Exposition visible jusqu'au 5 mars au Musée Lambinet !
Charlotte Corday poignarde Marat, toile de Zuka (1924-2016). Photo : Pierrick Daul/Ville de Versailles
"Il y avait au moins deux bonnes raisons d’organiser à Versailles une exposition sur les femmes dans la Révolution française. La première est historique : c’est dans cette ville que les femmes connurent leur jour de gloire, en octobre 1789, lorsqu’elles vinrent chercher le roi pour le contraindre d’habiter désormais à Paris, au milieu de son peuple. Dans son enthousiasme, Michelet n’hésitera pas à écrire : « Les hommes ont pris la Bastille, et les femmes ont pris le roi. » La deuxième raison tient aux trésors révolutionnaires que renferme le musée Lambinet. L’exposition « Amazones de la Révolution » (1) rappelle donc à propos que Versailles, ville royale par excellence, a été pour cette raison même un haut lieu de la Révolution.
L’exposition donne à voir toutes sortes de femmes : les illustres et les anonymes, les combattantes et les victimes, les tricoteuses qui voulaient toujours plus de Révolution et les merveilleuses qui, après la chute de Robespierre, firent de l’exhibition de leur corps une forme de revendication, sans oublier les figures allégoriques et les caricatures. Cette foule de figures féminines invite à changer de regard sur une Révolution dont la mémoire s’est surtout construite sans les femmes, ou contre elles.
La « bataille d’images et d’imaginaires »Les trois premières salles, consacrées à Charlotte Corday, sont exceptionnelles. On y découvre les plus belles pièces rassemblées par le collectionneur Charles Vatel et léguées au musée Lambinet en 1883. Sur les toiles de Jean-Jacques Hauer, qui fit le portrait de la jeune femme au tribunal révolutionnaire et en prison, la meurtrière de Marat tient tantôt un poignard, tantôt un livre, tantôt une plume. En écrivant sa propre légende, elle mène déjà la « bataille d’images et d’imaginaires » qui s’amplifiera après sa mort et dans laquelle toutes les femmes de l’exposition sont engagées, selon les mots de Martial Poirson, professeur à l’université de Paris-VIII Saint-Denis et commissaire de l’exposition.
La bataille des images continue dans les salles suivantes, avec des représentations inventées dès la décennie révolutionnaire et beaucoup d’autres qui s’y sont superposées. On remarque plus d’une fois Théroigne de Méricourt, la militante, l’amazone qui inspire le titre de l’exposition. La mémoire contre-révolutionnaire est aussi présente. Mais les représentations de femmes suppliciées sont tenues à distance : les esquisses, moins réalistes et plus dynamiques, ont souvent été préférées aux tableaux achevés.
La dernière salle explore les échos contemporains, « entre exploitation marchande et infiltration artistique ». On y admire notamment plusieurs toiles de Zuka, artiste redécouverte grâce à cette exposition et tout récemment disparue. Avec son regard enjoué et irrévérencieux de femme et d’étrangère, elle remet les femmes au premier plan. Sa Théroigne de Méricourt est en habits rouges, les deux bras en l’air et le sabre au clair. Les quatre soldats qui essaient de la suivre sont manifestement dépassés par tant d’énergie révolutionnaire."
http://www.humanite.fr/exposition-la-revolution-au-feminin-pluriel-632380