Le château de la Muette

Un très intéressant article sur le château de la Muette :

On connaît sa porte, sa station de métro, ses rues, peut-être moins son château situé à l'orée du bois de Boulogne. Mais quelle est donc cette "muette", célèbre par-dessus toutes dans l'Ouest parisien ? Autant prévenir d'emblée que les jolies femmes coites et les amazones discrètes n'ont en théorie rien à faire dans l'histoire de ces lieux, dont l'étymologie est enracinée dans le jargon de la chasse. Au XVIIIe siècle, "la muete" est l'orthographe d'usage pour désigner une meute de chien ; autant dire qu'au moment de baptiser leur pavillon de chasse en pleine forêt, plus tard connu sous le nom du château de la Muette, les rois pensent sans doute plus à leurs hordes de carnassiers qu'aux élégantes prédatrices de la cour. Le rendez-vous forestier des nobles et des monarques, transmué au gré des rebondissements politiques, économiques et sociaux de la capitale, devient au début du XXe la demeure des Rothschild pour finir en siège de la controversée Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Sous l'emprise de la polémique du début à la fin, la Muette du 16e arrondissement, chantier en constante mutation du Moyen Age à nos jours, regorge encore du passage cacophonique du temps.


Terrain de jeu des monarques



D'après les archives de l'OCDE, la première mention officielle du futur bois de Boulogne daterait de 717, lorsqu'est citée dans la Charte de Compiègne la "forêt de Rouvroy", à quelques kilomètres à peine d'un hameau bourgeonnant en bordure de Seine. Il faudra attendre le règne de François 1er pour qu'une partie de cette forêt boisée devienne le terrain de prédilection de la monarchie, trouvant sa vocation première en rendez-vous de chasse de la cour. Un pavillon est construit sur le domaine entre 1542 et 1549, sous le nom de la "Meute", accueillant la famille royale et ses nobles (auxquels la chasse est une activité encore exclusivement réservée) après l'effort ; jusqu'à la fin du siècle, on vient s'y reposer, se restaurer, comparer ses trophées. Arrive alors Charles IX ; en 1572, la Meute chasse ses nobles carnassiers alors que le roi en cède les clés à sa soeur, la Reine Margot, à l'occasion de son "union exécrable" avec son cousin, Henri IV. Le château, posté à l'écart de la Cité, devient dès lors le coi témoin des ébats de la royauté ; délaissée par son mari, la souveraine de toutes les intrigues amoureuses y aurait même reçu une ou deux visites officieuses, avant de se réfugier à Usson sous la pression des querelles familiales. Elle finit donc par céder ce domaine de récréation de "banlieue" au dauphin ; baptisée en 1606 par Louis XIII, la "Muette" est née.

A cette époque, elle se fait plus discrète que sa concurrente, le château de Maisons à Maisons-Laffitte, autre rendez-vous de prestige situé dans la forêt avoisinant la résidence souveraine de Saint-Germain-en-Laye. La Muette est laissée plus ou moins en friches, dépassée par la forêt de l'Ouest, alors plus à la mode. Loin d'avoir dit son dernier mot, elle se ressaisit au XVIIIe sous l'égide du duc d'Orléans. En 1717, le "Régent" en fait cadeau à sa fille, la duchesse de Berry, qui s'évertue à en faire un lieu de fastes et de mondanités. Mobilier cossu, oeuvres d'art exubérantes, carnet d'adresse opulent… la Muette, nouveau haut lieu de la jeunesse dorée, s'offre même une gâterie on ne peut plus à la mode : un petit "cabinet chinois" signé Jean-Antoine Watteau, disparu dans de subséquents chambardements. C'est Louis XV qui clôt le bal en 1741. Le "Bien-Aimé" démolit le château d'origine pour y édifier une nouvelle demeure, conçue par l'architecte Ange-Jacques Gabriel. C'est là que Marie-Antoinette, petite Autrichienne frêle venue gagner la France, attendra la cérémonie de mariage avec le dauphin en mai 1770. Par la suite, Louis XVI et sa reine retournent souvent s'y promener sous les applaudissements d'un peuple auquel ils ouvrent exceptionnellement leurs grilles. C'est encore là, treize ans après leur lune de miel, que décolle la première montgolfière transportant des voyageurs : à bord, Pilâtre de Rozier et le marquis d'Arlandes sont les premiers hommes à s'élever dans les airs, sous les yeux de la famille royale et de Benjamin Franklin. Abritant quelques-uns des derniers jours roses de la royauté, la Muette se fait alors remarquer une dernière fois avant que la guillotine ne frappe, la vidant définitivement de sa cour et de ses nobles banquets.




