Biographies sous forme de journal

Bonjour,

Dans votre post du 28 Mai, vous dites a propos du livre 'Marie-Antoinette, journal d'une reine', no comment.

Je serai curieux de savoir pourquoi. N'avez vous pas aimé le livre? Merci d'avance de votre réponse!

Dans son livre "Le journal d'une Reine", Lever a écrit une sorte de journal intime, en imitant le style de Marie-Antoinette, et lui prétant sa plume comme elle disait.
On a ainsi l'impression de lire un vrai journal écrit par Marie-Antoinette au fil des jours.
Cependant, cet exercice difficile comporte des défauts, dont le principal est que Lever a été obligé par moment d'inventer des choses,ainsi que des manières d'écrire. Elle a, tant qu'elle pu,  utiliser des passages de vrais lettres de Marie-Antoinette, mais elle n'a pas pu le faire tout le temps.

Donc effectivement il faut être conscient qu'il y a de l'interprétation dans ce livre...

De plus, on peut légitimement trouver à la Marie Antoinette de Madame Lever un style gnangnan... un avis que je rejoins tout à fait, d'ailleurs.

Ce livre fourmille de détails qu'on ne trouve que là, donc le travail d'historien sous-tend la structure.

Malheureusement, on s'ennuie à chaque page, tant la Marie Antoinette peinte par Madame Lever dans ce journal est tiède. Pas de passion, peu de battements de coeur, des sentiments et des amitiés sans relief.

Aucune pensée réellement intime, Madame Lever n'a pas osé pousser l'exercice jusque là, sans doute... il en ressort une femme plate et sans relief.

Disons que Lever n'a pas osé je pense faire trop d'interprétation, donc pour les passages inventés par elle qui ne sont pas tirés de vraies lettres, elle est effectivement restée neutre et relativement basique, ce qui est dommage il est vrai...
Mais à sa décharge, elle a utilisé beaucoup de vrais passages de lettres, fort heureusement

Et la Marie Antoinette qui se dégage de sa biographie a nettement plus de poigne !

C'est l'exercice du journal, qui est artificiel pour l'historien et fastidieux pour le lecteur, sans doute.

Oui je pense aussi que c'est un genre extrèmement délicat...mais pour ma part j'avais lu ce livre très tôt, et je n'avais pas encore le recul nécessaire, donc effectivement il ne m'avait pas trop géné...mais si je le relisais maintenant, je suis sûr que certains passages me feront sursauter

En effet, Chou... C'est peut-être un genre qui réussit mieux à la fiction ? Le journal de Marie Antoinette par Victoria Holst ne repose pas sur une telle abondance de sources et n'offre pas ce souci du détail. Il y a beaucoup plus de liebrtés et d'interprétations personnelles. Mais, au final, le personnage est bien plus attachant, et plus proche de l'âme qui se dégage de la correspondance.

Le danger avec les interprétaions, c'est que ça passe ou ça casse. Donc si ça passe effectivement le contrat est rempli mais si ça casse, là tout est raté car on n'y croit plus.
Lever elle a réussi à être entre les 2, elle a choisi la neutralité et un style plutôt "plat" et classique dans ses interprétations, d'où au final ce petit gout amer qui peut ressortir du livre

Dommage que ce soit cette forme qui ait été choisie, en tout cas car, quand on lit certaines précisions (l'érysipèle, le médecin aidant aux ébats...) on aimerait des notes en bas de page !

Oui c'est vrai...ce n'est pas le livre qu'il faut lire en premier en fait...

Pimprenelle/Chou,

Merci de vos avis éclairés sur ce livre d'Evelyne Lever. J'avoue que quand j'ai lu ce journal il y'a quelques années maintenant, je me rappelle ne pas l'avoir lu d'une traite. Je le laissais pendant plusieurs semaines et ensuite le reprenais, et m'arretais, et le reprenais. C'était donc peut-etre un signe! Cependant, j'avoue que j'aime beaucoup ce style d'écriture: lorsque la narration est a la premiere personne on se sent plus pres du personnage.
D'ailleurs a ce propos vous souvenez vous du livre de la comtesse de Paris 'Moi, Marie-Antoinette', paru dans les années 90 je crois. Je ne l'avais pas trouvé trop mal.

