31 juillet 1651: Molière à Carcassonne

Dans son ouvrage Molière récemment paru, G. Forestier, professeur à la Sorbonne, retrace la vie du grand écrivain, en apportant des éclairages nouveaux sur les douze années qu’il passa avec sa troupe dans le Midi, spécialement dans notre région.

Loin de l’image du pauvre baladin traînant sa misère de village en petite ville, nous apprenons que ses comédiens concluaient des contrats avec des voituriers qui transportaient leurs meubles et leurs décors. En effet, ils se trouvèrent très vite sous la protection de personnages importants, le comte d’Aubijoux, lieutenant général du roi, puis le prince de Conti, frère du grand Condé, si bien que "l’argent coulait à flots". Aussi bien la troupe ne pouvait se produire que dans des châteaux et de grandes villes, pour des élites attirées par le théâtre en langue française, la plupart des Languedociens ne comprenaient ni ne le parlaient la langue d’oil.

La source la plus importante de financement était cependant les États de Languedoc, sorte d’ancêtre de notre Conseil régional. Réunissant des représentants du clergé, de la noblesse et de certaines villes, cette assemblée tenait une session annuelle. Celles-ci, qui duraient plusieurs mois, étaient l’occasion d’un grand déploiement de fêtes, de festins, de spectacles, de concerts, et les comédiens y tenaient une place importante.


À deux reprises, les États se réunirent à Carcassonne: du 13 février 1648 à mars 1649 et du 31 juillet 1651 à janvier 1652. Il est tentant de penser que Molière et sa troupe jouèrent dans notre ville à ces occasions, mais nous ne disposons d’aucun document pour étayer cette affirmation,

La question se pose d’ailleurs du lieu où ils pouvaient se produire: si les États se retrouvaient au couvent des Augustins, on ne voit pas l’Église accueillir en ce lieu des gens dont elle condamnait le métier. Or, nulle mention n’a été découverte d’un jeu de paume, lieu habituel des représentations, et on ne sait pas si l’hôtel de ville disposait d’une salle assez vaste. Reçus pour gratification et actes notariés abondent par contre dans d’autres villes, nous indiquant dates et lieux des spectacles donnés par la troupe, comme nous le verrons.