Marie-Antoinette, les derniers secrets d'une reine (film Evelyne Lever)

Très décevant ce film, très grand public et donc aucune analyse en profondeur de la part des historiens. Comme vous, j'ai au contraire admiré la précision des décaviardeurs.
Puisque c'est grand public, je vais vous prouver par l'exemple la trop grande généralisation et le manque de précision dans les commentaires historiques.

On va donc partir du magazine grand public Télé7jours.

Télé7jours a écrit:

Au bal masqué

En 1774, le comte Axel de Fersen, un héritier de la riche aristocratie suédoise, achève son « Grand Tour » à travers l’Europe pour parfaire son éducation. À 18 ans, il impressionne la cour de Versailles lorsqu’il s’y présente. Et c’est lors du bal de l’Opéra, où les femmes portent un masque, qu’il engage la conversation avec la dauphine Marie-Antoinette. Quelques mois plus tard, en mai, cette dernière devient reine à 18 ans.

Non ce n'est pas au bal de l'opéra qu'il a rencontré Marie-Antoinette, il y avait bien entendu eu une présentation officielle à la Cour, comme toujours pour un hôte de cette distinction.
Mais ça fait moins romantique évidemment.

Télé7jours a écrit:

L’évasion ratée

Trois ou quatre fois par semaine, la reine retrouve le comte Fersen, à l’abri des regards indiscrets, dans le domaine du Petit Trianon, à Versailles. Mais leur relation vacille lors du soulèvement d’un Paris antimonarchique qui contraint la reine et le roi à fuir en juin 1791. Organisée par Fersen, l’évasion prend fin à Varennes. Marie-Antoinette et Louis XVI sont enfermés aux Tuileries. Une relation épistolaire entre Axel de Fersen, réfugié à Bruxelles, et la reine débute alors…

On peut se demander où ils vont chercher ces affirmations. C'est comme pour les pièces dites de Fersen au château de Versailles. Ce ne sont que des suppositions or le film les transforme en affirmations.
Non la fuite n'a pas été organisée par Fersen, mais au départ par le roi de Suède Gustav III puis par Fersen avec la reine et même le roi. Et la maîtresse de Fersen Eléonora Sullivan avec son amant Quintin Crawford, et madame de Korff, bref beaucoup de monde au courant.
Ils auraient pu préciser aussi qu'à Bruxelles Fersen vivait maritalement avec la fameuse Sullivan dont je viens de parler. Ils étaient amants depuis longtemps et ils n'en disent rien dans le film, ce qui est du mensonge par omission. Bien sûr ça jetterait une ombre sur la noblesse de sentiment de Fersen de dire la vérité, qu'il avait des maîtresses en même temps qu'il fréquentait Marie-Antoinette.

Tele7jours a écrit:

La science en action

Mais ces lettres, conservées depuis deux siècles, possèdent de mystérieuses ratures. Pour déchiffrer les mots caviardés, l’équipe de scientifiques du centre de recherche sur la conservation de la Cité de la musique de Paris scanne les précieux documents. Les faisceaux d’une machine ultra-performante vont ainsi se focaliser sur l’encre utilisée et, grâce à un phénomène de fluorescence provoquée par les rayons X, révéler les déclarations d’amour…

Oui voilà, là c'est intéressant et on arrive aux décaviardages qu'on a lus dans le Boudoir, donc des mots très sentimentaux mais qui n'impliquent en rien une relation physique. Aussi des passages politiques ont été caviardés, c'est utile de le rappeler. Bref réduire la relation ambigüe de Marie-Antoinette et Fersen à une bête histoire d'amour c'est trop facile. Il faut analyser plus en profondeur, surtout à savoir pourquoi Fersen avait des maîtresses pendant sa relation avec Marie-Antoinette.
Et le documentaire "historique" laisse toutes ces questions en suspens en simplifiant trop. Ils prennent le grand public pour des idiots incapables de comprendre la complexité des relations à la Cour de France.

Je partage l'avis de Thérèse Béliveau = d'emblée, le film est dirigé vers = "ont-ils couché ?" et maintenu dans cet unique démonstration; certes, c'est romanesque......

Mais "les derniers secrets d'une Reine" étaient, n'en déplaise au grand public bien plus angoissants et cruciaux que cette idylle......en définitive, de Louis XVI à Fersen, on a le sentiment que la figure de Marie-Antoinette est circonscrite entre le feuilleton de deux coucheries..... c'est assez réducteur !
Si l'on s'éloigne un peu en tentant d'étoffer le personnage, hop ! "on" nous ramène illico dans
* ses dépenses
* sa coquetterie
* sa légèreté......

Désespérant.....

Je ne tiens pas Evelyn Lever pour une historienne de valeur;
Autrement profonds sont Simone Bertière, Mona Ozouf, Jean Christian Petitfils et François Furet.....Chez eux, oui, nous trouvons analyses pointues, hypothèses de travail fines et imaginatives, mise à profit de la documentation.....

En ce qui concerne ces "derniers secrets", il y avait, ( excusez du peu !) toute la tragédie finale de la fin de la Monarchie, soient = les communications avec les royautés européennes, la façon de les guider et les orienter avec habileté, sans faire pression de façon trop agressive sur le gouvernement Français ( ce qui n'a pu être évité et a probablement signé la perte du couple Royal, avec l'attaque des Tuileries, et son tragique bain de sang; il y avait le "double jeu" au fil du rasoir entretenu avec Barnave... entres autres......

Ce qui est inexcusable c'est que ces points de la correspondance ont été abordés, puis, esquivés, au profit d'une intrigue sentimentale, finalement sans grand secret, tant les multiples hypothèses émises avaient envisagé tous les cas de figure;

Bref, plus qu'un ratage, une volonté de "distraire" suivant les ragots habituels;

Et l'on s'étonne que les parts d'audience diminuent.....

Pas vu (autre chose à faire) rien raté on dirait.

En fait, comme je l'ai lu en commentaire sur le forum Connaissances de Versailles, ces travaux scientifiques n'ont pas fait avancer la recherche historique sur le point précis de savoir si Marie-Antoinette a eu des relations sexuelles avec le comte Axel de Fersen. Les mots sont maintenant lisibles noir sur blanc mais ils ne nous apprennent rien de plus.

Très juste Monsieur Poirot. Votre raisonnement factuel vous préserve de toute spéculation, et vous avez bien raison

Dame d'atours a écrit:

Très juste Monsieur Poirot. Votre raisonnement factuel vous préserve de toute spéculation, et vous avez bien raison

C'est mon opinion aussi.