Pour moi, on ne peut pas comparer le livre de la comtesse de Paris à celui d'Evelyne Lever. Le roman de la comtesse de Paris n'apporte rien de neuf. En revanche, si la forme ne réussit pas à Madame Lever, son journal fourmille de détails inédits. C'est cela qu'il a d'intéressant.

Le roman de la Comtesse de Paris est superficiel...C'est un ouvrage de seconde main, qui reprend à la première personne les évènements étudiés plus sérieusement par de vrais historiens. Il a perdu toute crédibilité, lorsqu'elle fait dire à Marie-Antoinette : "ce cher Monsieur Blondinet"...

Bien à vous.

Je ne suis pas tout a fait d'accord Pimprenelle. Meme si l'ouvrage d'Evelyne Lever nous donne plus de détails inédits (et là on reconnaît incontestablement le travail de recherche de l'historienne), il est dans la même veine que ceux de la comtesse de Paris, Victoria Holt, Sena Jeter Naslund et al. Ces livres ont pour but d'attirer un public plus large, pour lui faire aimer Marie-Antoinette. Ensuite s'il accroche, ce même public peut choisir de s'attaquer à des ouvrages plus 'sérieux'.
En ce qui me concerne, j'ai fait le chemin inverse, je n'avais pas 18 ans que j'avais déja lu l'ouvrage de de Stefan Zweig et ceux de Lenôtre. C'est sur le tard que j'ai découvert les 'romans'. C'est vrai que des fois certains passages vous font sursauter, comme par exemple chez Gérard Méssadié, quand Marie-Antoinette, Madame Elisabeth et Marie-Thérèse se retrouvent toutes les trois à la conciergerie! Quelle horreur!

Là, non plus, il ne faut pas tout mélanger ! Disons que le seul intérêt du journal publié par Madame Lever est qu'il contient du matériel sérieux. Malheureusement puisque, comme vous dites, il a un but commercial, il se permet aussi des énormités comme l'anecdote Lauzun et autres sucreries romantiques.

Le livre de Messadié ou celui de Poivres d'Arvors, c'est encore un autre créneau ! Et, là, je ne vois qu'une destination : la poubelle !

Le "journal d'une reine" écrit par Evelyne Lever est publié en édition de poche :



Présentation de l'éditeur:
Frivole et sentimentale, animée d'un irrésistible désir de plaire et d'être aimée, indépendante, vive, passionnée, Marie Antoinette se raconte au fil des jours. Avec une spontanéité parfois désarmante, elle confie à son journal ses joies, ses déceptions, sa recherche effrénée des plaisirs, son amour secret pour le comte Fersen, mais aussi les rivalités de cour et les intrigues politiques. On suit pas à pas sa destinée singulière et tragique, depuis son arrivée à Versailles, à l'âge de 15 ans, jusqu'à l'effondrement de la monarchie, en 1792. Grâce à ce journal imaginaire de Marie-Antoinette, Evelyne Lever offre la plus vivante des leçons d'histoire.

Je l'ai déjà dans l'édition originale, mais je l'ai rachetée dans celle-ci. C'est plus pratique à transporter... en vacances, dans les queues des magasins...

Nous avons déjà débattu de ce livre. Il vaut surtout, pour moi, par les informations distillées tout au long des pages.

Tu l'as racheté? Mais je croyais que tu ne l'avais pas vraiment apprécié ce livre non?

Pour ma part je l'ai lu il y a longtemps, mais j'en garde un souvenir disons mitigé...il faut le lire en ayant conscience que le style est inventé

Oui, je suis d'accord avec toi. Mais ce livre contient des infos qu'on ne trouve pas ailleurs. C'est dû à sa forme : pas évident de trouver des événements au jour le jour, donc, Evelyne Lever ratisse large et entre dans les détails, comme les traitements médicaux, pas exemple, l'état de santé...

