Les nobles l'ont-ils senti venir ?

En septembre 1782, Mme de Sabran et ses enfants  ( Delphine et Elzéar ) sont reçus à Beloeil, par le prince de Ligne . On y joue le Barbier de Séville , à la grande joie du petit Elzéar qui se révèle un acteur consommé dans le rôle de Figaro.
L'année suivante, 1783, ils sont à nouveau de passage chez le prince de Ligne, avec M. de Boufflers . Ils s'amusent à travailler et jouer la nouvelle pièce de Beaumarchais Le mariage de Figaro .
Cette fois, Figaro est incarné par le chevalier, qui trouve le personnage tout à fait à son goût, Elzéar est Chérubin, Mme de Sabran joue la comtesse, Hélène de Ligne, Suzanne .
La réputation d'acteurs des enfants fit le tour de la société !

La Reine ayant entendu parler de ces petits prodiges voulut les voir et les entendre . Un théâtre fut monté exprès chez Madame de Polignac, et les jeunes artistes y jouèrent " Iphigénie en Tauride " : mademoiselle de Sabran faisait Iphigénie et M. de Sabran remplissait le rôle d'Oreste .  Les autres acteurs étaient Jules de Polignac ( junior ), les deux demoiselles d'Andlau, depuis mesdames d'Orglande et de Rosambo.
Le succès fut complet; on avait préparé un souper pour les jeunes acteurs : on les fit mettre à table, où le Roi et la Reine les servirent ( !!!!!!!!  ) et se tinrent debout, l'un derrière Oreste, l'autre derrière Iphigénie .      
( Duchesse d'Abrantès, extrait des Histoires des Salons de Paris )

Le Roi demanda à Elzéar s'il avait eu peur en entrant sur scène .  Et pourquoi peur, Sire ?  répondit-il .
( Pierre de Croze-Lemercier : Le comte Elzéar et ses papiers )

Tout s'était donc passé à merveille !  Mme de Sabran écrit au chevalier :

Le Roi et la Reine les ont traités avec toute sorte de bontés . La Reine a été attendrie jusqu'aux larmes à la tragédie, et le Roi s'est diverti comme un roi à la comédie . Tout s'est passé comme je pouvais le désirer, et sans autre spectateurs que la famille royale et la société très particulière de la duchesse de Polignac , comme je l'en avais priée .

Citation :

L'année suivante, 1783, ils sont à nouveau de passage chez le prince de Ligne, avec M. de Boufflers . Ils s'amusent à travailler et jouer la nouvelle pièce de Beaumarchais Le mariage de Figaro .

A cette époque, la pièce est toujours interdite par Louis XVI : la stratégie de Beaumarchais est de la faire représenter le plus possible en petit comité, dans divers salons, et en particuliers chez les proches de la reine qui pourraient infléchir l'opinion du roi.
En 1782, c'est Beaumarchais, en personne, qui fait lecture de la pièce au comte et à la comtesse du Nord en visite à Paris : tout le monde est enchanté, selon la baronne d'Oberkirch...
Comprenaient-ils vraiment la portée de certains passages ?!  

Que j'aime ces anecdotes qui montrent Louis XVI et Marie-Antoinette attentifs à tous les enfants!

Citation :

Citation :

L'année suivante, 1783, ils sont à nouveau de passage chez le prince de Ligne, avec M. de Boufflers . Ils s'amusent à travailler et jouer la nouvelle pièce de Beaumarchais Le mariage de Figaro .

A cette époque, la pièce est toujours interdite par Louis XVI : la stratégie de Beaumarchais est de la faire représenter le plus possible en petit comité, dans divers salons, et en particuliers chez les proches de la reine qui pourraient infléchir l'opinion du roi.
En 1782, c'est Beaumarchais, en personne, qui fait lecture de la pièce au comte et à la comtesse du Nord en visite à Paris : tout le monde est enchanté, selon la baronne d'Oberkirch...
Comprenaient-ils vraiment la portée de certains passages ?!  

Non, certainement pas !!!  

J'ignorais que Beaumarchais en avait fait une lecture privée au comte et à la comtesse du Nord !!!!

On a l'impression qu'il n'y avait que Louis XVI qui comprenait la portée du texte. Mais comme il a fini par céder face à tous ses proches...

Citation :

J'ignorais que Beaumarchais en avait fait une lecture privée au comte et à la comtesse du Nord !!!!  

Oui. La baronne l'évoque dans ses Mémoires.
Plus tard, elle assistera aussi à l'une des représentations sur scène, où toute l'aristocratie se presse...

Et voici ce qu'elle souligne :

C'est un chef-d'œuvre d'immoralité, je dirai même d'indécence, et pourtant cette comédie restera au répertoire, se jouera souvent, amusera toujours.
Les grands seigneurs, ce me semble, ont manqué de tact et de mesure en allant l'applaudir ; ils se sont donnés un soufflet sur leur propre joue ; ils ont ris à leurs dépens, et ce qui est pis encore, ils ont fait rire les autres.
Ils s'en repentiront plus tard.
Les facéties auxquelles ils ont applaudi leur font les cornes, et ils ne les voient point.
Beaumarchais leur a présenté leur propre caricature, et ils ont répondu : c'est cela, nous sommes forts ressemblants !
Étrange aveuglement que celui-là.

Citation :

Les facéties auxquelles ils ont applaudi leur font les cornes, et ils ne les voient point.

     Elle est désopilante, cette baronne d'Oberkirch !
Vous souvenez-vous de la représentation ( peut-être la première ) à Gennevilliers, chez Vaudreuil, où Beaumarchais brise les vitres avec sa canne parce que la soirée est chaude, étouffante, comme aujourd'hui sans doute ?

Citation :

C'est un chef-d'œuvre d'immoralité, je dirai même d'indécence, et pourtant cette comédie restera au répertoire, se jouera souvent, amusera toujours.
Les grands seigneurs, ce me semble, ont manqué de tact et de mesure en allant l'applaudir ; ils se sont donnés un soufflet sur leur propre joue ; ils ont ris à leurs dépens, et ce qui est pis encore, ils ont fait rire les autres.
Ils s'en repentiront plus tard.
Les facéties auxquelles ils ont applaudi leur font les cornes, et ils ne les voient point.
Beaumarchais leur a présenté leur propre caricature, et ils ont répondu : c'est cela, nous sommes forts ressemblants !
Étrange aveuglement que celui-là.

C'est d'une pertinence assez incroyable!

Tous ces grands seigneurs se croyaient indéboulonnables, si j'ose m'exprimer ainsi .