Petite muette deviendra grande


Le coup de la Révolution sera tout de même moins radical pour le château que pour ses illustres propriétaires. Dans un premier temps, la Muette se voit dépouillée de ses marbres, de son mobilier, de ses oeuvres d'art, de toutes ses richesses… Puis, lorsque l'Etat l'accapare pour la revendre aux enchères, son domaine passe à l'échafaud : le terrain est tronqué en parcelles, passant de propriétaire bourgeois en propriétaire bourgeois. L'édifice de Louis XV, désormais scindé en deux ailes (dont la "Petite Muette"), ne retrouvera sa voix et ses couleurs qu'en 1820, sous les doigts de la famille Edard. Le célèbre fabricant de pianos, autrefois professeur de musique de Marie-Antoinette, s'octroie l'une des annexes (qu'il agrandit de deux étages), de même que les jardins. Commence alors plus d'un demi-siècle de répit ; les murs regorgent de vie et de musique, les grands compositeurs se succèdent pour faire jouer l'organe de la Muette, jusqu'à ce que retentisse la première fausse note de ce deuxième Age d'or. Au galop des chasseurs en selle, au bruissement des robes des favorites du roi, aux symphonies de Wagner, au grincement du bistouri, même (en 1831, le pavillon, loué à un médecin, devient cabinet orthopédique) et au gémissement des locomotives (dans sa course imparable, le chemin de fer Auteuil-Passy perce le domaine en 1853), succèdent les coups d'arquebuse. La Muette devient le théâtre de l'histoire pendant la Commune, lorsque les forces armées l'assiègent pour massacrer les communards, débarquant dans les jardins en mai 1871.

Aussi faudra-t-il attendre 1912 pour que les affaires reprennent. Les Edard cèdent leur propriété à leurs parents, les Franqueville, qui continuent de vendre à des promoteurs quelques parcelles de ce terrain décidément inexhaustible. On y construit des complexes d'immeubles bourgeois, dont la plupart ont été préservés à ce jour. Après une série de réaménagements, suite auxquels le château retrouve son rayonnement du XVIIIe, le bâtiment est racheté par la famille Rothschild une dizaine d'années plus tard, pour être détruit de nouveau. En plus d'un nouveau château moderne érigé de l'autre côté du parc, le comte offre une nouvelle robe à "son" château de la Muette. Le troisième de ce nom, donc, reprend le rythme des cérémonies mondaines de son aïeule. La haute société parisienne se rassemble dans les salons aux lambris de chêne et aux moulures d'or pour admirer les collections d'art du baron. Mais sous le joug de la guerre, finie la Belle Epoque ; le château se trouve à nouveau tiraillé par les dynamiques conflictuelles de l'histoire politique, prenant d'abord l'uniforme de la marine allemande, pour finalement abriter, en 1945, le commandement de la marine américaine.


A qui le dernier mot ?


Après la Libération, la Muette, devenue quartier des forces alliées, s'accorde un moment de trêve. Son destin semble scellé lorsque s'y installe en 1948 l'Organisation de coopération économique européenne (OECE), chargée de la mise en place du plan Marshall. Lui succédera treize ans plus tard l'OCDE, qui se donne pour mission de "renforcer l'économie de ses pays membres, d'en améliorer l'efficacité, de promouvoir l'économie de marché, de développer le libre-échange et de contribuer à la croissance des pays aussi bien industrialisés qu'en développement". De telle sorte que, si la Muette semble aujourd'hui bel et bien installée sur ses terres, les bruits continuent de courir autour du château. C'est que ses derniers occupants en font jaser plus d'un : en juillet 1994, Serge Halimi émettait notamment dans Le Monde diplomatique quelques réserves par rapport à une organisation bâtie sur un "capitalisme hors de contrôle". Une assemblée qui emprunterait encore, selon lui, "la voie des politiques inégalitaires (…)" pour s'adonner "à un plaidoyer monotone au service du durcissement des politiques économiques et financières mises en oeuvre depuis quinze ans."

Etrange parcours, donc, que celui de ce domaine et de son château, transmués à l'aune des rebondissements politico-belliqueux de l'Histoire, pour terminer sous le lorgnon du capitalisme libéral et de ses critiques. A la lisière des bois et sous les murs de la ville, la Muette, tiraillée par la géographie et la realpolitik, aurait-elle fait tant de bruit pour se trouver finalement cloisonnée, en porte à faux, comme le terrain des "chantiers de la démolition sociale" ? Peut-être. A moins que cette Dame du bois de Boulogne ne finisse par avoir raison des abois et des carnages auxquels son nom d'origine l'avait prédestinée. (Tania Brimson pour Evene.fr - Septembre 2008)

Merci Pim

C'est vrai qu'on parle peu de ce château, et pourtant il a été témoin d'événements importants comme ceux-ci :

"C'est là que Marie-Antoinette, petite Autrichienne frêle venue gagner la France, attendra la cérémonie de mariage avec le dauphin en mai 1770. Par la suite, Louis XVI et sa reine retournent souvent s'y promener sous les applaudissements d'un peuple auquel ils ouvrent exceptionnellement leurs grilles. C'est encore là, treize ans après leur lune de miel, que décolle la première montgolfière transportant des voyageurs : à bord, Pilâtre de Rozier et le marquis d'Arlandes sont les premiers hommes à s'élever dans les airs, sous les yeux de la famille royale et de Benjamin Franklin"

La preuve : j'avais oublié que tout ça c'était passé à la Muette

Je vois que la Cour sous Louis XVI faisait assez souvent escale au Château de la Muette. La bio de Mme de Polignac parle de la maison particulière de la Duchesse de Polignac, qui se trouvait à Passy. Savez-vous où exactement cette maison se trouvait? Marie Antoinette séjournait exprès à la Muette pour être près de son amie pour ses couches. Et cette maison est la seule demeure d'un particulier que Louis XVI aurait visité pendant son règne, honneur singulière. Non loin de là se trouvait la maison de Mme de Lamballe. Décidément Passy abritait les copines de la Reine, et j'y habite!

