Duchesse, j'aime beaucoup sa petite moue..^^