Bien chers Amis du Boudoir de Marie-Antoinette,
La méchanceté qui se déchaîne actuellement sur les Réseaux Sociaux peut faire peur, mais il convient de la relativiser, selon le Professeur Alain Vaillant (1).
Le rire agressif est une tradition française
Le rire n’est pas plus méchant qu’avant. Le rire français se caractérise, depuis très longtemps, par son agressivité. C’est une tradition nationale : pensez aux mazarinades [pamphlets contre le cardinal Mazarin]. Ou au rire à la Révolution française : c’était d’une violence inouïe – si bien que Madame de Staël a dit, en substance, qu’il valait mieux laisser le rire à l’aristocratie parce que le rire populaire était trop méchant.
C’est un lieu commun à l’étranger dès le XVIIIe siècle : les Français sont un peuple vaniteux, moqueur et persifleur. Je pourrais aussi, pour vous convaincre, aligner les blagues sexistes sur les femmes au XIXe siècle, qui envahissent la presse de l’époque avec une monotonie accablante. Flaubert ironise aussi sur les femmes, et son ironie n’est ni fine ni libératrice… Bref, il n’y a rien de très nouveau. Ce qui explique que le rire sur les réseaux sociaux passe pour très violent, c’est simplement qu’il n’est pas régulé par la présence de l’autre. Rire en face de l’autre impose naturellement des limites.
(1) Spécialiste du XIXe siècle, professeur à l’université Paris-Ouest, Alain Vaillant a mené des recherches sur le rire à l’époque moderne. On lui doit notamment une magistrale enquête, La Civilisation du rire (CNRS Editions, 2016).
Propos recueillis par Marion Dupont et Julie Clarini pour Le Monde.
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Bien à vous
madame antoine
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Plus rien ne peut plus me faire de mal à présent (Marie-Antoinette)