Normal, vous êtes un copain de la reine !

Merci, chère Pimprenelle pour cet exposé si complet Et aussi pour la" lectrice " dans la salle à manger du petit Trianon (?)

Voici, cher Baron, la maison qui vous intéresse.

Mme de Polignac au moment de ses couches (naissance de Jules Junior) habitait l'un des pavillons de l'hôtel du duc de Valentinois occupé alors par M. Ray de Chaumont, intendant et directeur des Invalides. L'autre pavillon abrita Benjamin Franklin de 1777 à 1785.   Où se situait cet hôtel du duc de Valentinois ???   Voici un indice :
Franklin était très épris de Mme Helvétius (veuve du philosophe ) qui tenait salon chez elle, à Auteuil (ce pourquoi on appelait cette femme intelligente et spirituelle "Notre Dame d'Auteuil" ).
Or, pour aller faire sa cour assidue, l'amoureux transi partait de chez lui à pied, par la rue Basse et la rue de la Fontaine.   Voilà de quoi vous mettre sur la piste, cher Baron !

Chou d'amour a écrit:

Merci Pim

C'est vrai qu'on parle peu de ce château, et pourtant il a été témoin d'événements importants comme ceux-ci :

"C'est là que Marie-Antoinette, petite Autrichienne frêle venue gagner la France, attendra la cérémonie de mariage avec le dauphin en mai 1770. Par la suite, Louis XVI et sa reine retournent souvent s'y promener sous les applaudissements d'un peuple auquel ils ouvrent exceptionnellement leurs grilles. C'est encore là, treize ans après leur lune de miel, que décolle la première montgolfière transportant des voyageurs : à bord, Pilâtre de Rozier et le marquis d'Arlandes sont les premiers hommes à s'élever dans les airs, sous les yeux de la famille royale et de Benjamin Franklin"

La preuve : j'avais oublié que tout ça c'était passé à la Muette

Le couple royal n'assistait pas à cette ascension que Louis XVI jugeait trop dangereuse. Il n'avait accordé l'autorisation d'y procéder qu'à son corps défendant !

Zut ! L'hôtel du duc de Valentinois est de travers ...

Le voici à l'endroit, chère amie !



Merci pour cette très belle gravure !

Bravo, Pim, vous êtes un as de la technique !
J'espère que le Baron de Batz verra cette réponse très tardive !

On va s'en occuper.

Citation :

Bravo, Pim, vous êtes un as de la technique !

Arrêtez, vous allez faire mourir mon pc de rire !  

Votre P.C. , mort de rire ??? Je voudrais bien voir cela !!!

C'est que, lui, il voit ce que je lui fais quand il plante, il entend ce que je lui dis... C'est pas à proprement parler du génie technique !

Tout est toujours relatif, ma chère Pim. Ainsi, mon génie technique à moi chatouille les pâquerettes !

Merci pour ces indices!

You are welcome !

PIM - l'ordinateur ne se trompe jamais !!!!! ce sont les doigts de l'utilisateur !!!

Mon fidèle AXEL est toujours content de vous répondre, et pour les fautes !!!! ce sont les doigts qui se croisent !!!!!


A la mort de LOUIS XV la Famille royale s'est transportée à LA MUETTE et c'est dans ces lieux que LOUIS XVI a constitué officiellement la MAISON DE LA REINE avec la Maison de la Dauphine + de nouveaux membres.

N'oublions pas que c'est lors du premier diner d'arrivée que MARIE ANTOINETTE à rencontrer Madame DE LAMBALLE ......


Je possède un gros livre édité au XIX° siècles sur le domaine !!!!! à votre disposition.

Amicalement MARIE ANTOINETTE

Apparemment, le château de la Muette ne se visiterait que pour les Journées du Patrimoine???

Mme de Polignac y tenait la Cour du Dauphin .
Ses jardins furent le berceau de la conquête spatiale ..............

Madame SOPHIE vous avez raison d'évoquer ce pastiche d'un château XVIII° construit à côté de l'emplacement de l'historique MUETTE
j'ai retrouvé une petite gravure de l'entrée que MARIE ANTOINETTE a vu lors de son arrivée sur PARIS après SAINT DENIS et sa rencontre avec MADAME LOUISE qui venait d'entrer en religion au Carmel.
Ce petit château était bien beau et quel dommage de l'avoir totalement fait disparaitre au XX° siècle !!!

Amicalement MARIE ANTOINETTE

En effet, merci chère MARIE-ANTOINETTE pour cette gravure. C'est la seule que je vois sur ce château hélas disparu.

Un très grand merci !

Merci pour ces illustrations.