Relu entre deux rendez-vous avec les chats... La grande qualité de cet ouvrage ? Il est plus maniable que l'édition précédente.

Pendant un certain temps, il m'a moins déplu qu'à la première lecture, je m'amusais à y retrouver les sources citées texto, distillées çà et là. Mais, très vite, Madame Lever s'emballe et je dirai même s'enferre dans les ferseniaiseries, jusqu'à l'indigestion et, pire, jusqu'à l'invraisemblance.

Je doute en effet que, au plus fort de la maladie du dauphin, Marie Antoinette ait pensé à la réception du comte à Versailles... Mais, entre le poêle suédois et les considérations politiques, on laisse peu de place à la mort de son fils. L'essentiel, pourtant, hélas.

Mais, bon... On comprend un peu Madame Lever, elle a besoin de sources. Alors, elle va puiser un peu partout, dans les lettres d'Antoinette, bien sûr, mais aussi chez Bombelles, Fersen, Lauzun... De là, peut-être, le gonflement d'événements mineurs et la prise en compte de faits plus que douteux ?

On déplorera ainsi quelques choix d'édition. Pourquoi avoir laissé dans l'ombre Madame de Lamballe ou les princesses de Hesse-Darmstadt, dont la visite à Versailles aurait pu constituer un intermède intéressant... et authentique, puisque nous avons toute une correspondance très vivante à ce sujet.

Ah... un détail, encore, qui m'a bien fait rire : Madame Lever cite un passage de la lettre du 29 décembre 1789 à Madame de Polignac, en réalité : "Si mon coeur ne tenait pas par des liens aussi forts à mes enfants, à vous et à 2 amis que j'ai, souvent je désirerais succomber". Nous avions déjà la version des Goncourt et de Chalon : "Si mon coeur ne tenait pas par des liens aussi forts à mes enfants, mon mari...". Voici l'adaptation du crû d'Evelyne Lever : "Si mon coeur ne tenait pas par des liens aussi forts à mes enfants, au roi et à Lui..."

Madame Lever n'aurait-elle toujours pas lu la correspondance de Marie Antoinette ?

Eh bien...sache que j'ai quand même fini par acquérir ce livre que je me refusais d'avoir dans ma bibliothèque...et tes critiques (antérieures à celles d'aujourd'huy, du moins ) n'y sont pas pour rien, Pim

Bien à vous.

Ben... c'est amusant, en fait... On peut faire comme avec le film de miss Coppola, tu sais, le jeu des 7 erreurs, mais l'inverse. Chercher les trucs vrais, et d'où ils proviennent.

De là à prétendre que Madame Lever nous offre, comme l'affirme la quatrième de couverture, "la plus vivante des leçons d'histoire", il y a loin...

Et puis il faut reconnaître que dans ce livre on retrouve beaucoup beaucoup de vrais passages écrits par Marie-Antoinette...parmis des inventions, et je m'étais aussi amusé à reconnaître le vrai du faux

Oui, mais quand une historienne se permet de modifier un texte authentique pour l'arranger à sa convenance, est-ce bien orthodoxe, ça ? Y a une section "bidouillage de sources", dans les universités de France ?

Disons que Lever s'est mise à l'abris en précisant bien en introduction qu'il s'agit d'un journal fictif, à partir de là elle annonce la couleur et ne trompe personne
Mais sinon oui ce livre n'a rien d'une étude sérieuse, il est juste amusant à lire, car on peut vraiment par moment s'imaginer en train de lire un journal de Marie-Antoinette.

Citation :

on peut vraiment par moment s'imaginer en train de lire un journal de Marie-Antoinette.

Eh bien je ne trouve pas, justement... Ce journal levérien est d'une grande platitude, en dépit des passages authentiques qui l'émaillent. Or, la correspondance de Marie Antoinette dégage bien autre chose, de plus essentiel, de plus viscéral que cette morne prose.

Par exemple, la lettre à Madame de Tourzel, qui décrit la psychologie du dauphin, m'a frappée. Au milieu des neuneuseries, elle fait l'effet d'un joyau.