Lucrezia P
Nombre de messages : 501 Date d'inscription : 07/04/2015
| Sujet: Quand lire au lit était une activité dangereuse et subversive Ven 26 Mai - 9:13 | |
| On se plaît souvent à imaginer les personnes du XVIIIe siècle avec les mêmes activités que nous, par exemple les quelques pages avant de dormir, ou même le roman palpitant que l'on dévore en une nuit. Que nenni ! Lire au lit était autrefois une activité dangereuse ! Bah oui... Pas de lampe de poche, rien que des bougies et les draps ça brûle bien ! A ce danger auquel on n'aurait sans doute pas pensé de nos jours s'ajoute un interdit religieux qui ne tarda pas à apparaître. Lire au lit n'excite pas que l'imagination, n'est-il pas ? Bref, dans les siècles passés, lire bien tranquille chez soi n'était pas de tout repos, si j'ose dire ! Il faut comprendre ces peurs en prenant en compte le contexte social et historique de l’époque: avant le XVIIe, lire était une activité collective et orale. Lire un livre dans son lit impliquait de savoir lire, avoir les moyens de se payer un livre et d’avoir sa propre chambre. The Atlantic rappelle que, la nuit, «même la royauté n'avait pas la vie privée que les dormeurs contemporains considèrent comme acquise», des servants pouvaient en effet dormir à leurs côtés.
C’est vers le XVIIe siècle que lire devient une activité solitaire moins inhabituelle, notamment grâce à l'invention de l'imprimerie. Au même moment, la chambre à coucher change. D’une pièce collective, tant chez les pauvres que chez les riches, elle devient un lieu où s'isoler, notamment avec l’apparition du lit baldaquin qui permettait de fermer les rideaux.
Cet isolement inquiéte à l'époque, à cause de la transgression possible lorsque l'on est à l'abri des regards. Ainsi, Thomas Laqueur, historien auteur de Solitary Sex, fait un lien direct entre ces inquiétudes du XVIIIe siècle et la vision de la masturbation comme une menace publique. Les romans, comme la masturbation, créaient des «compagnons d’oreiller» alternatifs et étaient condamnés par peur que cette autonomie individuelle puisse mener à la perte de l’ordre moral. Or ces changements dans la façon de lire et de dormir ont promu l’indépendance nécessaire à l’émergence des idées des Lumières, continue The Atlantic, alors que la lecture orale et collective obligeait chacun à se confronter à une figure d’autorité. La crainte émerge que la lecture et le fait de dormir seul ne fassent céder certains à une vie fantaisiste menaçant la vie en collectivité. Notamment les femmes qui pouvaient en oublier leurs obligations sociales en laissant aller leur imagination en lisant de la fiction... La société ne semble pourtant pas aujourd'hui ébranlée par toutes ces personnes qui lisent seules.http://www.slate.fr/story/145908/lire-activite-dangereuse-subversive#xtor=RSS-2 Autres temps autres moeurs. On oublie trop souvent à quel point notre cher XVIIIe différait de nous. _________________ Je préfère l'original à la copie
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